La modération judiciaire de la Clause pénale
La modération judiciaire de la Clause pénale
Ce point juridique est utile ?

L’indemnisation d’une rupture fautive

   

En vertu des dispositions des articles 1147, 1149 et 1150 du code civil (devenus 1231-1 à 3), le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n’étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée.

Le principe de la clause pénale 

 

Néanmoins, en vertu de l’article 1152 (devenu 1231-5) du même code, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre, le juge pouvant toutefois, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Et, conformément à l’article 1231 du code civil, lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la peine convenue peut, même d’office, être diminuée par le juge à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’article 1152.

 

Le pouvoir de modération du juge 

Pour exercer son pouvoir modérateur, le juge doit déterminer le caractère manifestement excessif (ou dérisoire) de la sanction au regard de la réalité du préjudice effectivement subi par le créancier de l’obligation inexécutée, la clause pénale étant, au sens de l’article 1229 du code pénal, la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation principale, ce qui explique qu’il ne puisse demander en même temps le principal et la peine, à moins qu’elle n’ait été stipulée pour le simple retard.

Ainsi, hors hypothèse d’une majoration de son montant commandée par son caractère dérisoire, soit son insignifiance, qu’il incombe au créancier de prouver, l’application de la clause pénale exclut par principe toute indemnité complémentaire réparant le préjudice qui en est l’objet. Il n’en va différemment que si le créancier démontre qu’il subit un préjudice distinct de celui couvert par la clause.

 

Affaire Cash Express

Dans cette affaire, l’article 15.4 du contrat, dont personne ne conteste qu’il stipule une clause pénale, est ainsi rédigé :

“Dans l’hypothèse où le contrat de franchise serait rompu du fait du franchisé, y compris dans l’hypothèse de la perte du droit au bail avant l’échéance, le franchisé s’engage à payer au franchiseur une somme destinée à compenser le manque à gagner du franchiseur.

Cette somme sera égale au montant des dernières redevances permanentes dues au cours des douze derniers mois par le franchisé au franchiseur multipliée par le nombre d’années (et de mois au prorata) restant à courir jusqu’à l’échéance prévue à l’article 2 des présentes. En tout état de cause, cette somme ne saurait être inférieure à 30000 €, (trente mille euros)”.

La Cour constate que la SAS Cash Express Groupe conteste le caractère manifestement excessif retenu par le tribunal mais ne prétend pas pour autant que le montant de la clause pénale serait dérisoire : ses demandes, qui n’incluent aucune majoration de ce dernier, portent sur le bénéfice cumulé du montant minimal stipulé et d’une indemnité réparant les préjudices tirés de la perte des redevances à échoir mais également de celle de la redevance publicitaire, de la perte de chance de commercialiser la zone de Lisieux sur 5 ans, de l’atteinte à l’image du réseau et du surcoût de prospection au cours de la période d’inexploitation.

Pourtant, bien que la SAS Cash Express Groupe évoque ensuite “l’indemnisation des préjudices non réparés par la clause pénale “qu’elle présente comme distincts et non couverts par celle-ci (page 17 de ses écritures), ces différents postes sont ceux mobilisés pour établir l’absence d’excès de la peine convenue (page 16 de ses écritures : “le montant de référence à prendre en considération pour apprécier le caractère manifestement excessif de la clause pénale est celui de 84.175,43 € correspondant au préjudice réellement subi par CEG. C’est donc à tort que les juges du fond ont pris pour référence les seules redevances à échoir” ; “La preuve du caractère manifestement excessif de la clause pénale n’est donc pas rapportée en l’espèce puisque le montant minimal de la clause pénale s’élève à 30.000 € alors que le préjudice subi réellement par CEG s’élève, lui, à 84.175,43 €”).

Cette présentation repose sur une contradiction logique qui emporte une incompatibilité juridique des prétentions : le préjudice érigé en étalon de la proportionnalité du montant de la clause pénale ne peut simultanément être considéré comme distinct de celui qu’elle couvre, aucune requalification de la demande au sens des articles 12 et 16 du code de procédure civile n’étant possible puisque l’invocation “d’autres préjudices” que ceux réparés par la clause est exclusive de toute idée de majoration.

Dès lors, la SAS Cash Express Groupe reconnaissant que ces différents postes de préjudice servent de référence pour la contestation du caractère manifestement excessif de la clause et, partant, qu’ils sont ceux qu’elle a vocation à réparer, ce que confirment d’ailleurs sa lettre et son objet qu’est le règlement des conséquences de la rupture, leur indemnisation complémentaire cumulée est proscrite par l’article 1152 du code civil. Ce constat commande à lui seule le rejet de sa demande indemnitaire à hauteur de 84 175,43 euros.

