Contrat de Designer : la requalification en CDI

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Contrat de Designer : la requalification en CDI

Être immatriculé au registre national des entreprises en tant que travailleur indépendant est un critère déterminant qui rend difficile la requalification en CDI avec un client.

La présomption de non-salariat trouve alors application en vertu de l’article L. 8221-6 du code du travail.

S’agissant d’une présomption simple, il appartient au Designer de la renverser. En effet, le II de l’article L. 8221-6 du code du travail précise que ‘l’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci’.

En la cause, le salarié ne produit pas d’éléments probants permettant d’établir que la société l’avait soumis à des horaires de travail ou à un temps de travail, ainsi qu’à des directives portant sur la prestation à réaliser.

S’il ressort des éléments produits que le Designer pouvait bénéficier d’un bureau et des clés de l’entreprise et disposait d’une adresse électronique de la société, force est de constater que, comme le relève l’entreprise intimée, il ne résulte en revanche pas des pièces versées aux débats qu’elle avait mis à la disposition de l’appelant une ligne téléphonique ou une carte de visite au nom de la société ou que ce dernier était présenté comme salarié de l’entreprise (le recours au mot ‘collaborateur’ n’étant pas nécessairement équivalent au mot ‘salarié’) ou qu’elle ait imposé au Designer] de travailler dans ses locaux.

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.

Il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat de travail de rapporter la preuve qu’il exécute une prestation de travail en contrepartie d’une rémunération sous la subordination juridique de l’employeur. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En droit, le contrat de travail n’étant défini par aucun texte, il est admis qu’il est constitué par l’engagement d’une personne à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique se caractérisant par le pouvoir de l’employeur de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son salarié. Le fait que le travail soit effectué au sein d’un service organisé peut constituer un indice de l’existence d’un lien de subordination lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

En outre, le I de l’article L.8221-6 du code du travail dans sa version applicable au litige énonce une présomption de non salariat dans les termes suivants : ‘sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : (…) 1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales (…)’.

L’article L. 8231-1 du code du travail dispose : ‘Le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit’.

Résumé de l’affaire : La SARL [V], une agence de design fondée en 2003 par M. [F] [V], a employé M. [Z] [T] comme designer à partir de fin 2012 jusqu’à la rupture de leur relation contractuelle en septembre 2016. M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes en 2017 pour faire requalifier son contrat en contrat de travail à durée indéterminée et contester la rupture comme un licenciement sans cause réelle. Le jugement du 15 juin 2021 a débouté M. [T] de toutes ses demandes et l’a condamné aux dépens. M. [T] a interjeté appel, demandant la requalification de son contrat et diverses indemnités. La société [V] a demandé la confirmation du jugement initial. L’instruction a été close en avril 2024, et la cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, condamnant M. [T] à verser des frais à la société [V].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
21/05757
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 10 OCTOBRE 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05757 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5ZW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F17/04256

APPELANT

Monsieur [Z] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Vincent DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : Z02

INTIMEE

S.A.R.L. [V]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me François DENEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0180

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente

Madame Marie SALORD, présidente,

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Alisson POISSON

ARRET :

– Contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie SALORD, Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS

Créée en 2003, la SARL [V] est une agence de design qui porte le nom de son gérant, M. [F] [V]. Cette agence a pour but de développer des projets de grande ampleur orientés sur le design intérieur de bateaux, avions et trains privés, projets qui durent entre 3 et 5 ans en moyenne. La société [V] employait une seule salariée.

M. [Z] [T] a travaillé comme designer pour la société [V] à compter du mois du 26 novembre 2012 (selon M.[T]) et du mois de décembre 2012 (selon la société [V]). La relation contractuelle entre M. [T] et la société a pris fin suite à un courrier remis en main propre à l’intéressé par celle-ci le 29 septembre 2016.

Le 1er juin 2017, M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris aux fins de voir requalifier la relation contractuelle ayant lié les parties en un contrat de travail à durée indéterminée et de voir juger que la rupture de cette relation s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement de départage du 15 juin 2021, le conseil de prud’hommes a :

– Débouté M. [T] de l’intégralité de ses demandes,

– Condamné M. [T] aux entiers dépens,

– Condamné M. [T] à verser à la société [V] la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté la société [V] du surplus de ses demandes,

– Ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Le 28 juin 2021, M. [T] a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 4 mars 2024, M. [T] demande à la cour de :

Infirmer le jugement en qu’il :

– l’a débouté de l’intégralité de ses demandes,

– l’a condamné aux entiers dépens,

– l’a condamné à verser à la société [V] la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a ordonné l’exécution provisoire du jugement,

Statuant à nouveau,

– Requalifier les relations contractuelles existant entre lui et la société [V] en contrat de travail,

