Contrat de Location d’emplacement publicitaire : les exonérations pour Covid 19

·

·

Contrat de Location d’emplacement publicitaire : les exonérations pour Covid 19
Ce point juridique est utile ?

La pandémie de Covid-19 n’a pas paralysé l’économie dans le secteur de la publicité extérieure en 2021. En conséquence la clause d’exonération de paiement de redevance publicitaire pour “paralysie de l’économie” n’est pas applicable.

A toutes fins utiles, la clause suivante peut être utilisée :

« En cas d’impossibilité d’exploitation de l’un et/ou l’autre des emplacements autre que par le fait du bailleur, notamment dans les cas suivants :

. Perte de visibilité totale ou partielle, masquage ;

. Perte de valeur de l’emplacement, notamment consécutif à une modification de l’intensité, au changement du sens de la circulation sur la ou les voies publiques d’où est visible l’emplacement publicitaire, ou en cas de déviation ;

. Modification des conditions d’exploitation en raison de disposition législatives, réglementaires ou fiscales, d’une décision administrative ou judiciaire ;

. Interdiction liée à la réglementation locale de publicité ou d’urbanisme ;

– Risque d’atteinte à la sécurité des biens et des personnes ;

– Tout événement paralysant l’activité économique, guerre ;

– Toute crise sanitaire.

Le preneur pourra, selon le caractère définitif ou non et l’étendue de l’impossibilité, soit résilier la convention, s’agissant de l’emplacement concerné, soit en suspendre les effets, soit encore conserver l’utilisation partielle des lieux, la redevance étant alors réduite(s) au prorata des surfaces inutilisables et de la durée de non jouissance de l’emplacement concerné ».

Par ailleurs, l’article 1195 du code civil dispose que si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations pendant la négociation.

En cas de refus ou d’échec de la négociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat à la date ou aux conditions qu’elles déterminent ou demander, d’un commun accord, au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin à la date ou aux conditions qu’il fixe.

Là non plus, la société JC Decaux n’a pas réussi à démontrer en quoi la pandémie de Covid-19 a rendu excessivement onéreuse pour elle l’exécution de la convention de louage d’emplacement publicitaire qu’elle a conclue avec l’établissement publique HABITAT – OPH.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne un litige entre la société JCDECAUX et l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH concernant un contrat de louage d’emplacement publicitaire conclu en 2017. En raison de la crise sanitaire de la Covid-19, la société JCDECAUX a demandé une exonération de la redevance au titre de l’exercice 2021, ce qui a été refusé par l’établissement public. La société a alors saisi le tribunal judiciaire de Paris pour demander l’annulation de l’exigence d’un préavis de 3 mois, une indemnité correspondant à deux mois de redevance, et éventuellement la résiliation du contrat. L’établissement public a contesté ces demandes et a demandé une indemnité d’occupation en cas de résiliation rétroactive du contrat. L’affaire a été mise en délibéré pour le 15 février 2024.

Les points essentiels

Rejet de la demande principale fondée sur l’article 3.3 du contrat

La société JCDECAUX a demandé une indemnité de 469 768 euros correspondant à deux mois de redevance en invoquant l’article 3.3 du contrat de louage d’emplacement publicitaire. Cependant, la pandémie de Covid-19 n’a pas paralysé l’économie dans le secteur de la publicité extérieure en 2021, ce qui rend l’application de cet article inappropriée.

Rejet de la demande subsidiaire en vertu de l’article 1195 du code civil

La société JCDECAUX a également demandé une révision du contrat en se basant sur l’article 1195 du code civil. Cependant, elle n’a pas démontré que la crise sanitaire du Covid-19 rendait l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour elle. Par conséquent, cette demande est rejetée.

Rejet de la demande de résiliation formulée à titre infiniment subsidiaire

La demande de résiliation du contrat formulée par la société JCDECAUX à titre infiniment subsidiaire est rejetée, car aucune inexécution grave de l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH n’a été établie. De plus, aucune résiliation ne peut être prononcée en vertu de l’article 1195 du code civil.

