La preuve de défaillances techniques d’un matériel (boitiers connectés de véhicules) ne suffit pas à elle seule à résilier le contrat de location.
En l’espèce, si plusieurs défaillances techniques ont certes été signalées par la société Help à la société Masternaut quant aux boîtiers installés sur sa flotte de véhicules, elles ont fait l’objet d’un traitement rapide de la société intimée. La persistance de la société Help à ne pas régler les factures pour des montants importants a conduit la société Masternaut à menacer de suspendre les services dispensés puis à interrompre effectivement leur délivrance. La société intimée n’étant plus réglée la société Help ne peut lui faire grief de ne pas avoir, par la suite, répondu de façon diligente à ses demandes comme en atteste l’un des courriels relatés ci-dessus qui conditionne l’intervention du SAV à l’aval du service recouvrement, compte tenu des factures demeurant impayées. Il en ressort qu’échouant à démontrer un manquement suffisamment grave justifiant une résiliation, la société Help a été déboutée de sa demande de dommages-intérêts (résiliation des contrats aux torts de la société Help). |
Résumé de l’affaire : La société Masternaut, spécialisée en géolocalisation, a conclu dix contrats de services avec la société Help pour le suivi de sa flotte de véhicules entre juin 2016 et août 2017. Ces contrats, d’une durée minimale de vingt-quatre mois, ont été affectés par des problèmes de paiement de la part de Help, entraînant des relances et une menace de suspension des services par Masternaut. En mars 2018, Masternaut a suspendu ses services pour défaut de paiement, et Help a contesté les factures, évoquant des dysfonctionnements et des factures non justifiées.
Masternaut a alors demandé une injonction de payer, obtenant gain de cause en juillet 2020, avec une ordonnance condamnant Help à payer des sommes dues. Help a fait opposition, et l’affaire a été portée devant le tribunal de commerce de Paris, qui a confirmé la créance de Masternaut et constaté la résiliation des contrats aux torts de Help en mars 2022. Help a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de ses propres créances contre Masternaut. Les deux parties ont formulé des demandes en appel, Masternaut cherchant à confirmer le jugement initial et Help à obtenir des condamnations à son profit. Le jugement d’appel a confirmé certaines décisions tout en modifiant les montants dus par Help, notamment en ce qui concerne la créance principale, la clause pénale et l’indemnité forfaitaire. Help a été condamnée à payer des sommes réduites à Masternaut, ainsi qu’à des dépens et des frais de procédure. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2024
(n° , 12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/08321 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFXCB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2022 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2020056567
APPELANTE
S.A.R.L. HELP
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1] France
immatriculée au RCS de NICE sous le numéro 305 165 342
Représentée par Me Alexandre ALBERTINI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0669
INTIMEE
S.A.S. MASTERNAUT
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Adresse 2]
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 419 476 593
Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Assistée de Me Xavier HOFMAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Denis ARDISSON, Président de chambre,
Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, conseillère,
Madame CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère,
Qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
La société Masternaut est un des leaders européens des services de géolocalisation et de télématique embarquée. La société Help exerce dans les domaines du dépannage et du transport de véhicules.
Entre juin 2016 et août 2017, la société Help a souscrit auprès de la société Masternaut dix contrats de services ayant pour objet le suivi et la géolocalisation de sa flotte de véhicules consistant notamment à enregistrer, au moyen de boîtiers positionnés dans les véhicules, les données relatives au déplacement et à la consommation desdits véhicules.
Chacun des dix contrats a été conclu pour une durée minimale de vingt-quatre mois, reconductible par période de douze mois, sauf en cas de dénonciation au plus tard trois mois avant la date d’anniversaire.
Dès le mois de janvier 2017, la société Masternaut a rencontré des difficultés à obtenir le paiement des factures dues au titre des contrats de services et, après de multiples relances auprès de la société Help, elle lui a indiqué qu’en cas de persistance de ses défauts de paiement à la date du 12 avril 2017, elle suspendrait les contrats de services.
