Contrat de coproduction : 6 décembre 2016 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/02643

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Contrat de coproduction : 6 décembre 2016 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/02643
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6 décembre 2016
Cour d’appel de Versailles
RG n°
15/02643

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

FL

Code nac : 39H

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 6 DECEMBRE 2016

R.G. N° 15/02643

AFFAIRE :

SARL LES PRODUCTIONS DE LA BALEINE

C/

SAS GAUMONT TELEVISION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Mars 2015 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 02

N° Section : 00

N° RG : 2013F03393

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

Me Martine DUPUIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SIX DECEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SARL LES PRODUCTIONS DE LA BALEINE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20150121

Représentant : Me Samba SIDIBE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

SAS GAUMONT TELEVISION

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1554485

Représentant : Me Thierry MAREMBERT de la SCP KIEJMAN & MAREMBERT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0200 – substitué par Me SERPAGLI

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Octobre 2016, Monsieur François LEPLAT, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Mme Dominique ROSENTHAL, Président,

Monsieur François LEPLAT, Conseiller,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier f.f., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,

EXPOSÉ DU LITIGE

La société à responsabilité limitée Les Productions de la Baleine, dirigée depuis sa création par [P] [O], a pour activité la réalisation et la production de films documentaires et publicitaires.

Souhaitant réaliser un documentaire sur la vie de [M] [E], à base d’images et d’enregistrements d’archives, [P] [O] a pris contact avec cette dernière qui lui a confirmé son accord le 9 avril 2010 en réponse à un courrier du 23 mars 2010. Aucune exclusivité n’était alors évoquée.

A la recherche d’un financement pour son projet, [P] [O] a rencontré, début 2011, [F] [N], directeur des opérations fictions de la société par actions simplifiée GAUMONT TÉLÉVISION, pour lui proposer une coproduction.

Les discussions n’ont pas abouti, [P] [O] n’ayant pas été en mesure de produire l’accord d’exclusivité dont, d’après [F] [N], il se serait prévalu au cours des premières rencontres, et dont la société GAUMONT TÉLÉVISION faisait une condition impérative à toute collaboration.

Parallèlement, [P] [O] a approché des représentants de la chaîne de télévision ARTE et a remis, en avril 2011, des éléments de définition de son projet à son unité de documentaires en vue d’une éventuelle collaboration.

Par courrier du 8 décembre 2011, ARTE a rejeté expressément la proposition de la société Les Productions de la Baleine en indiquant qu’un projet sur le même thème était en production dans ses studios depuis mai 2011.

Entre temps, le Centre National du Cinéma avait refusé, le 27 mai 2011, la demande de financement de la société Les Productions de la Baleine pour cette ‘uvre.

Ayant appris, en avril 2012, qu’ARTE pré-vendait au salon MIPTV de [Localité 1] un documentaire coproduit avec la société GAUMONT TÉLÉVISION sur la vie de [M] [E] et intitulé BB par BB, la société Les Productions de la Baleine a mis ARTE en demeure, par courrier du 30 avril 2013, de suspendre la production du dit documentaire.

ARTE a répondu, le 14 mai 2013, en réfutant les allégations de la société Les Productions de la Baleine et a poursuivi son projet.

Le documentaire litigieux, réalisé par [R] [G], est présenté par la société GAUMONT TÉLÉVISION dans son catalogue de programmes inédits 2012/2013.

La première diffusion par ARTE du documentaire en question était alors prévue pour la soirée du mercredi 27 novembre 2013.

C’est dans ces circonstances que, par acte d’huissier du 29 août 2013, délivré à personne habilitée pour personne morale, la société Les Productions de la Baleine a fait assigner la société GAUMONT TÉLÉVISION devant le tribunal de commerce de Nanterre lui demandant de :

En considération des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil,

Déclarer recevable et bien fondée la société Les Productions de la Baleine en toutes leurs demandes, fins, moyens et prétentions,

Y faisant droit,

Dire et juger que la société Gaumont avait commis des actes de rupture des pourparlers et de concurrence déloyale à l’encontre de la société Les Productions de la Baleine,

Interdire à la société Gaumont (la) poursuite des actes de concurrence déloyale et interdire la production ou la diffusion de son documentaire,

En conséquence :

Interdire à la société Gaumont sous astreinte de 5.000 euros par jour et par infraction constatée, la production ou la diffusion d’un documentaire sur [M] [E],

Dire que le tribunal de commerce de Nanterre serait compétent pour procéder, le cas échéant, à la liquidation de l’astreinte susvisée,

Condamner la société Gaumont à payer à la société Les Productions de la Baleine la somme de 120.000 euros à titre de dommages intérêts,

Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garanties.

