Contrat de coproduction : 8 juin 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 07/07657

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Contrat de coproduction : 8 juin 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 07/07657
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8 juin 2011
Cour d’appel de Paris
RG n°
07/07657

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 08 Juin 2011

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 07/07657

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Septembre 2007 par le Conseil de Prud’hommes de PARIS – Section Activités Diverses – RG n° 07/04733

APPELANT

Monsieur [P] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Françoise MARCHAL, avocat au barreau de CRETEIL, PC 103

INTIMÉE

S.A. ELLIPSANIME

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Hortense de SAINT REMY, avocate au barreau de PARIS, P286 substituée par Me Delphine CUENOT, avocate au barreau de PARIS, P286

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Geneviève LAMBLING, Présidente, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Geneviève LAMBLING, Présidente

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau code de procédure civile.

– signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société Ellipsanime a pour activité la production cinématographique, notamment celle de dessins animés.

Elle a engagé M [P] [D] d’abord en qualité d’assistant de production suivant quatre contrats à durée déterminée successifs à compter du 20 avril 2005 puis en tant que chargé de production selon seize contrats à durée déterminée dits ‘Contrats intermittents du spectacle’, le dernier contrat à durée déterminée conclu le 3 janvier 2007 ayant pris fin à son terme le 26 janvier suivant.

Une transaction a été proposée par la société Ellipsanime à M.[P] [D] qui ne l’a pas acceptée et a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 23 avril 2007 de demandes en paiement de créances salariales et indemnitaires dont il a été débouté par jugement du 21 septembre 2007.

Régulièrement appelant, M [P] [D] demande à la cour, dans ses conclusions déposées et soutenues lors de l’audience du 3 mai 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, d’infirmer cette décision et, statuant à nouveau, de :

– requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 20 avril 2005, en qualité de directeur de production,

– dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Ellipsanime à lui verser les sommes de :

complément de salaires d’octobre à janvier 2007 25 635 euros

indemnité de requalification 4 800 euros

indemnité pour non respect de la procédure de licenciement 4 800 euros

indemnité de préavis 14 400 euros

congés payés afférents 1 440 euros

heures supplémentaires impayées 7 562 euros

dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 28 800 euros

dommages-intérêts pour travail dissimulé 28 800 euros

– ordonner à la société Ellipsanime de lui remettre les fiches de salaire, attestation Pôle emploi et certificat de travail rectifiés,

– condamner la société Ellipsanime à lui payer une indemnité de procédure de 4 000 euros.

Dans ses écritures soutenues dans les mêmes conditions auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Ellipsanime conclut au débouté, à la confirmation de la décision déférée et sollicite une indemnité de procédure de 2 000 euros.

MOTIFS

Sur la demande de requalification

S’il résulte de la combinaison des articles L 1242-1, L 1242-2, L 1245-1 et D 1242-1 du code du travail que, dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

M [P] [D] expose qu’après l’avoir engagé du 20 au 22 avril 2005 en qualité d’assistant de production du film Le petit roi Macius, la société Ellipsanime lui a confié d’avril à septembre 2005, les fonctions d’assistant de production puis à compter du mois d’octobre 2005, celles de directeur de production, statut cadre des séries Naruto 1, 2, 3, de la série Keroro puis de la série Macius, qu’il a travaillé ainsi pendant 21 mois de façon continue sur ces séries produites simultanément bien qu’une seule figurait sur ses contrats de travail, que sa rémunération pour les fonctions de directeur de production était payée en partie par la société Ellipsanime et en partie par une société d’intérim belge, Kelly Services, utilisée par la société belge Araneo appartenant au même groupe que la société Ellipsanime, que son salaire moyen mensuel était ainsi de 2 921 euros soit 1 620 euros payés par la société Ellipsanime et 1 301 euros par Kelly Services, que la société Ellipsanime a mis fin brutalement à leur collaboration après qu’il lui ait demandé de faire apparaître sur ses bulletins de salaire ses réelles fonctions de directeur de production.

Il ajoute qu’il établissait les plannings, les budgets, recrutait les personnes nécessaires à chaque série et exerçait réellement les fonctions de directeur de production, liées à l’activité normale, constante et ininterrompue de la société Ellipsanime.

