Contrat de franchise : la clause pénale forfaitaire validée

Contrat de franchise : la clause pénale forfaitaire validée

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Il est loisible au franchiseur de sanctionner la résiliation fautive du contrat de franchise par une indemnité forfaitaire élevée (clause pénale).  

 

50 000 euros de clause pénale 

En l’espèce, le contrat de franchise prévoyait que toute rupture fautive impliquerait une indemnité d’un montant au moins égale à 50 000 euros.

Qualification en clause pénale

Cette clause s’analyse en une clause pénale au sens de l’article 1226 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

En vertu de l’article 1152 (devenu 1231-5) du même code, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre, mais que le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Pour exercer son pouvoir modérateur, le juge doit déterminer le caractère manifestement excessif de la sanction au regard de la réalité du préjudice subi par le créancier de l’obligation inexécutée,

Une sanction adaptée

En considération de la durée du contrat de franchise restant à courir (22 mois), du projet d’intégration au réseau GDS du fonds de commerce Celt’Services et de la disparition de l’enseigne, le montant de la clause pénale n’apparaissait pas manifestement excessif au regard du préjudice effectivement subi par le franchiseur.

Dès lors, les sociétés Aequo et Celt’Services ont été condamnées in solidum à payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de la résiliation anticipée et fautive du contrat de franchise.


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 28 JUIN 2023

(n° 130 , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/22164 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CE3VK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2019036226

APPELANTES

S.A.R.L. AEQUO ANCIENNEMENT DÉNOMMÉ SARL LOGIS PLUS pris en la personne de son gérant

immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 533 428 710

[Adresse 4]

[Localité 2]

S.A.R.L. CELT’SERVICES ANCIENNEMENT DÉNOMMÉ LOGIS SERVICES pris en la personne de son gérant

immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 534 232 228

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073, avocat postulant

Assistée de Me Pierre LE MOING, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant

INTIMEE

S.A.S. GROUPE GDS EXPANSION agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de ANGERS sous le numéro 424 400 141

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240, avocat postulant

Assistée de Me Morgane JEHEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4,

Madame Sophie Depelley, conseillère,

Monsieur Julien Richaud, conseiller,

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame [Z] [N] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Mianta Andrianasoloniary

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4 et par Monsieur Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire

FAITS ET PROCEDURE

La société Groupe GDS Expansion (ci-après ‘la société GDS’), créée en septembre 1999, exploite un concept d’aide à domicile, aux particuliers et aux entreprises, dans un cadre de franchise depuis 2008, sous l’enseigne GDS.

Les sociétés Logis Plus ( devenue Aequo) et Celt’Services (anciennement dénommée Logis Services) ont été constituées par M. [P], respectivement les 7 juillet et 24 août 2011, pour l’exercice d’une activité de prestations de services d’aide à la personne et d’aide à la mobilité.

M. [P], gérant des sociétés Logis Plus et de Logis Services en cours de formation, a conclu le 31 mars 2011 avec la société GDS un contrat de franchise, d’une durée de 5 ans, comportant une exclusivité sur le territoire [Localité 5] Ouest. M. [P] a ouvert son agence à [Localité 5] en janvier 2012, la société Logis Plus exploitant les prestations soumises à agrément et la société Logis Services celles non soumises à agrément.

Par lettre du 16 septembre 2013, le franchisé a informé son franchiseur de sa volonté d’acquérir le fonds de commerce de la société Celt’Services situé à [Localité 2], commune limitrophe de [Localité 5], et a demandé un aménagement de son contrat de franchise. Après des négociations, portant notamment sur les conditions financières (les redevances étant réduites de 5 à 2% pour la première année d’exploitation) et la possibilité pour Celt’Services de conserver sa marque pendant une année (maximum) après l’acquisition, la société GDS a donné son accord au projet par lettre du 20 septembre 2013 et l’acquisition a été réalisée, avec effet au 1er novembre 2013.

Par lettre du 18 février 2014, le conseil des sociétés Logis Plus et Celt’Services a formé à l’encontre de la société GDS des griefs pour non-respect de ses obligations tant pré-contractuelles que contractuelles lui ayant été financièrement préjudiciables, et l’a informée qu’à compter de cette date, le chiffre d’affaires réalisé par la société Celt’Services ne serait plus intégré à la redevance mensuelle réglée par M. [P].

