Contrat de franchise : 19 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01339

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Contrat de franchise : 19 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01339

19 avril 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/01339

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 AVRIL 2023

N° RG 21/01339

N° Portalis DBV3-V-B7F-UPN5

AFFAIRE :

[E] [C]

C/

Société ATERCO

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 avril 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PONTOISE

Section : C

N° RG : F 17/00545

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Stéphanie LUC

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [E] [C]

né le 12 juillet 1985 à [Localité 4]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Stéphanie LUC de la SELARL 2APVO, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 165, substitué à l’audience par Me Agathe ABRAHAM, avocat au barreau du Val d’Oise

APPELANT

****************

Société ATERCO

N° SIRET : 343 885 653

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 et Me Jade ROQUEFORT de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 127

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [C] a été engagé en qualité d’équipier polyvalent, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 19 novembre 2002, par la société Aterco. A compter du 1er mars 2010, il a occupé le poste d’assistant de direction.

Cette société exploite un établissement sous l’enseigne McDonald’s situé au Centre commercial [Adresse 3] à [Localité 2], dans le cadre d’un contrat de franchise. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale de la restauration rapide.

Le salarié percevait une rémunération brute mensuelle de 2 321,30 euros (moyenne des 12 derniers mois, somme non contestée par les parties).

Le 7 avril 2017, M. [D], alors directeur du restaurant, a été remplacé par M. [K].

Par lettre du 26 juillet 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 8 août 2017.

Il a été licencié par lettre du 19 août 2017 pour faute simple dans les termes suivants :

« En votre qualité d’assistant de direction, vous vous devez d’adopter un comportement exemplaire au sein du restaurant et ce, notamment devant les équipiers que vous encadrez.

Or, force est de constater que vous adoptez depuis plusieurs semaines, un comportement hostile à l’égard de votre hiérarchie, comportement qui perturbe le bon fonctionnement du restaurant.

En effet, et comme vous le savez, au regard de la situation difficile du restaurant, à la suite du départ du Directeur, j’ai été nommé Directeur de restaurant et j’ai recruté un premier adjoint de direction pour renforcer l’équipe de Direction. Nous avons pris le temps de communiquer sur ces nominations. Comme vous l’exprimez très fréquemment, vous n’acceptez manifestement pas ces nominations et remettez en cause le bien fondé de nos décisions de management.

Vous considérez en effet que vous méritez le poste de 1er assistant et que vous êtes légitime pour l’occuper, ce que vous répétez inlassablement y compris en présence d’employés du restaurant et même de l’intéressé.

Au lieu de faciliter l’intégration et la prise de poste de nouveaux collaborateurs, vous mettez en cause très régulièrement leur légitimité et leur compétence professionnelle, notamment en présence d’employés, affectant ainsi sciemment leur autorité auprès du personnel.

Ainsi, vous pouvez tenir les propos dévalorisants voire déplacés s’agissant du 1er adjoint de direction (par exemple : ‘il n’a même pas le Tbm1 et Tbm2 et ne sait même pas faire un BigMac ou une livraison’) et s’agissant du Directeur (par exemple : ‘que faisait-il en train de pleurer la semaine dernière’).

De manière plus générale, vous tenez des propos critiques à l’égard du restaurant et de son franchisé mettant en cause ouvertement la capacité de celui-ci à décider et sa loyauté, notamment auprès du 1er adjoint de direction.

De plus, depuis que nous n’avons pas fait droit à votre demande de rupture conventionnelle compte tenu du niveau très élevé de vos prétentions au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle, vous n’avez de cesse de perturber gravement le bon fonctionnement du restaurant et de faire preuve d’un désengagement professionnel total dans l’exécution de vos fonctions.