– Dire que la rupture des relations contractuelles s’analyse en un licenciement,

– En conséquence, condamner la société [V] à lui verser les sommes suivantes consécutivement à la rupture des relations contractuelles :

2.770,15 euros d’indemnité de licenciement,

11.595,99 euros (soit 3 mois de salaire) d’indemnité compensatrice de préavis,

1.159,60 euros de congés payés afférents,

– Dire que la rupture des relations contractuelles constitue un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– En conséquence, condamner la société [V] à lui verser les sommes suivantes :

23.191,98 euros (soit 6 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif sur le fondement de l’article L.1235-5 du code du travail,

3.865,33 euros (soit 1 mois de salaire) à titre d’indemnité pour licenciement irrégulier sur le fondement de l’article L.1235-2 du code du travail,

– Constater que la société [V] s’est soustraite intentionnellement à la déclaration préalable à l’embauche, à la délivrance de bulletins de paie, aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales, commettant ainsi du travail dissimulé au sens de l’article L.8221-5 du code du travail,

– En conséquence, condamner la société [V] à lui verser la somme de 23.191,98 euros (soit 6 mois de salaire) à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sur le fondement de l’article L.8223-1 du code du travail,

– Constater que la société [V] a recouru à but lucratif à la fourniture de main-d’oeuvre à son égard ayant pour effet de lui causer un préjudice et d’éluder l’application des dispositions du code du travail, commettant ainsi du marchandage au sens de l’article L.8231-1 du code du travail,

– En conséquence, condamner la société [V] à lui verser la somme de 23.191,98 euros (soit 6 mois de salaire) en réparation du préjudice subi du fait du marchandage et tenant notamment à la privation du statut de salarié durant les relations contractuelles engendrant une perte de droits au regard des régimes de retraite et d’assurance chômage,

– Condamner la société [V] à lui délivrer un certificat de travail et une attestation France Travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l’issue d’un délai de quinze jours à compter de l’arrêt d’appel,

– Condamner la société [V] aux entiers dépens et à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dire que les condamnations produiront intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud’hommes s’agissant des créances salariales et à compter de l’arrêt d’appel s’agissant des condamnations indemnitaires,

– Rejeter l’ensemble des prétentions de la société [V],

– Ordonner la capitalisation des intérêts.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 21 avril 2022, la société [V] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [T] de sa demande de requalification en contrat de travail de la relation de prestation de services qui le liait à elle,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [T] de ses demandes à titre d’indemnité de licenciement, d’indemnité de préavis et congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement abusif, de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier, de dommages et intérêts pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait du marchandage, d’article 700 du code de procédure civile, de remise de certificat de travail et attestation Pôle emploi,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [T] à lui verser la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes,

– Condamner M. [T] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner M. [T] aux entiers dépens.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 24 avril 2024.

MOTIFS :

Sur l’existence d’un contrat de travail :

* Sur le cadre juridique :

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur. Il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat de travail de rapporter la preuve qu’il exécute une prestation de travail en contrepartie d’une rémunération sous la subordination juridique de l’employeur. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En droit, le contrat de travail n’étant défini par aucun texte, il est admis qu’il est constitué par l’engagement d’une personne à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique se caractérisant par le pouvoir de l’employeur de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son salarié. Le fait que le travail soit effectué au sein d’un service organisé peut constituer un indice de l’existence d’un lien de subordination lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

En outre, le I de l’article L.8221-6 du code du travail dans sa version applicable au litige énonce une présomption de non salariat dans les termes suivants : ‘sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : (…) 1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales (…)’.

L’article L. 8231-1 du code du travail dispose : ‘Le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit’.

* Sur le fond :

En l’espèce, il ressort des écritures des parties et des pièces versées aux débats que M. [T] est immatriculé au registre national des entreprises en tant que travailleur indépendant en ‘activités spécialisées design’ depuis le mois d’avril 2011 soit antérieurement au début des relations contractuelles avec la société [V] (novembre ou décembre 2012).

M. [T] reconnaît d’ailleurs qu’il a réalisé une prestation de service pour le compte de la société [V] ‘sous l’apparence d’un travail indépendant’ (conclusions p.5).

Il s’en déduit que comme le soutient la société [V], la présomption de non-salariat trouve application en vertu de l’article L. 8221-6 du code du travail susvisé.

S’agissant d’une présomption simple, il appartient à M. [T] de la renverser. En effet, le II de l’article L. 8221-6 du code du travail précise que ‘l’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci’.

M. [T] soutient que sa relation contractuelle avec la société [V] doit être requalifiée en contrat de travail dans la mesure où un lien de subordination existait entre lui et cette société.