 

Montant de la clause pénale fortement minoré 

Demeure la question de l’appréciation du montant de la clause pénale. A ce titre, l’exercice de son pouvoir modérateur par le juge est conditionné par le constat d’un excès manifeste, soit d’une démesure ou d’une disproportion évidente et non d’une simple inégalité entre le quantum du préjudice effectivement subi et celui de la clause : la nature comminatoire de cette dernière, que le contrôle du juge doit préserver, implique par définition un dépassement net du premier par le second. La charge de la preuve du préjudice effectivement subi incombe à la SAS Cash Express Groupe tandis que celle de son excès manifeste est supportée par la SAS Chamail.

Le contrat de franchise a été rompu le 3 août 2018 (pièce 9 de l’appelante), 22 mois avant son terme. Par application de son article 15.4 le montant des redevances permanentes éludées atteint 20 071,92 euros, somme équivalente à celle spontanément versée par la SAS Chamail. Elle représente les deux-tiers du plancher stipulé de 30 000 euros qui a contractuellement vocation à s’appliquer.

Ainsi que le précise la SAS Chamail et que l’ont justement retenu les premiers juges, le gain manqué de la SAS Cash Express Groupe au titre des redevances permanentes éludées est égal au montant de ces dernières minoré du coût des services qu’elle aurait dû fournir à son franchisé conformément à son article 6 et que la redevance rémunère (formation dite permanente, assistance commerciale, exploitation du logiciel de gestion et organisation de visites sur site par le franchiseur), soit à celui de sa marge sur redevances. Dans cette logique, et contrairement à ce que soutient la SAS Cash Express Groupe, le paiement du montant des redevances d’exploitation constitue un avantage économique par rapport à une exécution forcée, nécessairement réciproque. Pourtant, cette dernière ne précise pas le montant de sa marge et ne produit aucune pièce permettant sa détermination. A raison de cette carence probatoire et de l’obligation pour le juge de chiffrer un préjudice dès lors qu’il en constate le principe, le taux de marge de la SAS Chamail sera réputé se situer dans une fourchette de 30 à 40 % au regard des usages du commerce tels qu’ils ressortent des décisions de justice citées par les parties. Son gain manqué est ainsi de 8 028,77 euros au mieux.

Par ailleurs, la redevance publicitaire stipulée à l’article 9.3 est la contribution obligatoire du franchisé à la campagne publicitaire annuellement approuvée par les membres du réseau et mise en ‘uvre par le franchiseur dans les limites du budget voté en Convention nationale du réseau. En l’absence de toute approbation prouvée par la SAS Cash Express Groupe d’un budget quelconque pour la période de référence, ce vote conditionnant expressément le versement de la redevance (alinéa 4 : “En cas d’approbation [‘], le franchisé devra verser”), le préjudice consécutif à la rupture est purement hypothétique, et ce d’autant plus que la réalisation d’une publicité nationale est une simple faculté (alinéa 1: “Le franchiseur pourra réaliser une publicité nationale”) que le franchiseur ne démontre pas avoir exercée. Il l’est également sous l’angle, non de la perte nette de cette redevance, mais de la privation des effets bénéfiques de l’action promotionnelle et publicitaire à proportion de la réduction du budget voté après le départ de la SAS Chamail en considération de sa contribution passée, la SAS Cash Express Groupe ne fournissant de surcroît sur ce point aucun élément d’appréciation.

La “perte de chance de commercialiser la zone de [Localité 2] sur cinq ans ” est pour sa part inexistante en ce qu’elle est déduite par la SAS Cash Express Groupe des effets péjoratifs de la délivrance de l’information imposée par l’article L 330-3 du code de commerce à tout nouveau candidat, effets postulés mais qui ne sont pas étayés. En outre, conformément à l’article R 330-1 5° c du code de commerce, seule la mention d’une sortie de réseau intervenue dans l’année précédant l’information du candidat est requise : les conséquences préjudiciables, telles que les présente la SAS Cash Express Groupe, ont disparu à la date du terme stipulé, qui correspond à la fin de la période couverte par le paiement de la SAS Chamail. Ainsi, en admettant sa réalité, ce préjudice est, pour cette période, déjà réparé par ce versement. Quant à l’encaissement du droit d’entrée, il n’est pas reporté à l’expiration d’un délai de 5 ans mais, dans l’hypothèse la moins favorable à la SAS Cash Express Groupe, uniquement à la date de survenance du terme du contrat dont le renouvellement n’était pas un fait acquis conformément à son article 14.