Condamnation de la société JCDECAUX à payer des frais accessoires

La société JCDECAUX est condamnée à payer à l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens, conformément à l’article 700 du code de procédure civile.

Les montants alloués dans cette affaire: – Somme de 3 000 euros allouée à l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– Frais de justice à la charge de la société JCDECAUX

Réglementation applicable

– Article 1103 du code civil
– Article 3.3 du contrat de louage d’emplacement publicitaire
– Article 1195 du code civil
– Article 1224 du code civil
– Article 700 du code de procédure civile

Texte de l’article 1103 du code civil:
“Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.”

Texte de l’article 3.3 du contrat de louage d’emplacement publicitaire:
[Texte reproduit dans la demande principal]

Texte de l’article 1195 du code civil:
“Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations pendant la négociation.
En cas de refus ou d’échec de la négociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat à la date ou aux conditions qu’elles déterminent ou demander, d’un commun accord, au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin à la date ou aux conditions qu’il fixe.”

Texte de l’article 1224 du code civil:
“Aucune résiliation du contrat ne peut être prononcée en cas d’inexécution non essentielle de l’obligation, à moins que le débiteur n’ait été mis en demeure d’exécuter dans un délai raisonnable et qu’il n’ait pas remédié à son défaut.”

Texte de l’article 700 du code de procédure civile:
“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Jean-Didier MEYNARD
– Maître Céline SABATTIER

Mots clefs associés & définitions

– Contrat de louage d’emplacement publicitaire
– Article 1103 du code civil
– Article 3.3 du contrat
– Pandémie de Covid-19
– Impossibilité d’exploitation
– Perte de visibilité
– Perte de valeur de l’emplacement
– Modification des conditions d’exploitation
– Interdiction liée à la réglementation locale
– Risque d’atteinte à la sécurité
– Activité économique paralysée
– Réduction de redevance
– Article 1195 du code civil
– Changement de circonstances imprévisible
– Exécution excessivement onéreuse
– Renégociation du contrat
– Adaptation du contrat
– Révision du contrat
– Réexécution du contrat
– Exonération de redevance
– Résiliation du contrat
– Inexécution grave
– Frais irrépétibles
– Article 700 du code de procédure civile
– Contrat de louage d’emplacement publicitaire: contrat par lequel une partie loue un espace publicitaire à une autre partie pour y afficher des messages publicitaires.
– Article 1103 du code civil: article du code civil qui définit la notion de contrat comme un accord de volontés entre deux ou plusieurs parties destiné à créer des obligations.
– Article 3.3 du contrat: clause spécifique du contrat qui précise les modalités de résiliation ou de modification du contrat.
– Pandémie de Covid-19: épidémie mondiale de coronavirus ayant entraîné des mesures de confinement et de restriction des déplacements.
– Impossibilité d’exploitation: situation dans laquelle il est impossible pour une partie d’exploiter l’emplacement publicitaire loué en raison de circonstances imprévues.
– Perte de visibilité: diminution de la visibilité de l’emplacement publicitaire due à des changements dans l’environnement ou la réglementation.
– Perte de valeur de l’emplacement: diminution de la valeur commerciale de l’emplacement publicitaire en raison de circonstances imprévues.
– Modification des conditions d’exploitation: changement des conditions initiales du contrat de louage d’emplacement publicitaire.
– Interdiction liée à la réglementation locale: interdiction légale d’exploiter l’emplacement publicitaire en raison de la réglementation locale.
– Risque d’atteinte à la sécurité: situation dans laquelle l’exploitation de l’emplacement publicitaire présente un risque pour la sécurité des personnes ou des biens.
– Activité économique paralysée: arrêt complet de l’activité économique en raison de circonstances imprévues.
– Réduction de redevance: diminution du montant de la redevance due en raison de circonstances imprévues.
– Article 1195 du code civil: article du code civil qui prévoit la possibilité de renégocier un contrat en cas de changement de circonstances imprévisible.
– Changement de circonstances imprévisible: événement imprévisible qui rend l’exécution du contrat excessivement onéreuse ou impossible.
– Exécution excessivement onéreuse: situation dans laquelle l’exécution du contrat entraîne des coûts disproportionnés par rapport aux avantages attendus.
– Renégociation du contrat: processus de négociation visant à modifier les termes du contrat initial en cas de changement de circonstances imprévisible.
– Adaptation du contrat: modification des termes du contrat pour s’adapter à de nouvelles circonstances.
– Révision du contrat: examen des termes du contrat en vue de les modifier ou de les adapter à de nouvelles circonstances.
– Réexécution du contrat: mise en œuvre d’une nouvelle exécution du contrat pour pallier une inexécution antérieure.
– Exonération de redevance: dispense de paiement de la redevance due en raison de circonstances imprévues.
– Résiliation du contrat: résiliation anticipée du contrat en raison d’une inexécution grave ou d’un changement de circonstances imprévisible.
– Inexécution grave: non-respect important des obligations contractuelles par l’une des parties.
– Frais irrépétibles: frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire qui ne peuvent être récupérés auprès de la partie adverse.
– Article 700 du code de procédure civile: article du code de procédure civile qui prévoit la possibilité pour le juge d’allouer une somme à la partie gagnante pour ses frais irrépétibles.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 février 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
22/11447
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditionsexécutoires
Maître Jean-Didier MEYNARD
Maître Céline SABATTIER
+ 1 copie dossier
délivrées le :