Par lettre du 8 avril 2014, la société GDS a contesté les griefs et rappelé que faute de règlement des redevances le franchisé s’exposait à la résiliation anticipée du contrat.

Par lettre du 3 juin 20014, le conseil des sociétés Logis Plus et Celt’Services réitérant et détaillant les griefs reprochés au franchiseur qualifiés de manquement graves à ses obligations, a notifié à la société GDS la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs.

Par acte du 31 mai 2019, la société GDS a assigné la société Logis Plus devenue Aequo et la société Celt’Services devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d’obtenir des dommages-intérêts pour résiliation anticipée du contrat aux torts exclusifs du franchisé et le paiement de redevances.

Par jugement du 15 septembre 2021, le tribunal de Commerce de Paris a :

– dit que la résiliation du contrat de franchise en date du 31 mars 2011 est intervenue le 3 juin 2014 aux torts des sociétés Aequo et Celt’Services,

– condamné les sociétés Aequo et Celt Services à payer à la société Groupe GDS Expansion la somme de 25 000 euros au titre de l’indemnité de résiliation,

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

– condamné les sociétés Aequo et Celt’Services aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,13 euros dont 15,64 euros de TVA.

Par déclaration reçue au greffe le 16 décembre 2021, les sociétés Aequo et Celt’Services ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 31 août 2022, les sociétés Aequo et Celt’Services demandent à la Cour de :

Vu l’article 122 du Code de Procédure Civile,

Vu le nouvel article 1178 du Code Civil,

Vu l’article 2224 du Code civil,

Vu les anciens articles 1152 et 1226 du Code civil,

Vu les articles L.330-3 et R.330-1 du Code de Commerce

Vu la jurisprudence et les pièces versées au débat,

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce du 15 septembre 2021 en ce qu’il a :

– Dit que la résiliation du contrat de franchise en date du 31 mars 2011 est intervenue le 3 juin 2014 aux torts des sociétés Aequo et Celt’Services

– Condamne les sociétés Aequo et Celt’Services à payer à la société Groupe GDS Expansion la somme de 25.000€ au titre de l’indemnité de résiliation

– Déboute les sociétés AEQUO et Celt’Services de leurs demandes

– Condamner les sociétés Aequo et Celt’Services aux dépens

Statuant de nouveau,

Dire et juger les sociétés Aequo (anciennement Logis Plus) et Celt’Services recevables et bien fondées en l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

Constater les manquements de la société Groupe GDS Expansion et notamment a` son obligation d’information précontractuelle,

En conséquence,

Dire et juger le contrat de franchise nul et de nul effet,

Condamner, en conséquence, la société Groupe GDS Expansion a` restituer la somme de 37.301,11€ au titre du droit d’entrée et des redevances (25.000€ + 5489,89€ + 4129,30€ +26981,92€) aux sociétés Aequo (anciennement Logis Plus) et Celt Service,

A tout le moins, et si par impossible la nullité n’était pas accueillie, dire et juger que les manquements fautifs de la société Groupe GDS Expansion engage sa responsabilité,

En conséquence, condamner la société Groupe GDS Expansion à verser aux sociétés Aequo (anciennement Logis Plus) et Celt’Services la somme de 37.301,11€ en réparation de son préjudice,

Dire et juger que la résiliation anticipée du contrat de franchise n’est pas fautive, mais causée par la défaillance du franchiseur,

Subsidiairement, dire et juger que l’indemnité prévue à l’article 23 « résiliation anticipée » du contrat de franchise s’analyse en une clause pénale, susceptible de réduction par le Tribunal,

En conséquence, réduire le montant de la clause pénale à l’euro symbolique, étant manifestement excessive et injustifiée.

En tout état de cause

Donner injonction à la société Groupe GDS Expansion d’avoir à communiquer sous astreinte de 100€ par jour de retard à l’issue d’un délai de 15 jours à compter du prononcé du jugement à intervenir :

– ‘la liste des départs de franchisés et des fermetures d’agence toutes causes confondues sur la période 2011 ‘ 2015

– ‘la liste des agences Générale des Services en activité à ce jour,

Débouter la société GROUPE GDS Expansion de toutes ses demandes fins et conclusions,

Confirmer le jugement du 15 septembre 2021 pour le surplus.

