Contrat de fourniture de services conclu à distance : annulation et restitution de l’acompte

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Contrat de fourniture de services conclu à distance : annulation et restitution de l’acompte
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Dans la mesure où un contrat de fourniture de services, conclu à distance entre une consommatrice et une société, professionnelle, ne mentionne pas les informations relatives au droit de rétractation, c’est à bon droit que la consommatrice en demande l’annulation, ainsi que la restitution consécutive de l’acompte versé en exécution de ce contrat, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la mise en demeure, conformément à l’article 1231-6 du code civil.

Il résulte des dispositions du code de la consommation que le consommateur qui conclut, à distance, avec un professionnel, un contrat de fourniture de services, dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation (article L221-18) ; que, préalablement à la conclusion d’un contrat de fourniture de services entre un professionnel et un consommateur, le professionnel doit fournir au consommateur, de manière lisible et compréhensible, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’État (article L221-5 7°) ; que lorsque les informations relatives au droit de rétractation n’ont pas été fournies au consommateur dans les conditions précitées, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial (L221-20) ; qu’une telle sanction n’est toutefois pas exclusive du droit pour le consommateur de demander l’annulation du contrat (voir en ce sens Cass, Civ 1, 20 décembre 2023, 22-14.020).

Madame [E] [O] a contacté la SAS Meolia pour la réalisation d’un projet de construction de maison à [Localité 5]. Elle a signé une proposition d’achat du terrain en juin 2022 et versé deux acomptes à la société Meolia. Cependant, elle a décidé de renoncer au projet et a demandé à la société Meolia de lui restituer l’acompte de 9.000 euros versé. Madame [O] a ensuite assigné la SAS Meolia en justice pour obtenir l’annulation du contrat, le remboursement de l’acompte, des dommages et intérêts, ainsi que le paiement des frais de justice. La SAS Meolia conteste les prétentions de madame [O], affirmant que sa mission se limitait à mettre en relation des acquéreurs avec des sociétés de construction et que madame [O] était responsable de la rétractation du contrat. Le tribunal a mis l’affaire en délibéré pour le 16 août 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

16 août 2024
Tribunal judiciaire de Bobigny
RG n°
23/07501
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 16 AOUT 2024

Chambre 6/Section 4
AFFAIRE: N° RG 23/07501 – N° Portalis DB3S-W-B7H-X4OI
N° de MINUTE : 24/00479

Madame [E] [O]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Sandrine ZALCMAN de la SELEURL CABINET SANDRINE ZALCMAN, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : G0485

DEMANDEUR

C/

S.A.S. MEOLIA
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Ilanit SAGAND-NAHUM, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1021

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, vice-président, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maud THOBOR, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 10 Juin 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 16 Août 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN ,vice-président, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Courant juin 2022, madame [E] [O] et la SAS Meolia sont entrées en contact via Internet pour la réalisation d’un projet de construction de maison à [Localité 5], la nature de la mission confiée à la seconde étant néanmoins discutée par les parties.

Le 10 juin 2022, madame [O] a signé une proposition d’achat du terrain en cause.

Les 15 juin et 8 juillet 2022, elle a versé à la société Meolia deux acomptes successifs de 4.500 euros.

Un projet de promesse de vente a été établi et soumis au notaire de madame [O], mais cette dernière a décidé de renoncer au projet.

Par courrier du 17 janvier 2023, madame [O] a mis la société Meolia en demeure de lui restituer l’acompte de 9.000 euros versé.

C’est dans ce contexte que, par acte d’huissier enrôlé le 7 août 2023, madame [E] [O] a fait assigner la SAS Meolia devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 décembre 2023, madame [E] [O] sollicite :
l’annulation du contrat du 14 juin 2022 conclu avec la société Meolia ; la condamnation de la société Meolia à lui rembourser la somme de 9.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure et à lui payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts ; le bénéfice de l’exécution provisoire de droit ; la condamnation de la société Meolia aux dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 2.400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de ses prétentions, elle soutient que le contrat conclu avec la société Meolia est nul ; qu’il s’agit en effet d’un contrat de construction de maison individuelle (CCMI), qui ne respecte par les dispositions des articles L231-1, L231-2 et L271-1 du code de la construction et de l’habitation ; que cette qualification de CCMI, revendiquée par la société Meolia avant la présente instance, correspond à la réalité et ne peut désormais être remise en cause par la défenderesse ; qu’aucun des documents contractuels ne mentionne l’existence de sa faculté de rétractation, issue du code de la construction et de l’habitation, mais aussi du code de la consommation pour les contrats conclus à distance ; que la société Meolia devra ainsi lui restituer l’acompte perçu, qu’elle retient abusivement, raison pour laquelle elle devra également l’indemniser pour le préjudice moral subi.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 janvier 2024, la SAS Meolia demande au tribunal de rejeter les prétentions adverses ; subsidiairement, de réduire l’indemnité allouée à de plus justes proportions ; reconventionnellement, de condamner madame [O] à lui payer la somme de 5.400 euros pour révocation abusive du contrat ; accessoirement, de condamner cette dernière aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du même code.