5ème chambre 2ème section

N° RG 22/11447
N° Portalis 352J-W-B7G-CXRM3

N° MINUTE :

Assignation du :
14 Septembre 2022

JUGEMENT
rendu le 15 Février 2024
DEMANDERESSE
JCDecaux France, société par actions simplifiée au capital social de 8 241 669,67 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 622 044 501, dont le siège social est situé [Adresse 1], prise en la personne de ses représentants légaux, ci-après « JCDecaux »

représentée par Maître Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0240

DÉFENDERESSE
[Localité 3] HABITAT, Office Public de l’Habitat, Etablissement public à caractère industriel et commercial immatriculé au RCS de Paris
sous le numéro 344 810 825, dont le siège est situé [Adresse 2]. Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
domiciliés, en cette qualité, audit si

[Localité 3] HABITAT, Office Public de l’Habitat, Etablissement public à caractère industriel et commercial immatriculé au RCS de Paris sous le numéro 344 810 825, dont le siège est situé [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
domiciliés, en cette qualité, audit siège.

représentée par Maître Céline SABATTIER de la SELARL PEYRICAL & SABATTIER ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #D1441
Décision du 15 Février 2024
5ème chambre 2ème section
N° RG 22/11447 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXRM3

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Antoine de MAUPEOU, Premier Vice-Président adjoint
Antoinette LE GALL, Vice-Présidente
Christine BOILLOT, Vice-Présidente

assistés de Nadia SAKHI, Greffière lors des débats et de Catherine BOURGEOIS, Greffière lors de la mise à disposition.

DEBATS

A l’audience du 21 Décembre 2023, tenue en audience publique, double rapporteur, rapport a été fait par Antoine de MAUPEOU, Premier Vice-Président adjoint, en application de l’article 815 du code de procédurecivile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 15février 2024.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

A l’issue d’une procédure d’appel d’offres conduite au cours de l’année 2017, la société par actions simplifiée (SAS) JCDECAUX et l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH ont conclu un contrat de louage d’emplacement publicitaire en date du 8 novembre 2017 pour une durée ferme de six ans à compter du 1er janvier 2018 et pouvant être reconduite tacitement par la suite.