Débouter la société Groupe GDS Expansion de l’intégralité de ses demandes, y compris celles formées dans le cadre de son appel incident.

Condamner la société GDS Expansion à verser à chacune des sociétés Aequo et Celt Services la somme de 6000€ par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile.

Condamner la même aux entiers dépens, de première instance et d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 4 juin 2022, la société GDS demande à la Cour de :

Vu les articles 1134, 1145, 1146 et 1147 du Code civil (ancien),

Vu l’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution,

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 15 septembre 2021 entrepris en ce qu’il a :

– dit que la résiliation du contrat de franchise en date du 31 mars 2011 est intervenue le 3 juin 2014 aux torts des sociétés Aequo et Celt’Services,

– débouté les sociétés Aequo et Celt’Services de toutes leurs demandes,

– condamné les sociétés Aequo et Celt’Services aux dépens ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

L’infirmer pour le surplus

Recevoir l’appel incident de la société Groupe GDS Expansion,

Le déclarer fondé, et statuant à nouveau,

Rejeter des débats la pièce adverse 21 obtenue par des procédés illicites en violation du secret des correspondances,

Rejeter des débats les pièces adverses 26, 29, 31 à 37 et 39, s’agissant de copie-écran dont le contenu ne peut pas être authentifié,

Déclarer irrecevable, en toute hypothèse prescrite et infondée la demande en nullité du contrat de franchise Générale des Services formulée par les sociétés Aequo (anciennement dénommée Logis Plus) et Celt’Services,

Condamner in solidum les sociétés Aequo (anciennement dénommée Logis Plus) et Celt’Services à payer à la société Groupe GDS Expansion :

– la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la résiliation anticipée fautive du contrat de franchise,

– la somme de 8.181,77 euros TTC à titre de redevances contractuelles restées impayées à la date de résiliation du contrat de franchise,

En toute hypothèse,

Débouter les sociétés Aequo (anciennement dénommée Logis Plus) et Celt’Services de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Condamner les sociétés Aequo (anciennement dénommée Logis Plus) et Celt’Services à payer chacune à la société Groupe GDS Expansion la somme de 7.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner les sociétés Aequo (anciennement dénommée Logis Plus) et Celt’Services en tous les dépens de la première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2023.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de la demande de nullité du contrat de franchise et de restitution subséquente

Exposé des moyens des parties

Comme devant les premiers juges, la société GDS soulève l’irrecevabilité de la demande en nullité du contrat de franchise comme étant prescrite. Elle relève que les sociétés franchisées ont soulevé pour la première fois la nullité du contrat de franchise dans ses conclusions de première instance communiquées le 8 décembre 2020, soit plus de 9 années après la signature du contrat et que ce contrat a été exécuté pendant plus de 3 ans sans contestation de la part des sociétés franchisées. Elle soutient, qu’outre le fait que l’exécution volontaire du contrat emporte confirmation de celui-ci au sens des dispositions de l’article 1338 (ancien) du code civil, l’exception de nullité ne peut être opposée que pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté. Elle en déduit que cette demande de nullité du contrat, introduite plus de cinq années après sa conclusion, est prescrite.

Les sociétés Aequo et Celt’Services n’exposent pas de moyen particulier en défense à la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Réponse de la Cour,

Constitue une demande reconventionnelle, en vertu de l’article 64 du code de procédure civile, la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire (Ass. plén., 22 avril 2011, pourvoi n° 09-16.008, Bull. 2011, Ass. plén. n° 4 ; et en ce sens Com., 14 septembre 2022, pourvoi n° 21-12.744).

Selon l’article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court, dans le cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts.

Par ailleurs, l’exception de nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté ( 1re Civ., 15 janvier 2015, pourvoi n° 13-25.513, 13-25.512, Bull. 2015, I, n° 9 ).

