Your cart is currently empty!
5 septembre 2014
Cour d’appel de Paris
RG n°
13/19890
Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRET DU 05 SEPTEMBRE 2014
(n°172, 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 13/19890
Décision déférée à la Cour : jugement du 13 septembre 2013 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n°12/00526
APPELANTE
S.A.R.L. KOS AND CO, agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque L 079
Assistée de Me Sébastien LOOTGIETER plaidant pour la SCP VILLEMEAU – ROHART – SIMON, avocat au barreau de PARIS, toque P 160
INTIME
M. [P] [N]
[Adresse 2]
D 3
[Localité 2]
Représenté par Me Antoine GITTON de la SELARL ANTOINE GITTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L 96
Assisté de Me François-René LEBATARD plaidant pour la SELARL ANTOINE GITTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L 96
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 5 juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente
Mme Sylvie NEROT, Conseillère
Mme Véronique RENARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mlle Laureline DANTZER
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Monsieur [P] [N], auteur, compositeur, artiste-interprète, expose avoir obtenu en 2004 l’autorisation des héritiers de [M] [Q] d’utiliser dix textes inédits du chanteur pour en composer la musique et les interpréter.
Il indique avoir signé, le 9 janvier 2008, un contrat de coproduction avec la société KOS AND CO, ainsi qu’un avenant le 4 février 2010, portant sur un album intitulé ‘[D] [Q] ‘ comportant douze titres, en particulier les dix textes de [M] [Q], ainsi que deux autres chansons, pour lesquelles des contrats d’édition et de cession de droits d’adaptation audiovisuelle ont été conclus les 26 et 29 mai 2008 avec la société KOS AND CO, la première chanson, dénommée ‘[Q]’, étant coécrite avec Madame [F] [R], la seconde, intitulée ‘[D] [Q]’, étant écrite et composée par Monsieur [P] [N], et arrangée par Monsieur [L] [I].
Monsieur [P] [N] dit avoir financé seul la réalisation artistique et les arrangements, ainsi que la rétribution et le défraiement des artistes-interprètes, pour un montant total de 26.450 euros. Il ajoute avoir également financé, à hauteur de 7.756,70 euros, la réalisation et la fabrication de 1.300 exemplaires de l’album sous format CD, accompagnés d’un livret à des fins de promotion auprès des distributeurs et des festivals.
Estimant que la société KOS AND CO n’a pas respecté ses obligations contractuelles et à la suite d’une mise en demeure en date du 18 janvier 2011 et d’échanges de différents courriers, Monsieur [P] [N] a, par acte d’huissier en date du 13 décembre 2011, fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Paris la société KOS AND CO aux fins d’obtenir la résiliation du contrat de coproduction du 9 janvier 2008 et de son avenant du 4 février 2010, la résiliation des contrats d’édition et de cession de droits d’adaptation audiovisuelle des 26 et 29 mai 2008, ainsi que la réparation de son préjudice.
Monsieur [P] [N] a également fait assigner, par actes d’huissier des 12 et 13 décembre 2011 et 29 mai 2012, Madame [F] [R], Monsieur [L] [I], la SACEM et la SDRM afin que le jugement à intervenir leur soit opposable.
Par jugement en date du 13 septembre 2013, assorti de l’exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Paris a :
– rejeté la fin de non-recevoir,
– dit que la société KOS AND CO a commis des manquements dans l’exécution du contrat de coproduction du 9 janvier 2008 et de son avenant du 4 février 2010, et dans les contrats d’édition et de cession de droits d’adaptation audiovisuelle des 26 et 29 mai 2008,
– prononcé la résiliation de ces contrats, à compter du 9 février 2011 pour le contrat de coproduction et du 13 décembre 2011 pour les contrats d’édition et de cession,
– condamné la société KOS AND CO à payer à Monsieur [P] [N] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice matériel,
– rejeté le surplus des demandes,
– condamné la société KOS AND CO à payer à Monsieur [P] [N] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamné la société KOS AND CO aux dépens.
