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La cession d’un fonds de commerce comprenant la cession de la propriété des droits sur des marques n’emporte pas cession du contrat de distribution exclusive des produits revêtus de ces marques.
En matière de cession de fonds de commerce, les contrats ne sont pas automatiquement transférés, à l’exception du droit au bail, des contrats d’assurance, des contrats d’édition et des contrats de travail, qui constituent des exceptions légales.
En conséquence, l’acte de cession du fonds de commerce doit expressément mentionner les contrats qui seront cédés avec le fonds.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ________________________ COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2022 Cassation partielle Mme DARBOIS, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 604 F-B Pourvoi n° J 21-16.169 ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 OCTOBRE 2022 La société Bleu vert, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° J 21-16.169 contre l’arrêt rendu le 3 mars 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant : 1°/ à la société Laboratoires de Biarritz international, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 1] (Belgique), ayant un établissement en France, [Adresse 3], 2°/ à la société Guerin et associés, société d’exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de Mme [T] [R], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Les laboratoires de Biarritz, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Bleu vert, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Laboratoires de Biarritz international, après débats en l’audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 mars 2021), par un accord de distribution du 10 octobre 2016, la société Les laboratoires de Biarritz a accordé à la société Bleu vert le droit de distribuer ses produits sur le territoire national métropolitain et ultra-marin, pour une durée de cinq ans. 2. Par acte du 27 avril 2018, la société Les laboratoires de Biarritz a cédé son fonds de commerce à la société Laboratoires de Biarritz international. 3. La société Bleu vert a passé postérieurement commande de produits qui lui ont été livrés puis facturés par la société Laboratoires de Biarritz international et les parties ont engagé des négociations en vue de la conclusion d’un nouveau contrat de distribution. 4. Par courriel du 29 octobre 2018, la société Laboratoires de Biarritz international a informé la société Bleu vert qu’elle ne signerait pas de contrat de distribution et qu’elle ne pourrait donc plus recevoir aucune commande de sa part ni effectuer aucune livraison. 5. La société Bleu vert a adressé, le 5 novembre 2018, une nouvelle commande à la société Laboratoires de Biarritz international puis l’a mise en demeure de reprendre sans délai l’exécution du contrat de distribution exclusive et de livrer sa commande. 6. N’ayant pas obtenu satisfaction, la société Bleu vert a assigné les sociétés Les laboratoires de Biarritz et Laboratoires de Biarritz international aux fins de condamnation à lui payer des dommages et intérêts. 7. La société Les laboratoires de Biarritz a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 3 juin 2019 et la société Guerin et associés, prise en la personne de Mme [R], a été désignée en qualité de liquidateur. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. La société Bleu vert fait grief à l’arrêt de mettre hors de cause la société Laboratoires de Biarritz international et de rejeter l’intégralité de ses demandes à son encontre, alors « que l’acquéreur d’une marque est tenu promptement de respecter les droits grevant celle-ci qui ont été régulièrement concédés du chef du cédant et, donc, d’exécuter les obligations nées d’un contrat de distribution exclusive par lequel le cédant de la marque a concédé à un distributeur le droit exclusif de distribuer les produits commercialisés sous cette marque sur un territoire donné pour une durée déterminée ; qu’en l’espèce, il ressortait des constatations mêmes des juges du fond qu’après avoir, par un contrat de distribution exclusive du 20 octobre 2016, concédé à la société Bleu vert pour une durée de cinq ans le droit exclusif de distribuer en France auprès des magasins « bio » les produits cosmétiques fabriqués sous ses propres marques, la société Les laboratoires de Biarritz avait, par acte du 27 avril 2018, cédé à la société de droit belge Laboratoires de Biarritz international son fonds de commerce, cette cession incluant les droits sur ses marques ; qu’en jugeant néanmoins que le contrat de distribution exclusive du 20 octobre 2016 n’avait pas été transféré à la société Laboratoires de Biarritz international, aux motifs inopérants que lors de la cession d’un fonds de commerce, les contrats ne sont pas automatiquement transférés, à l’exception du droit au bail, des contrats d’assurance, des contrats d’édition et des contrats de travail, qui constituent des exceptions légales, que l’acte de cession du fonds de commerce n’avait pas mentionné le contrat de distribution et que la cessionnaire du fonds n’avait pas elle-même voulu poursuivre son exécution dans les mêmes conditions, la cour d’appel a violé l’article L. 714-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable au litige, ensemble l’article 1194 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 9. La cession d’un fonds de commerce comprenant la cession de la propriété des droits sur des marques n’emporte pas cession du contrat de distribution exclusive des produits revêtus de ces marques. 