Par jugement entrepris du 26 mars 2015 le tribunal de commerce de Nanterre a :

Dit que la SARL Les Productions de la Baleine ne démontrait pas que la SAS Gaumont Télévision avait commis des actes de rupture des pourparlers et des actes de concurrence déloyale à son encontre,

Débouté la SARL Les Productions de la Baleine de sa demande de dommages et intérêts,

Débouté la SAS Gaumont Télévision de sa demande de dommages et intérêts,

Condamné la SARL Les Productions de la Baleine à payer à la SAS Gaumont Télévision la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Condamné la SARL Les Productions de la Baleine aux dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l’appel interjeté le 9 avril 2015 par la société Les Productions de la Baleine ;

Vu les dernières écritures signifiées le 25 août 2016 par lesquelles la société Les Productions de la Baleine demandent à la cour de :

Dire et juger la SARL LES PRODUCTIONS DE LA BALEINE recevable et bien fondée en son appel.

Y faisant droit,

Infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau :

Vu les actes de rupture des pourparlers et concurrence déloyale démontrés à rencontre de la société GAUMONT TÉLÉVISION,

Condamner la société GAUMONT TÉLÉVISION à indemniser le préjudice subi par la SARL LES PRODUCTIONS DE LA BALEINE de 50.000 euros pour rupture des pourparlers et 70.000 euros pour concurrence déloyale.

Débouter la société GAUMONT TÉLÉVISION de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

La condamner au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck LAFON, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières écritures signifiées le 26 août 2015 au terme desquelles la société GAUMONT TÉLÉVISION demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement en ce qu’il a débouté la société Les Productions de la Baleine de l’ensemble de ses demandes ;

L’infirmant au surplus,

CONDAMNER l’appelante à verser à la société Gaumont Télévision une somme de 15.000 euros pour procédure abusive ;

CONDAMNER l’appelante à verser à la société Gaumont Télévision une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER l’appelante aux dépens.

DIRE que les dépens pourront être directement recouvrés par la SELARL LEXAVOUE PARISVERSAILLES, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture des pourparlers :

La société les Productions de la Baleine fait grief a la société GAUMONT TÉLÉVISION d’avoir pris prétexte de son refus d’engagement d’exclusivité pour rompre les négociations au bout de quatre mois, négociations qui n’ont été qu’un prétexte à lui voler son travail.

La société GAUMONT TÉLÉVISION, qui va jusqu’à réfuter l’existence même de pourparlers, argue de ce que [P] [O] n’a jamais justifié détenir un accord exclusif de la part de [M] [E] pour réaliser un documentaire la concernant, dont il s’est pourtant prévalu lorsqu’il l’a approchée en vue d’une coproduction.

Elle conteste avoir demandé à [P] [O] de lui accorder lui-même ou au travers de la société les Productions de la Baleine, une exclusivité, estimant que par cette allégation, l’appelante déforme la réalité de façon absurde.

Elle pointe le comportement indélicat de [P] [O], qui, parallèlement aux échanges qu’il a pu avoir avec elle, a cherché d’autres sources de financement pour son projet de documentaire.

La société GAUMONT TÉLÉVISION fait encore observer que dans un courriel du 26 juin 2011, [P] [O] avoue avoir lui-même rompu les négociations avec elle.

En tout état de cause, à les supposer établis, elle rejette l’accusation qui lui est faite de rupture abusive de pourparlers, puisqu’elle s’est contentée de réitérer vainement sa demande de production de l’accord exclusif de [M] [E].