Il prétend qu’alors qu’il ne devait travailler que les mercredi après-midi, jeudi, vendredi et samedi, il était présent tous les jours de la semaine du lundi au samedi inclus dans les locaux de la société Ellipsanime et, s’agissant des lundi, mardi et mercredi matin, était rémunéré par une société de travail temporaire belge, la société Kelly services mandatée par la société de droit belge Araneo, ce qui permettait à la société Ellipsanime d’éluder le paiement des charges sociales en France, que la société Araneo appartient au même groupe que la société Ellipsanime, ayant comme société mère la société Media-Participations, que d’autres salariés étaient dans le même cas que lui.

La société Ellipsanime conteste tant le fait qu’elle employait M.[P] [D] à temps complet que la qualification revendiquée, soutient que les fonctions exercées par l’appelant (assistant à la production puis chargé de production) étaient attachés à une oeuvre précise, par nature temporaire, qu’il ne peut justifier avoir occupé un poste permanent, ses tâches étant liées à la production de films, nécessairement de durée déterminée et limitée, que contrairement à ce qu’il soutient, il n’a réalisé aucun travail sur les séries Naruto 2 et Keroro.

M.[P] [D] a été engagé en qualité d’assistant de production non cadre du 20 au 22 avril 2005, puis du 2 mai au 30 septembre 2005, selon 4 contrats à durée déterminée, du film ‘Le petit roi Macius’ puis de façon ininterrompue du 3 octobre 2005 au 26 janvier 2007, selon 16 contrats à durée déterminée, en tant que chargé de production successivement de Naruto, Macius saison 2, le Petit roi Macius 2, Emaciu 2.

Selon la convention collective des films d’animation, l’assistant de production ‘exécute les travaux de préparation et de coordination liés à la production’, le chargé de production ‘assure la planification, la gestion du budget et la coordination entre les équipes artistiques et techniques sur un projet ou une phase de production’, le directeur de production ‘encadre, planifie, budgétise et recrute pour les opérations de préparation et de production du ou des projets dont il a la charge’.

S’agissant des quatre premiers contrats à durée déterminée, aucune des pièces produites par M.[P] [D] ne se réfère à cette période et il n’établit donc pas avoir exercé d’autres fonctions que celles d’assistant de production.

Il résulte des contrats à durée déterminée suivants que du 3 octobre 2005 au 28 février 2006, il était chargé de production de la série ‘Naruto’, du 1er mars 2006 au 27 octobre 2006, chargé de production du film ‘Le petit Roi Macius 2″ et du 1er novembre 2006 au 26 janvier 2007, chargé de production du film’Emaciu 2″.

Comme l’établit la société Ellipsanime par ses pièces 31, 32 et 58, la série Naruto est une adaptation technique et linguistique en langue française d’une série japonaise déjà existante, l’organigramme démontre que le poste de directeur de production n’existait pas, M.[P] [D] ayant, conformément à ses fonctions de chargé de production, assuré la tenue du budget et la coordination.

S’agissant de la série ‘Le petit roi Macius 2″, également appelée Emaciu 2 puis Macius 2, qui fut son nom définitif, la pièce produite par M.[P] [D] (36.3) confirme qu’il exerçait bien des fonctions de chargé de production soit planification, gestion du budget et coordination’, la société Ellipsanime établissant pour sa part que cette série était une coproduction avec d’autres pays dont l’Allemagne, le seul directeur de production étant allemand, la société Ellipsanime n’étant intervenue qu’à concurrence de 173 377 euros sur un budget total de 2 479 410 euros dans le financement de cette production.

Si M.[P] [D] justifie, contrairement à ce que soutient la société Ellipsanime, avoir également travaillé sur les séries Naruto 2 et Keroro qui ne figuraient pas dans les contrats à durée déterminée les liant, les pièces qu’il produit démontre qu’il exerçait là encore des fonctions de chargé de production et non pas de directeur de production.

Il ne peut dès lors revendiquer cette classification, peu important le fait qu’il s’en fût arrogé le titre en signant ses mails ‘Production manager’.

Cependant, en tant que chargé de production de manière ininterrompue à compter du 3 octobre 2005, ses fonctions étaient incontestablement liées à l’activité normale et permanente de l’entreprise qui exerce une activité de production de films et d’oeuvres individuelles, activité qui n’est pas par nature temporaire contrairement à ce que soutient l’intimée, étant rappelé que M.[P] [D] a exercé ces fonctions non pas seulement sur une oeuvre précise, comme le mentionnent les contrats conclus, mais est également intervenu parallèlement dans d’autres séries.

Il s’ensuit que la relation de travail ayant existé entre les parties à compter du 3 octobre 2005, date à laquelle M.[P] [D] a exercé des fonctions de chargé de production doit être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée.

C’est en vain que l’appelant demande à la cour de juger qu’il travaillait à temps complet pour l’intimée.