A l’appui de ses prétentions, elle soutient que sa mission se limite à mettre en relation de futurs acquéreurs avec des sociétés de construction ; que la proposition d’achat de terrain litigieuse a été conclue avec la société PF Conseils ; qu’elle-même n’a réalisé qu’une mission de conception et de faisabilité architecturale, soit un contrat de prestations de services, non soumis à la réglementation invoquée en demande ; que les deux acomptes versés l’ont été en exécution du contrat ; que c’est madame [O] qui est fautive de s’être rétractée, en dépit de la convention signée, sans aucun préavis et au-delà du délai de quatorze jours imparti par l’article L221-18 du code de la consommation, raison pour laquelle elle devra l’indemniser à hauteur du montant du 3e acompte correspondant au projet de permis de construire, qu’elle avait effectivement préparé.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties, il sera renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la mise en état a été fixée au 31 janvier 2024 par ordonnance du même jour.

A l’audience du 10 juin 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 16 août 2024, date du présent jugement.

MOTIFS

Sur les demandes principales

A titre liminaire, le tribunal relève que :
contrairement à ce que soutient madame [O], l’offre d’achat du terrain litigieux, signée le 10 juin 2022 par la demanderesse, a été consentie par la société PF Conseils, et non par la société Meolia ; que le seul contrat liant madame [O] et la société Meolia produit au débat est celui signé le 14 juin 2022 ; que l’exemplaire produit en demande, en pièce 14, dont la 2e page porte la signature de la demanderesse, comporte en 1e page, non le début du contrat, mais l’offre d’achat précitée, ce qui est manifestement une erreur ; que l’exemplaire produit en défense, en pièce 1, ne porte pas la signature de la demanderesse en 2e page, mais comporte une 1e page qui est plus cohérente avec la seconde (notamment s’agissant du prix de 15.000 euros, qui correspond davantage à une mission de fourniture de services, qu’à l’achat d’un terrain, l’offre d’achat du terrain précité mentionnant d’ailleurs un prix de 235.000 euros pour le terrain et visant la société Meolia comme « le service architecture »), indiquant que la mission confiée à la société Meolia est une « mission de faisabilité et de conception architecturale » ; que, de la combinaison de ces deux exemplaires, il y a lieu de retenir qu’un contrat a effectivement été conclu le 14 juin 2022, aux fins de fourniture de services (à savoir la « mission de faisabilité et de conception architecturale ») ; qu’il n’est pas discuté que ce dernier contrat a été conclu par Internet.
Sur le sort du contrat et des acomptes
Il résulte des dispositions du code de la consommation :
que le consommateur qui conclut, à distance, avec un professionnel, un contrat de fourniture de services, dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation (article L221-18) ; que, préalablement à la conclusion d’un contrat de fourniture de services entre un professionnel et un consommateur, le professionnel doit fournir au consommateur, de manière lisible et compréhensible, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’État (article L221-5 7°) ; que lorsque les informations relatives au droit de rétractation n’ont pas été fournies au consommateur dans les conditions précitées, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial (L221-20) ; qu’une telle sanction n’est toutefois pas exclusive du droit pour le consommateur de demander l’annulation du contrat (voir en ce sens Cass, Civ 1, 20 décembre 2023, 22-14.020).
En l’espèce, et dans ces conditions, dans la mesure où le contrat de fourniture de services litigieux, conclu à distance entre madame [O], consommatrice, et la société Meolia, professionnelle, le 14 juin 2022, ne mentionne pas les informations relatives au droit de rétractation, c’est à bon droit que madame [O] en demande l’annulation, ainsi que la restitution consécutive de l’acompte de 9.000 euros versé en exécution de ce contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2023, date de réception de la mise en demeure, conformément à l’article 1231-6 du code civil.

Du fait de l’annulation du contrat, la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour révocation abusive dudit contrat présentée par la société Meolia ne peut qu’être rejetée.

Sur la résistance abusive
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. A ce titre, la résistance abusive représente la contrainte pour le demandeur d’agir en justice pour faire valoir ses droits, suite à une attitude abusive d’un particulier ou d’une société, qui a refusé d’accéder à ses prétentions.

En l’espèce, le fait pour la société Meolia d’avoir refusé de restituer l’acompte litigieux ne saurait suffire à caractériser une résistance abusive, d’autant que sa position n’était pas totalement dénuée de sérieux.

La demande de dommages et intérêts présentée de ce chef par madame [O] sera ainsi rejetée.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En application de l’article 700 du même code, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En conséquence, la société Meolia, partie perdante, sera condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer à madame [O] une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens fixée, en équité et compte tenu du justificatif produit, à 2.400 euros.

Enfin, il y a lieu de constater l’exécution provisoire, qui est de droit, conformément à l’article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et rendu en premier ressort,
Annule le contrat de « mission de faisabilité et de conception architecturale » conclu le 14 juin 2022 entre madame [E] [O] et la SAS Meolia ;

Condamne la SAS Meolia à restituer à madame [E] [O] la somme de 9.000 euros au titre de l’acompte versé, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2023 ;

Déboute madame [E] [O] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Déboute la SAS Meolia de sa demande de dommages et intérêts pour révocation abusive du contrat ;

Condamne la SAS Meolia aux dépens ;

Condamne la SAS Meolia à payer à madame [E] [O] la somme de 2.400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La minute est signée par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice-Président, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.
Le greffier, Le president,


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