A titre d’exemples :

– le lundi 3 juillet, un audit de sécurité alimentaire réalisé par [N] a conduit à une mauvaise notation du restaurant dans le domaine de la maîtrise de la chaîne de production, mettant en lumière vos insuffisances. Nous vous rappelons que dans l’historique de ces contrôles, de tels problèmes ne s’étaient jamais rencontrés ;

– le mardi 4 juillet, alors que le 1er assistant était responsable de la séquence de travail, vous êtes resté dans le bureau manager sans intervenir à ses côtés, refusant de servir la clientèle, et ce alors que l’affluence était forte ;

– le lundi 10 juillet, alors que vous étiez responsable de la séquence de travail, le franchisé en arrivant en début de soirée a constaté que vous étiez derrière le poste de production les bras croisés ;

– plus grave encore, alors que la veille un vol avait été commis, vous avez interpellé le 10 juillet 2017, le franchisé pour lui faire voir la vidéo ayant enregistré les faits et pour lui préciser que l’acte de vandalisme avait eu lieu à 23h40. Vous avez donc passé du temps à faire des recherches au niveau des enregistrements vidéo au détriment de la gestion de la séquence de travail dont vous aviez la responsabilité et ce alors que vous n’êtes pas habilité à traiter ce type de sujet et à visionner les enregistrements ;

– le lundi 24 juillet alors que le manager d’ouverture ne vous voyant pas arriver à 16h30 (soit 1/2 heure après votre prise de quart) a essayé de vous joindre, vous n’avez pas prévenu de votre arrêt de travail et j’ai dû assurer la fermeture du restaurant. Vous ne nous avez prévenus de votre arrêt de travail pour maladie que le mardi 25 par l’intermédiaire de votre épouse, et ce en contradiction complète avec les procédures en vigueur ;

– vous ne réalisez plus les tâches qui vous incombent comme le contrôle du plan d’entretien et de prévention et la réalisation de certaines tâches de ce même plan.

Alors que les discussions en vue d’une rupture conventionnelle ont été clôturées, vous continuez de répéter à chaque échange avec votre hiérarchie, y compris parfois de manière agressive et insistante, voire menaçante ‘vouloir partir’ et ‘ne plus vouloir travailler avec nous’.

A chaque demande de celle-ci dans le cadre de l’exécution de vos missions, vous levez les yeux en signe de désapprobation et réitéré votre souhait de quitter les effectifs.

Ce type de comportement hostile nuit à la bonne ambiance de travail, à notre réputation, mais également au bon fonctionnement du restaurant, notamment lorsque vous l’adoptez en présence de la clientèle, ou refusez d’exécuter vos missions en période de forte affluence.

Nous ne pouvons plus l’accepter.

Au vu de ce comportement irrespectueux, qui perturbe le bon fonctionnement du restaurant, nous sommes donc contraints de vous notifier, par la présente votre licenciement. »

Le 13 décembre 2017, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise aux fins de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 6 avril 2021, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise (section commerce), en sa formation de départage, a :

– dit le licenciement de M. [C] par la société Aterco (n° RCS Pontoise 343 885 653) fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– débouté M. [C] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné M. [C] au paiement des dépens,

– condamné M. [C] à payer à la société Aterco la somme de 500 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté la demande formée par M. [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration adressée au greffe le 5 mai 2021, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 10 janvier 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [C] demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise le 6 avril 2021,

y faisant droit,

– dire et juger le licenciement prononcé à son encontre le 19 août 2017 dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Aterco à lui régler la somme de 55 711,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

– condamner la société Aterco aux entiers dépens,

– condamner la société Aterco à lui remettre un bulletin de salaire conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision à intervenir,

– condamner la société Aterco à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– assortir la décision des intérêts au taux légal.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Aterco demande à la cour de :

– confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

– débouter M. [C] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner M. [C] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la rupture

Les parties sont en discussion sur la réalité des griefs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement.

***

En application de l’article L. 1232-6 du code du travail, dans sa version en vigueur lors des faits, la lettre de licenciement fixe les limites du litige « en ce qui concerne les motifs de licenciement » et lie les parties et le juge, qui ne peut rechercher d’autres faits pour justifier le licenciement.

L’article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Les faits invoqués comme constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail.

Il résulte de l’article L. 1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre des parties mais le doute doit profiter au salarié.

Par ailleurs, sauf abus caractérisé par la tenue de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit de la liberté d’expression dans l’entreprise.

En l’espèce, ainsi que l’a à juste titre retenu le premier juge, l’attestation de M. [G], qui est précise et circonstanciée, n’est pas dépourvue de force probante. Il convient donc de donner crédit au témoignage selon lequel le salarié « n’a pas cessé de [dénigrer M. [G]] en prétendant [qu’il n’était] pas formé et [qu’il n’avait] pas l’expérience et le diplômes requis par McDo (TBM1 et TBM2), ce qui est totalement faux ».