Sur ce point, le tribunal a exactement relevé que l’accord de [M] [E], dont se prévaut la société les Productions de la Baleine, est constitué par une lettre de [P] [O], gérant de la société, datée du 23 mars 2010, adressée à [X] [H], époux de [M] [E], indiquant : Suite à nos différents entretiens, je vous remercie de votre accord pour la réalisation d’un documentaire sur Madame [E]. Je vous confirme que je m’engage à ce que la production verse 15.000 euros à madame [E]. D’autre part, après ma mort tous mes droits moraux et patrimoniaux sur le documentaire appartiendront à la fondation [M] [E]. Pour la bonne règle je vous remercie de m’envoyer votre accord, lettre sur laquelle la mention manuscrite: Bon pour accord, la signature de [M] [E] et la date du 9 avril 2010 ont été apposées ;

Que ce document ne mentionne aucune exclusivité confiée par [M] [E] à la société les Productions de la Baleine ;

Que la société GAUMONT TÉLÉVISION rapporte avoir demandé à [P] [O], lors de deux entretiens successifs tenus début 2011, de lui fournir une copie de l’accord d’exclusivité par lui allégué ;

Que [P] [O], par courrier du 8 mars 2011, adressé à [F] [N], a indiqué : Suite à notre entretien avec monsieur [Q], j’ai consulté mon avocat qui m’a interdit de signer tout engagement d’exclusivité. (…) Je vous confirme que je suis prêt à abandonner la production de mon film, et vous confier la production à 100 % de “[E] par [E]” mais à condition que trouviez une chaîne avant tout engagement exclusif de ma part ;

Que la société les Productions de la Baleine ne rapporte pas la preuve que la société GAUMONT TÉLÉVISION aurait demandé à [P] [O] de lui consentir un accord d’exclusivité comme elle le prétend ;

Que la société GAUMONT TÉLÉVISION, par lettre recommandée avec avis de réception du 8 juin 2011, faisant référence à ces rencontres, a confirmé sa demande relative à l’accord d’exclusivité dans les termes suivants: Nous avons accepté de vous rencontrer en raison de l’accord d’exclusivité que vous déclarez avoir conclu avec Madame [M] [E] pour sa participation à un film documentaire. (…) Nous vous demandons donc de nous apporter sans délai tout élément permettant de corroborer vos déclarations, à savoir l’existence d’un accord d’exclusivité conclu avec Madame [M] [E] et le caractère privilégié de votre relation, ces éléments étant le préalable pour débuter toute discussion autour de ce projet de documentaire;

Que, dans son courrier du 10 juin 2011, le gérant de la société les Productions de la Baleine, faisant de nouveau référence à son refus de tout accord d’exclusivité avec la société GAUMONT TÉLÉVISION, conclut : En effet, suite à vos exigences, nous avons rompu nos négociations et ma société peut prouver depuis cette rupture une dizaine d’initiatives pour trouver le financement de mon film (…) ;

Que, par ce courrier, la société les Productions de la Baleine admet avoir pris l’initiative de rompre les discussions ;

Que suite à ce courrier, la société GAUMONT TÉLÉVISION a répondu par lettre recommandée avec avis de réception du 22 juin 2011 : (…) vous êtes libre de poursuivre votre projet avec tout tiers de votre choix, aucun accord n’ayant été conclu entre nous.

Il ressort de ces éléments que les prétendus pourparlers menés entre la société les Productions de la Baleine et la société GAUMONT TÉLÉVISION n’ont duré que quelque mois, ont consisté essentiellement en deux rencontres et quelques échanges de courriers, dans lesquels la société GAUMONT TÉLÉVISION a, de manière constante, réclamé au gérant de la société les Productions de la Baleine la production d’un accord d’exclusivité émanant de [M] [E] pour la réalisation sollicitée du documentaire la concernant ; que cet accord d’exclusivité n’a jamais été produit et n’a d’ailleurs jamais été accordé à la société les Productions de la Baleine, puisqu’un courrier du conjoint de [M] [E], daté du 21 juillet 2011, adressé à [P] [O], lui rappelle que : Madame [M] [E] vous a signé le 23 mars 2010, à votre demande par courrier, un bon pour accord sans exclusivité particulière, pour la réalisation de votre documentaire – un point c’est tout !!! Qu’attendez-vous pour le réaliser ‘

La cour confirmera donc le jugement en ce qu’il a débouté la société les Productions de la Baleine de sa demande relative à la rupture abusive des pourparlers avec la société GAUMONT TÉLÉVISION.