La société KOS AND CO a formé appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 16 octobre 2013.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 22 avril 2014, auxquelles il est expressément renvoyé, la société KOS AND CO demande à la Cour, au visa des articles 1134, 1915 et 1917 du Code civil et L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle, de :
– la dire recevable et bien fondée en son action,
– infirmer en toutes ses branches le jugement rendu par la 3ème chambre 2ème section du Tribunal de Grande instance de Paris en date du 13 septembre 2013,
– prononcer et ordonner le remboursement des condamnations versées à hauteur de 14. 000 euros au titre de l’exécution provisoire à Monsieur [N],
– constater qu’elle a parfaitement rempli ses obligations de coproducteur,
– dire et juger que Monsieur [N] est infondé dans sa demande de résiliation du contrat de coproduction du 9 janvier 2008 et de son avenant du 4 février 2010 aux torts exclusifs de la société KOS AND CO,
– dire et juger que Monsieur [N] est infondé dans sa demande de résiliation des contrats de cession de droits d’adaptation et d’édition du 26 et 29 mai 2008 aux torts exclusifs de la SARL KOS AND CO,
– juger que Monsieur [N] doit être débouté purement et simplement de l’ensemble de ses demandes,
A titre reconventionnel,
– dire et juger que KOS AND CO conserve la part éditoriale qui lui a été cédée par les ayants droit de [Q] sur le titre ‘oiseau des îles’,
– constater le caractère aussi abusif que dilatoire de l’action menée par Monsieur [N] ,
– condamner Monsieur [N] à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommage et intérêts pour le préjudice moral causé et pour le caractère aussi mal fondé qu’abusif de ses demandes,
En tout état de cause,
– condamner Monsieur [N] à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux frais et débours dont distraction au profit de son conseil et qu’aux dépens.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 16 mai 2014, auxquelles il est expressément renvoyé, Monsieur [P] [N] demande à la Cour, au visa des articles 1134, 1135, 1184, 1315, 1915 et 1927 du Code civil, ainsi que des articles L. 132-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, de :
– confirmer le jugement du 13 septembre 2013,
– juger mal fondé l’appel interjeté par la SARL KOS AND CO à l’encontre du jugement du 13 septembre 2013,
– débouter en conséquence la SARL KOS AND CO de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la SARL KOS AND CO à lui payer la somme de 6.000 euros aux titres des frais irrépétibles,
– condamner la SARL KOS AND CO au paiement des dépens d’instance dont distraction au profit de son conseil, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mai 2014.
SUR CE,
Considérant que Monsieur [N] sollicite la confirmation du jugement, lequel a prononcé la résiliation du contrat de coproduction du 9 janvier 2008 et de son avenant du 4 février 2010 ainsi que des contrats d’édition et de cession de droits d’adaptation audiovisuelle des 26 et 29 mai 2008, de sorte qu’il appartient à la Cour d’apprécier la réalité et la gravité des manquements allégués au regard des dispositions de l’article 1184 du code civil ;
Sur le contrat de coproduction du 9 janvier 2008 et son avenant du 4 février 2010
Considérant en premier lieu qu’il sera observé que la société KOS AND CO, qui sur près de dix pages de conclusions, fait état de l’absence de justification de l’investissement de Monsieur [N] et de manquements graves de celui-ci à ses obligations de coproducteur, n’en tire aucune conséquence juridique et ne forme aucune demande à ce titre ;
Qu’il n’y a pas lieu dès lors d’examiner le respect ou le non respect par Monsieur [N] de ses obligations contractuelles de coproducteur mais d’examiner la demande de Monsieur [N] tendant, à l’inverse, à reprocher des manquements contractuels à la société KOS AND CO ;
Considérant que Monsieur [N] reproche ainsi à la société KOS AND CO deux manquements à ses obligations, à savoir l’obligation de financement paritaire de l’enregistrement et l’obligation de garantie en tant que dépositaire des masters ;
* sur l’obligation de financement paritaire de l’enregistrement