En effet, même sans tenir compte de l’alerte donnée par la SAS Chamail en avril 2018, la SAS Cash Express Groupe bénéficie de fait, en obtenant une somme équivalente aux redevances permanentes jusqu’au terme normal, d’un délai de 22 mois pour se réorganiser sans subir de perte de redevances. Celui-ci apparaît suffisant, au regard de la nature de l’activité et faute d’autres éléments d’appréciation du fonctionnement du réseau, pour rechercher un nouveau franchisé, la SAS Cash Express Groupe, qui occulte à nouveau la possibilité d’un non-renouvellement à terme et ne fournit pas le moindre élément sur ses démarches pour assurer son implantation locale postérieurement à la rupture, ne justifiant pas, pour sa part, de la moyenne de cinq années qui serait nécessaire à la prospection d’un remplaçant. Aussi, déjà réparée pour la période de 22 mois, par excès puisque son indemnisation ne peut être égale au montant de la chance réalisée, la perte de chance est inexistante pour la période postérieure.

De manière peu cohérente avec le reste de son argumentation, la SAS Cash Express Groupe fonde expressément sa demande indemnitaire au titre de l’atteinte à son image, dans ses relations avec le client final et avec un candidat potentiel à la franchise, sur les articles 16.3 et 16.4 du contrat (page 23 de ses écritures). Or, ces derniers, insérés dans une section “non-concurrence” dont l’esprit est sans rapport avec la faute alléguée, sanctionnent par une clause pénale distincte de 15 000 euros (16.4) le fait pour le franchisé de porter” directement atteinte au renom de la marque ou de l’enseigne et à la notoriété du franchiseur ou du réseau ” (16.3).

Cette hypothèse est cependant très éloignée d’une rupture anticipée qui, même fautive, n’est pas en soi la marque d’un ” manque de respect de l’image du réseau ” et n’est pas comparable aux exemples jurisprudentiels tirés du non-respect du concept du franchiseur ou de ses signes distinctifs, de son dénigrement par le franchisé ou de la violation d’une clause de non-réaffiliation. De fait, la clientèle n’ayant connaissance ni de la durée du contrat de franchise conclu avec la SAS Chamail ni des causes de sa rupture et de son imputabilité, le comportement de cette dernière, assimilable dans l’esprit de toute personne placée dans cet état d’ignorance à un non-renouvellement du contrat, ne modifie pas la perception qu’elle a des services du franchiseur et de la qualité de son réseau.

Et, rien ne démontre qu’un futur candidat serait freiné par sa connaissance d’une résiliation du fait d’un précédent franchisé dont les résultats, de l’aveu de la SAS Cash Express Groupe, étaient satisfaisants au point que l’implantation d’une nouvelle enseigne était envisagée. Aussi, l’inexécution contractuelle alléguée étant inexistante, rien ne fonde l’application de cette clause pénale ou, en restituant au raisonnement de la SAS Cash Express Groupe sa cohérence, l’intégration dans le préjudice objet de la clause pénale stipulée à l’article 15.4 d’un tel poste évalué à 15 000 euros.

Sur ce dernier point, en admettant que la SAS Cash Express Groupe invoque au sens de l’article 12 du code de procédure civile, hors application de l’article 16.4, un préjudice d’image résultant d’une atteinte à la cohérence et à la structure du réseau de franchise ainsi qu’à son rayonnement, en ce que la résiliation unilatérale le prive, jusqu’au terme stipulé, de représentation dans la zone d’exclusivité concédée ou entrave la possibilité d’une transition locale fluide, et le fragilise en interne en laissant croire qu’une sortie avant terme est possible à peu de frais, elle n’en livre aucun élément d’évaluation autre que la référence au montant forfaitaire de la clause pénale. La réparation ne pourrait être dans ces conditions que de principe et serait, pour les seuls besoins du raisonnement nécessaire à la détermination du préjudice effectivement subi pour apprécier le caractère manifestement excessif du quantum de la peine privée prévue par l’article 15.4, assurée par l’allocation d’une somme n’excédant pas 3 000 euros.

Enfin, le surcoût de prospection durant la période d’inexploitation n’est à son tour caractérisé ni en son principe ni en sa mesure, la durée de cinq années n’étant pas pertinente pour les raisons évoquées et la SAS Cash Express Groupe disposant, ainsi qu’il a été dit, d’un délai raisonnable pour assurer la transition à la date du terme stipulé, sa situation n’étant sur ce plan pas différente de celle née d’un non-renouvellement. Rien ne démontre par ailleurs que ” l’ancien numéro du réseau [demeure dans la zone d’exclusivité] “, formule peu claire semblant signaler une situation de concurrence dont la cessation n’est pourtant pas sollicitée.

Ainsi, le préjudice effectivement subi par la SAS Cash Express Groupe a été évalué à la somme de 8 028,77 euros. 