Le 17 novembre 2017, la société Masternaut a envoyé un courriel à la société Help lui indiquant le montant des factures impayées, soit la somme de 10.815,12 euros TTC puis, le 5 mars 2018, la société Masternaut a suspendu la délivrance de ses services pour défaut de paiement de la société Help.
La société Masternaut a mis en demeure la société Help à diverses reprises de lui régler les sommes dues, en vain. Cette dernière conteste lesdites factures en alléguant notamment des factures fantômes et des dysfonctionnements quant aux matériels et services de la société Masternaut.
La société Masternaut a présenté une requête en injonction de payer auprès du président du tribunal de commerce de Nice, lequel, par ordonnance du 21 juillet 2020, a fait injonction à la société Help de payer à la société Masternaut la somme de 10.458,84 euros en principal, la somme de 1.840 euros au titre des accessoires, le montant de la clause pénale soit 1.045,88 euros et l’a condamnée aux dépens pour 35,21 euros.
L’ordonnance a été signifiée à la société Help le 7 octobre 2020 et celle-ci y a fait opposition le 20 octobre 2020.
En application de l’article 17 « Droit applicable et Compétence » des conditions générales des contrats liant les parties, l’affaire a été transmise au tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 14 mars 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
dit recevable l’opposition à injonction de payer formée par la société Help,
dit la société Masternaut titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible de 10.458,84 euros à l’encontre de la société Help au titre des factures impayées,
constaté la résiliation à la date du présent jugement des contrats souscrits auprès de la société Masternaut par la société Help, aux torts de cette dernière,
condamné la société Help à payer à la société Masternaut la somme de 10.458,84 euros, majorée des intérêts de retard au taux mensuel de 1%, à compter du jour suivant l’expiration du délai de paiement prévu pour chaque facture impayée,
condamné la société Help à payer à la société Masternaut la somme de 1.045,88 euros au titre de la clause pénale,
condamné la société Help à payer à la société Masternaut la somme de 1.360 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
ordonné la capitalisation des intérêts,
débouté la société Masternaut de sa demande d’astreinte concernant le paiement des sommes précitées,
ordonné la restitution par la société Help à ses frais, des équipements et boitiers mis à dispositions, correspondant aux contrat souscrits, au siège social de la société Masternaut,
débouté la société Masternaut de sa demande visant à la condamnation de la société Help au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros pour mauvaise foi dans l’exécution des contrats,
débouté la société Help de ses demandes visant à la condamnation de la société Masternaut au paiement des sommes de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle, 15.223 euros au titre des boîtiers inutilisables et de 5.000 euros pour procédure abusive,
condamné la société Help à payer à la société Masternaut la somme de 2.500 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
rappelé que l’exécution provisoire est de droit,
ordonné l’exécution provisoire,
condamné la société Help aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.
La société Help a formé appel du jugement par déclaration du 25 avril 2022 enregistrée le 13 mai 2022.
Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats, le 19 octobre 2022, la société Masternaut a interjeté un appel incident.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 18 janvier 2023, la société Help demande à la cour :
– d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
dit que la société Masternaut était titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible de 10.458,84 euros au titre de factures impayées,
constaté la résiliation à la date du jugement des contrats souscrits par la société Help auprès de la société Masternaut, aux torts de la société Help,
condamné la société Help à payer la société Masternaut la somme de 10.458,48 euros majorée des intérêts de retard au taux de 1% à compter du jour suivant l’expiration du délai de paiement prévu pour chaque facture impayée,
condamné la société Help à payer la société Masternaut la somme de 1.045,88 euros au titre de la clause pénale,
condamner la société Help à payer la société Masternaut la somme de 1.360 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
ordonné la capitalisation des intérêts,
ordonné la restitution par la société Help à ses frais des équipements et boîtiers mis à disposition correspondant aux contrats souscrits,
débouté la société Help de ses demandes visant la condamnation de la société Masternaut de paiement des sommes de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle et 15.223 euros au titre des boîtiers inutilisables et 5.000 euros pour procédure abusive,
condamné la société Help à payer à la société Masternaut la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Et statuant à nouveau,
– de dire que les contrats liant les parties ont été suspendus à la date du 1er mars 2018 et ne sauraient donner lieu à paiement des abonnements,
– de dire qu’en toute hypothèse ces contrats ont été résiliés à la date du 17 mai 2017 et subsidiairement du 20 mars 2018,
– de dire que la société Masternaut ne rapporte pas la preuve de prétendus rendez-vous annulés tardivement par la société Help,
– de dire que rien ne permet d’établir l’existence d’une quelconque créance de la société Masternaut contre la société Help.