Sur la concurrence déloyale :

La société les Productions de la Baleine maintient devant la cour sa demande indemnitaire pour concurrence déloyale à l’égard de la société GAUMONT TÉLÉVISION, à laquelle elle reproche d’avoir pris contact avec le mari de [M] [E], après que lui a été remise la lettre d’accord de celle-ci pour réaliser un documentaire la concernant, duquel elle a obtenu un accord pour 31.500 euros, mieux disant de 21.500 euros que le sien.

Produisant une copie de son projet de scénario, [E] par [E], inclut dans un procès-verbal d’huissier de justice, dressé le 23 juillet 2012, la société les Productions de la Baleine entend prouver, grâce à un courrier, non daté, du Centre national du cinéma et de l’image animée, y figurant, que la demande d’avance sur recettes avait été déposée par [P] [O], avec le projet de scénario, le 28 février 2011.

Elle soutient que le documentaire BB par BB, réalisé par la société GAUMONT TÉLÉVISION, en partenariat avec ARTE, date quant à lui du 11 juin 2011, selon contrat versé aux débats, qu’il est donc postérieur au sien et s’en inspire, tant dans la forme, que dans le fond, pointant notamment le fait que tant dans son projet de documentaire [E] par [E] que dans celui réalisé par ARTE, avec la société GAUMONT TÉLÉVISION, ce serait [M] [E] qui se raconterait elle-même ou bien encore que les deux intégreraient des images de [M] [E] enfant, à partir de séquences familiales, filmées par son père, cinéaste amateur.

Elle en déduit une perte de chance d’engranger les bénéfices d’une diffusion et de rediffusions du documentaire et aussi une atteinte à la notoriété de la société.

La société GAUMONT TÉLÉVISION lui rétorque que l’idée de tourner un documentaire sur [M] [E] n’est pas originale et qu’elle est de libre parcours.

Elle expose qu’il existe un certain nombre de documentaires ou d’émissions thématiques antérieures au projet de la société les Productions de la Baleine, tels :

– Et [M] créa [E] (2007, 55′)

Réalisé par [G] [Z], écrit par [Z] [T], produit par France 5 (collection Empreinte)

Diffusions sur France 5 (26/10/2007, 9/07/2010 et 21/10/2012)

– [M] [E], une icône française (2009, 25′)

Réalisé par [O] [L], produit par 3DD Productions Diffusions sur Stylia (15/08/2013 et 31/08/2013)

– Le mystère [E] (2012, 52′)

Réalisé par [Q] [B], [S] [C], [Y] [M]

(Images d’archives et entretiens), produit par Licange Productions / Orange Cinéma Séries Diffusions sur France 5 (24/12/2012 et 24/01/2013) et sur OCS (17/05/2013 et 20/10/2013)

– Vie privée, Vie publique : [M] [E] (2006) Diffusions sur France 3 (27/09/2006, 26/06/2007)

– Un jour / Un destin : [M] [E] une vie, des scandales (2007, 85′) Réalisé par [H] [U] et [W] [I]

Diffusion sur France 2 (25/06/2008, 26/12/2009, 28/10/2011 et 04/11/2011)

– Soirée [M] [E] sur Paris Première : Vive la télé spécial [M] [E] (2009) suivi de l’émission Show [E], puis de « Et Dieu créa…la femme » de [C] [W]

Interview de [E] par [D]. [V] «[M] [E] : Femme ou mythe» (1973) Diffusion TV sur Paris Première (16/12/2009)

– Soirée Thema ARTE : La Bombe BB (2010) avec la diffusion du film « Vie privée » de [T] [F] suivi du show Spécial [E] réalisé par [K] [S] et [V] [P] (1968, 50′) ; diffusion sur Arte le 08/08/2010

– 90 minutes Faits divers : Les secrets de la scandaleuse (2010, 60′) Diffusion sur TMC le 17/01/2010.