Les sociétés appelantes qui ne répliquent pas spécifiquement à la fin de non-recevoir tirée de la prescription , ne contestent pas que leur demande de nullité du contrat a été formulée la première fois dans leurs écritures le 8 décembre 2020 et en toute hypothèse à l’audience du 31 mars 2021 tel que relevé dans le jugement. En outre, celles-ci ne se bornent pas à invoquer la nullité du contrat de franchise conclu le 24 mars 2011 mais entendent également de voir tirer les conséquence de cette nullité en sollicitant la remise des parties dans l’état antérieur à la signature de l’acte et la condamnation de la société GDS à lui payer une somme en restitution du droit d’entrée et des redevances payées en exécution du contrat, ce qui constitue une demande reconventionnelle et non une simple exception d’inexécution ayant pour objet de faire rejeter les demandes principales.

Les sociétés franchisées ne font pas état de circonstances particulières quant à la découverte de leur vice de consentement allégué. Il s’ensuit que cette demande de nullité du contrat de franchise et de restitution subséquente, introduite plus de cinq années après la conclusion du contrat, est prescrite.

Dès lors, la demande de nullité du contrat de franchise et de restitution subséquente des sociétés Aequo et Celt’Services est irrecevable comme étant prescrite. Le jugement sera infirmé en ce qu’il les a déboutées de leur demande.

Sur la résiliation du contrat de franchise

Exposé des moyens des parties

Les sociétés Aequo et Celt’Services font principalement valoir que la résiliation du contrat de franchise est intervenue en raison des graves manquements du franchiseur notifiés dans leur courrier du 3 juin 2014, notamment à son obligation d’assistance. Elles exposent que le franchisé a alerté à plusieurs reprises le franchiseur de son mécontentement à ce sujet et que nombre de franchisés ont quitté le réseau pour de tels motifs, démontrant le manque de performance du réseau. A cet effet, les sociétés appelantes font sommation à la société GDS de communiquer les documents suivants :

– la liste des départs de franchisés et des fermetures d’agence toutes causes confondues sur la période 2011-2015

– la liste des agences Générales des Services en activité à ce jour.

Elles sollicitent la somme de 37 301,11 euros en réparation de leur préjudice subi du fait des manquements contractuels du franchiseur.

La société GDS réplique pour l’essentiel que les griefs formulés à son encontre dans la lettre de résiliation du 3 juin 2014, non seulement ne sont pas établis mais en toute hypothèse ne seraient pas suffisamment graves pour justifier une rupture immédiate du contrat. Elle insiste sur le fait que M. [P] ne justifie d’aucun courrier de plainte adressé au franchiseur avant la mise en place, début 2014, d’une stratégie fallacieuse visant à résilier son contrat de franchise à bon compte malgré l’accord passé en septembre 2013 avec le franchiseur pour l’exploitation du fonds de commerce de Celt’Services au sein du réseau GDS. Elle soutient que la résiliation du contrat de franchise opérée par le franchisé est infondée et irrégulière et que cette résiliation est intervenue aux torts exclusifs de ce dernier le 4 juin 2014. Elle relève que cette résiliation est d’autant plus fautive qu’elle est intervenue alors que le franchisé a méprisé les principes de bonne foi et de probité, outre ses obligations contractuelles.

Réponse de la Cour

Par lettre du 3 juin 2014, le conseil des sociétés Logis Plus et Celt’Services ont notifié la rupture anticipée du contrat de franchise pour les manquements suivants du franchiseur :

– des conditions d’installation difficiles

– des promesses mensongères du réseau

– un savoir-faire limité

– une absence de suivi et d’assistance

– un système informatique non performant

– une insuffisance de communication

– des mauvais résultats du réseau

* sur le grief lié à l’installation

Les sociétés appelantes reprochent au franchiseur l’ouverture simultanée de deux agences sur le secteur de [Localité 5], la sienne sur le secteur de [Localité 5] ouest et celle de M. [O] sur le secteur de [Localité 5] Est, diminuant d’autant sa clientèle.

Outre le fait que les sociétés appelantes ne démontrent ni même n’allèguent que le franchiseur n’a pas respecté son obligation d’exclusivité, le franchiseur établi, sans être utilement contredit que l’agence de M. [O] était ouverte avant celle de M. [P], que ceux-ci ont suivi la même formation, et que la zone de chalandise de la ville de [Localité 5] assurait un potentiel de clientèle suffisant pour exploiter de manière satisfaisante le concept GDS pour chacun des franchisés sur leur zone d’exclusivité.

