Contrat de distribution : la clause d’achat minimal de stock
Contrat de distribution : la clause d’achat minimal de stock
Ce point juridique est utile ?

Dans le cadre d’un contrat de distribution, l’obligation de passer commande pour un montant minimal n’est pas assimilable à une clause pénale, elle ne peut donc être modérée par le juge.  

Une clause pénale s’analyse en une convention par laquelle les contractants déterminent eux-mêmes forfaitairement les dommages et intérêts qui seront dus en cas d’inexécution d’une obligation, de retard dans l’exécution de celle-ci.

Clause d’approvisionnement

La société Gentaur n’a pas commandé de produit à la société Y et ce faisant n’a pas respecté la clause d’approvisionnement due à son fournisseur pendant la durée du contrat de sorte que la société Y établit bien l’existence d’un manquement contractuel.

En l’occurrence, la société Y. a confié à la société Gentaur la distribution de certains de ses produits sur le territoire de l’Europe par un contrat de distribution non-exclusif en date du 10 juin 2014 prévu pour une durée de deux ans.

Aux termes de son article 2.4, le contrat rédigé en anglais, prévoyait:

« 2.4 In each year of the Term the Distributor, unless prevented by force majeure, shall order from the Supplier not less than the minimum quantity of the Goods specified in Annex 2. For the first year, the minimum amount of the orders made by the Distributor shall be at least equal to a € 10.000 before taxes ». (traduction assermentée) :

« 2.4 Au cours de chaque année de la Durée, le Distributeur, sauf s’il en est empêché par un cas de force majeure, commandera auprès du Fournisseur, au moins la quantité minimale des Produits spécifiée en Annexe 2. Pour la première année, la quantité minimale des commandes passées par le Distributeur sera être au moins égale à 10.000 € hors taxes ».

Le contrat a expiré au terme contractuel convenu par les parties. A cette date la société Gentaur n’avait passé aucune commande auprès de la société Y. Par courrier recommandé, la société Y. a facturé à la société Gentaur en exécution de l’article 2.4 du contrat de distribution la somme de 10 000 euros ce que la société Gentaur a contesté par courrier du 12 avril 2017 en faisant valoir que « depuis le 10 juin 2014 elle n’avait reçu aucun email, courrier ou appel téléphonique de leur part avec les informations indispensables à la distribution et au marketing des produits. »

Exclusion de la qualification de clause pénale

Les parties sont en désaccord sur la qualification de la clause, la société Y. prétendant à la fois qu’elle stipule l’obligation de passer commande pour un montant minimal de 10.000 euros pour chaque année d’exécution du contrat et une indemnité forfaitaire du préjudice subi assimilable à une clause pénale.

Selon l’article 1226 ancien du code civil dans sa rédaction applicable au litige « La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution ».

En l’espèce la clause rédigée dans ces termes « 2.4 Au cours de chaque année de la Durée, le Distributeur, sauf s’il en est empêché par un cas de force majeure, commandera auprès du Fournisseur, au moins la quantité minimale des Produits spécifiée en Annexe 2. Pour la première année, la quantité minimale des commandes passées par le Distributeur devra être au moins égale à 10.000 € hors taxes » correspond clairement à une clause d’achat minimale dont l’objet ne se confond pas avec une clause pénale.

Cette clause ne contient aucune accord des parties sur l’indemnisation qui serait due en cas d’inexécution. La défaillance alléguée par l’intimée dans cette obligation si elle était reconnue valable, doit se résoudre selon les règles de la responsabilité contractuelle.

Contractualisation entre professionnels

Le contrat a été signé entre les parties qui sont des professionnels avisés étant observé que l’appelante met en avant la qualité de son réseau et son expérience dans le domaine de la distribution ; que c’est à la demande de la société Gentaur par l’intermédiaire de son établissement bulgare que la société Y. a adressé en retour un projet de contrat qu’elle a mis à sa disposition. C ‘est donc à l’issue d’un certain délai de réflexion que la société Gentaur a signé le contrat de distribution.

Il ressort du contrat que la clause 2.4 dont le caractère inhabituel dans ce type de contrat et de secteur n’est pas démontré, apparaît clairement dans la partie réservée aux dispositions opérationelles du contrat que la société Gentaur n’a pu ignorer.

