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28 juin 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
16-10.161
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 juin 2017
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 982 F-D
Pourvoi n° A 16-10.161
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Semaf, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est […],
contre l’arrêt rendu le 5 novembre 2015 par la cour d’appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Le Domaine Saint-Clair, société à responsabilité limitée, dont le siège est […],
2°/ à la société C… Z…, dont le siège est […], prise en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Le Domaine Saint-Clair,
3°/ à M. Eugène X…, domicilié […], pris en qualité d’administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Le Domaine Saint-Clair,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 16 mai 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Y…, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Y…, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Semaf, de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de la société Le Domaine Saint-Clair, de la société C… Z… et de M. X…, ès qualités, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rouen, 5 novembre 2015), que, le 9 octobre 2012, la société Semaf, chargée de la gestion d’une course à la voile dénommée « Vendée globe », a conclu avec la société Domaine Saint-Clair une convention intitulée « contrat de coproduction », en vertu de laquelle la première condédait à la seconde le droit d’exploiter des espaces de restauration et mettait à sa disposition un ensemble de structures et d’installations techniques, moyennant le paiement d’un loyer ; que la société Semaf a assigné la société Domaine Saint-Clair en paiement de factures relatives à ces structures et matériels ; que, reconventionnellement, la société Domaine Saint-Clair a demandé le partage du solde négatif du compte de résultat, en application de la convention de coproduction ; que cette société a été mise en redressement judiciaire le 16 janvier 2015, Mme Z… étant nommée administrateur judiciaire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Semaf fait grief à l’arrêt de dire que sa créance au titre des charges de structures et d’installations techniques s’élève à 332 504,44 euros, que les créances de la société Domaine Saint-Clair s’élèvent à 234 562,15 euros au titre des prestations qu’elle lui a servies et 36 716,63 euros au titre du solde du compte de résultat, qu’elle demeure créancière, après compensation, de la somme de 61 226,66 euros, outre intérêts, de fixer à cette dernière somme le montant de sa créance au passif, et de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive alors, selon le moyen :
1°/ que pour procéder à la réduction de la créance de la société Semaf envers la société Domaine Saint-Clair, la cour d’appel s’est appuyée sur un compte d’exploitation prévisionnel établi par cette dernière ; qu’en se déterminant ainsi, quand les deux parties s’accordaient pour dénier toute valeur contractuelle à ce document, et donc pour l’écarter de la détermination de leurs droits et obligations respectifs, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile, ensemble l’article 1134 du code civil ;
2°/ qu’un document externe à l’acte instrumentaire a valeur contractuelle seulement s’il reflète la commune volonté des parties ; que, pour procéder à la réduction de la créance de la société Semaf envers la société Domaine Saint-Clair, la cour d’appel s’est appuyée sur un compte d’exploitation prévisionnel établi par cette dernière ; qu’en se déterminant ainsi, quand elle relevait pourtant que ce tableau correspondait seulement au dernier état de la discussion des parties sans avoir été accepté, ce dont il s’ensuivait qu’il ne reflétait pas la volonté contractuelle des parties, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 1134 du code civil ;
3°/ qu’en fixant à une somme de 332 504,44 euros le montant de la créance de la société Semaf envers la société Domaine Saint-Clair sans expliciter le détail du calcul qui l’y amenait ni préciser si elle entendait ce chiffre hors taxes ou TTC, la cour d’appel n’a mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que pour procéder à la réduction de la créance de la société Semaf envers la société Domaine Saint-Clair, la cour d’appel a cru relever des incohérences de facturation sur les postes n° 7 (mobilier), 8 (point restauration), 9 (éclairage) et 14 (signal vidéo) au regard du compte d’exploitation prévisionnel versé aux débats ; qu’en relevant d’office ce moyen sans susciter les observations des parties, notamment celles de la société SEMAF, sur les différences constatées entre le compte d’exploitation prévisionnel et la facturation effective, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
5°/ que si la convention de coproduction du 19 octobre 2012 pouvait faire preuve du caractère onéreux des prestations de la société Semaf dans l’économie générale de ses rapports contractuels avec la société Domaine Saint-Clair, son article 2.02 ne dressait aucunement une liste exhaustive de ces prestations dans la mesure où il se bornait à rappeler le cadre général de la collaboration entre les sociétés Semaf et Domaine Saint-Clair pour permettre à la convention d’exposer ensuite les termes propres de la coproduction des espaces de restauration, et ce car la convention de coproduction intervenait séparément de la convention non-écrite de concession, dont elle n’avait donc pas à reprendre l’intégralité des termes ; qu’en excluant toute facturation des prestations relatives à l’animation en s’appuyant sur l’article 2.02 précité, la cour d’appel s’est déterminée par un motif impropre et a violé l’article 1134 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt, contrairement aux allégations des deux premières branches, ne retient pas que le compte d’exploitation revêtait une valeur contractuelle, mais relève que, même si ce document n’a pas été accepté, il correspond, pour les postes entrant dans le champ des prestations confiées à la société Domaine Saint-Clair et visés au contrat de coproduction, au dernier état de la discussion des parties, et qu’il doit être rapproché avec d’autres pièces produites par la société Semaf ;
Et attendu, en second lieu, que sous le couvert des griefs non fondés de violation des articles 455 et 16 du code de procédure civile et 1134 du code civil, le moyen, pris en ses trois dernières branches, ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine, par les juges du fond, de la portée des éléments de preuve qui leur étaient soumis ;
D’où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses deux premières branches, n’est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Semaf fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que la convention de coproduction du 19 octobre 2012 stipulait, en son article 2.10, que la « marge résultant de ce compte de résultat sera[it] répartie comme suit : 60 % de marge pour Domaine Saint-Clair ; 40 % de marge pour Semaf », le terme « marge » ne pouvant revêtir d’autre signification que bénéficiaire ; qu’en retenant pourtant, pour faire droit à la demande de la société Domaine Saint-Clair en paiement de la somme de 36 716,63 euros au titre du compte négatif de résultat, que rien ne permettait de laisser à la charge exclusive de l’une ou l’autre des parties le montant total d’une perte en cas de solde négatif et que, par courriel du 5 mars 2012, le responsable administratif et financier de la société Semaf faisait état de la rétribution de la marge financière, sans préciser son caractère bénéficiaire ou non, la cour d’appel a dénaturé les termes de la convention de coproduction et violé l’article 1134 du code civil ;
2°/ que la convention de coproduction du 19 octobre 2012 stipulait, en son article 2.10, que « le versement de l’excédent de marge et des charges supportées par la SAS Semaf sera[it] réalisé au plus tard le 10 décembre 2012 », d’où il résultait immanquablement que seul un solde positif avait vocation à être partagé selon les modalités fixées par les parties ; qu’en faisant pourtant droit à la demande de la société Domaine Saint-Clair en paiement de la somme de 36 716,63 euros au titre du compte négatif de résultat, la cour d’appel a dénaturé les termes de la convention et violé l’article 1134 du code civil ;