– de débouter la société Masternaut de l’intégralité de ses demandes.
Reconventionnellement,
– de condamner la société Masternaut à verser à la société Help :
la somme de 10.000 euros pour inexécution de ses obligations contractuelles,
la somme de 5.000 euros pour procédure abusive,
la somme de 15.223 euros au titre des boîtiers inutilisables, la société Help s’engageant de son coté à remettre ces matériels à la société Masternaut contre remboursement,
la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance, 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le1er février 2023, la société Masternaut demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1154 anciens et 1103, 1104 et 1343-2 nouveau du code civil, des articles L. 441-6 ancien et D. 441-5 du code de commerce et de l’article 700 du code de procédure civile :
de déclarer la société Masternaut recevable et bien fondée en ses demandes,
– de débouter la société Help de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Et, en conséquence :
– de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 mars 2022 en ce qu’il a :
condamné la société Help au paiement des montants des factures restant dues qui figurent en pièce n°10, soit la somme principale de 10.458,84 euros, majorée des intérêts de retard dus à compter du jour suivant l’expiration du délai de paiement prévu pour chaque facture impayée au taux mensuel de 1% de toute somme due, de l’indemnité forfaitaire contractuelle (soit, la somme de 1.045,88 euros) et de l’indemnité forfaitaire de recouvrement prévue aux articles L. 441-6 ancien (dorénavant numéroté L. 441-10) et D. 441-5 du Code de commerce pour chaque facture impayée (soit, la somme de 2.200 euros),
ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions, selon les contrats, de l’article 1154 ancien et de l’article 1343-2 nouveau du code civil,
constaté la résiliation des contrats souscrits par la société Help à ses torts exclusifs et à la date du jugement,
condamné la société Help au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance,
condamné la société Help aux dépens,
– d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 mars 2022 en ce qu’il a rejeté la demande de condamnation de la société Help au titre de la mauvaise foi,
Statuant à nouveau :
– de condamner la société Help à payer à la société Masternaut la somme de 5.000 euros au titre de sa mauvaise foi dans l’exécution des contrats,
Si, par extraordinaire, la cour réformait le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 mars 2022 et réduisait les sommes dues par la société Help :
– d’ordonner la restitution des boîtiers par la société Help à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par boîtier,
– d’ordonner qu’à défaut de restitution, par la société Help, des boîtiers dans le délai susvisé, la société Help verse à la société Masternaut une indemnité mensuelle de privation de jouissance égale au dernier montant de frais de services mensuel applicable, pour l’ensemble des contrats souscrits, pour tout mois durant lequel les boîtiers ne seraient pas restitués, tout mois entamé étant dû dans son intégralité,
Et, en tout état de cause :
– de condamner la société Help à payer à la société Masternaut la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance pour la procédure d’appel.
*
L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 avril 2024.
Sur la résiliation des contrats
Pour conclure à l’infirmation du jugement en ce qu’il a constaté la résiliation des contrats aux torts exclusifs de la société Help à la date du jugement, celle-ci soutient qu’elle était fondée à résilier les contrats de plein droit et sans formalité judiciaire trente jours après une mise en demeure qu’elle a adressée à la société Masternaut le 15 avril 2017 pour manquement contractuel, que celle-ci est demeurée infructueuse, que la société Masternaut a violé l’une de ses obligations contractuelles en raison des dysfonctionnements des boîtiers et que la société Masternaut a valablement reçu une lettre de résiliation le 20 mars 2018.
