Si aucune disposition légale n’impose au prêteur de conserver un exemplaire du bordereau de rétractation joint à l’exemplaire de l’ offre communiqué à l’emprunteur, il lui incombe de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles ; la signature par l’emprunteur de l’ offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à ce dernier de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires, comme cela résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, rappelée par le premier juge, et appliquée par les juridictions françaises (voir notamment 1re Civ. 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.971).
La SA Créatis a accordé à Mme [H] [W] un contrat de regroupement de crédits de 41 000 € en novembre 2011, remboursable en 144 mensualités. En avril 2017, Mme [W] a bénéficié d’un plan de surendettement, modifiant les modalités de remboursement. En mars 2022, Créatis a mis en demeure Mme [W] pour impayés, puis l’a poursuivie en justice. Le tribunal a jugé que Créatis avait perdu son droit aux intérêts et a condamné Mme [W] à rembourser 19 253,48 €. Créatis a fait appel de cette décision, contestant la déchéance de son droit aux intérêts, arguant qu’elle avait respecté ses obligations légales concernant la remise d’un exemplaire du contrat. Cependant, le tribunal a confirmé que Créatis n’avait pas prouvé qu’elle avait remis un bordereau conforme aux exigences légales, maintenant ainsi la déchéance de son droit aux intérêts. Créatis a été condamnée à supporter les dépens. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N°
S.A. CREATIS
C/
[W]
FLR
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 11 JUILLET 2024
N° RG 23/00010 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IUHL
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS EN DATE DU 24 OCTOBRE 2022
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A. CREATIS, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit diège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Frédéric MALINGUE substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d’AMIENS, vestiaire : 65
Ayant pour avocat plaidant, Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE
ET :
INTIMEE
Madame [H] [W]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Assignée à personne, le 06 février 2023
DEBATS :
A l’audience publique du 06 Février 2024 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Avril 2024.
GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Françoise LEROY-RICHARD en a rendu compte à la Cour composée de :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 11 juillet 2024 et du prononcé de l’arrêt par sa mise à disposition au greffe
Le 11 juillet 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Malika RABHI, Greffier.
Suivant offre acceptée le 30 novembre 2011 la SA Créatis a consenti à Mme [H] [W] un contrat de regroupement de crédits n° 00281649384 d’un montant de 41 000 € remboursable en 144 mensualités de 406,41 € au taux de 6,25%.
Par décision du 6 avril 2017 Mme [W] a obtenu le bénéfice d’un plan de surendettement prévoyant un moratoire de 53 mois puis la possibilité de rembourser le crédit en 79 mensualités de 374,45 € et une dernière de 374,14 €.
Se prévalant d’impayés la SA Créatis a mis en demeure Mme [W] de payer diverses sommes le 15 mars 2022 puis par acte d’huissier en date du 30 juin 2022 a attrait cette dernière devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Beauvais qui par jugement réputé contradictoire du 24 octobre 2022 a déclaré l’action de la SA Créatis recevable, prononcé la déchéance du droit aux intérêts et condamné Mme [H] [W] à payer à la société Créatis la somme de 19 253,48 € avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2022, 100 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par déclaration en date du 16 décembre 2022 signifiée le 6 février 2023 par acte remis en l’étude, la SA Créatis a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions remises par voie électronique le 14 mars 2023 signifiées le 27 mars 2023 par acte remis en l’étude, à Mme [H] [W], la SA Créatis demande à la cour de réformer le jugement dont appel en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.
Elle demande à la cour en conséquence de condamner Mme [H] [W] à lui payer la somme de 32 567,58 € outre intérêts au taux de 6,25 % à compter du 4 mai 2022, 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Mme [H] [W] n’a pas constitué avocat.
SUR CE :
L’appelante fait grief au premier juge d’avoir prononcé la déchéance de son droit aux intérêts au taux contractuel à défaut d’avoir satisfait à l’obligation de remise d’un exemplaire de l’offre comprenant un bordereau détachable de rétractation et imprimée en caractères lisibles (corps 8).
Elle fait valoir qu’en cause d’appel elle produit une liasse contractuelle vierge identique à celui souscrit par Mme [W] et que cette dernière contient trois exemplaires du contrat dont deux comportant le formulaire permettant de se rétracter et que cet élément associé à la reconnaissance par la débitrice qu’elle est restée en possession d’un exemplaire contenant le formulaire litigieux, suffit à rapporter la preuve qu’elle a rempli ses obligations issues de l’article L.311-12 du code de la consommation dans sa version applicable.
Elle affirme également que la déchéance du droit aux intérêts ne pouvait être prononcée à raison de la taille des caractères du contrat, qu’elle produit l’original du contrat qui, selon elle, contient des clauses imprimées en caractères lisibles.
Elle ajoute qu’à supposer cette défaillance constituée, la loi ne sanctionne pas dans ce cas, le prêteur, par la déchéance du droit aux intérêts.
Le contrat de crédit est établi par écrit ou sur un autre support durable. Il constitue un document distinct de tout support ou document publicitaire, ainsi que de la fiche mentionnée à l’article L. 311-6. Un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.
Il doit selon l’article R.311-5 du même code être rédigé dans des termes qui ne peuvent être inférieurs au corps 8 et comporter de façon lisible une liste d’information.
La SA Créatis produit à hauteur de cour l’original de l’ offre de contrat rédigée en caractères de taille suffisante et très lisibles comprenant dans un encadré les informations imposées par l’article sus mentionné de sorte qu’elle est régulière.
En application des articles L.312-12 et L.311-48 du code de la consommation dans leur version applicable à l’espèce, le prêteur remet à l’emprunteur une offre comprenant un formulaire lui permettant d’exercer la faculté de rétractation sous peine de déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel.
Il est admis que si aucune disposition légale n’impose au prêteur de conserver un exemplaire du bordereau de rétractation joint à l’exemplaire de l’ offre communiqué à l’emprunteur, il lui incombe de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles ; la signature par l’emprunteur de l’ offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à ce dernier de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires, comme cela résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, rappelée par le premier juge, et appliquée par les juridictions françaises (voir notamment 1re Civ. 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.971).
En l’espèce la SA Créatis produit une offre vierge en trois exemplaires comme élément susceptible de corroborer l’indice tiré de la signature par Mme [W] apposée au dessous de la formule selon laquelle ‘elle reconnaît être resté en possession d’un exemplaire de l’offre comprenant un formulaire détachable de rétractation’.
Cependant ce document non daté qui n’est pas associé à une lettre d’envoi ou autre document comprenant une date ou les coordonnées de l’acceptante ne suffit pas à corroborer l’indice sus-indiqué.
C’est donc à bon droit que le premier juge a considéré que la preuve de la remise d’un bordereau conforme aux exigences légales n’était pas rapportée.
A défaut pour la SAS Créatis de rapporter suffisamment la preuve de ce qu’elle a remis à l’intimée une offre satisfaisant aux obligations de l’article L.312-12 du code de la consommation, le jugement est confirmé en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA Créatis.
La SA Créatis qui succombe garde la charge des dépens et des frais irrépétibles qu’elle a exposé en appel.
La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe ;
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant :
Laisse à la SA Créatis la charge des dépens et des frais irrépétibles exposés en appel.
Le Greffier, La Présidente,