10. Après avoir relevé que, par l’accord de distribution signé le 10 octobre 2016, la société Les laboratoires de Biarritz avait accordé à la société Bleu vert le droit de distribuer ses produits sur le territoire national métropolitain et ultra-marin pendant cinq ans, l’arrêt retient que lors de la cession d’un fonds de commerce, les contrats ne sont pas automatiquement transférés, à l’exception du droit au bail, des contrats d’assurance, des contrats d’édition et des contrats de travail, qui constituent des exceptions légales, que l’acte de cession du fonds de commerce ne mentionnait pas le contrat de distribution litigieux, qu’après la cession du fonds, des négociations ont eu lieu avec la société Bleu vert en vue de conclure un nouveau contrat de distribution mais que par lettre du 4 octobre 2018, la société Laboratoires de Biarritz international a indiqué à la société Bleu vert qu’elle ne pouvait s’engager à signer un contrat de distribution avec elle. 11. En l’état de ces constatations et appréciations, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que le contrat de distribution signé le 10 octobre 2016 n’était pas inclus dans la cession du fonds de commerce intervenue au profit de la société Laboratoires de Biarritz international. 12. Le moyen n’est donc pas fondé. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 13. La société Bleu vert fait le même grief à l’arrêt, alors « que le tiers qui se rend complice de l’inexécution par un contractant de ses engagements conventionnels engage sa responsabilité délictuelle envers le cocontractant victime de cette inexécution ; qu’en l’espèce, la société Bleu vert faisait valoir dans ses écritures qu’après lui avoir, par un contrat du 20 octobre 2016, concédé pour une durée de cinq ans courant jusqu’en 2021 le droit exclusif de distribuer en France auprès des magasins « bio » les produits cosmétiques conçus et fabriqués sous ses propres marques, la société Les laboratoires de Biarritz avait, par une convention du 27 avril 2018, cédé à la société de droit belge Laboratoires de Biarritz international son fonds de commerce, incluant les droits de propriété sur ses marques et brevets et l’intégralité de son stock, de sorte que ces deux sociétés, agissant ainsi de concert, avaient sciemment fait en sorte d’empêcher l’exécution jusqu’à son terme du contrat de distribution exclusive convenu au bénéfice de la société Bleu vert et de permettre à la société Laboratoires de Biarritz international de commercialiser directement, au mépris de l’exclusivité contractée en faveur du distributeur, les produits concernés par ce contrat de distribution exclusive ; que pour écarter néanmoins toute responsabilité délictuelle de la société Laboratoires de Biarritz international, la cour d’appel s’est bornée à relever que c’est par courriel du 23 novembre 2018 que la société Bleu vert avait informé la société Laboratoires de Biarritz international de ce que la société Biocoop lui avait annoncé qu’elle ne passerait plus de commandes auprès d’elle et que ce n’est que postérieurement, soit par courriel du 6 décembre 2018 que la société Laboratoires de Biarritz international avait envoyé ses propositions de travail en direct à une société Le terreau, de sorte qu’en cet état, la société Bleu vert ne démontrait pas d’agissement fautif susceptible d’engager la responsabilité délictuelle de cette dernière ; qu’en se prononçant par ces seuls motifs, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la société Laboratoires de Biarritz international n’avait pas elle-même connaissance de l’accord de distribution exclusive conclu entre la société Les laboratoire de Biarritz au moment où elle avait acquis son fonds de commerce et si elle ne s’était pas sciemment rendu complice de son inexécution par la société Les laboratoires de Biarritz, inexécution dont elle constatait précisément l’existence, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1200 et 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1200 et 1240 du code civil : 14. Il résulte de ces textes que le tiers à un contrat qui se rend complice de la violation par une partie de ses obligations contractuelles engage sa responsabilité délictuelle. 15. Pour mettre hors de cause la société Laboratoires de Biarritz international et rejeter les demandes de la société Bleu vert formées contre elle, l’arrêt retient que c’est par courriel du 23 novembre 2018 que la société Bleu vert a informé la société Laboratoires de Biarritz international qu’une société à laquelle elle distribuait les produits antérieurement fournis par la société Les laboratoires de Biarritz ne passerait plus par son intermédiaire pour obtenir ces produits, que ce n’est que postérieurement, soit par courriel du 6 décembre 2018, que la société Laboratoires de Biarritz international a envoyé des propositions de collaboration directement à une autre société cliente de la société Bleu vert et qu’en cet état, la société Bleu vert ne démontre pas d’agissements fautifs imputables à la société Laboratoires de Biarritz international, susceptibles d’engager sa responsabilité délictuelle. 16. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la société Laboratoires de Biarritz international n’avait pas connaissance, lors de l’acquisition du fonds de commerce, de l’accord de distribution exclusive conclu par la société Les laboratoires de Biarritz et si elle ne s’était pas sciemment rendue complice de l’inexécution de cet accord par la société Les laboratoires de Biarritz, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il met hors de cause la société Laboratoires de Biarritz international, et en ce que, l’infirmant, il rejette l’intégralité des demandes de la société Bleu vert à l’encontre de la société Laboratoires de Biarritz international et en ce qu’il statue sur les dépens et sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre la société Bleu vert et la société Laboratoires de Biarritz international, l’arrêt rendu le 3 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Laboratoires de Biarritz international aux dépens ; En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bleu vert contre la société Guérin, en qualité de liquidateur de la société Les laboratoires de Biarritz, et la demande formée par la société Laboratoires de Biarritz international et condamne cette dernière à payer à la société Bleu vert la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Bleu vert. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Bleu Vert fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir mis hors de cause la société Laboratoires de Biarritz International et d’avoir débouté la société Bleu Vert de l’intégralité de ses demandes à son encontre. ALORS QUE l’acquéreur d’une marque est tenu propter rem de respecter les droits grevant celle-ci qui ont été régulièrement concédés du chef du cédant et, donc, d’exécuter les obligations nées d’un contrat de distribution exclusive par lequel le cédant de la marque a concédé à un distributeur le droit exclusif de distribuer les produits commercialisés sous cette marque sur un territoire donné pour une durée déterminée ; qu’en l’espèce, il ressortait des constatations mêmes des juges du fond qu’après avoir, par un contrat de distribution exclusive du 20 octobre 2016, concédé à la société Bleu Vert pour une durée de cinq ans le droit exclusif de distribuer en France auprès des magasins « bio » les produits cosmétiques fabriqués sous ses propres marques, la société Les Laboratoires de Biarritz avait, par acte du 27 avril 2018, cédé à la société de droit belge Laboratoires de Biarritz International son fonds de commerce, cette cession incluant les droits sur ses marques ; qu’en jugeant néanmoins que le contrat de distribution exclusive du 20 octobre 2016 n’avait pas été transféré à la société Laboratoires de Biarritz International, aux motifs inopérants que lors de la cession d’un fonds de commerce, les contrats ne sont pas automatiquement transférés, à l’exception du droit au bail, des contrats d’assurance, des contrats d’édition et des contrats de travail, qui constituent des exceptions légales, que l’acte de cession du fonds de commerce n’avait pas mentionné le contrat de distribution et que la cessionnaire du fonds n’avait pas elle-même voulu poursuivre son exécution dans les mêmes conditions, la cour d’appel a violé l’article L. 714-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable au litige, ensemble l’article 1194 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) La société Bleu Vert fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir mis hors de cause la société Laboratoires de Biarritz International et d’avoir débouté la société Bleu Vert de l’intégralité de ses demandes à son encontre. ALORS QUE le tiers qui se rend complice de l’inexécution par un contractant de ses engagements conventionnels engage sa responsabilité délictuelle envers le cocontractant victime de cette inexécution ; qu’en l’espèce, la société Bleu Vert faisait valoir dans ses écritures qu’après lui avoir, par un contrat du 20 octobre 2016, concédé pour une durée de cinq ans courant jusqu’en 2021 le droit exclusif de distribuer en France auprès des magasins « bio » les produits cosmétiques conçus et fabriqués sous ses propres marques, la société Les Laboratoires de Biarritz avait, par une convention du 27 avril 2018, cédé à la société de droit belge Laboratoires de Biarritz International son fonds de commerce, incluant les droits de propriété sur ses marques et brevets et l’intégralité de son stock, de sorte que ces deux sociétés, agissant ainsi de concert, avaient sciemment fait en sorte d’empêcher l’exécution jusqu’à son terme du contrat de distribution exclusive convenu au bénéfice de la société Bleu Vert et de permettre à la société Laboratoires de Biarritz International de commercialiser directement, au mépris de l’exclusivité contractée en faveur du distributeur, les produits concernés par ce contrat de distribution exclusive ; que pour écarter néanmoins toute responsabilité délictuelle de la société Laboratoires de Biarritz International, la cour d’appel s’est bornée à relever que c’est par courriel du 23 novembre 2018 que la société Bleu vert avait informé la société Laboratoires de Biarritz international de ce que la société Bioccop lui avait annoncé qu’elle ne passerait plus de commandes auprès d’elle et que ce n’est que postérieurement, soit par courriel du 6 décembre 2018 que la société Laboratoires de Biarritz international avait envoyé ses propositions de travail en direct à une société Le terreau, de sorte qu’en cet état, la société Bleu Vert ne démontrait pas d’agissement fautif susceptible d’engager la responsabilité délictuelle de cette dernière ; qu’en se prononçant par ces seuls motifs, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la société Laboratoires de Biarritz International n’avait pas elle-même connaissance de l’accord de distribution exclusive conclu entre la société Laboratoire de Biarritz au moment où elle avait acquis son fonds de commerce et si elle ne s’était pas sciemment rendu complice de son inexécution par la société Laboratoires de Biarritz, inexécution dont elle constatait précisément l’existence, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1200 et 1240 du code civil. | |