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 22 MARS 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02270 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBWF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 – RG n° J020000486

APPELANTE

S.A.S. CASH EXPRESS GROUPE agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS d’AIX EN PROVENCE sous le numéro 435 020 029

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C2477, avocat postulant

Assistée de Me Julien RIVET du Cabinet ALLIUM, avocat au barreau de PARIS, toque G106, avocat plaidant

INTIMEE

S.A.S. CHAMAIL agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de LISIEUX sous le numéro 792 855 819

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP RÉGNIER BÉQUET MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque L0050, avocat postulant

Assistée de Me Anne-Cécile de la SCP BOURGEON-MERESSE-GUILLIN-BELLET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque P166, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Prémière Présidente de chambre, et Monsieur Julien RICHAUD, chargé du rapport, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre

Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère

Monsieur Julien RICHAUD, Conseiller

Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Cash Express Groupe gère sur le territoire français un réseau de plus de 130 magasins franchisés spécialisés dans l’achat et la vente de produits d’occasion.

La SAS Chamail, constituée en 2013 pour intégrer ce réseau, exerce une activité principale d’achat et de vente de tout objet neuf ou d’occasion.

Par acte du 1er juin 2013, cette dernière a conclu avec la SAS Cash Express Groupe, pour une durée de 7 ans, un contrat de franchise pour exploiter, à titre exclusif, son fonds de commerce à l’enseigne Cash Express à [Localité 2] moyennant le paiement d’un droit d’entrée de 19 000 euros HT, après remise, et d’une redevance indexée de 750 euros HT, portée à 900 euros HT à compter de la deuxième année.

Après avoir envisagé l’ouverture d’un second magasin franchisé à [Localité 4], la SAS Chamail, qui avait préalablement annoncé cette décision le 25 avril 2018, a notifié à la SAS Cash Express Groupe, par courrier du 29 juin 2018 évoquant des raisons personnelles doublées d’une insatisfaction à l’égard des services et apports de la franchise, la résiliation anticipée du contrat de franchise à compter du 3 août 2018 et offrait de lui régler la somme de 19 159,56 euros correspondant aux redevances mensuelles couvrant l’exécution du contrat jusqu’au terme stipulé.

Par courrier du 31 juillet 2018, la SAS Cash Express Groupe informait la SAS Chamail qu’elle encaissait le chèque remis en soulignant toutefois que son montant ne compensait pas le manque à gagner causé par sa sortie prématurée du réseau.

C’est dans ces circonstances que la SAS Cash Express Groupe a, par acte d’huissier signifié le 23 avril 2019, assigné la SAS Chamail devant le tribunal de commerce de Paris en indemnisation des préjudices nés de la résiliation fautive du contrat de franchise.

Par jugement du 20 janvier 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

-rejeté l’intégralité des demandes de la SAS Cash Express Groupe ;

-condamné la SAS Cash Express Groupe à payer à la SAS Chamail la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civil ainsi qu’à supporter les entiers frais et dépens du procès.

Par déclaration reçue au greffe le 2 février 2021, la SAS Cash Express Groupe a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 avril 2021, la SAS Cash Express Groupe demande à la cour, au visa des articles 1134, 1184, 1103 et 1152, (anciens) 1156, 1192 et 1231-5 du code civil :

-de juger la SAS Cash Express Groupe recevable et bien fondée en son appel ;

-en conséquence, d’infirmer le jugement rendu en ce qu’il :

*”déboute la sas cash express groupe de sa demande de condamner la SAS Chamail à lui payer la somme de 114.175,18 € ;

* déboute la SAS Cash Express Groupe de ses autres demandes ;

* condamne la SAS Cash Express Groupe à payer à la SAS Chamail la somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du cpc ;

* condamne la SAS Cash Express Groupe aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA” ;

-et, statuant à nouveau, de :

* juger que la résiliation du contrat de franchise à l’initiative de la SAS Chamail est fautive et constitutive d’une faute contractuelle lui étant imputable ;

* juger que la clause pénale de l’article 15.4 du contrat de franchise n’est pas manifestement excessive ;

* condamner la SAS Chamail au paiement de la somme de 30 000 euros correspondant à la pénalité prévue par la clause pénale de l’article 15.4 du contrat de franchise ;

* condamner la SAS Chamail à payer à la SAS Cash Express Groupe la somme de 84175,43 euros à raison de :

-9 337,68 euros au titre de la perte de redevance publicitaire ;

-44 370 euros au titre de la perte de chance de commercialiser la zone de [Localité 2] sur 5 ans ;

-15 000 euros en réparation de l’atteinte à l’image du réseau ;

-15 467,50 euros au titre du surcoût de prospection au cours de la période d’inexploitation ;

* juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 3 août 2018.

-en tout état de cause, de :

* condamner la SAS Chamail à payer à la SAS Cash Express Groupe la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* condamner la SAS Chamail à supporter les entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris-Versailles.