En effet, comme il le précise lui-même, il travaillait également en tant que chargé de production une partie de la semaine pour la société Araneo, société de droit belge, par l’intermédiaire de la société d’interim Kelly Services qui le rémunérait à raison de la somme mensuelle de 1 301 euros , le fait que la société Araneo appartienne au même groupe que la société intimée et soit également un des producteurs de la série Macius 2 ne pouvant suffire à justifier, contrairement à ce qu’il soutient, que par ce biais la société Ellipsanime le rémunérait à temps complet en éludant les charges sociales auxquelles elle aurait été assujettie en France.

En raison de la requalification prononcée, la rupture intervenue le 26 janvier 2007, à l’expiration du dernier contrat à durée déterminée, sans respect de la procédure de licenciement et sans motivation est abusive, étant rappelé que M.[P] [D] avait moins de deux ans d’ancienneté

Sur les heures supplémentaires

S’il résulte de l’article L3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement les éléments de nature à étayer sa demande.

M. [P] [D] soutient avoir effectué 217 heures supplémentaires en quatre mois soit du 2 octobre 2006 au 26 janvier 2007 et se fonde sur les heures apparaissant sur les mails qu’il a envoyés de sa messagerie professionnelle à d’autres salariés de l’entreprise.

Cependant, comme en justifie la société Ellipsanime d’une part, il avait la possibilité de se connecter sur sa boîte mail professionnel alors qu’il était à l’extérieur de l’entreprise, d’autre part, il travaillait également pendant la même période pour la société Araneo, entité juridique distincte de l’intimée, même si elles appartiennent au même groupe.

Les éléments produits ne suffisant pas à étayer sa demande, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il l’en a déboutée ainsi que de celle subséquente de dommages-intérêts pour travail dissimulé.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

M. [P] [D] doit être débouté de sa demande de complément de salaire sur la période d’octobre 2005 à janvier 2007 puisqu’ainsi qu’il l’a été jugé, il n’a pas exercé les fonctions de directeur de production mais celles contractuelles de chargé de production.

Comme l’établit la société Ellipsanime, il a perçu en tant que chargé de production un salaire brut mensuel de 1 687,91 euros.

La société Ellipsanime sera condamnée à lui verser les sommes de :

1 687,91 euros à titre d’indemnité de requalification ,

1 687,91 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

5 063,73 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

506,37 euros au titre des congés payés afférents.

Il est également en droit d’obtenir, sur le fondement de l’article L 1235-5 du code du travail, une indemnité en réparation du préjudice matériel et moral que lui a causé son licenciement abusif.

Il sollicite, en se fondant sur un salaire mensuel brut de 4 800 euros, correspondant selon ses dires au salaire d’un directeur de production, qualité qu’il ne peut revendiquer, la somme de 28 800 euros.

Il précise ne pas avoir retrouvé d’emploi et justifie qu’il percevait en mars 2011 le revenu de solidarité active.

La société Ellipsanime relève qu’il ne verse aucun élément quant à ses recherches d’emploi, n’a pas été indemnisé par Pôle emploi au titre de l’allocation chômage du 1er au 14 août 2008, du 14 avril au 17 janvier 2009 , a créé la société Blueday Pictures en juillet 2010 et se présente sur le site Viadeo comme ‘producteur de série télé’.

En considération de ces éléments, le préjudice matériel et moral que lui a causé son licenciement abusif sera réparé par l’allocation de la somme de 10 000 euros.

Sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

L’équité appelle d’allouer à M. [P] [D] la somme de 3 000 euros et de débouter la société Ellipsanime de ce même chef.

Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de la société Ellipsanime

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris SAUF en ce qu’il a débouté M. [P] [D] de ses demandes de complément de salaire d’octobre 2005 à janvier 2007, de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau des autres chefs et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [P] [D] de sa demande tendant à voir juger qu’il était directeur de production,

REQUALIFIE les contrats de travail à durée déterminée ayant lié M. [P] [D] et la société Ellipsanime à compter du 3 octobre 2005 en tant que chargé de production en contrat de travail à durée indéterminée,

DIT abusif le licenciement de M. [P] [D],

CONDAMNE la société Ellipsanime à payer à M. [P] [D] les sommes de:

1 687,91 euros à titre d’indemnité de requalification ,

1 687,91 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

5 063,73 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

506,37 euros au titre des congés payés afférents,

10 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L 1235-5 du code du travail,

3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société Ellipsanime de sa demande d’indemnité de procédure et la condamne aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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