En application de cette convention, la société JCDECAUX a joui du droit d’exploiter les 120 emplacements publicitaires listés en annexe au contrat, en contrepartie du paiement d’une redevance annuelle fixée à 21 000 euros par panneau initial et à 18 000 euros pour les éventuels panneaux supplémentaires. Cinq emplacements publicitaires ont été pris en location en cours d’exécution de la convention, portant le nombre total de panneaux à 125.

En 2020, en raison de la pandémie de Covid-19, l’état d’urgence sanitaire a été instauré par la loi n°2020-290 du 23 mars 2020. Diverses mesures ont été adoptées dans ce cadre, dont un “confinement” ayant duré en tout 102 jours sur l’année 2020, et des mesures de couvre-feu limitant les déplacements le soir et la nuit.

A la suite de délibérations adoptées par le Conseil de la Ville de [Localité 3] en dates des 15, 16 et 17 décembre 2020, le conseil d’administration de l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH s’est prononcé le 21 janvier 2021 en faveur d’une exonération de trois mois de redevance au titre de l’exercice 2020 pour ses trois contrats d’exploitation de panneaux publicitaires, dont celui conclu avec la société JCDECAUX.

Après divers échanges, l’établissement [Localité 3] HABITAT – OPH et la société JCDECAUX ont conclu le 19 mars 2021 un avenant aux termes duquel l’établissement [Localité 3] HABITAT – OPH a consenti à la société JCDECAUX une exonération de trois mois de redevance annuelle hors taxe au titre de l’exercice 2020, soit un montant de 733 291 euros.

Considérant que la crise sanitaire de la Covid-19 et les mesures sanitaires adoptées ont perduré en 2021, la société JCDECAUX s’est rapprochée de l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH, qui a refusé d’accorder une nouvelle exonération de la redevance annuelle au titre de l’exercice 2021.

Par courrier du 29 décembre 2021, la société JCDECAUX a demandé à l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH une “renégociation des termes du contrat”.

L’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH n’a pas donné suite à cette demande.

Par exploit d’huissier du 14 septembre 2022, la société JCDECAUX FRANCE a fait assigner l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH devant le tribunal judiciaire de Paris.

La société JCDECAUX FRANCE, dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 8 août 2023, demande au tribunal judiciaire de Paris, au visa des articles 1171 et 1195 du code civil, L.442-1,2° et L.442-4, I du code de commerce et 700 du code de procédure civile, de :
à titre principal :
juger que les conditions de mise en oeuvre de l’article 3.3 du contrat conclu avec l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH sont réunies, que la crise sanitaire de la Covid-19 constitue un cas paralysant la vie économique au sens de l’article 3.3 du contrat, et que le préavis de 3 mois imposé à JCDECAUX par l’article 3.3 du contrat constitue un déséquilibre significatif dans les droits et obligations de chacune des parties;annuler l’exigence d’un préavis de 3 mois pour la mise en oeuvre de l’article 3.3 du contrat;condamner l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH à lui verser une indemnité correspondant à deux mois de redevance annuelle hors taxes, soit 469 768 euros;à titre subsidiaire,
juger que la crise sanitaire de la Covid-19 constitue un événement imprévisible ayant bouleversé l’économie du contrat conclu avec l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH;réviser le contrat conclu avec cet établissement public avec effet au 1er janvier 2021 en allouant à la société JCDECAUX une indemnité correspondant à deux mois de redevance annuelle hors taxes, soit 469 768 euros;à titre infiniment subsidiaire,
résilier le contrat conclu avec l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH avec effet au 1er janvier 2021;en tout état de cause,
débouter l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH de l’ensemble de ses demandes et prétentions;condamner l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH à lui verser la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens de l’instance ;dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
A titre principal, la société demanderesse argue de ce que la crise sanitaire de la Covid-19 relève de l’article 3.3 du contrat, en ce qu’elle constitue un événement paralysant la vie économique, ce qu’aurait admis l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH par la délibération de son conseil d’administration accordant des exonérations de redevance en 2021 au titre de l’exercice 2020. En outre, le seul fait pour elle d’avoir pu apposer des affiches sur les emplacements du domaine de l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH n’emporterait pas impossibilité d’appliquer l’article 3.3 du contrat. La demanderesse relève que le formalisme prescrit par l’article 3.3 est inopposable en ce qu’il constitue un déséquilibre significatif au sens des articles L.442-1, I, 2° et L.442-4, I du code de commerce. Elle soutient que ces articles sont applicables à l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH en ce que cet établissement exerce une activité économique de production, de distribution ou de service indépendamment de sa forme juridique et de son mode de financement. Selon elle, la condition de soumission est remplie par l’absence de négociabilité du contrat conclu. Elle relève également que les conditions de suspension dudit contrat diffèrent selon que la demande émane d’elle-même ou de l’établissement [Localité 3] HABITAT – OPH, ce qui constitue un déséquilibre significatif.

