Contrat de franchise : 24 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/06276

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Contrat de franchise : 24 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/06276

24 octobre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/06276

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 24 OCTOBRE 2023

(n° /2023)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/06276 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHM27

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Mars 2023 du Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021018565

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEUR

S.A.S. ITF

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240

Et assistée de Me Morgane JEHEL substituant Me Lionel LEFEBVRE de la SELARL CABINET HUBERT BENSOUSSAN & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : A262

à

DÉFENDEURS

S.A.S. BATIROX

[Adresse 2]

[Localité 5]

Madame [C] [Z]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentées par la SELAS SCHERMANN MASSELIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R142

Et assistées de Me Cécile SANIAL de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat plaidant au barreau de REIMS

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 28 Septembre 2023 :

Le 14 mars 2023, la société ITF (le franchiseur) a relevé appel d’un jugement rendu le 1er mars 2023 par le tribunal de commerce de Paris dans un litige l’opposant à la société Batirox et sa dirigeante Mme [Z] (les franchisés), relativement à la résiliation par la société ITF d’un contrat de franchise conclu en matière de prestations d’intermédiation de travaux et de suivi de chantier, pour violation par ses cocontractants de la clause de non-concurrence prévue à ce contrat.

Le tribunal de commerce a :

– constaté la résiliation au 9 novembre 2020 du contrat de franchise Illico Travaux aux torts de la société ITF,

– débouté la société ITF de ses demandes de condamner in solidum la société Batirox et Mme [Z] à lui payer des dommages et intérêts,

– condamné la société ITF à verser à la société Batirox la somme de 42.857 euros au titre du préjudice subi,

– débouté Mme [Z] de ses demandes indemnitaires,

– condamné la société ITF aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90,93 euros dont 14,94 euros de TVA,

– condamné la société ITF à payer la somme de 2.000 euros à la société Batirox et 2.000 euros à Mme [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Par actes du 5 avril 2023, la société ITF a assigné en référé la société Batirox et Mme [Z] devant le premier président de la cour d’appel de Paris à l’effet d’obtenir, au visa des articles 514-3, 521 et 515-5 du code de procédure civile :

– à titre principal, l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement entrepris,

– à titre subsidiaire, l’autorisation de consigner le montant des condamnations prononcées contre elle dans l’attente de la signification de l’arrêt à intervenir,

– à titre très subsidiaire, qu’il soit ordonné à la société Batirox et à Mme [Z] de constituer auprès d’un établissement de crédit une garantie bancaire à première demande d’un montant équivalent à celui des sommes mises à la charge de la société ITF par le jugement dont appel,

– en toute hypothèse, le débouté de la société Batirox et Mme [Z] de toutes leurs demandes, fins et prétentions et la réserve du sort des dépens qui suivront celui de l’instance au fond.

La société ITF se prévaut de moyens sérieux de réformation du jugement en ce qu’il a dit que la résiliation du contrat de franchise est intervenue aux torts exclusifs de la société ITF en considérant à tort que la société Batirox et Mme [Z] n’ont pas manqué à leur obligation contractuelle de non-concurrence, ainsi que de conséquences manifestement excessives en ce qu’il existe un risque de non-recouvrement du montant des condamnations du fait de l’insolvabilité de la société Batirox et de Mme [Z].

Par dernières conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience de plaidoirie, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société ITF réitère ses demandes et conclut au rejet de la fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs sur le fondement de l’article 514-3 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience de plaidoirie, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Batirox et Mme [Z] sollicitent :

– à titre principal, de déclarer la société ITF irrecevable en sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er mars 2023,

– à titre subsidiaire, de déclarer la société ITF mal fondée en sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire de ce jugement,

– en tout état de cause, de déclarer la société ITF mal fondée en sa demande de constitution de garanties bancaires à première demande,

– à titre infiniment subsidiaire, d’autoriser la consignation par la société ITF de la somme de 46.857 euros correspondant au montant des condamnations mises à sa charge par le jugement entrepris, auprès de la CARPA du barreau de Paris, dans l’attente de l’arrêt à intervenir,

– de réserver le sort des dépens qui suivront celui de l’instance devant la cour d’appel de Paris.

Elles font valoir qu’en se bornant à demander le rejet de l’exécution provisoire en première instance la société ITF n’a pas fait d’observations au sens de l’article 514-3 du code de procédure civile, que sa demande est donc irrecevable faute de conséquences manifestement excessives s’étant révélées postérieurement à la décision de première instance. Elles contestent l’existence de moyens sérieux de réformation du jugement ainsi que les conséquences manifestement excessives invoquées, faisant valoir que leurs difficultés financières résultent de l’exécution déloyale par ITF du contrat de franchise et qu’elles ne font pas l’objet d’une procédure collective.

SUR CE,

L’article 514-3 du code de procédure civile dispose que le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision dont appel lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Ces deux conditions sont cumulatives.

Ce texte précise que la demande de la partie qui a comparu en première instance, sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire, n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En l’espèce, dans ses dernières conclusions de première instance la société ITF a sollicité le rejet de l’exécution provisoire du chef des demandes de la société Batirox et de Mme [Z].