Ce grief n’est pas établi.

* sur le grief tiré des promesses mensongères du franchiseur

Les sociétés appelantes affirment que le franchiseur avait promis par l’intermédiaire de son site internet ou du document d’information précontractuel (DIP), « une rentabilité financière rapide, importante, à faible coût », promesse se révélant hors d’atteinte. Elles soutiennent que le montant de leurs investissements initiaux (125.000 euros) ont été supérieurs à ceux prévus dans le DIP (90.000 euros).

Outre le fait que les sociétés appelantes ne justifient pas que le site internet du réseau et le DIP contenaient de telles promesses, elles n’étayent par aucun élément tangible une absence de rentabilité du réseau. Les sociétés appelantes ne justifient pas non plus des investissements effectivement réalisés, et ne peuvent sérieusement comparer le montant prévisionnel des investissements figurant au DIP (90 000 eutros) avec le total du financements des investissements de l’étude prévisionnelle (pièce n° 6), au lieu du montant total des investissement à réaliser ( 78 000 euros) de ce même prévisionnel.

Ce grief n’est pas établi.

* sur les griefs tirés du savoir-faire, système informatique, et communication

Les sociétés appelantes prétendent que les partenariats promis à l’article 10 du contrat de franchise étaient inexistants, que le franchiseur a imposé l’achat d’un véhicule pour le transport de personnes à mobilité réduite et d’avoir un personnel compétent et qualifié à un coût élevé, que le savoir-faire n’a pas évolué régulièrement, que le système informatique n’est pas performant et que la communication est insuffisante.

Outre le fait que la société GDS justifie avoir noué plusieurs partenariats avec des clients d’envergure (pièces n° 25 à 27), les sociétés appelantes ne versent aux débats aucun élément pour accréditer l’allégation de marché ‘verrouillé’ par le milieu associatif et de l’absence d’information sur les politiques départementales en vigueur au jour de la signature du contrat.

S’agissant du savoir-faire tel que décrit à l’article 6 du contrat de franchise, il n’est pas contesté que le franchisé a reçu une formation initiale de plus de 50 jours, qu’il n’a formulé aucun reproche au franchiseur avant début 2014 et qu’il n’explicite pas en quoi le savoir-faire n’a pas évolué, alors que le franchiseur produit aux débats le planning de l’ensemble des séminaires du réseau depuis 2009 (pièce n°24).

Le manque de rentabilité de l’activité de transport et les reproches sur l’image de marque ne sont étayés par aucun élément.

S’agissant du système informatique, les sociétés appelantes se bornent à produire des doléances générales recueillies par la commission ‘franchisé’ courant 2014, sans produire au débat d’élément ni même expliciter les difficultés informatiques que les sociétés appelantes auraient elles-même subies de nature à compromettre leur activité et à caractériser un manquement grave de la part du franchiseur.

Enfin, s’agissant de la communication, les pièces versées aux débats par les sociétés appelantes (notament pièces n°9 et 32) sont insuffisantes pour établir un manquement du franchiseur à une obligations contractuelle particulière, et notamment celle prévue à l’article 11 du contrat Internet /VPC.

Dès lors, ces griefs ne sont pas établis.

* sur le grief tiré de l’absence de suivi et d’assistance

Les sociétés appelantes soutiennent que le franchiseur n’a pas respecté son obligation d’assistance prévue à l’article 13.2 du contrat de franchise, que M. [P] n’a rencontré qu’à deux reprises et de manière ponctuelle l’animateur de réseau, qu’il a multiplié les plaintes du défaut de stabilité et de compétence de ses interlocuteurs et d’un personnel insuffisant. Elles relèvent que plusieurs franchisés du réseau ont attesté de la carence du franchiseur dans son obligation d’assistance.

L’article 13.2 du contrat de franchise intitulé ‘Formation et assistance pendant la durée du contrat’ stipule que :

‘Le franchiseur assurera, à des conditions financières spécifiques d’ores et déjà connues du franchisé, la formation et l’assistance du responsable de l’agence de la manière suivante :

– Le responsable de l’agence s’engage à assister au moins à 5 jours de formation permanente par an.