A titre subsidiaire, elle considère que l’article 1195 du code civil est applicable, et que les conditions pour sa mise en oeuvre sont réunies. L’article 1195 du code civil constituerait un mécanisme complémentaire à l’article 3.3 du contrat, applicable pour pallier une perte de chiffre d’affaires. La société JCDECAUX considère que la crise sanitaire de la Covid-19 constitue un changement de circonstance imprévisible lui ayant rendu l’exécution du contrat excessivement onéreuse, et ce alors même qu’elle n’a pas entendu supporter le risque financier dans le cadre de ce contrat. Elle indique de plus que l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH a refusé toute renégociation du contrat.

A titre infiniment subsidiaire, la société JCDECAUX considère que, dans l’hypothèse de la résiliation judiciaire du contrat qu’elle sollicite, elle ne saurait être condamnée au remboursement des recettes encaissées postérieurement à cette résiliation, et ne saurait devoir verser à l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH une quelconque indemnisation.

L’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH, par dernières conclusions récapitulatives signifiées de la même manière le 1er juin 2023, demande au tribunal judiciaire de Paris de :

à titre principal :
rejeter dans tous leurs moyens et conclusions, les demandes de la société JCDECAUX;à titre subsidiaire, si le principe d’une résiliation rétroactive devait être retenu :
condamner la société JCDECAUX à lui verser une indemnité d’occupation de 21 000 euros par an et par emplacement occupé postérieurement à la résiliation;en toutes hypothèses,
condamner la société JCDECAUX à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’établissement public défendeur invoque l’absence de réunion des conditions d’application de l’article 3.3 du contrat. Elle argue que l’article 3.3 du contrat ne prévoit pas la possibilité de renégocier rétroactivement le montant de la redevance, et que la société JCDECAUX n’a fait usage d’aucune des trois options prévues au contrat (résiliation, suspension ou conservation partielle des lieux avec une redevance réduite au prorata des surfaces inutilisables et de la durée de non-jouissance) avec préavis de trois mois suivant l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Elle reproche également à la société JCDECAUX de ne pas avoir respecté le formalisme imposé par l’avant-dernier alinéa de l’article 3.3 du contrat pour demander la renégociation des termes de cette convention. Elle indique enfin que la société demanderesse ne démontrerait aucune impossibilité d’exploiter les emplacements publicitaires. L’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH conteste également l’application des articles L.442-1 et L442-4 du code de commerce à son encontre, au motif qu’elle n’aurait pas agi, dans le cadre du contrat passé avec la société JCDECAUX comme une personne “exerçant des activités de production, de distribution ou de services” et qu’il n’existerait aucun déséquilibre significatif résultant d’une supposée absence de réciprocité des obligations contractuelles.