Cette demande de rejet de l’exécution provisoire vaut observations au sens de l’article 514-3 du code de procédure civile, lequel n’exige pas que la partie développe les conséquences qu’aurait pour elle le prononcé de l’exécution provisoire.

La recevabilité de l’action de la société ITF aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire n’est donc pas subordonnée à la démonstration de conséquences manifestement excessives qui se sont révélées après le prononcé du jugement de première instance.

Sur les conséquences manifestement excessives

Les conséquences manifestement excessives s’apprécient en ce qui concerne les condamnations pécuniaires par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de la décision assortie de l’exécution provisoire.

En l’espèce, la société ITF argue de conséquences manifestement excessives en ce que la situation financière de la société Batirox et de Mme [Z] l’exposent à un risque non-remboursement des sommes qu’elle est condamnée à leur payer avec exécution provisoire, en cas d’infirmation du jugement.

Force est de constater, comme le souligne la société ITF, que dans leurs conclusions de première instance la société Batirox et Mme [Z] ont mis en avant leurs difficultés financières, qu’elles ne contestent d’ailleurs pas dans le cadre de la présente instance, le fait par elles allégué que ces difficultés seraient imputables à l’exécution déloyale du contrat de franchise par leur cocontractant étant ici indifférent, le risque de non-remboursement des condamnations devant s’apprécier quelqu’en soient ses raisons. La société Batirox a ainsi indiqué et justifié en première instance qu’elle accusait un déficit de 39.485,33 euros en 2020, que son compte bancaire était débiteur et qu’elle devait faire face au remboursement d’un prêt bancaire jusqu’au 20 juillet 2024. En ce qui la concerne, Mme [Z] a exposé qu’elle devait faire face à de graves difficultés financières, ayant déclaré la somme de 8.015 euros à titre de salaires pour l’année 2019 et la somme de 13.374 euros pour l’année 2020. Elle a indiqué être au bord du dépôt de bilan et que le chiffre d’affaires de sa société Chozidov était nul, ajoutant être en grande détresse suite aux problèmes financiers qu’elle rencontre et qu’elle n’est plus en mesure de régler ses factures.

Ces éléments caractérisent incontestablement une situation d’impécuniosité, même si la société Batirox n’est soumise à une procédure collective, et les défenderesses ne prétendent pas ni ne justifient dans le cadre de la présente instance que leur situation financière se serait améliorée.

Le risque de non-remboursement de la condamnation de première instance, prononcée à hauteur de 42.857 euros, est donc avéré et, par suite, les conséquences manifestement excessives en résultant pour la société ITF sont caractérisées.

Sur les moyens sérieux de réformation du jugement de première instance

La société ITF a résilié le contrat de franchise de la société Batirox au motif de la violation par cette dernière et Mme [Z] de la clause de non-concurrence par la création d’une société Chozidov, exerçant une activité concurrente d’aide au dépôt de documents administratifs, notamment de permis de construire. Le premier juge a considéré que l’activité de la société Chozidov était exclue du champ d’activité de la société ITF et donc du contrat de franchise, en sorte qu’il n’y a pas eu violation de la clause de non-concurrence. Il a alloué à la société Batirox des dommages et intérêts pour résiliation fautive du contrat de franchise.

La limitation du périmètre des activités de la société ITF à une simple mission d’intermédiation ou de courtage en travaux, à l’exclusion de toute autre activité et notamment d’une activité d’aide à l’obtention de permis de construire, apparaît toutefois sérieusement discutable alors que l’article 1 du contrat de franchise stipule «le concept Illico travaux consiste à proposer des prestations d’intermédiation et/ou de suivi de chantier (assistance à maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’oeuvre,…) à toute personne (particulier ou professionnel) souhaitant réaliser des travaux de bâtiment et à tout professionnel intéressé par une intermédiation.», l’article 16 stipulant pour sa part : «Pendant toute la durée du contrat, le Franchisé et le Partenaire s’interdisent d’exercer directement ou indirectement une activité d’intermédiation en travaux et/ou de suivi de travaux (notamment assistance à maîtrise d’ouvrage ou maîtrise d’oeuvre), en dehors du cadre des présentes.»

Ce moyen de réformation soulevé par la société ITF est sérieux.

La société ITF est en conséquence bien fondée à solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire, dont les conditions sont réunies.

Il n’est pas nécessaire d’autoriser la société ITF à consigner le montant des condamnations mises à sa charge en l’attente de l’arrêt à intervenir, dès lors que sa solvabilité n’est pas discutée et qu’il lui revient de provisionner ce montant en ses comptes afin d’être en mesure de le payer si le jugement est confirmé.

La décision étant rendue dans l’intérêt exclusif de la société ITF, celle-ci supportera la charge des dépens de la présente instance, laquelle est autonome de l’instance d’appel si bien que les dépens ne peuvent être réservés comme il est demandé par les parties.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable et bien fondée la demande de la société ITF aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu le 1er mars 2023 par le tribunal de commerce de Paris ;

Ordonnons, en conséquence, l’arrêt de l’exécution provisoire de ce jugement,

Disons n’y avoir lieu à consignation,

Disons que la société ITF conservera la charge des dépens de la présente instance,

Rejetons toute demande plus ample ou contraire.

ORDONNANCE rendue par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente

 


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