Elle a apposé sa signature sur l’annexe 2 intitulée « Quantités minimales » qui se présente de façon isolée sur une page exclusivement dédiée à cette obligation de sorte qu’elle a librement accepté la clause sans pouvoir sérieusement prétendre qu’elle ne l’avait pas détectée en signant le contrat.

La société Gentaur n’établit pas non plus que le contrat était déséquilibré ni que les produits sans support étaient invendables. En effet la société Gentaur reconnaît qu’elle a référencé et présenté les produits à la vente sur internet.

Contrepartie du distributeur 

Enfin son obligation d’approvisionnement n’était pas dénuée de contrepartie puisqu’ elle avait la possibilité d’ acquérir directement des produits Y. pour les revendre sans passer par des intermédiaires et le droit de se prévaloir des autres obligations mises à la charge de son fournisseur notamment celle de fournir assistance et support prévues par les articles 8.1 et 8.2 du contrat intitulées « support et formation » qui prévoient respectivement:

« le fournisseur fournira le cas échéant au distributeur gratuitement et de manière raisonnable, les échantillons des produits et les brochures, catalogues, manuels et informations promotionnelles et publicitaires actualisées concernant les produits que le fournisseur jugera appropriées ou que le distributeur pourra raisonnablement demander, afin d’assister le distributeur dans la vente des produits sur le territoire ».

«le fournisseur s’efforcera de répondre, dès que possible à toutes les demandes d’informations techniques concernant les Produits transmises par le Distributeur ou ses clients et de fournir au Distributeur l’assistance nécessaire pour le traitement de tout Produit défectueux ».

La société Gentaur n’est en conséquence pas fondée à soutenir que le contrat est dépourvu de cause et d’objet. La demande en nullité de la clause sera en conséquence rejetée et la décision rendue sur ce chef sera confirmée.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 16

ARRET DU 18 MAI 2021

Chambre commerciale internationale

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/22026 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCSR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2018003816

APPELANTE :

[…]

Société de droit belge

Ayant son siège social : Voortstraat 49, […]

prise en la personne de ses représentants légaux,

Elisant domicile au cabinet de et représentée par Me B C substitué à l’audience par Me Ivana MIKRUT de la SELARL R & R, avocats au barreau de PARIS, toque : C0622

INTIMEE :

SAS Y.

Immatriculée au registre de commerce de Grenoble sous le numéro B523783488

Ayant son siège social : […], […]

prise en la personne de ses représentants légaux,

Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocate au barreau de PARIS, toque : A0200 – ayant pour avocat plaidant Me Josquin LOUVIER, substitué à l’audience par Me B BRASQUIES, avocats au barreau de Grenoble

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Fabienne SCHALLER et Laure ALDEBERT, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

X Y, président

Fabienne SCHALLER, conseiller

Laure ALDEBERT, conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par X Y, président et par D E, greffière à qui la minute a été remise par le magistrat signataire.

I ‘ FAITS ET PROCÉDURE

Faits

1-La société Gentaur Bvba (ci-après «Gentaur ») est une société de droit belge appartenant à un groupe qui a pour activité la distribution de produits de recherche sur l’ensemble du territoire européen.

2- La société Y. est quant à elle, une société française de biotechnologies qui se consacre à la recherche et le développement de molécules innovantes dans différents domaines dont des petites molécules thérapeutiques destinées au traitement du cancer.

3-La société Y. a confié à la société Gentaur la distribution de certains de ses produits sur le territoire de l’Europe par un contrat de distribution non-exclusif en date du 10 juin 2014 prévu pour une durée de deux ans.

4- Aux termes de son article 2.4, le contrat rédigé en anglais, prévoyait:

« 2.4 In each year of the Term the Distributor, unless prevented by force majeure, shall order from the Supplier not less than the minimum quantity of the Goods specified in Annex 2. For the first year, the minimum amount of the orders made by the Distributor shall be at least equal to a € 10.000 before taxes ». (traduction assermentée) :

« 2.4 Au cours de chaque année de la Durée, le Distributeur, sauf s’il en est empêché par un cas de force majeure, commandera auprès du Fournisseur, au moins la quantité minimale des Produits spécifiée en Annexe 2. Pour la première année, la quantité minimale des commandes passées par le Distributeur sera être au moins égale à 10.000 € hors taxes ».

5-Le contrat a expiré au terme contractuel convenu par les parties, soit le 9 juin 2016.

6-A cette date la société Gentaur n’avait passé aucune commande auprès de la société Y..