La société Masternaut soutient qu’elle a délivré l’ensemble des services souscrits par la société Help depuis le mois de juin 2016 jusqu’à leur suspension en mars 2018. Elle relève que la plupart des pièces adverses produites sont étrangères au litige qui les oppose. Elle conteste avoir reçu non seulement le courrier de mise en demeure du 15 avril 2017 dont se prévaut la société Help mais également celui du 28 février 2018 qui aurait eu pour objet la résiliation de ses contrats. Elle rappelle que l’utilisation de ses services par la société Help est confirmée par le relevé de ses connexions quotidiennes et continues. Elle ajoute qu’en fonction des durées prévues aux bons de commande et en vertu de l’article 12 « Durée et résiliation » des conditions générales des contrats, la résiliation ne pouvait intervenir avant le terme de la durée contractuelle minimum, soit avant l’expiration du délai de vingt-quatre mois à compter de la date de lancement des services, ou, pour les contrats reconduits, avant le terme d’un délai de douze mois, d’autant plus qu’elle affirme avoir valablement exécuté les contrats.
Certains contrats ayant été conclus avant le 1er octobre 2016 et d’autres postérieurement, les dispositions applicables, qui relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun, sont soit les articles 1134 et suivants du code civil, soit les articles 1103 et suivants du même code.
Dix bons de commande de services télématiques ont été conclus entre la société Masternaut et la société Help le 17 juin 2016 (cinq contrats), le 21 juin 2016, le 7 mars 2017 (deux contrats), le 8 mars 2017 et le 25 août 2017.
Au soutien de son argumentation visant à démontrer l’existence de manquements contractuels de la part de la société Masternaut, la société Help verse aux débats certaines pièces attestant de relations antérieures entre les parties, soit avant la conclusion des dix contrats litigieux. Elle tire ainsi argument de quelques courriels datés de 2012, 2014 et 2015 sollicitant des interventions techniques sur les boîtiers. La société Masternaut y a répondu en programmant des rendez-vous avec ses techniciens.
Concernant les dysfonctionnements allégués, l’appelante verse en effet aux débats :
un échange de courriels du 5 décembre 2016 par lequel Masternaut accepte un geste commercial à la demande de Help ([J] [B]) « j’attends le geste commercial pour les défaillances et la réception des boîtiers pour les installations de samedi ».
courriel de Help du 27 mars 2017 « suite à l’installation du boîtier samedi, nous avons constaté que l’écran de contrôle avait été rayé »
courriel de Help du 3 avril 2017 « je suis toujours en attente de votre retour sur la mise en route des 5 nouveaux boîtiers installés le 28 mars 2017 et qui ne fonctionnent toujours pas. Nous nous opposons donc à ce que soit prélevé l’abonnement tant que ces boîtiers ne fonctionnent pas/le retour sur les dommages causés à nos 2 véhicules lors de cette installation »
courriels du 12 avril 2017 échangés entre « Depannage » et [J] [B]
courriel de Help à Masternaut du 14 avril 2017 signalant un camion installé trois semaines auparavant et qui n’est plus géolocalisable
courriel de Help du 18 avril 2017 « ce véhicule ne communique plus depuis 13:10 »
des photographies non datées d’un véhicule et d’un boîtier rayé
courriels de Help à Masternaut du 5 mai 2017 de relance « concernant les avaries sur nos véhicules lors de l’installation du 28/03/2017 » et du 6 mai 2017 sollicitant le remplacement du cordon d’alimentation d’un écran
courriels de Help à Masternaut du 9 mai 2017 sollicitant le déblocage de son compte client pour la résolution des problèmes signalés et relançant sur sa demande relative au cordon à remplacer
courriel du 10 mai 2017 [Z] signalant un dysfonctionnement du camion Salerno
courriel du 12 mai 2017 signalant la persistance des problèmes avec les boîtiers et le blocage de son compte
courriel du 30 mai 2017 à France Support [F] [M] et Dépannage sur les dysfonctionnements de la communication d’une de leurs dépanneuses
courriel du 7 septembre 2017 signalant « des difficultés importantes pour nous connecter au site geonaut »
courriel du 21 septembre 2017 signalant un véhicule qui n’émet plus
courriel du 10 octobre 2017 signalant un problème avec l’écran installé sur une dépanneuse
courriel du 20 novembre 2017 signalant qu’un véhicule en intervention ne bouge plus
courriel du 8 décembre 2017 signalant à [V] [R] de Mondial Assistance envisageant un basculement de sa flotte chez TomTom en raison des difficultés rencontrées avec Masternaut.