En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 juillet 2021, la SAS Chamail demande à la cour, au visa des articles 1147, 1149, 1152 et 1184 anciens du code civil, de :

-confirmer le jugement du 20 janvier 2021 en intégralité ;

-débouter la SAS Cash Express Groupe de l’intégralité de ses demandes ;

-condamner la SAS Cash Express Groupe à payer à la SAS Chamail la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2023. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l’arrêt sera contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1°) Sur la résiliation du contrat de franchise

Moyens des parties

Au soutien de son appel, la SAS Cash Express Groupe expose que, faute pour l’article 15.4 du contrat de stipuler une faculté de rupture unilatérale, la résiliation notifiée avant son terme est fautive, la SAS Chamail ne prouvant aucune faute grave qui lui soit imputable. Elle en déduit que cette dernière doit lui verser le montant de la clause pénale en son intégralité en l’absence de tout excès manifeste au regard du préjudice effectivement subi qui réside dans la perte des redevances à échoir mais également dans celle de la redevance publicitaire, dans la perte de chance de commercialiser la zone de [Localité 2] sur 5 ans, dans l’atteinte à l’image du réseau et dans le surcoût de prospection au cours de la période d’inexploitation. Elle sollicite en outre une indemnisation distincte pour ces postes de préjudice.

En réponse, la SAS Chamail explique que la résiliation, quoique fondée sur la défaillance grave de la SAS Cash Express Groupe dans l’exécution de son obligation d’assistance, est intervenue de son fait au sens de l’article 15.4 du contrat de franchise et qu’elle est en conséquence débitrice du montant de la clause pénale qu’il stipule. Elle ajoute que celui-ci est très supérieur au manque à gagner effectivement subi par la SAS Cash Express Groupe qui perçoit des redevances brutes sans avoir à fournir les contreparties dues en exécution du contrat et à garantir l’exclusivité de l’exploitation, disproportion fondant sa révision à la baisse. Elle précise que le préjudice indemnisable de la SAS Cash Express Groupe est contractuellement limité aux redevances permanentes et, subsidiairement, conteste les autres postes de préjudice.

Réponse de la cour

Conformément à l’article 1134 du code civil (devenu 1103), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi.

-Sur le caractère fautif de la rupture

En application de l’article 1184 (devenu 1224) du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Fondant la résiliation sur la faute grave de son cocontractant, la SAS Chamail a entendu faire application du principe désormais consacré à l’article 1226 du code civil mais acquis antérieurement en droit positif et régulièrement rappelé par la chambre commerciale de la Cour de cassation (1er octobre 2013, n°12-20.830, et 6 décembre 2016, n°15-12981, le principe découlant de l’arrêt de la 1ère chambre civile du 13 octobre 1998, n°96-21485) selon lequel la gravité du comportement d’une partie à un contrat à durée indéterminée ou déterminée peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle. Aussi, l’absence de préavis et de formalisme spécifique n’est pas en soi la marque d’un abus dans la rupture qui pouvait être légitime si une faute grave, telle une inexécution contractuelle sérieuse ou répétée, était imputable à la SAS Cash Express Groupe.

Si la SAS Chamail explique (page 7 de ses écritures) avoir rompu le contrat pour “convenances personnelles” mais également à raison d’une faute grave de la SAS Cash Express Groupe tenant à la violation de son obligation d’assistance, elle n’explicite pas ce manquement qui n’est caractérisé par aucune pièce. Dès lors, la rupture unilatérale anticipée du contrat de franchise est fautive.

A cet égard, aucun chef du dispositif du jugement entrepris ne consacrant “un droit à un résiliation fautive”, l’infirmation sollicitée est sans objet. Et, les parties s’accordant pour soumettre le litige à l’article 15.4 du contrat, applicable en ce que la rupture fautive de la SAS Chamail correspond à une résiliation “du fait du franchisé” au sens de ce texte, et pour qualifier cette stipulation de clause pénale, les arguments de la SAS Cash Express Groupe relatifs à son interprétation et à l’absence de droit de résiliation unilatérale de la SAS Chamail sont sans pertinence et ne seront pas examinés.

-Sur les conséquences de la rupture

En vertu des dispositions des articles 1147, 1149 et 1150 du code civil (devenus 1231-1 à 3), le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n’étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée.

Néanmoins, en vertu de l’article 1152 (devenu 1231-5) du même code, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre, le juge pouvant toutefois, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Et, conformément à l’article 1231 du code civil, lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la peine convenue peut, même d’office, être diminuée par le juge à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’article 1152.

Pour exercer son pouvoir modérateur, le juge doit déterminer le caractère manifestement excessif (ou dérisoire) de la sanction au regard de la réalité du préjudice effectivement subi par le créancier de l’obligation inexécutée, la clause pénale étant, au sens de l’article 1229 du code pénal, la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation principale, ce qui explique qu’il ne puisse demander en même temps le principal et la peine, à moins qu’elle n’ait été stipulée pour le simple retard.