7-Par courrier recommandé, daté du 3 mars 2017 la société Y. a facturé à la société Gentaur en exécution de l’article 2.4 du contrat de distribution la somme de 10 000 euros ce que la société Gentaur a contesté par courrier du 12 avril 2017 en faisant valoir que « depuis le 10 juin 2014 elle n’avait reçu aucun email, courrier ou appel téléphonique de leur part avec les informations indispensables à la distribution et au marketing des produits. »

8-Par courrier recommandé du 13 juin 2017, la société Y. a par l’intermédiaire de son conseil mis en demeure la société Gentaur de lui payer ladite somme, lui reprochant de n’avoir jamais demandé d’assistance.

9-Par courrier recommandé du 28 juillet 2017, la société Gentaur a maintenu son désaccord.

Procédure

10- C ‘est dans ce contexte que la société Y. sur le fondement de la clause 22 du contrat de distribution attribuant compétence aux juridictions de Paris, a fait assigner selon exploit du 14 novembre 2017, la société Gentaur devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins d’obtenir sa condamnation, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement d’une somme de 20.000 € en principal et 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

11-Par jugement en date du 17 octobre 2019 le tribunal de commerce de Paris a :

— Débouté la société de droit belge […] de sa demande de nullité de la clause imposant l’achat minimal figurant dans le contrat du 10 juin 2014 ;

— Condamné la société de droit belge […] à payer à la SAS Y. la somme de 10.000 € HT, déboutant pour le surplus ;

• Dit que ce paiement sera subordonné à la livraison, par la SAS Y. à la société de droit belge […], de produits visés au contrat représentant l’équivalent de cette somme. Ce paiement sera effectué dans les 15 jours ouvrables de la livraison effective, elle-même réalisée dans les 15 jours ouvrables suivant la signification du présent jugement ;

• Débouté la société de droit belge […] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

• Condamné la société de droit belge […] à payer à la SAS Y. la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile déboutant pour le surplus ;

• Ordonné l’exécution provisoire sans constitution de garantie ;

— Condamné la société de droit belge […] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 75,36 € dont 12,35 € de TVA, y compris les frais de traduction assermentée de l’assignation et du contrat de distribution ».

12-Par déclaration du 28 novembre 2019, la société Gentaur a interjeté appel de ce jugement.

13-Les parties ont expressément acquiescé à l’application du protocole de procédure applicable devant la chambre commerciale internationale de la Cour (CCIP-CA).

14-La clôture a été prononcée le 26 janvier 2021.

II ‘ PRÉTENTIONS DES PARTIES

15-Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2020, la société […] demande à la cour aux visas des anciens articles 1108, 1612, 1651, 1653, 1704 et 1948 du code civil et aux nouveaux articles 1169, 1170 et 1171, 1217, 1219 et 1220 du code civil, de :

INFIRMER en l’essentiel de ses dispositions le jugement rendu le 17 octobre 2019 par le Tribunal de Commerce de PARIS ;

DEBOUTER la société Y. de son appel incident et de ses demandes dirigées contre elle,

Statuant à nouveau,

DIRE nulle la clause imposant achat minimal à la société […] insérée malicieusement et indûment au contrat de distribution du 10 juin 2014 pour défaut d’objet de clause ;

À titre subsidiaire,

CONSTATER que la société […] ne pouvait respecter la clause d’acquisition minimale à raison des fautes commises par Y. dans le cadre de l’exécution du contrat et de son caractère disproportionné ;

En conséquence,

DÉBOUTER la société Y. de l’ensemble de ses fins et demandes ;

A titre infiniment subsidiaire,

DIRE que le paiement des sommes réclamées sera subordonné à la livraison des produits visés au contrat ;

En tout état de cause,

CONDAMNER la société Y. au paiement d’une somme de 5.000 € au profit de la société […] à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNER la société Y. au paiement d’une somme de 5.000 € au profit de la société […] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens ;

DEBOUTER la société Y. de sa demande de condamnation de la société GENTAUR au paiement d’une somme complémentaire de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la société Y. en tous les dépens dont distraction sera ordonnée au profit de Maître B C conformément aux dispositions de l’articl 699 du code de procédure civile

16-Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 24 juillet 2020, la société Y. demande à la cour au visa de l’article 1134 du code civil, de :

CONFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 17 octobre 2019 en ce qu’il a débouté la société GENTAUR de sa demande de nullité de la clause imposant l’achat minimal figurant dans le contrat du 10 juin 2014 ;

CONFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 17 octobre 2019 en ce qu’il a débouté la société GENTAUR de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

INFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 17 octobre 2019 en ce qu’il n’a condamné la société GENTAUR qu’au paiement de la somme de 10.000 Euros HT, subordonnée à la livraison par la société Y. à la société GENTAUR de produits visés au contrat représentant l’équivalent de cette somme ;

En conséquence, et statuant à nouveau,

CONSTATER la créance de 20.000 Euros de la société Y. à l’égard de la société GENTAUR au titre de l’application de la clause pénale présente au contrat du 10 juin 2014,

En conséquence,

CONDAMNER la société GENTAUR à payer la somme de 20.000 Euros à la société Y., sans assortir cette condamnation à une contrepartie, et sans en subordonner le paiement à une quelconque livraison,

À titre subsidiaire :

CONSTATER la créance de 20.000 Euros de la société Y. à l’égard de la société GENTAUR au titre de l’application de la clause d’approvisionnement minimal présente au contrat du 10 juin 2014,

En conséquence :

CONDAMNER la société GENTAUR à payer la somme de 20.000 Euros à la société Y., en imposant à la société GENTAUR le paiement provisionnel du montant des condamnations, afin de garantir la bonne exécution de la décision à intervenir.

En tout état de cause :

CONFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 17 octobre 2019 en ce qu’il a condamné la société GENTAUR à payer à la société Y. la somme de 2.500 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Y AJOUTANT, CONDAMNER la société GENTAUR à payer la somme de 5.000 Euros à la société Y. au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais exposés pour la présente procédure d’appel ;

CONFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 17 octobre 2019 en ce qu’il a condamné la société GENTAUR aux entiers dépens, en ce compris les frais de traduction assermentée de l’assignation et du contrat de distribution conformément aux dispositions de l’article 695 2° du Code de procédure civile.

III ‘ MOYENS DES PARTIES

17-Au soutien de son appel, la société Gentaur expose tout d’abord n’avoir jamais eu conscience en signant le contrat de s’engager à une clause minimale d’achat qui n’ est en principe jamais convenue sur ce marché et encore moins dans un contrat de distribution non exclusif.

18-Sur le fondement de l’article ancien 1108 du code civil elle allègue la nullité de la clause pour défaut de cause et d’objet faisant valoir que la clause ne prévoyait aucune contrepartie de la part de sa cocontractante et que n’ayant jamais reçu les spécifications des produits d’ Y., ils étaient sans valeur.

19-A titre subsidiaire elle fait valoir que la société Y. n’a pas été de bonne foi dans l’exécution de ses obligations et n’a pas respecté les dispositions contractuelles (articles 8.1 et 8.2) en n’ayant rien fait ni fourni aucune documentation pour que les produits soient vendus par la société Gentaur ni prêté attention au contrat pendant sa durée.

20-Elle ajoute que le montant de la clause est anormalement élevé et que les objectifs n’étaient pas atteignables ni raisonnables et qu’en réalité la société Y. sachant que ses produits étaient invendables, a délibérément recherché la conclusion du contrat avec la garantie qu’elle obtiendrait le versement de 10 000 euros.

21-A supposer la clause valable, elle soutient que la société Y. n’a subi aucun préjudice.

22-Sur l’appel incident de l’intimée, elle s’oppose à ce que la clause litigieuse puisse s’analyser en clause pénale et soutient en tout état de cause que le paiement des sommes réclamées doit être subordonné à la livraison des produits visés au contrat.

23-Elle forme reconventionnellement une demande en procédure abusive.

24-En réponse, la société Y. expose de son côté que la conclusion du contrat est le fruit des échanges qui ont eu lieu entre les parties sur une durée de dix mois et qu’elle s’est toujours tenue à disposition de son distributeur.

25-Elle soutient que la clause d’achat minimal (2.4 du contrat) qui a pour objet de contractualiser les conséquences éventuelles d’une inexécution doit s’analyser en une clause pénale.

26-Elle soutient que la clause d’achat minimal est valable. A cet égard elle fait valoir que la clause est classique au sein des contrats de distribution pour que le distributeur ait du stock et qu’en contrepartie de son obligation d’approvisionnement minimal, la société Gentaur a pu accéder directement à ses produits commercialisés et se prévaloir de la qualité de distributeur de cette dernière, ainsi que des autres obligations mises à sa charge par le contrat.