La société Masternaut répond également méthodiquement à la plupart des incidents dont se prévaut Help pour justifier la résiliation et le défaut de paiement des factures :
sur l’incident des 6-9 mai 2017 (cordon d’alimentation à remplacer) Masternaut confirme que la demande est bloquée en raison du défaut de paiement des factures et invitant Help à se rapprocher du service recouvrement afin d’avoir un accord pour le SAV
sur l’incident du 16 mai 2017 Masternaut indique que la demande « Paramétrage Véhicules/Chauffeur » a été satisfaite
sur l’incident du 30 mai 2017 Masternaut répond « Il s’agissait d’un incident isolé, le véhicule communique à nouveau correctement. »
sur l’incident du 10 octobre 2017 (problème écran dépanneuse) rendez-vous prévu le 23 octobre 2017
incident C1704-147150 « trajets non mis à jour concernant un véhicule : problème résolu ».
La cour relève que bien que la société Help argue de l’existence nombreux dysfonctionnements préalables à la conclusion de la série de contrats litigieux, ces défaillances ne l’ont cependant pas dissuadée de contracter à dix reprises avec la société Masternaut. Au demeurant, les courriels produits n’attestent que de la présence de quelques « bugs » durant plusieurs mois d’utilisation des boîtiers. Comme le souligne la société Masternaut, certains des courriels produits ne lui sont pas adressés directement (tels « Depannage » et Mondial Assistance).
En revanche, dès le mois de janvier 2017 et par un courriel daté du 16, Masternaut rappelle l’existence d’impayés et conclut « A noter que la procédure de suspension de services a été enclenchée et que certains accès doivent d’ores et déjà vous être disponibles. ». Elle joint un tableau des impayés avec mention de l’avoir de 68,40 euros TTC consenti à titre commercial « suite problème technique ».
Des courriels sont échangés entre les parties en février 2017 sur l’existence de factures impayées.
Le 3 avril 2017 Masternaut déplore les rendez-vous d’intervention annulés en dernière minute et qui doivent donc être facturés conformément aux conditions générales. Elle évoque les « dommages » allégués et les factures impayées.
En outre, l’intimée produit un tableau de connexion de la société Help via l’usage de Geonaut du 1er août 2016 au 28 février 2018.
Sur la lettre de mise en demeure datée du 15 avril 2017 que la société Masternaut dément avoir reçue, la société Help produit :
une lettre simple sans référence à un numéro de lettre recommandée,
un avis de réception signé non daté portant le numéro 1E 001 650 4559 5
un échange de courriels entre M. [J] [B] de la société Help et le service de la relation client Maileva, ce dernier indique « je vous confirme que la lettre recommandée n° 1E00165045595 destinée à la société Masternaut a été déposée sur notre site internet le 19/04/2017 à 22h34. Concernant l’accusé de réception, La Poste vous a normalement renvoyé l’accusé de réception (si le destinataire a réceptionné son courrier). »
L’absence de date sur l’avis de réception produit ne permet pas de s’assurer que ledit courrier a bien été reçu par la société Masternaut. Les contrats étaient de toutes façons conclus pour une durée minimale de vingt-quatre mois et il appartenait à la société Help, conformément à l’article 12.2, de démontrer la violation par l’intimée « d’une de ses obligations au titre du contrat. ».
Le 17 novembre 2017 la société Masternaut adresse à Help un relevé de factures mentionnant un montant total dû de 10.815,12 euros TTC. Le 26 décembre 2017 une nouvelle relance concernant les impayés lui est adressée.