Ainsi, hors hypothèse d’une majoration de son montant commandée par son caractère dérisoire, soit son insignifiance, qu’il incombe au créancier de prouver, l’application de la clause pénale exclut par principe toute indemnité complémentaire réparant le préjudice qui en est l’objet. Il n’en va différemment que si le créancier démontre qu’il subit un préjudice distinct de celui couvert par la clause.

L’article 15.4 du contrat, dont personne ne conteste qu’il stipule une clause pénale, est ainsi rédigé :

“Dans l’hypothèse où le contrat de franchise serait rompu du fait du franchisé, y compris dans l’hypothèse de la perte du droit au bail avant l’échéance, le franchisé s’engage à payer au franchiseur une somme destinée à compenser le manque à gagner du franchiseur.

Cette somme sera égale au montant des dernières redevances permanentes dues au cours des douze derniers mois par le franchisé au franchiseur multipliée par le nombre d’années (et de mois au prorata) restant à courir jusqu’à l’échéance prévue à l’article 2 des présentes. En tout état de cause, cette somme ne saurait être inférieure à 30000 €, (trente mille euros)”.

La Cour constate que la SAS Cash Express Groupe conteste le caractère manifestement excessif retenu par le tribunal mais ne prétend pas pour autant que le montant de la clause pénale serait dérisoire : ses demandes, qui n’incluent aucune majoration de ce dernier, portent sur le bénéfice cumulé du montant minimal stipulé et d’une indemnité réparant les préjudices tirés de la perte des redevances à échoir mais également de celle de la redevance publicitaire, de la perte de chance de commercialiser la zone de Lisieux sur 5 ans, de l’atteinte à l’image du réseau et du surcoût de prospection au cours de la période d’inexploitation.

Pourtant, bien que la SAS Cash Express Groupe évoque ensuite “l’indemnisation des préjudices non réparés par la clause pénale “qu’elle présente comme distincts et non couverts par celle-ci (page 17 de ses écritures), ces différents postes sont ceux mobilisés pour établir l’absence d’excès de la peine convenue (page 16 de ses écritures : “le montant de référence à prendre en considération pour apprécier le caractère manifestement excessif de la clause pénale est celui de 84.175,43 € correspondant au préjudice réellement subi par CEG. C’est donc à tort que les juges du fond ont pris pour référence les seules redevances à échoir” ; “La preuve du caractère manifestement excessif de la clause pénale n’est donc pas rapportée en l’espèce puisque le montant minimal de la clause pénale s’élève à 30.000 € alors que le préjudice subi réellement par CEG s’élève, lui, à 84.175,43 €”).

Cette présentation repose sur une contradiction logique qui emporte une incompatibilité juridique des prétentions : le préjudice érigé en étalon de la proportionnalité du montant de la clause pénale ne peut simultanément être considéré comme distinct de celui qu’elle couvre, aucune requalification de la demande au sens des articles 12 et 16 du code de procédure civile n’étant possible puisque l’invocation “d’autres préjudices” que ceux réparés par la clause est exclusive de toute idée de majoration.

Dès lors, la SAS Cash Express Groupe reconnaissant que ces différents postes de préjudice servent de référence pour la contestation du caractère manifestement excessif de la clause et, partant, qu’ils sont ceux qu’elle a vocation à réparer, ce que confirment d’ailleurs sa lettre et son objet qu’est le règlement des conséquences de la rupture, leur indemnisation complémentaire cumulée est proscrite par l’article 1152 du code civil. Ce constat commande à lui seule le rejet de sa demande indemnitaire à hauteur de 84 175,43 euros.

Demeure la question de l’appréciation du montant de la clause pénale. A ce titre, l’exercice de son pouvoir modérateur par le juge est conditionné par le constat d’un excès manifeste, soit d’une démesure ou d’une disproportion évidente et non d’une simple inégalité entre le quantum du préjudice effectivement subi et celui de la clause : la nature comminatoire de cette dernière, que le contrôle du juge doit préserver, implique par définition un dépassement net du premier par le second. La charge de la preuve du préjudice effectivement subi incombe à la SAS Cash Express Groupe tandis que celle de son excès manifeste est supportée par la SAS Chamail.

Le contrat de franchise a été rompu le 3 août 2018 (pièce 9 de l’appelante), 22 mois avant son terme. Par application de son article 15.4 le montant des redevances permanentes éludées atteint 20 071,92 euros, somme équivalente à celle spontanément versée par la SAS Chamail. Elle représente les deux-tiers du plancher stipulé de 30 000 euros qui a contractuellement vocation à s’appliquer.