Les propos du salarié étaient excessifs, parce que mensongers. En cela, le grief relatif aux propos tenus par le salarié est établi.

L’audit interne du 3 juillet 2017 (« audit hygiène de soir non-annoncé ‘ Mc Donald’s ») a mis en évidence des « non-conformités » pour deux des trois critères de vérification : la « propreté des équipements et matériels de nettoyage/désinfection à la plonge » et la « propreté des ustensiles ». Comme l’a relevé le premier juge, il ressort du planning de juillet 2017 que le salarié était spécialement affecté ce mois-là au « pôle entretien/équipement » de sorte qu’il importe peu que l’audit ait été conduit alors que trois managers étaient présents lors de l’inspection.

Le grief ici étudié, relatif à l’absence de réalisation par le salarié de ses tâches, est donc établi.

Par ailleurs, selon l’attestation de M. [G] dont il a été jugé qu’elle n’était pas dépourvue de caractère probant : « (‘) lors de ma séquence de travail en commun le 04/07/17, alors que l’affluence était importante et que je lui demandais son aide, [le salarié] a préféré rester dans le bureau plutôt que de m’aider à gérer les équipes. Il ne pouvait [pas] ne pas savoir que l’affluence était importante car il observait la vidéo-surveillance ». Or, comme l’a retenu avec pertinence le premier juge, la fiche de poste du salarié – fiche d’assistant de direction – précise au premier chef que l’assistant de direction « s’assure que l’ensemble du personnel donne la priorité à la satisfaction du client (‘) ». Ainsi, devant l’affluence, le salarié était tenu de donner priorité à sa présence en salle plutôt qu’à l’observation de la vidéo-surveillance.

Le grief relatif au désengagement reproché au salarié est établi.

Le 24 juillet 2017, le salarié a été placé en arrêt de travail. Il n’est pas discuté que ce jour-là, le salarié devait prendre ses fonctions à 16h00 et assurer la fermeture du restaurant. Il n’est pas non plus discuté qu’il n’a avisé l’employeur de son absence pour maladie que le 25 juillet 2017.

Contrairement à ce que prétend le salarié dans ses écritures, l’employeur ne lui reproche pas de l’avoir avisé de son arrêt de travail par l’intermédiaire de son épouse. En retenant dans la lettre de licenciement « Vous ne nous avez prévenus de votre arrêt de travail pour maladie que le mardi 25 par l’intermédiaire de votre épouse, et ce en contradiction complète avec les procédures en vigueur » c’est bien la tardiveté de l’information qui lui est reprochée.

Le règlement intérieur de la société prescrit qu’en cas d’absence imprévisible « le salarié doit informer ou faire informer au plus tôt la direction dans les 48 heures et fournir dans les trois jours une justification de cette absence ». Ainsi que l’a retenu le premier juge, l’information de l’employeur d’une absence imprévisible peut se faire par tout moyen et ne doit pas être confondue avec la justification de cette absence. Or, non seulement c’est sans offre de preuve que le salarié soutient, dans ses écritures, que « qu’il a eu connaissance de son impossibilité de prendre son poste, [il] a tout fait pour tenter d’en avertir son employeur. Il a cherché à contacter à plusieurs reprises le numéro fixe du restaurant (‘) dès le 24 juillet pour tenir informé de son arrêt maladie. Ses tentatives d’appels n’ont pu aboutir » , cette affirmation n’ étant pas crédible dès lors que le salarié ne conteste pas que l’employeur a précisément tenté de le joindre téléphoniquement à 16h30.

Le grief relatif à l’information tardive de l’entreprise de son arrêt de travail est établi.

Les griefs retenus sont réels et suffisamment sérieux pour justifier le licenciement du salarié.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, le salarié sera condamné aux dépens de la procédure d’appel.

Il conviendra de condamner le salarié à payer à l’employeur une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais d’appel.

Le jugement sera en outre confirmé en ce qu’il a condamné le salarié à payer à l’employeur une indemnité de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [C] à payer à la société Aterco la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais d’appel,

CONDAMNE M. [C] aux dépens.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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