A titre subsidiaire, l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH conteste l’applicabilité de l’article 1195 du code civil au contrat conclu avec la demanderesse, au motif que cet article n’est pas d’ordre public et que les parties ont entendu déterminer elles-mêmes les conditions dans lesquelles le contrat pourrait faire l’objet d’aménagements. L’établissement public défendeur considère que la société demanderesse ne démontre pas que les diverses mesures de police restrictives de la liberté de circulation ont rendu “excessivement onéreuse” l’exécution de ses obligations par la société JCDECAUX. Enfin, il affirme que la remise exceptionnelle de loyer d’un montant de 733 291 euros octroyée au titre de l’exercice 2020 ne confère aucun droit à la société JCDECAUX au titre de l’année 2021.

A titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse d’une résiliation judiciaire du contrat, l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH affirme que le juge ne peut pas fixer la date de résiliation de façon rétroactive. Il ajoute que cette résiliation lui causerait un préjudice du fait de l’impossibilité d’avoir pu exploiter les emplacements depuis le 1er janvier 2021 en raison de l’occupation de JCDECAUX, qui serait alors requalifiée d’occupation sans droit ni titre. Elle demande, à titre subsidiaire, la condamnation de la société demanderesse à lui verser une indemnité d’occupation en réparation de ce préjudice.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus complet de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2023. L’affaire a été renvoyée à l’audience collégiale du 21 décembre 2023. Elle a été mise en délibéré au 15 février 2024.

MOTIFS :

Sur la demande principal fondée sur l’article 3.3 du contrat conclu le 8 novembre 2017 :

Selon l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 3.3 du contrat de louage d’emplacement publicitaire conclu le 8 novembre 2017 entre la société JCDECAUX et l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH est libellé comme suit :

« En cas d’impossibilité d’exploitation de l’un et/ou l’autre des emplacements autre que par le fait du bailleur, notamment dans les cas suivants :

. Perte de visibilité totale ou partielle, masquage ;

. Perte de valeur de l’emplacement, notamment consécutif à une modification de l’intensité, au changement du sens de la circulation sur la ou les voies publiques d’où est visible l’emplacement publicitaire, ou en cas de déviation ;

. Modification des conditions d’exploitation en raison de disposition législatives, réglementaires ou fiscales, d’une décision administrative ou judiciaire ;

. Interdiction liée à la réglementation locale de publicité ou d’urbanisme ;

. Risque d’atteinte à la sécurité des biens et des personnes ;

. Tout événement paralysant l’activité économique, guerre ;

Le preneur pourra, selon le caractère définitif ou non et l’étendue de l’impossibilité, soit résilier la convention, s’agissant de l’emplacement concerné, soit en suspendre les effets, soit encore conserver l’utilisation partielle des lieux, la redevance étant alors réduite(s) au prorata des surfaces inutilisables et de la durée de non jouissance de l’emplacement concerné ».

La société JCDECAUX soutient que la pandémie de Covid-19 est un événement ayant paralysé l’activité économique au cours de l’année 2021. Elle demande en conséquence une indemnité de 469 768 euros correspondant à deux mois de redevance.

Elle verse aux débats un article de presse selon lequel l’activité de publicité extérieure aurait régressé de 18,8% en 2021 par rapport à 2019. Cet article fait état d’une régression de l’activité par rapport à 2019 et non d’une paralysie – c’est-à-dire d’un arrêt – de cette activité. En outre, il indique que l’activité dont s’agit a repris du dynamisme par rapport à 2020, augmentant de 21,6% par rapport à cette année.

Cet article de presse ne prouve pas que la pandémie de Covid-19 a paralysé l’économie dans le secteur de la publicité extérieure en 2021.

L’article 3.3 du contrat signé le 8 novembre 2017 ne trouve donc pas à s’appliquer.

Sur la demande formulée à titre subsidiaire en vertu de l’article 1195 du code civil :

La société JCDECAUX invoque, à titre subsidiaire, les dispositions de l’article 1195 du code civil en arguant de ce que la crise sanitaire du Covid-19 a rendu trop onéreuse l’exécution des obligations prévues au contrat qu’elle a signé avec l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH. Elle demande une révision de ce contrat et l’allocation de la somme de 469 768 euros représentant deux mois de redevance.