Considérant que l’article 3 du contrat de coproduction intitulé ‘BUDGET D’ENREGISTREMENT’, stipule que le montant du budget de production des enregistrements est arrêté à la somme de 60.000 euros, qu’un devis annexé comprend les frais de production incluant les frais généraux, les imprévus ainsi que la marge de production et de postproduction, et que Monsieur [N] et la société KOS AND CO participeront chacun au financement à concurrence de 30.000 euros ;
Que les parties ont ainsi défini un budget selon un devis qu’elles ont elles-mêmes établi, lequel devait définir les coûts d’enregistrement notamment de studio, de prestation de l’ingénieur du son, de prestation des musiciens, de sorte qu’il apparaît particulièrement malvenu pour Monsieur [N] de contester ultérieurement le coût de mise à disposition du studio, alors que l’enregistrement a été entièrement réalisé sans susciter de contestation quant à sa mise en ‘uvre, et ce au surplus sur une durée largement supérieure à celle initialement prévue, démontrant de ce fait le caractère suffisant des moyens appliqués et alors que la contribution de 30.000 euros de chacune des parties n’a au demeurant pas été circonscrite dans une durée impérative ;
Que dans ces conditions, l’inexécution de cette obligation n’apparaît pas établie et le jugement sera infirmé de ce chef ;
* sur l’obligation de garantie en tant que dépositaire des masters
Considérant que Monsieur [N] indique que la société KOS AND CO a perdu ou détourné ‘ le master en pistes séparées de l’album enregistré’ ;
Qu’il estime que la garde et la responsabilité ‘des fichiers master’ incombaient particulièrement à la société KOS AND CO, prestataire technique professionnel de l’enregistrement et copropriétaire du master, en qualité de dépositaire au sens de l’article 1915 du code civil ;
Qu’il précise qu’un tel master est indispensable pour la fabrication en nombre d’exemplaire de l’album, pour procéder à de nouveaux mixages et réaliser des play-back pour les passages promotionnels de sorte que sa disparition grève lourdement l’exploitation commerciale normale de l’album ;
Que la société KOS AND CO réplique que seul le fichier piste par piste a disparu et non le master, lequel constitue le support final d’un enregistrement, que cette perte qui n’a qu’un caractère bénin ne gêne en rien l’exploitation commerciale de l’album finalisé, que le contrat de coproduction ne prévoit en aucun cas à sa charge une obligation de garde du fichier piste par piste et qu’il appartenait à Monsieur [N] d’en conserver lui-même un exemplaire ;
Considérant ceci exposé que le contrat de coproduction du 9 janvier 2008 ainsi que son avenant du 4 février 2010 ne comportent aucune définition du terme ‘master ‘, lequel est évoqué aux articles 5 et 6 du contrat ;
Que Monsieur [N], qui utilise indistinctement les termes ‘master’, ‘ masters’, ‘fichiers master’, ‘master en pistes séparées’, ne donne pas plus d’explication ;
Que l’article 5 du contrat modifié par l’avenant du 4 février 2010 intitulé ‘ PROPRIÉTÉ DU MASTER’ stipule que celui-ci ainsi que les droits incorporels y afférents sont la copropriété indivise des parties à hauteur de 50% chacune ;
Que selon l’article 6, le droit exclusif d’exploitation du ‘Master’ est dévolu aux coproducteurs qui ont seuls le droit de fabriquer, vendre, diffuser ou faire diffuser et, d’une manière générale, exploiter par tous moyens, sur tous supports dans le monde entier le ‘master’, et ce sans limitation de durée ;
Qu’il apparaît ainsi que le terme ‘master’ utilisé par les parties désigne tout à la fois l”uvre dans sa version définitive et le support matériel destiné à la reproduction en série de cette ‘uvre ;
Que la disparition du fichier piste par piste ne peut en conséquence équivaloir à celle du master ;
Que force est par ailleurs de constater qu’il n’est aucunement fait référence à ce fichier piste par piste dans le contrat de coproduction du 9 janvier 2008 ou son avenant du 4 février 2010 ;