27-Elle prétend que la société Gentaur qui n’a formé aucune demande de support ni d’assistance, ne lui a jamais écrit pendant deux ans ni fait aucun effort pour commercialiser les produits qui rencontraient un certain succès commercial.

28-Elle prétend qu’aucune défaillance de sa part n’est établie et que la société Gentaur lui doit la somme de 20 000 euros correspondant à la somme due en exécution des deux années du contrat de distribution.

29-Dans le cadre de son appel incident, elle demande d’infirmer la décision qui a subordonné le paiement à la livraison de produits en maintenant que l’ indemnité prévue au contrat s’analyse en une clause pénale.

30-Elle ajoute que subordonner le paiement à la livraison des produits se heurte à une contradiction puisque la société Gentaur soutient que les produits sont invendables et à des difficultés considérables d’exécution s’agissant de produits 2014 qui ne figurent plus dans son catalogue.

IV- MOTIFS

31-La société Gentaur recherche la responsabilité de la société Y. pour manquement à son obligation contractuelle prévue par l’article 2.4 du contrat de distribution non exclusif conclu le 10 juin 2014.

32-En application de l’article 3 du règlement CE n° 593/2008 dit « Rome I » sur la loi applicable aux obligations contractuelles, le contrat est régi par la loi choisie par les parties.

33-Les parties ayant convenu selon l’article 25 du contrat que « le droit français s’appliquera à ce contrat », il sera fait application du droit français.

Sur le contenu de la clause 2.4 du contrat de distribution non exclusif:

sur sa qualification

34-Les parties sont en désaccord sur la qualification de la clause, la société Y. prétendant à la fois qu’elle stipule l’obligation de passer commande pour un montant minimal de 10.000 euros pour chaque année d’exécution du contrat et une indemnité forfaitaire du préjudice subi assimilable à une clause pénale.

35-Selon l’article 1226 ancien du code civil dans sa rédaction applicable au litige « La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution ».

36-Une clause pénale s’analyse en une convention par laquelle les contractants déterminent eux-mêmes forfaitairement les dommages et intérêts qui seront dus en cas d’ inexécution d’une obligation, de retard dans l’exécution de celle-ci.

En l’espèce la clause rédigée dans ces termes « 2.4 Au cours de chaque année de la Durée, le Distributeur, sauf s’il en est empêché par un cas de force majeure, commandera auprès du Fournisseur, au moins la quantité minimale des Produits spécifiée en Annexe 2. Pour la première année, la quantité minimale des commandes passées par le Distributeur devra être au moins égale à 10.000 € hors taxes » correspond clairement à une clause d’achat minimale dont l’objet ne se confond pas avec une clause pénale.

37-Cette clause ne contient aucune accord des parties sur l’ indemnisation qui serait due en cas d’inexécution.

38-La défaillance alléguée par l’intimée dans cette obligation si elle était reconnue valable, doit se résoudre selon les régles de la responsabilité contractuelle.

Sur la validité de la clause

39-La société Gentaur prétend sans en tirer de conséquences directes sur la validité de son consentement que la société intimée n’a pas relevé l’existence de la clause minimale d’achat jamais convenue dans ce type de contrat de distribution non exclusive de produits de recherche et qu’elle a fait preuve de malice et de déloyauté en n’attirant pas son attention sur cette clause.

40-Elle invoque la nullité de la clause pour défaut de cause et d’objet sur le fondement de l’article 1108 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’Ordonnance du 10 février 2016, applicable au contrat conclu le 10 juin 2014 par les parties, qui exigeait une cause licite de l’obligation afin que le contrat soit valide.

41-L’ancien article 1131 du Code civil précisait que « l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ».

42-Il est établi et non contesté que c’est après différents échanges qui ont duré d’août 2013 à juin 2014 que le contrat a été signé entre les parties qui sont des professionnels avisés étant observé que l’appelante met en avant la qualité de son réseau et son expérience dans le dommaine de la distribution ; que c’est à la demande de la société Gentaur par l’intermédiaire de son établissement bulgare le 8 janvier 2014 que la société Y. a adressé en retour un projet de contrat qu’elle a mis à sa disposition.

43-C ‘est donc à l’issue d’un certain délai de réflexion que la société Gentaur a signé le 10 juin 2014 le contrat de distribution.