L’article 1195 du code civil dispose que si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations pendant la négociation.

En cas de refus ou d’échec de la négociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat à la date ou aux conditions qu’elles déterminent ou demander, d’un commun accord, au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin à la date ou aux conditions qu’il fixe.

L’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH fait valoir que ce texte n’est pas d’ordre public et qu’il est inapplicable en l’espèce, le contrat qu’il a conclu avec la société JCDECAUX prévoyant des possibilités d’adaptation en cas de difficulté.

Certes, l’article 1195 du code civil n’est pas d’ordre public mais le contrat conclu entre les parties à l’instance ne s’applique à sa place que pour autant qu’il ait prévu l’hypothèse qu’il vise.

Or, l’article 3.3 de la convention du 8 novembre 2017 ne prévoit pas le cas d’un événement qui rendrait l’exécution de ce contrat excessivement onéreuse. Il y a donc lieu de faire application de 1195 du code civil.

La société demanderesse ne démontre pas en quoi la pandémie de Covid-19 a rendu excessivement onéreuse pour elle l’exécution de la convention de louage d’emplacement publicitaire qu’elle a conclue avec l’établissement publique [Localité 3] HABITAT – OPH.

Les divers articles de presse qu’elle verse aux débats ne l’établissent pas. Il en est de même de l’attestation de son commissaire aux comptes faisant état d’un résultat comptable net négatif de 1 069 milliers d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2021. En effet, dans son attestation, le commissaire aux comptes n’indique pas les causes de ce déficit. De plus cette attestation fait apparaître que la société JCDECAUX était déjà en déficit depuis 2019, ce qui tend à prouver que ses problèmes économiques ne sont pas liés à la pandémie de Covid-19. Le tableau qu’elle produit en pièce numéro 12 montrant des pertes de chiffre d’affaire en 2021 n’est pas non plus probant dans la mesure où il n’est accompagné d’aucune mention indiquant de qui il émane.

La condition requise par l’article 1195 du code civil n’étant pas remplie, la demande formulée à titre subsidiaire par la société JCDECAUX sur le fondement de ce texte sera rejetée.

Le fait que l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH ait octroyé à la société JCDECAUX une exonération de redevance à hauteur de 733 291 euros pour l’année 2020 ne donne pas le droit à la société JCDECAUX d’obtenir une telle exonération au titre de l’année 2021. En effet, cette exonération a été accordée dans des circonstances différentes puisqu’en 2020, la pandémie de Covid-19 était beaucoup plus virulente qu’en 2020 et les mesures prises pour l’enrayer beaucoup plus drastiques.

Sur la demande de résiliation formulée à titre infiniment subsidiaire :

A titre infiniment subsidiaire, la société JCDECAUX formule une demande de résiliation du contrat conclu avec l’établissement public défendeur, mais elle ne la motive pas. Aucune inexécution grave de l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH au sens de l’article 1224 du code civil n’étant établie ni même alléguée, cette demande sera rejetée. Aucune résiliation du contrat ne peut non plus être prononcée sur le fondement de l’article 1195 du code civil, la condition requise par ce texte pour qu’il soit mis fin au contrat n’étant pas remplie.

Sur les demandes accessoires :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH les frais irrépétibles non compris dans les dépens. En conséquence, la société JCDECAUX sera condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant, la société JCDECAUX sera déboutée de la demande qu’elle formule sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS 

Le tribunal, statuant publiquement et contradictoirement, par jugement mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Déboute la société JCDECAUX de l’ensemble de ses demandes,

La condamne à payer la somme de 3 000 à l’établissement public [Localité 3] HABITAT – OPH sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens,

Fait et jugé à Paris le 15 Février 2024

Le GreffierLe Président

Catherine BOURGEOISAntoine de MAUPEOU


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x