Ces jours de formation ne seront facturés au franchisé qu’au-delà du 5 ème jour, le cas échant, à hauteur de 150 € HT par jour. Ce prix pourra être modifié en fonction de l’évolution des coûts du marché. (‘)

– Des réunions d’échange d’expériences pourront avoir lieu régulièrement en vue d’améliorer le savoir-faire GENERALE DES SERVICES dans un cadre contradictoire.’

La Cour constate que les sociétés franchisées ne justifient d’aucun reproche ou plainte formulé au franchiseur, ni de demande particulière d’assistance, avant janvier 2014. Si M. [P] a formulé différents griefs dans des courriels des 20 janvier 2014, 17 février 2014 et 18 février 2014, et il n’est pas contesté que suite à ces plaintes, une visite du franchiseur a été organisée dès le 21 février 2014 à l’agence de M. [P] et que le compte-rendu de visite fait état de différentes actions réalisées (pièces appelantes n° 7 et 8). Par ailleurs, l’article précité ne prévoit pas de visite périodique du franchiseur.

Les autres pièces produites, notamment les attestations de deux autres franchisés (pièces n° 22 et 30) ne démontrent pas davantage de manquement particulier du franchiseur à son obligation d’assistance telle que décrite ci-dessus à l’égard des sociétés appelantes elles-mêmes.

Dès lors, ce grief n’est pas établi.

* sur le grief tiré de la performance du réseau

Les sociétés appelantes remettent en cause la rentabilité du réseau, en faisant valoir que la redevance mensuelle de 5% était excessive, que les résultats des deux sociétés franchisées ont été très éloignés du prévisionnel et que le réseau a subi des départs massifs.

Outre le fait que les sociétés appelantes ne démontrent nullement que l’étude prévisionnelle éditée le 29 juin 2011 avait été établie par le franchiseur ou à tout le moins sur la base de chiffres erronés ou irréalistes de la part de celui-ci, les sociétés appelantes ne procèdent à aucune analyse sérieuse de leur activité sur les exercices clos 07/2011-03/2013 et 04/2013-03/2014 permettant d’établir que les résultats d’exploitation négatifs seraient directement imputables à un manque de rentabilité du concept de franchise du réseau GDS.

Si les sociétés appelantes listent les départs du réseau ( tableau pièce n°25) courant 2011-2013, il n’est cependant pas mis en évidence d’incohérence avec la présentation du réseau dans le DIP. Il est par ailleurs noté que le réseau comptait 17 franchisés en décembre 2010, et que le réseau fait état de plus de 80 agences en 2022 (pièces n°33 et 49).

En l’état des explications et moyen des sociétés appelantes, et sans qu’il soit nécessaire d’enjoindre la communication de la liste des départs des franchisés et des fermetures d’agence sur la période 2011-2015 et la liste des agences GDS en activité, le grief tiré de la performance du réseau n’est pas établi.

Il s’ensuit qu’ à défaut pour les sociétés Aequo et Celt’Services de démontrer l’existence de manquements graves du franchiseur dans l’exécution de ses obligations contractuelles, la résiliation anticipée du contrat de franchise notifiée par celles-ci le 3 juin 2014 est intervenue aux torts et griefs exclusifs des sociétés appelantes.

En conséquence, les sociétés Aequo et Celt’Services seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur la demande d’indemnité de la société GDS en réparation de la résiliation anticipée du contrat de franchise

Exposé des moyens des parties

Les sociétés Aequo et Celt’Services soutiennent que les dispositions de l’article 23 fixant par avance et de manière forfaitaire le montant des dommages-intérêts en cas de résiliation fautive du contrat est une clause pénale manifestement excessive devant être réduite à un euro symbolique. Elles relèvent que le fait pour la société GDS d’introduire une action en justice un peu moins de cinq années après la résiliation, sans rien réclamer préalablement, démontre l’absence de tout préjudice effectivement subi.

La société GDS demande la condamnation in solidum des sociétés Aequo et Celt’Services au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en application de l’article 23 du contrat de franchise prévoyant une indemnité minimum pour toute rupture fautive du contrat. Elle évoque au titre du préjudice subi, la perte des redevances du fait de la fin prématurée du contrat, la disparition de l’enseigne localement et la haute déloyauté du franchisé.