Elle ajoute qu’un autre documentaire a même été réalisé au cours de la procédure devant le tribunal de commerce de Nanterre, durant l’été 2014, à l’approche des 80 ans de l’actrice, puisque France 2 a diffusé le 23 septembre 2014 à 20h50 un numéro spécial de l’émission Un jour une histoire, consacré à [M] [E], suivi d’une interview de [M] [E] réalisé par [A] [D] à la [Localité 2].

Elle fait observer que le projet de la société les Productions de la Baleine n’est pas abouti et qu’il est donc insusceptible de protection ; qu’il s’agit d’un simple album photographique, organisé selon un découpage chronologique, accompagné d’un court texte explicatif, dont [P] [O] a lui-même indiqué à ARTE, dans un courrier daté du 30 avril 2012, qu’il avait la particularité d’être constitué uniquement de captures d’écran, c’est-à-dire de photos de captures de films, vidéos clips, interviews, émissions télévisées.

La société GAUMONT TÉLÉVISION indique qu’il ne suffit pas de rassembler des images et des faits relatifs à un sujet selon un classement chronologique voire thématique pour pouvoir qualifier le résultat d”uvre de l’esprit et que seul un travail abouti (contenant notamment un synopsis, un traitement et des textes, fruits d’une recherche et d’une analyse personnelle) – ce que l’on ne retrouve pas en l’espèce – est susceptible de refléter l’empreinte de la personnalité de son auteur et de donner lieu en tant que tel à la protection du droit d’auteur.

A l’inverse, elle fait valoir que le documentaire [M] [E], la Méprise, qu’elle a produit, est une ‘uvre originale qui mêle :

– des extraits de films et images d’archives (photos, extraits d’archives familiales, interviews de [M] [E] etc.),

– des images tournées par le réalisateur à la [Localité 2], villa mythique à [Localité 3] où vit toujours la star,

– des images du réalisateur se mettant lui-même en scène,

– des commentaires écrits et lus par le réalisateur,

– des extraits des Mémoires de [M] [E] lus par la comédienne [L] [K] ;

Qu’elle a acquis de la maison d’édition Grasset les droits d’exploitation audiovisuelle des deux ouvrages autobiographiques de [M] [E] parus en 1996 ;

Que, sur son site, ARTE présente ainsi le documentaire : À partir d’archives familiales inédites, d’extraits de films et de l’autobiographie de [M] [E], [R] [G] compose un portrait rare et sensible d’une actrice et d’une femme mythique, passionnée et contradictoire.

En 2011, [M] [E] donne son accord pour un projet de documentaire biographique. Quand le réalisateur [R] [G] la rencontre pour la première fois, sa réaction est sans appel: elle ne participera pas au film mais lui donne accès à ses archives familiales, une multitude de films réalisés par son père, des premières heures de son existence jusqu’à sa métamorphose en déesse des écrans. Elle l’autorise aussi à filmer librement les lieux de sa vie: les maisons de La [Localité 2] et de La Garrigue à [Localité 3], ses refuges à elle.

À partir de cette matière infime, précieuse, le cinéaste élabore un portrait intime de l’actrice en forme de déclaration d’amour. Il s’appuie aussi sur des passages d’Initiales B.B., l’autobiographie de l’actrice, dits par [L] [K] (très émouvante) et sur des extraits de films.

De son enfance en milieu bourgeois – auprès d’une mère indifférente, d’un père autoritaire et d’une petite s’ur qu’on lui préfère – jusqu’à son retrait du monde il y a trente ans, [R] [G] réussit un portrait rare, émouvant, empathique. Il y donne à voir, pour la première fois peut-être, toutes les contradictions d’une femme passionnément amoureuse, mélancolique et sauvage, qui parvenait si mal à distinguer la vie du cinéma qu’elle faillit en mourir.

La société GAUMONT TÉLÉVISION ajoute n’être en rien responsable de l’échec du projet de [P] [O], qui n’a pu trouver les financements nécessaires pour le mener à bien.

