Contrat de crédit : l’abandon de demande et des abus dans l’exercice du droit d’agir en justice

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Contrat de crédit : l’abandon de demande et des abus dans l’exercice du droit d’agir en justice

La société LCL-Le Crédit Lyonnais a accordé un crédit personnel de 30 000 euros à M. [F] [S] le 7 septembre 2021, remboursable en 84 mensualités de 430,68 euros à un taux nominal de 3,7%. Suite à des impayés, LCL a assigné M. [F] [S] devant le tribunal judiciaire de Paris le 29 janvier 2024, réclamant 26 700,14 euros, des intérêts, 1 000 euros pour frais de justice, et la résolution judiciaire du contrat. LCL a justifié sa demande par le non-paiement des mensualités et la déchéance du terme prononcée le 13 juillet 2023.

Lors de l’audience du 21 mai 2024, LCL a décidé de se désister de sa demande principale, ne maintenant que ses demandes de dépens. M. [F] [S], de son côté, a également renoncé à sa demande de dommages-intérêts, mais a demandé le rejet des prétentions de la banque et une indemnisation de 1 000 euros pour procédure abusive, ainsi que 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [F] [S] a fait valoir qu’il avait été placé sous un plan de surendettement, ce dont LCL était consciente, et que la banque avait omis de mentionner d’autres crédits consentis, alors qu’il était en situation de précarité. La décision est mise en délibéré et sera rendue le 5 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/02057
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Ludivine JOUHANNY
Me Eric BOHBOT
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Ludivine JOUHANNY
Me Eric BOHBOT

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/02057 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4CN6

N° MINUTE :
9 JCP

JUGEMENT
rendu le jeudi 05 septembre 2024

DEMANDERESSE
Société LCL- LE CREDIT LYONNAIS, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0430

DÉFENDEUR
Monsieur [F] [S], domicilié : chez APTM CADA BERCY, [Adresse 3]
représenté par Me Ludivine JOUHANNY, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, [Adresse 1]

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 21 mai 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 05 septembre 2024 par Mathilde CLERC, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 05 septembre 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/02057 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4CN6

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 7 septembre 2021, la société LCL-Le Crédit Lyonnais a consenti à M. [F] [S] un crédit personnel d’un montant en capital de 30 000 euros remboursable au taux nominal de 3,7% (soit un TAEG de 4,068%) en 84 mensualités de 430,68 euros avec assurance.

Des échéances étant demeurées impayées, la société LCL-Le Crédit Lyonnais a, par acte de commissaire de justice en date du 29 janvier 2024, fait assigner M. [F] [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
26 700,14 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 3,7% à compter de l’assignation, et prononcé de la résolution judiciaire aux torts de l’emprunteur si le tribunal estimait la déchéance du terme irrégulière, 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Au soutien de sa demande, la société LCL-Le Crédit Lyonnais fait valoir que les mensualités d’emprunt n’ont pas été régulièrement payées, ce qui l’a contrainte à prononcer la déchéance du terme le 13 juillet 2023, rendant la totalité de la dette exigible.

A l’audience du 21 mai 2024, à laquelle l’affaire a été appelée, la société LCL-Le Crédit Lyonnais, représentée par son conseil, a indiqué se désister de sa demande principale, et ne maintenir que ses demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles. Elle sollicite le rejet de la demande reconventionnelle de dommages-intérêts.

Elle explique que les dettes de M. [F] [S] ont été effacées dans le cadre d’un plan de surendettement. Elle considère que l’instance par elle introduite n’a rien d’abusive, dès lors qu’elle était destinée à garantir sa créance et éviter la forclusion.

M. [F] [S], représenté par son conseil, a déposé des conclusions et a indiqué se désister de la demande de dommages-intérêts, compte-tenu de l’effacement de ses dettes. Il sollicite :
– le rejet de l’intégralité des prétentions de la banque,
– la condamnation de la banque à lui payer 1000 euros en réparation de la procédure abusivement diligentée contre lui,
– la condamnation de la banque à lui payer 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l’instance.

Il expose, au visa des articles 32-1 et 1240 du code civil, que sa situation a été déclarée recevable par la commission de surendettement des particuliers de Paris le 18 octobre 2023, ce dont la banque avait parfaitement conscience au moment de l’introduction de la présente instance, puisqu’elle avait contesté cette décision devant le juge du surendettement. Or, il lui était, dans ce contexte, interdit de rembourser la créance dont le paiement était poursuivi. Il ajoute que la banque a en outre sciemment omis de faire mention de deux autres crédits qu’elle lui avait consenti, et ce alors qu’il se trouvait en situation de précarité.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

La banque ayant abandonné sa demande en paiement des sommes dues au titre du crédit litigieux, seules ses demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens, ainsi que les demandes formées par M. [F] [S] à l’audience seront examinées. Il sera rappelé à ce titre que l’abandon de chefs de demande ne nécessite pas d’être constaté à la différence du désistement de l’entière instance.

Sur la procédure abusive

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En application de ce texte, la faute, même non grossière ou dolosive suffit, lorsqu’un préjudice en résulte, à justifier une condamnation à des dommages-intérêts pour abus du droit d’agir en justice ou résistance abusive, étant précisé qu’une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s’être défendue que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus. L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’étant pas, en soi, constitutive d’une faute, l’abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.

Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

En vertu de l’article L. 733-16 du code de la consommation, les mesures imposées par la commission en application des articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 ou celles prises par le juge en application de l’article L. 733-13 sont opposables aux créanciers identifiés dans le plan de surendettement lesquels ne peuvent, par conséquent, exercer des procédures d’exécution à l’encontre des biens du débiteur pendant la durée de leur exécution.

Il est toutefois permis au créancier, à tout moment de la procédure de surendettement, d’agir selon les voies du droit commun pour se procurer un titre.

La recevabilité/mise en place de mesures imposées par la Commission de surendettement des particuliers ne faisait ainsi, en l’espèce, pas obstacle à l’action de la banque ; en effet, même si la commission de surendettement des particuliers n’avait pas décidé d’un effacement des dettes, ou si un jugement avait ordonné leur remboursement, cela n’aurait pas eu pour effet d’empêcher la banque d’introduire une action aux fins de garantir sa créance, mais simplement de permettre le remboursement de cette dette conformément à la législation applicable en matière de surendettement. En effet, l’exécution d’une décision de justice ordonnant le remboursement d’une dette incluse dans un plan de surendettement est différée pendant la durée du plan arrêté par la Commission. En cas d’inexécution par le débiteur des mesures imposées, le créancier recouvre le droit de pratiquer des mesures d’exécution dans le cas où il est mis fin au plan soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement soit par l’effet d’une clause de caducité prévue par ces mesures.

En conséquence, l’instance introduite par la banque n’a pas été introduite abusivement.

M. [F] [S] sera débouté de sa demande sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Compte-tenu de l’issue donnée au litige, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

L’équité commande de rejeter les demandes formées au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

Rejette la demande de dommages-intérêts de M. [F] [S] ;

Dit que la société LCL-Le Crédit Lyonnais et M. [F] [S] conserveront la charge de leurs propres dépens ;

Rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Le greffier, Le juge des contentieux
de la protection


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