Plus précisément, il expose :

– avoir accompli pour le compte de la société [V] une prestation de service qui s’est inscrite dans la durée (entre 3 et 4 ans), sans qu’aucun devis ou contrat de prestation de service ne soient conclus,

– être présentés sur le site internet de la société [V] comme collaborateur et non comme prestataire de service ou sous-traitant,

– travailler dans les locaux de la société [V] où il disposait d’un poste de travail et d’une adresse électronique au nom de l’entreprise, ainsi que les clés de celle-ci,

– avoir réalisé de nombreux travaux pour le compte de la société intimée sous la direction de M. [F] [V], travaux dont ladite société ‘s’est arrogée la propriété (…) en totale contradiction avec (son) prétendu statut d’indépendant’,

– a régulièrement rendu compte de son activité à M. [F] [V],

– ‘a facturé tous les mois des montants très proches, en lieu et place de bulletins de salaire’,

– a subi le pouvoir disciplinaire de la société [V], se traduisant par la rupture des relations contractuelles.

La société [V] soutient qu’elle n’était pas liée à M. [T] par un contrat de travail.

En premier lieu, s’il est vrai qu’aucun contrat de prestation liant M. [T] et la société [V] n’est versé aux débats, force est de constater que sont produites des notes d’honoraires émises par M. [T] sur la période concernée en tant que travailleur indépendant à l’égard de la société intimée pour des prestations nommément désignées (par exemple ‘réalisation d’illustrations projet AA145″) dont le montant variait selon les notes d’honoraires produites (par exemple la note d’honoraire du 25 juillet 2014 était d’un montant de 4.400 euros alors que la note d’honoraire du 3 septembre 2014 mentionnait un montant de 2.700 euros). Il s’en déduit que M. [T] a bien facturé ses prestations à la société [V] en tant que travailleur indépendant, peu important l’absence de contrat de prestation de service cadre conclu entre les parties.

De même, la cour constate que les notes d’honoraires émises pouvaient être d’un montant très différent. Par exemple, la note d’honoraire du 15 septembre 2015 était d’un montant de 2.700 euros soit près de deux fois supérieure à la note d’honoraire du 25 juillet 2014 d’un montant de 4.400 euros. Il s’en déduit que l’affirmation de l’appelant selon laquelle les notes d’honoraires tiendraient lieu de bulletin de salaire ne peut se déduire ni de l’étude desdites notes d’honoraires ni d’aucun autre élément versé aux débats.

Enfin, chacune des notes d’honoraire versées aux débats caractérise un contrat de prestation de service entre les parties, nonobstant l’absence de conclusion d’un contrat cadre. En effet, il ressort des mentions de ces pièces que le nom du prestataire est indiqué, ainsi que son statut de travailleur indépendant, la désignation de la prestation réalisée et le montant réclamé à la société [V].

En deuxième lieu, le salarié ne produit pas d’éléments probants permettant d’établir que la société [V] l’avait soumis à des horaires de travail ou à un temps de travail, ainsi qu’à des directives portant sur la prestation à réaliser. D’ailleurs, la cour constate que le seul exemple de directive évoqué par l’appelant dans ses écritures (p.6) est matérialisé par un courriel qui lui a été adressé par un autre designer travaillant sous statut de travailleur indépendant et non par le gérant de la société Gauguin ou l’unique salariée (pièce 16).

En troisième lieu, comme le relève le juge prud’homal de première instance, il ressort des éléments produits (et notamment des comptes-rendus d’équipe versés aux débats) que les réunions d’équipe d’abord ponctuelles puis mensuelles n’apparaissaient pas imposées mais convenues d’un commun accord avec les designers et avaient seulement pour objet de susciter une réflexion commune sur les projets discutés lors de ces réunions, comme l’évoque d’ailleurs le courriel du 10 février 2015 versé aux débats.

En quatrième lieu, s’il ressort des éléments produits que M. [T] pouvait bénéficier d’un bureau et des clés de l’entreprise et disposait d’une adresse électronique de la société [V], force est de constater que, comme le relève l’entreprise intimée, il ne résulte en revanche pas des pièces versées aux débats qu’elle avait mis à la disposition de l’appelant une ligne téléphonique ou une carte de visite au nom de la société ou que ce dernier était présenté comme salarié de l’entreprise (le recours au mot ‘collaborateur’ n’étant pas nécessairement équivalent au mot ‘salarié’) ou qu’elle ait imposé à M. [T] de travailler dans ses locaux.

En cinquième lieu, la cour constate que la société [V] produit plusieurs attestations de collaborateurs sous statut de travailleur indépendant (notamment M. [K] [P]) indiquant qu’ils travaillaient pour elle comme prestataire indépendant et non dans le cadre d’un contrat de travail, M. [P] précisant qu’ils bénéficiaient des mêmes avantages que l’appelant à savoir l’accès aux clés et ‘aux logiciels spécifiques’ de la société [V] et la présence aux réunions d’équipe.