L’appelante produit ensuite une lettre simple intitulée « Résiliation des contrats » datée du 28 février 2018 sans indication d’un numéro de recommandé. Est joint à cette pièce un avis de réception présenté et signé le 20 mars 2018. Le délai d’un mois existant entre la date figurant sur la lettre et celle de sa présentation laisse planer un doute quant à l’envoi effectif de cette missive en particulier à l’intimée.
Suivant courriel du 9 mars 2018, puis en l’absence de réponse par relance du 16 mars 2018, M. [J] [B] [Z] écrit à Masternaut :
« Il semble que vous ayez coupé depuis au moins la semaine dernière l’accès aux services de géolocalisation que nous avons chez vous. Après vérification de nos comptes, il apparaît que vous avez continué à nous facturer des contrats pour lesquels vous avez reçu un recommandé de résiliation. Il ne reste à devoir que les contrats en cours. Merci de bien vouloir rétablir l’accès aux services sans délais. Si tel n’est pas le cas sous 48 heures, il y aura de votre part une rupture du contrat à vos torts exclusifs. »
Le 16 mars 2018 la société Masternaut conteste avoir reçu une demande de résiliation puis le 11 juillet 2018, elle met en demeure par voie d’huissier la société Help de lui régler la somme de 9.044,04 euros (avis de réception signé le 12 juillet 2018).
Sur la lettre de mise en demeure datée du 2 avril 2019, contenant résiliation du contrat, la société Help ne produit qu’un exemplaire simple sur lequel figure un code barre mais ne justifie une nouvelle fois ni de son envoi ni de sa réception par son destinataire.
En l’absence de règlement, la société Masternaut fait adresser par l’intermédiaire de son conseil à la société Help une lettre recommandée datée du 2 décembre 2019 avec avis de réception tamponné par Help mise en demeure de régler la somme de 10.458,84 euros.
Il résulte des développements qui précèdent que si plusieurs défaillances techniques ont certes été signalées par la société Help à la société Masternaut quant aux boîtiers installés sur sa flotte de véhicules, elles ont fait l’objet d’un traitement rapide de la société intimée. La persistance de la société Help à ne pas régler les factures pour des montants importants a conduit la société Masternaut à menacer de suspendre les services dispensés puis à interrompre effectivement leur délivrance. La société intimée n’étant plus réglée la société Help ne peut lui faire grief de ne pas avoir, par la suite, répondu de façon diligente à ses demandes comme en atteste l’un des courriels relatés ci-dessus qui conditionne l’intervention du SAV à l’aval du service recouvrement, compte tenu des factures demeurant impayées.
Il en ressort qu’échouant à démontrer un manquement suffisamment grave justifiant une résiliation, la société Help sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement confirmé sur ce point. Il sera également confirmé en ce qu’il a constaté la résiliation des contrats aux torts de la société Help.
Sur le défaut de paiement des factures
La société Help conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer la somme de 10.458,84 euros au titre des factures impayées et soutient en premier lieu que les factures émises pour des prestations postérieures au 15 mai 2017, subsidiairement au 1er mars 2018 et plus subsidiairement au 20 mars 2021 sont sans objet. Elle fait valoir en deuxième lieu que si certaines prestations sont postérieures à la résiliation des contrats, celles-ci au surplus n’ont pas été exécutées. Elle ajoute en troisième lieu avoir réglé une partie des factures sans que les premiers juges l’aient pris en compte.
La société Masternaut sollicite pour sa part la confirmation du jugement en soutenant d’une part que les factures concernant la période entre la signature du premier contrat le 17 juin 2016 et mars 2018 sont la contrepartie des prestations délivrées par Masternaut et d’autre part, concernant la période entre mars 2018 (suspension des services du fait des impayés) et la constatation par le tribunal de commerce de la résiliation des contrats à la date du jugement et aux torts exclusifs de la société Help, ces factures sont dues du fait de l’engagement contractuel de la société Help pour une durée ferme d’abonnement.