Ainsi que le précise la SAS Chamail et que l’ont justement retenu les premiers juges, le gain manqué de la SAS Cash Express Groupe au titre des redevances permanentes éludées est égal au montant de ces dernières minoré du coût des services qu’elle aurait dû fournir à son franchisé conformément à son article 6 et que la redevance rémunère (formation dite permanente, assistance commerciale, exploitation du logiciel de gestion et organisation de visites sur site par le franchiseur), soit à celui de sa marge sur redevances. Dans cette logique, et contrairement à ce que soutient la SAS Cash Express Groupe, le

paiement du montant des redevances d’exploitation constitue un avantage économique par rapport à une exécution forcée, nécessairement réciproque. Pourtant, cette dernière ne précise pas le montant de sa marge et ne produit aucune pièce permettant sa détermination. A raison de cette carence probatoire et de l’obligation pour le juge de chiffrer un préjudice dès lors qu’il en constate le principe, le taux de marge de la SAS Chamail sera réputé se situer dans une fourchette de 30 à 40 % au regard des usages du commerce tels qu’ils ressortent des décisions de justice citées par les parties. Son gain manqué est ainsi de 8 028,77 euros au mieux.

Par ailleurs, la redevance publicitaire stipulée à l’article 9.3 est la contribution obligatoire du franchisé à la campagne publicitaire annuellement approuvée par les membres du réseau et mise en ‘uvre par le franchiseur dans les limites du budget voté en Convention nationale du réseau. En l’absence de toute approbation prouvée par la SAS Cash Express Groupe d’un budget quelconque pour la période de référence, ce vote conditionnant expressément le versement de la redevance (alinéa 4 : “En cas d’approbation [‘], le franchisé devra verser”), le préjudice consécutif à la rupture est purement hypothétique, et ce d’autant plus que la réalisation d’une publicité nationale est une simple faculté (alinéa 1: “Le franchiseur pourra réaliser une publicité nationale”) que le franchiseur ne démontre pas avoir exercée. Il l’est également sous l’angle, non de la perte nette de cette redevance, mais de la privation des effets bénéfiques de l’action promotionnelle et publicitaire à proportion de la réduction du budget voté après le départ de la SAS Chamail en considération de sa contribution passée, la SAS Cash Express Groupe ne fournissant de surcroît sur ce point aucun élément d’appréciation.

La “perte de chance de commercialiser la zone de [Localité 2] sur cinq ans ” est pour sa part inexistante en ce qu’elle est déduite par la SAS Cash Express Groupe des effets péjoratifs de la délivrance de l’information imposée par l’article L 330-3 du code de commerce à tout nouveau candidat, effets postulés mais qui ne sont pas étayés. En outre, conformément à l’article R 330-1 5° c du code de commerce, seule la mention d’une sortie de réseau intervenue dans l’année précédant l’information du candidat est requise : les conséquences préjudiciables, telles que les présente la SAS Cash Express Groupe, ont disparu à la date du terme stipulé, qui correspond à la fin de la période couverte par le paiement de la SAS Chamail. Ainsi, en admettant sa réalité, ce préjudice est, pour cette période, déjà réparé par ce versement. Quant à l’encaissement du droit d’entrée, il n’est pas reporté à l’expiration d’un délai de 5 ans mais, dans l’hypothèse la moins favorable à la SAS Cash Express Groupe, uniquement à la date de survenance du terme du contrat dont le renouvellement n’était pas un fait acquis conformément à son article 14. En effet, même sans tenir compte de l’alerte donnée par la SAS Chamail en avril 2018, la SAS Cash Express Groupe bénéficie de fait, en obtenant une somme équivalente aux redevances permanentes jusqu’au terme normal, d’un délai de 22 mois pour se réorganiser sans subir de perte de redevances. Celui-ci apparaît suffisant, au regard de la nature de l’activité et faute d’autres éléments d’appréciation du fonctionnement du réseau, pour rechercher un nouveau franchisé, la SAS Cash Express Groupe, qui occulte à nouveau la possibilité d’un non-renouvellement à terme et ne fournit pas le moindre élément sur ses démarches pour assurer son implantation locale postérieurement à la rupture, ne justifiant pas, pour sa part, de la moyenne de cinq années qui serait nécessaire à la prospection d’un remplaçant. Aussi, déjà réparée pour la période de 22 mois, par excès puisque son indemnisation ne peut être égale au montant de la chance réalisée, la perte de chance est inexistante pour la période postérieure.