Elle expose que, dans la mesure où ARTE a financé un tiers du budget de production de [M] [E], la Méprise, la chaîne avait le dernier mot quant au choix du réalisateur et que, compte tenu du coût élevé de ce genre de film en droits d’archives, les chaînes ne prendraient jamais le risque de travailler avec un réalisateur qu’elles ne connaissent pas et dont elles n’ont aucune référence ;

Que le choix d’ARTE s’est porté dès le départ sur le réalisateur [E] [Y], avec qui la chaîne avait déjà collaboré et réalisé de nombreux documentaires-portraits consacrés notamment à [B] [X], [I], [J], [U] [A], [N] [J] ; qu’étant finalement indisponible, [E] [Y] a lui-même suggéré de choisir [R] [G], jeune documentariste remarqué pour ses films consacrés à [DD] [R] et [UU] [UU].

* * *

Force est de constater que l’ébauche de scénario [E] par [E], que la société les Productions de la Baleine met aux débats est constituée d’un album photographique, pourvu de quelques commentaires épars, selon un ordre chronologique, que son gérant qualifie lui-même de captures d’écran, c’est-à-dire de photos de captures de films, vidéos clips, interviews, émissions télévisées.

Les thématiques abordées dans cette ébauche, concernant l’enfance de [M] [E], sa pratique de la danse, ses débuts au cinéma, les films qu’elle préfère, sa carrière de chanteuse, les hommes de sa vie, des séquences amusantes réunies sous l’intitulé : c’est rigolo, font partie de passages biographiques obligés d’une oeuvre qui prétend mêler la vie publique et la vie privée d’une vedette du grand écran et qui, en tant que tels, ne présentent aucune originalité, ni par leur contenu, largement public, ni par leur agencement.

Comme le souligne justement la société GAUMONT TÉLÉVISION, l’idée de réaliser un documentaire biographique sur [M] [E] est une idée de libre parcours, y compris en ce que celle-ci serait censée se raconter elle-même, l’intimée comme l’appelante fournissant maints exemples à cet égard, idée qui n’est donc pas susceptible d’appropriation.

Ainsi, même si la société les Productions de la Baleine n’agit pas en contrefaçon d’un droit d’auteur, qu’elle suggère cependant, mais en concurrence déloyale, pour un parasitisme qui serait lié aux investissements qu’elle prétend avoir effectués pendant plusieurs mois pour parvenir à l’ébauche du documentaire dont elle défend le prétendu détournement, force est de constater que ces lourds investissements ne sont pas démontrés, que c’est d’ailleurs à raison d’un impossible financement de ce projet qu’elle n’est pas parvenue à le faire aboutir et que nul comportement déloyal ne peut être valablement imputé à faute à la société GAUMONT TÉLÉVISION, qui lui a rendu une liberté qu’elle n’avait d’ailleurs jamais perdue, en lui écrivant le 22 juin 2011 : (…) vous êtes libre de poursuivre votre projet avec tout tiers de votre choix, aucun accord n’ayant été conclu entre nous.

Dans ces conditions, la cour confirmera le jugement de ce chef.

Sur le caractère abusif de la procédure :

L’article 32-1 du code de procédure civile édicte que : Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 3.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Dans un Etat de droit et une société démocratique, le droit d’ester en justice ne trouve sa limite que dans l’abus fait de celui-ci, avec malice, mauvaise foi ou bien lorsqu’il résulte d’une erreur équipollente au dol.

En l’espèce, la société GAUMONT TÉLÉVISION ne caractérise pas de la part de la société les Productions de la Baleine, qui a pu se méprendre sur l’étendue de ses droits à voir aboutir des négociations ouvertes au sujet d’un projet dont elle a estimé qu’il a ensuite vu le jour à son détriment, des agissements constitutifs d’un abus de droit.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de dommages et intérêts formulée de ce chef par la société GAUMONT TÉLÉVISION.

La cour confirmera donc le jugement qui a débouté la société GAUMONT TÉLÉVISION de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts, et, partant, en son entier.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable d’allouer à la société GAUMONT TÉLÉVISION une indemnité de procédure de 3.000 euros. La société les Productions de la Baleine, qui succombe, sera, en revanche, déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 26 mars 2015 en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

REJETTE toutes autres demandes,

CONDAMNE la société à responsabilité limitée les Productions de la Baleine à payer à la société par actions simplifiée GAUMONT TÉLÉVISION la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société à responsabilité limitée les Productions de la Baleine aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur Alexandre GAVACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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