Réponse de la Cour,

L’article 23 dernier alinéa du contrat de franchise, en ce qu’il prévoit que toute rupture fautive impliquera une indemnité d’un montant au moins égale à 50 000 euros, s’analyse en une clause pénale au sens de l’article 1226 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnace n°2016-131 du 10 février 2016, ce que ne conteste pas la société GDS.

‘ En vertu de l’article 1152 (devenu 1231-5) du même code, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre, mais que le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Pour exercer son pouvoir modérateur, le juge doit déterminer le caractère manifestement excessif de la sanction au regard de la réalité du préjudice subi par le créancier de l’obligation inexécutée,

En considération de la durée du contrat de franchise restant à courir (22 mois), du projet d’intégration au réseau GDS du fonds de commerce Celt’Services situé à [Localité 2] acquis en novembre 2013 et de la disparition de l’enseigne sur le secteur de [Localité 5], le montant de la clause pénale n’apparaît pas manifestement excessif au regard du préjudice effectivement subi par le franchiseur.

Dès lors, les sociétés Aequo et Celt’Services seront condamnées in solidum à payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de la résiliation anticipée et fautive du contrat de franchise. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement de redevances de la société GDS

Exposé des moyens des parties

La société GDS fait valoir qu’en application des articles 19.2 et 19.4 du contrat de franchise, les sociétés franchisées étaient redevables au 3 juin 2014 de la somme de 7 927,29 euros TTC au titre de redevances contractuelles, étant observé que le franchiseur a retenu pour déterminer le montant provisoire de ses factures, le dernier chiffre d’affaires connu du franchisé. Elle soutient que grâce aux données financières transmises par les sociétés franchisées au cours de l’instance le 8 décembre 2020, elle peut procéder au calcul définitif de sa créance de redevance, soit la somme de 8 181,77 euros TTC. Elle précise que suivant un arrêt du 1er février 2011 de la Cour de cassation (n°10-30.160) la prescription quinquennale ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d’éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire.

Les sociétés Aequo et Celt’Services répliquent que la société GDS ne démontre pas sa créance ni dans son principe, ni dans son quantum dès lors que des avoirs ont été régularisés pour les redevances réclamées de novembre et décembre 2013, janvier et février 2014 et qu’en toute hypothèse la demande est prescrite.

Réponse de la Cour,

La société GDS a réclamé le paiement des redevances des mois de novembre et décembre 2013, janvier et février 2014 suivant des factures établies le 7 mai 2014 (pièce GDS n°30) puis suivant des factures émises le 26 janvier 2021 (pièces GDS n°45) au motif de leur actualisation à la suite de la production au cours de l’instance de données financières. Cependant, les sociétés franchisées produisent aux débats des factures émises le 7 mai 2014 par la société GDS pour la même période de redevances (pièces n°28) faisant apparaître des avoirs de régularisation et un solde négatif en leur faveur.

En l’état de ces éléments, la société GDS ne justifie pas de la réalité de sa créance et de son montant et sera en conséquence débouté de sa demande en paiement. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné les sociétés Aequo et Celt’Services aux dépens de première instance, mais infirmé en ce qu’il a débouté la société GDS de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Aequo et Celt’Services, parties perdantes, seront condamnées aux dépens d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile les sociétés Aequo et Celt’Services seront déboutées de leur demande et condamnées à payer chacune à la société GDS la somme de 4 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour seulement en ce qu’il a :

– débouté les sociétés Aequo et Celt’Services de leur demande de nullité du contrat de franchise et de restitution subséquente,

– condamné les sociétés Aequo et Celt’Services à payer à la société Groupe GDS Expansion la somme de 25 000 euros au titre de l’indemnité de résiliation,

– débouté la société Groupe GDS Expansion de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Déclare irrecevable comme prescrite la demande de nullité du contrat de franchise et de restitution subséquente des sociétés Aequo et Celt’Services ;

Condamne in solidum les sociétés Aequo et Celt’Services à payer à la société Groupe GDS Expansion la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice lié à la résiliation anticipée fautive du contrat de franchise ;

Condamne les sociétés Aequo et Celt’Services aux dépens d’appel qui seront recouvrés selon la procédure de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne les sociétés Aequo et Celt’Services à payer chacune à la société Groupe GDS Expansion la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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