De manière peu cohérente avec le reste de son argumentation, la SAS Cash Express Groupe fonde expressément sa demande indemnitaire au titre de l’atteinte à son image, dans ses relations avec le client final et avec un candidat potentiel à la franchise, sur les articles 16.3 et 16.4 du contrat (page 23 de ses écritures). Or, ces derniers, insérés dans une section “non-concurrence” dont l’esprit est sans rapport avec la faute alléguée, sanctionnent par une clause pénale distincte de 15 000 euros (16.4) le fait pour le franchisé de porter” directement atteinte au renom de la marque ou de l’enseigne et à la notoriété du

franchiseur ou du réseau ” (16.3). Cette hypothèse est cependant très éloignée d’une rupture anticipée qui, même fautive, n’est pas en soi la marque d’un ” manque de respect de l’image du réseau ” et n’est pas comparable aux exemples jurisprudentiels tirés du non-respect du concept du franchiseur ou de ses signes distinctifs, de son dénigrement par le franchisé ou de la violation d’une clause de non-réaffiliation. De fait, la clientèle n’ayant connaissance ni de la durée du contrat de franchise conclu avec la SAS Chamail ni des causes de sa rupture et de son imputabilité, le comportement de cette dernière, assimilable dans l’esprit de toute personne placée dans cet état d’ignorance à un non-renouvellement du contrat, ne modifie pas la perception qu’elle a des services du franchiseur et de la qualité de son réseau. Et, rien ne démontre qu’un futur candidat serait freiné par sa connaissance d’une résiliation du fait d’un précédent franchisé dont les résultats, de l’aveu de la SAS Cash Express Groupe, étaient satisfaisants au point que l’implantation d’une nouvelle enseigne était envisagée. Aussi, l’inexécution contractuelle alléguée étant inexistante, rien ne fonde l’application de cette clause pénale ou, en restituant au raisonnement de la SAS Cash Express Groupe sa cohérence, l’intégration dans le préjudice objet de la clause pénale stipulée à l’article 15.4 d’un tel poste évalué à 15 000 euros.

Sur ce dernier point, en admettant que la SAS Cash Express Groupe invoque au sens de l’article 12 du code de procédure civile, hors application de l’article 16.4, un préjudice d’image résultant d’une atteinte à la cohérence et à la structure du réseau de franchise ainsi qu’à son rayonnement, en ce que la résiliation unilatérale le prive, jusqu’au terme stipulé, de représentation dans la zone d’exclusivité concédée ou entrave la possibilité d’une transition locale fluide, et le fragilise en interne en laissant croire qu’une sortie avant terme est possible à peu de frais, elle n’en livre aucun élément d’évaluation autre que la référence au montant forfaitaire de la clause pénale. La réparation ne pourrait être dans ces conditions que de principe et serait, pour les seuls besoins du raisonnement nécessaire à la détermination du préjudice effectivement subi pour apprécier le caractère manifestement excessif du quantum de la peine privée prévue par l’article 15.4, assurée par l’allocation d’une somme n’excédant pas 3 000 euros.

Enfin, le surcoût de prospection durant la période d’inexploitation n’est à son tour caractérisé ni en son principe ni en sa mesure, la durée de cinq années n’étant pas pertinente pour les raisons évoquées et la SAS Cash Express Groupe disposant, ainsi qu’il a été dit, d’un délai raisonnable pour assurer la transition à la date du terme stipulé, sa situation n’étant sur ce plan pas différente de celle née d’un non-renouvellement. Rien ne démontre par ailleurs que ” l’ancien numéro du réseau [demeure dans la zone d’exclusivité] “, formule peu claire semblant signaler une situation de concurrence dont la cessation n’est pourtant pas sollicitée.

Ainsi, le préjudice effectivement subi par la SAS Cash Express Groupe est de 8 028,77 euros. Même majoré de la somme de 3 000 euros, déterminée surabondamment par la Cour pour les besoins de son raisonnement, il demeurerait nettement inférieur à la somme de 19 159,56 euros réglée spontanément par la SAS Chamail. Le versement d’une somme de 30 000 euros à titre de clause pénale pour un préjudice au mieux près de trois fois inférieur est à l’évidence manifestement excessif ce qui commande le rejet de la demande de la SAS Cash Express Groupe. Le paiement déjà intervenu sera jugé satisfactoire car il répare intégralement le préjudice tout en préservant le caractère comminatoire de la clause pénale et sa dimension punitive puisqu’il est égal au double du préjudice effectivement subi (ou comprend une majoration de 70 % du préjudice théorique évoqué à titre surabondant).

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté l’intégralité des demandes de la SAS Cash Express Groupe.

2°) Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Succombant au litige, la SAS Cash Express Groupe, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les entiers dépens d’appel ainsi qu’à payer à la SAS Chamail la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la Cour,

Y ajoutant,

Rejette la demande de la SAS Cash Express Groupe au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SAS Cash Express Groupe à payer à la SAS Chamail la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Cash Express Groupe à supporter les entiers dépens d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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