La diffusion d’un communiqué de presse annonçant l’arrêt de la diffusion d’une chaîne au sein de l’offre d’un opérateur (Free) ne constitue pas un dénigrement en soi. Toutefois, inciter les abonnés à migrer vers un autre opérateur, sous peine de ne plus recevoir certaines chaînes TV peut tomber sous le coup du dénigrement.
Communication dénigrante
Free a poursuivi les sociétés Next radio, Altice France, SFR, BFM TV et Diversité TV afin de faire cesser toute communication relative au différend commercial les opposant à Free et notamment de cesser toute diffusion d’informations quant à la possibilité pour les abonnés de Free de visualiser les chaînes concernées. Free reprochait au groupe Altice d’avoir instrumentalisé ses relais dans la télévision, la radio et sur internet pour diffuser un message dénigrant à l’égard de la société Free avec comme objectif d’inciter ses abonnés à changer d’opérateur.
Contexte de l’affaire
La société SFR et le groupe Next Radio TV, appartenant au groupe Altice, comptent parmi leurs filiales plusieurs sociétés qui éditent des chaînes de télévision : les sociétés BFM TV, Next radio TV. Ces chaînes sont diffusées selon plusieurs modalités techniques, les réseaux hertziens (TNT) ou non hertziens (ADSL ou fibre). Pour la diffusion sur les ondes hertziennes, les chaînes sont soumises à la loi du 30 septembre 1986 imposant une diffusion gratuite à au moins 95% de la population. Quant à la diffusion sur les réseaux non hertziens, ils permettent aux utilisateurs de bénéficier des services dit ‘linéaires’ mais également des services associés (replay, démarrage en différé, visionnage sur plusieurs terminaux, contenus 4 K etc…). Des conventions ont été conclues à compter de 2005 avec les fournisseurs d’accès à internet, dont la société Free, prévoyant la diffusion gratuite de ces chaînes.
A partir de 2018, les chaînes ont souhaité négocier une rémunération globale incluant flux linéaires et services associés. Les négociations n’ont pas abouti et les accords conclus qui arrivaient à échéance le 20 mars 2019 n’ont pas été renouvelés.
Une première série de messages a alors été diffusée sur les chaînes au printemps 2019 au moment de l’échéance des accords, informant notamment les utilisateurs qu’ ‘à compter du 20 mars 2019 l’opérateur Free ne sera plus autorisé à donner accès à vos chaînes et services associés par l’intermédiaire de ses box’.
La société Free a saisi le président du tribunal de commerce de Paris sur requête d’une part pour être autorisé à assigner d’heure à heure et d’autre part de voir ordonner de cesser toute communication relative à l’impossibilité pour la société Free de diffuser le signal des chaînes. D’autres instances ont opposé la société Free aux chaînes, l’une devant le CSA, l’autre dans le cadre d’une action en contrefaçon devant le juge des référés qui, par ordonnance du 26 juillet 2019 a fait interdiction à la société Free de poursuivre la diffusion de ces chaînes, ordonnance dont elle a interjeté appel, une action au fond ayant en outre été engagée devant le tribunal judiciaire de Paris.
En août 2019, les chaînes ont diffusé de nouveaux messages et communiqués relatifs au différend en cours, portant tant sur l’arrêt de la diffusion des chaînes par la société Free que sur le fait que ces chaînes restaient disponibles chez d’autres opérateurs expressément cités.
Le 16 août 2019 la société Free d’une part fait sommation à la société BFM TV ‘d’avoir à modifier immédiatement et sans délai votre communication en cessant d’indiquer que les abonnés de Free seront privés de l’accès à vos chaînes et d’avoir à indiquer qu’ils pourront en revanche toujours y accéder en branchant leur décodeur sur la prise TNT de leur logement.’
Faire rétracter une ordonnance sur requête
Pour rappel, en vertu de l’article 875 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête, dans les limites de la compétence du tribunal, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.
Selon l’article 873 du code de procédure civile, il peut, dans les limites de la compétence de ce tribunal et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent.
Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d’interdiction sous astreinte, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. Cette voie de contestation n’étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s’y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci.
Il doit ainsi apprécier l’existence des conditions de ces textes au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.
Le juge doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire, les circonstances justifiant cette dérogation devant être caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit. Télécharger la décision