44-Il ressort du contrat que la clause 2.4 dont le caractère inhabituel dans ce type de contrat et de secteur n’est pas démontré, apparaît clairement dans la partie réservée aux dispositions opérationelles du contrat que la société Gentaur n’a pu ignorer.

45-Elle a apposé sa signature sur l’annexe 2 intitulée « Quantités minimales » qui se présente de façon isolée sur une page exclusivement dédiée à cette obligation de sorte qu’elle a librement accepté la clause sans pouvoir sérieusement prétendre qu’elle ne l’avait pas détectée en signant le contrat.

46-La société Gentaur n’établit pas non plus que le contrat était déséquilibré ni que les produits sans support étaient invendables.

47-En effet la société Gentaur reconnaît qu’elle a référencé et présenté les produits à la vente sur internet.

48-Enfin son obligation d’approvisionnement n’était pas dénuée de contrepartie puisqu’ elle avaitla possibilité d’ acquérir directement des produits Y. pour les revendre sans passer par des intermédiaires et le droit de se prévaloir des autres obligations mises à la charge de son fournisseur notamment celle de fournir assistance et support prévues par les articles 8.1 et 8.2 du contrat intitulées « support et formation » qui prévoient respectivement:

« le fournisseur fournira le cas échéant au distributeur gratuitement et de manière raisonnable, les échantillons des produits et les brochures, catalogues, manuels et informations promotionnelles et publicitaires actualisées concernant les produits que le fournisseur jugera appropriées ou que le distributeur pourra raisonnablement demander, afin d’assister le distributeur dans la vente des produits sur le territoire ».

«le fournisseurs’efforcera de répondre, dès que possible à toutes les demandes d’informations techniques concernant les Produits transmises par le Distributeur ou ses clients et de fournir au Distributeur l’assistance nécessaire pour le traitement de tout Produit défectueux ».

49-La société Gentaur n’est en conséquence pas fondée à soutenir que le contrat est dépourvu de cause et d’objet.

50-La demande en nullité de la clause sera en conséquence rejetée et la décision rendue sur ce chef sera confirmée.

Sur la responsabilité contractuelle

51-Selon l’article 1147 ancien du code civil applicable à la date de la conclusion du contrat, « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

52-En vertu de l’article 1149 ancien du code civil, les dommages-intérêts sont de la perte éprouvée et du gain manqué.

53-En l’espèce il est constant que la société Gentaur n’a pas commandé de produit à la société Y. et ce faisant n’a pas respecté la clause d’approvisionnement due à son fournisseur pendant la durée du contrat de sorte que la société Y. établit bien l’existence d’un manquement contractuel dont elle demande réparation.

54-Pour faire échec à la demande, l’exception d’inexécution tirée du non respect de ses obligations prescrites par les articles 8.1 et 8.2 du contrat opposée par l’appelante n’est pas suffisamment établie à l’encontre de la société Y. dés lors que l’appelante n’apporte pas la preuve d’avoir formé de son côté une quelconque demande d’assistance et de support au fournisseur.

55-La société Y. ne demande pas l’exécution de la clause qui consisterait à payer la somme convenue en contrepartie de la livraison des produits mais la réparation de son préjudice en lien avec le manquement constaté que la cour évalue au regard des engagements pris et des ventes qui auraient pu être réalisées à la somme de 3000 euros par an soit 6.000 euros sur deux ans.

56-Il convient en conséquence d’infirmer la décision de ce chef et de condamner la société Gentaur à payer ladite somme sans qu’il y ait lieu de subordonner la condamnation à une livraison.

Sur la demande en procédure abusive

57-La société Gentaur qui succombe ne démontre pas le caractère abusif de la procédure.

58-La décision entreprise sera en conséquence confirmée sur ce chef.

Sur les frais et dépens:

59-La société Gentaur partie succombante, doit être déboutée de sa demande en paiement d’ une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

60-Il y a lieu en revanche de la condamner à payer à la société Y. la somme de 4. 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

V- DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS, la Cour :

1- Infirme la décision du tribunal de commerce du 17 octobre 2019 dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a débouté la société Gentaur de sa demande en nullité de la clause 2.4 du contrat du 10 juin 2014 et de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive;

Statuant à nouveau

2- CONDAMNE la société Gentaur BVBA à payer à la société Y. la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice;

3- CONDAMNE la société Gentaur BVBA à payer à la société Y. la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière Le président


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