En sixième lieu, le seul fait que la société [V] ne disposait que d’un seul emploi salarié ou que de nombreux projets aient été confiés à l’appelant pour le compte de l’intimée ne peuvent suffire à établir l’existence d’un lien de subordination entre les parties.

En dernier lieu, si M. [T] soutient que la société [V] disposait d’un pouvoir de sanction à son égard, force est de constater qu’il n’évoque à cette fin que le courrier du 29 septembre 2016 par lequel ladite société a mis fin à sa relation contractuelle avec l’appelant.

Ce courrier était ainsi rédigé :

‘Nous entretenons une relation d’affaires régulières depuis le mois de décembre 2012 puisque vous fournissez à mon agence des prestations de service de graphisme dans le cadre de divers projets de l’agence [V].

Dès avant l’été 2016, je vous ai fait part de la nécessité de voir évoluer les prestations de services que vous rendez à l’agence en vous demandant de contractualiser nos relations d’une façon explicite, détaillée et sécurisante pour nous deux.

L’agence souhaite aujourd’hui recourir à des prestataires sous forme de société et en capacité de lui fournir une assurance responsabilité contractuelle ad hoc en rapport avec les prestations fournies et les enjeux financiers afférents aux missions confiées.

Vous m’avez signifié le 23 septembre 2016 ne pas souhaiter ratifier ne serait-ce que les principes fondamentaux devant régir les prestations de service à fournir.

Dans ces conditions, j’ai le regret de ne pouvoir renouveler de commandes de prestations de service auprès de vous et suis contraint de mettre fin aux relations d’affaires ayant existé à ce jour à l’expiration d’un délai de 3 mois commençant à courir à compter de la réception de la presente.

Vos prestations pourront prendre fin le 14 octobre 2016, date à laquelle nous vous verserons une somme forfaitaire de 16.000 euros HT majorée de la TVA correspondant à trois mois de la moyenne des honoraires que nous vous avons versés ces trois dernières années.

Je vous prie de me restituer :

– l’intégralité des fichiers, croquis, dessins de toute nature et sur tous supports réalisés dans le cadre de votre mission de prestation de service effectuée auprès de l’agence, en vous abstenant d’en conserver copie. Cette transmission devra être effectuée au plus tard le 14 octobre 2016,

– le trousseau de clés de l’agence en votre possession à réception du présent courrier. L’accès à l’agence vous sera bien entendu possible pendant la période susvisée afin de vous permettre de réaliser vos prestations jusqu’au 14 octobre 2016 et la transmission des dossiers susvisés’.

Il ressort des termes même de ce courrier que la société [V] a souhaité mettre fin aux ‘relations d’affaires’ avec l’appelant (et non au contrat de travail avec ce dernier) sans que soit évoqué un manquement de ce dernier à ses obligations. Il s’en déduit que ce courrier ne peut s’analyser comme l’exercice par la société [V] de son pouvoir de sanction et caractérise la rupture d’un contrat de prestation de service.

Il résulte de ce qui précède que même si M. [T] a travaillé pour le compte de la société [V] entre fin 2012 et 2016 et qu’il pouvait bénéficier de moyens matériels de cette dernière, il ne rapporte pas la preuve de consignes impératives données par l’intimée pour l’exécution de sa prestation, ni de directives données pour l’organisation de celle-ci, notamment en termes d’emploi du temps ou d’horaires ou encore de congés, la validation des congés étant un élément important du lien de subordination. De même, la preuve d’un contrôle de l’activité de M. [T] par la société [V] n’est pas apportée.

Enfin, le courrier du 29 septembre 2016 ne peut s’analyser comme l’exercice par la société [V] de son pouvoir de sanction.

Dès lors, l’appelant n’établit pas que la prestation qu’il a accomplie au profit de la société [V] s’inscrivait dans le cadre d’un lien de subordination. En conséquence, l’existence du contrat de travail allégué n’est pas établie.

Par suite, M. [T] échoue à renverser la présomption de non salariat

En l’absence de contrat de travail, les demandes de M. [T] au titre de l’exécution d’un tel contrat (indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, réparation du préjudice lié à l’existence d’un marchandage) et de sa rupture (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, dommages-intérêts pour licenciement abusif, indemnité pour licenciement irrégulier, remise de documents de fin de contrat sous astreinte) ne peuvent prospérer.

Le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur les demandes accessoires :

M. [T] qui succombe est condamné à verser à la société [V] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel. Il sera débouté de sa demande à ce titre.

M. [T] doit supporter les dépens d’appel.

Il ne sera pas fait droit à la demande d’anatocisme de M. [T] qui, compte tenu des développements précédents, est sans objet.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Yajoutant,

CONDAMNE M. [Z] [T] à verser à la SARL [V] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure pour la procédure d’appel,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE M. [Z] [T] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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