Les cinq bons de commande de services télématiques du 17 juin 2016 comportent une date de lancement des services au 1er juillet 2016, le bon du 21 juin 2016 au 1er août 2016, les deux bons du 7 mars 2017 au 1er mai 2017, le bon du 8 mars 2017 au 8 mars 2017 et le bon du 25 août 2017 au 1er octobre 2017, sachant que la période de service minimum était pour chacun d’entre eux de vingt-quatre mois.
La société Help qui affirme avoir effectué des versements, n’en rapporte pas la preuve, se contentant de produire un extrait de son grand livre de compte.
La société Masternaut verse aux débats l’ensemble des factures et relevés justifiant la demande au titre des contrats, à l’exception de la première facture pour annulation tardive du rendez-vous du 13 janvier, facture d’un montant de 117 euros TTC datée du 29 février 2016 soit antérieurement à la souscription du premier contrat litigieux. Le montant dû s’élève donc à la somme de 10.341,84 euros TTC. Le montant dû au titre de l’indemnité de résiliation de 10 %, non excessive, prévue contractuellement est donc de 1.034,14 euros et le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 33 x 40 soit 1.320 euros. Le jugement sera confirmé sur le principe de la créance détenue par la société Masternaut à l’encontre de la société Help et les intérêts applicables et les créances accessoires (indemnité de résiliation et indemnité de recouvrement), ainsi que sur la capitalisation des intérêts mais infirmé sur les montants retenus.
Sur la restitution des équipements
La société Help fait valoir qu’elle est propriétaire des boîtiers qu’elle a achetés et sollicite donc l’infirmation du jugement en ce qu’il a ordonné la restitution à ses frais des équipements et boîtiers mis à disposition par la société Masternaut.
La société Masternaut rappelle que l’article 2.1 des conditions générales des contrats prévoit qu’elle fournira au client les équipements et services spécifiés dans la commande sous réserve du paiement complet de toutes les sommes qui lui sont dues. Elle sollicite en cas d’infirmation du jugement la restitution de l’équipement, ou à tout le moins une indemnité mensuelle de privation de jouissance, et en cas de confirmation, elle ne sollicite aucune restitution.
Les conditions générales des bons de commande de services télématiques contiennent un certain nombre de dispositions relatives aux équipements et à leur restitution.
A titre liminaire, l’article 1 des conditions générales définit ainsi les « Equipements : « les dispositifs télématiques et leurs accessoires et/ou tout autre matériel commandé par le Client dans la Commande. » et les « Frais de Service Mensuels » : « la redevance mensuelle due par le Client au titre de la location de l’Equipement et de la fourniture des Services Télématiques. ».
L’article 3.9.3 prévoit que « Sans préjudice de l’application de tout autre droit ou recours de Masternaut, en cas de défaut de paiement, Masternaut sera en droit de :
exiger la restitution immédiate des Equipements dont il serait resté propriétaire conformément à l’article 4.1. »
L’article 4.1 in fine précise que « Les Equipements sont loués au Client et sont et restent la propriété exclusive de Masternaut. Toute pièce de remplacement montée dans l’Equipement en fera partie intégrante et sera la propriété de Masternaut. »
L’article 4.14 prévoit que « Le client s’engage à ne pas porter atteinte à tout droit de propriété de Masternaut sur l’Equipement. »
L’article 12.7 précise « A l’expiration ou à la résiliation du Contrat, pour quelque raison que ce soit, les Equipements sont restitués à Masternaut par le Client dans un délai de 28 jours à compter de la date d’expiration ou de résiliation, sous la responsabilité et aux frais de ce dernier, au lieu désigné par Masternaut, en bon état de fonctionnement (sous réserve de l’usure normale), d’entretien, muni de toutes les pièces et accessoires le composant à l’origine et/ou ajoutés pendant la durée du Contrat (câbles et autres). En cas de défaut de restitution dans le délai susmentionné, sans préjudice de toutes autres sommes dues le cas échéant au titre du Contrat, le Client sera redevable d’une indemnité mensuelle de privation de jouissance égale au dernier montant de Frais de Service Mensuels applicable, pour tout mois durant lequel l’Equipement n’est pas restitué, tout mois entamé étant dû dans son intégralité. (…) ».