Que s’il n’est pas contesté par la société KOS AND CO la détention et la disparition dans des conditions d’ailleurs inexpliquées de ce fichier, il n’en demeure pas moins que cette détention ne s’inscrivait pas en tant qu’obligation dans le cadre du contrat de coproduction, si bien que la disparition litigieuse ne saurait entraîner la résiliation dudit contrat ;
Que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation du contrat de coproduction du 9 janvier 2008 et de son avenant du 4 février 2010 et condamné la société KOS AND CO au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de cette résiliation;
Sur les contrats d’édition et de cession de droits d’adaptation audiovisuelle des 26 et 29 mai 2008
Considérant que, comme précédemment rappelé, les parties ont signé les 26 et 29 mai 2008 des contrats d’édition et de cession de droit d’adaptation audiovisuelle portant sur deux chansons, à savoir :
– ‘ [Q]’ dont Monsieur [N] et Madame [F] [R] sont auteurs et compositeurs,
– ‘ [D] [Q] ‘dont Monsieur [N] est l’auteur- compositeur et Monsieur [L] [I] l’adaptateur ;
Qu’il convient au préalable de relever que ni Madame [F] [R], ni Monsieur [L] [I] n’ont été intimés devant la Cour ;
Considérant qu’il est constant que les deux chansons précitées se trouvent incluses dans l’album ‘[D] [Q]’ faisant l’objet du contrat de coproduction du 9 janvier 2008 et de son avenant du 4 février 2010, lequel confère aux coproducteurs le droit exclusif d’exploitation de l’album et leur impose d’ailleurs de distribuer et faire distribuer celui-ci ;
Qu’il est également constant que Monsieur [N] en sollicitant la confirmation du jugement est réputé s’en approprier les motifs, lesquels relativement au défaut d’exploitation permanente et suivie portent exclusivement sur l’album et non sur les chansons considérées séparément ;
Que le défaut d’exploitation permanente et suivie relève ainsi de l’attitude et de la responsabilité tant de la société KOS AND CO que de Monsieur [N], étant au surplus précisé que l’appelante établit avoir organisé un concert sur plusieurs dates et reçu des commandes pour l’album ;
Qu’en conséquence ce grief ne saurait être retenu pour justifier la résiliation des contrats précités aux torts de la société KOS AND CO ;
Que de même, l’exploitation, plus que limitée, des ‘uvres imputable aux deux parties ainsi que les difficultés relationnelles ayant existé entre elles ne permettent pas de caractériser l’existence d’une inexécution fautive de la société KOS AND CO dans la reddition des comptes et l’édition graphique susceptible de justifier la résiliation des contrats en cause ;
Qu’en conséquence, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions ;
Sur les autres demandes
Considérant que la société KOS AND CO entend voir conserver la part éditoriale qui lui a été cédée par les ayants droit de [Q] sur le titre ‘oiseau des îles’ ;
Qu’elle ne développe cependant aucun moyen au soutien de cette demande, pas plus qu’elle n’établit l’étendue des droits qui lui auraient été cédés et par conséquent la part éditoriale qu’elle détiendrait sur ce titre, ce point relevant en tout état de cause des relations la liant aux ayants droit de [M] [Q] et non à Monsieur [N] ;
Que cette demande sera en conséquence rejetée ;
Considérant que l’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d’erreur grossière équipollente au dol ;
Que faute pour l’appelante de rapporter la preuve d’une quelconque intention de nuire ou d’une légèreté blâmable de la part de Monsieur [N], qui a pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits, sa demande tendant à voir condamner ce dernier au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée ;
Que la société KOS AND CO sera également déboutée de sa demande de remboursement des sommes par elle versées au titre de l’exécution provisoire, ce remboursement s’imposant au regard de l’infirmation du jugement ;
Qu’en outre, aucune considération d’équité ne justifie l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au présent litige ;
Que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 13 septembre 2013 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Déboute Monsieur [P] [N] de l’ensemble de ses demandes.
Rejette toutes autres demandes.
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
La Greffière La Présidente