La société Help se prévaut d’un courriel de Masternaut du 7 mars 2017 indiquant « seule la partie matériel est à régler en cas de location du boîtier, comme ce n’est pas ton cas puisque tu en es propriétaire, tu ne seras plus redevable auprès de Masternaut passé ce délai de 3 mois suite à l’envoi de ton recommandé » sans que les dires de l’ingénieur commercial de Masternaut ne puissent être attribués soit aux contrats litigieux soit aux contrats antérieurement conclus.
S’il ressort de l’ensemble des conditions générales que les « Equipements » sont loués, certaines conditions particulières emploient le mot « cession » pour les « MCU » d’un montant unitaire de 10 euros HT, terme qui ne figure pas pour les « Pack Geofleet » beaucoup plus coûteux.
La cour relève que la société Masternaut, en page 3 de ses conclusions, écrit « Dans le cadre de ces contrats, Masternaut a vendu à Help des boîtiers qui sont installés dans les véhicules [Z] et reliés aux applications logicielles ».
Ainsi, compte tenu des déclarations contradictoires de la société Masternaut mais aussi de sa renonciation à solliciter la restitution des boîtiers en cas de confirmation du jugement et de l’infirmation très résiduelle de la décision de première instance ‘ à hauteur de 117 euros TTC -, le jugement sera infirmé en ce qu’il a ordonné la restitution par la société Help des équipements et boîtiers mis à sa disposition. En revanche le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Help, qui a retenu le paiement des factures, en sa demande en paiement de la somme de 15.223 euros.
Sur la demande de la société Masternaut au titre de la mauvaise foi
La société Masternaut conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamner la société Help au titre de la mauvaise foi dans l’exécution des contrats et lors des débats judiciaires, notamment en ce que la société Help, en choisissant de se soustraire délibérément de ses obligations, a adopté un comportement malhonnête en créant de fausses pièces au cours des débats et en visant des fondements juridiques inexistants.
Cependant, il ne peut être reproché à la société Help, cherchant à rapporter la preuve de ses assertions, d’avoir produit les pièces qu’elle estimait utiles, dans le respect du contradictoire. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Masternaut de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur la demande de la société Help pour procédure abusive
La société Help fait valoir que la procédure d’injonction de payer n’était pas adaptée au cas d’espèce qui manifeste une tentative d’obtenir une décision de justice en dissimulant les éléments du dossier et en faisant l’économie d’un débat contradictoire.
La société Masternaut réplique que cette procédure était légitime et qu’elle est précisément destinée aux créances entre professionnels qui ne sont pas contestable, comme ce fut le cas pour les factures litigieuses.
Cependant, la société Masternaut était libre d’user de la voie judiciaire qui lui était offerte pour un montant de factures impayées et il ne saurait en être déduit un abus du droit d’ester en justice. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Help de sa demande de ce chef.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société Help succombant à l’action, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d’appel, elle sera aussi condamnée aux dépens. Il apparaît également équitable de la condamner à verser à la société Masternaut la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a fixé le montant de la créance de la société Masternaut à 10.458,84 euros, celui de la clause pénale à 1.045,88 euros et celui de l’indemnité forfaitaire à 1.360 euros et en ce qu’il a ordonné la restitution par la société Help des équipements et boîtiers ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société Help à payer à la société Masternaut la somme de 10.341,84 euros TTC, majorée des intérêts de retard au taux mensuel de 1 %, à compter du jour suivant l’expiration du délai de paiement prévu pour chaque facture impayée ;
CONDAMNE la société Help à payer à la société Masternaut la somme de 1.034,14 euros au titre de la clause pénale ;
CONDAMNE la société Help à payer à la société Masternaut la somme de 1.320 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
DEBOUTE la société Masternaut de sa demande de restitution des équipements et boîtiers ;
CONDAMNE la société Help aux dépens ;
CONDAMNE la société Help à payer à la société Masternaut la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT