Contrat de coproduction : 25 octobre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01441

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Contrat de coproduction : 25 octobre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01441
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25 octobre 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/01441

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56A

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 OCTOBRE 2022

N° RG 21/01441

N° Portalis

DBV3-V-B7F-ULML

AFFAIRE :

S.A.S. SMART USE

C/

S.A.S. INSTITUT LEONARD DE VINCI

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Février 2021 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2020F00023

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Elodie CHABRERIE

Me Dan ZERHAT

TC VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. SMART USE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Elodie CHABRERIE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 501

Représentant : Me Blandine CORNEVIN de la SELARL SPROCKEELS & CORNEVIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.S. INSTITUT LEONARD DE VINCI

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 – N° du dossier 21078125

Représentant : Me Jérôme DUPRE de la SELARL CABINET DUPRE SEROR & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Septembre 2022, Madame Marie-Andrée BAUMANN, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN

La SAS Smart use, qui propose depuis 2015, ‘sur le thème de la gestion intelligente de l’énergie’, des missions de conseil, d’assistance et de formation, a conclu le 18 janvier 2015 avec la SAS Institut Leonard de Vinci (l’ILV), établissement privé d’enseignement supérieur, un contrat de co-production ayant pour objet la conception, la coordination et l’animation de quatre formations, à savoir deux ‘MBA’ spécialisés et deux bachelors, intitulés respectivement ‘smart city et management des éco-quartiers’, ‘management de la performance énergétique des process et des bâtiments’, ‘bâtiment intelligent et transition énergétique’ et ‘smart building et internet des objets’.

Ce contrat a pris effet le 1er janvier 2015 pour une durée de quatre ans, étant précisé que seules les formations en MBA ont été assurées sur les quatre années scolaires à compter de la rentrée 2015, les parties ayant décidé de ne pas ouvrir les formations des deux bachelor.

A compter du mois de mai 2019, les parties ont discuté des conditions de la poursuite du contrat, l’ILV ayant notamment transmis une proposition d’avenant par courriel du 10 mai 2019.

Par courriel du 10 octobre 2019, l’ILV a fait part de sa décision de ne pas ouvrir la formation pour l’année 2019-2020 en raison du nombre insuffisant d’étudiants inscrits ; cette décision a été contestée par la société Smart use.

Aucun accord amiable n’a été trouvé entre les parties.

Par acte d’huissier du 2 janvier 2020, la société Smart use, invoquant des manquements de l’ILV aux dispositions contractuelles, l’a assigné aux fins notamment de résiliation judiciaire du contrat aux torts de ce dernier devant le tribunal de commerce de Versailles, lequel, par jugement contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 12 février 2021, a :

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat signé le 1er janvier 2015 aux torts réciproques des parties à compter de la date de publication du jugement ;

– débouté la société Smart use de l’ensemble de ses demandes ;

– reçu l’ILV en sa demande reconventionnelle mais l’en a débouté ;

– condamné la société Smart use à payer à l’ILV la somme de 2 000 euros au titre de l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Smart use aux dépens.

Par déclaration du 3 mars 2021, la société Smart use a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 22 novembre 2021, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement sauf en ce qu’il a reçu l’ILV en sa demande reconventionnelle, l’a dit mal fondée et l’en a débouté ;

Et, statuant à nouveau :

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat signé le 18 janvier 2015 aux torts exclusifs de l’ILV à la date du prononcé du jugement intervenu le 12 février 2021, sur le fondement de l’inexécution des articles 7 et 8 du contrat ;

– condamner l’ILV à lui verser :

* à titre principal, une somme de 331 774,36 euros, au titre du préjudice subi jusqu’à l’échéance du contrat, soit jusqu’au 1er janvier 2023, et se décomposant comme suit :

– 120 000 euros au titre des honoraires de direction pédagogique pour quatre promotions,

– 71 774,36 euros au titre des heures de formations qu’elle aurait dû dispenser pour les quatre promotions à venir,

– 100 000 euros du fait du refus de l’ILV de déposer le dossier en co-certification,

– 40 000 euros au titre du préjudice de réputation ;

* à titre subsidiaire, une somme de 195 887,18 euros au titre du préjudice subi jusqu’à la date de résiliation du contrat, soit le 12 février 2021 et se décomposant comme suit :

– 60 000 euros au titre des honoraires de direction pédagogique pour deux promotions (2019-2020 et 2020-2021),

– 35 887,18 euros au titre des heures de formations qu’elle aurait dû dispenser pour les deux promotions 2019-2020 et 2020-2021,

– 60 000 euros du fait du refus de l’ILV de déposer le dossier en co-certification,

– 40 000 euros au titre du préjudice de réputation ;

* à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne retenait que la faute de l’ILV liée au refus de participer à la co-certification avec elle pour le MBA Smart city, la somme de 140 000 euros au titre du préjudice subi, et se décomposant comme suit :

– 100 000 euros du fait du refus de l’ILV de déposer le dossier en co-certification,

– 40 000 euros au titre de préjudice de réputation ;

– débouter l’ILV de ses plus amples demandes ;

– condamner l’ILV à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner l’ILV aux entiers dépens.

L’ILV, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 25 août 2021, demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il :

– a prononcé la résiliation judiciaire du contrat signé le 1er janvier 2015 à compter de la date de publication du jugement de première instance,

– a débouté la société Smart use l’ensemble de ses demandes,

– l’a reçu en sa demande reconventionnelle,

– a condamné la société Smart use à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Réformant pour le surplus et statuant de nouveau,

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société Smart use ;

– condamner cette dernière à lui verser une somme de 10 000 euros au titre du préjudice subi de ce fait;

– débouter la société Smart use de l’ensemble de demandes ;

En tout état de cause,

– condamner la société Smart use à lui verser une somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Smart use aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Les parties ne discutent pas le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat mais en ce qu’il l’a décidée à leurs torts réciproques, chacune sollicitant que la résiliation soit prononcée aux torts exclusifs de l’autre.

La société Smart use, après avoir notamment rappelé les obligations principales du contrat, reproche à l’ILV d’une part la non ouverture des formations pour les années 2019-2020 et 2020-2021 et d’autre part le refus délibéré de participer, comme prévu à l’article 8 du contrat, au dépôt en co-certification des diplômes au registre national des certifications professionnelles (RNCP) d’un dossier.

S’agissant de la première faute contractuelle alléguée, elle soutient en premier lieu que l’article 7 du contrat impose de renégociersur l’ouverture ou non des formations s’il y a moins de huit inscrits par Mba et, à défaut d’accord, d’ouvrir celles-ci et que la position de l’ILV qui prétend que cet article l’autorisait à suspendre unilatéralement le contrat sans ouvrir les Mba, est contraire à la lettre et à l’esprit du contrat, aux articles 1103, 1104 et 1193 du code civil et au principe d’intangibilité des contrats. Elle expose que l’ouverture des Mba est une des obligations substantielles du contrat même s’il ne le stipule pas expressément dans la mesure où la majorité des obligations du contrat découle du déroulement de ces enseignements.

En deuxième lieu, elle conteste l’interprétation ‘dénaturante’ de cet article par l’intimé en faisant valoir que l’article 7 qui n’assortit d’aucune sanction l’échec des négociations, n’autorisait pas ce dernier à fermer les formations en cas de désaccord ; elle soutient que dans le silence du contrat, cet échec implique que celui-ci continue d’être exécuté tel quel et n’autorise pas une des parties à le déclarer caduc ou suspendu, soulignant que le projet d’avenant envoyé par l’ILV en juillet 2019 démontre qu’il considérait que l’article 7 ne l’autorisait pas à décider unilatéralement de l’ouverture ou non des formations.

Elle ajoute, au visa de l’article 1192 du code civil, que cet article qui est clair et constitue une clause de renégociation ne nécessite aucune interprétation et ne répond pas à l’imprévision contrairement à ce que prétend l’intimé dès lors que le nombre trop faible d’inscrits qui dépend partiellement du travail de l’ILV n’est donc pas extérieur aux parties. Relevant que la proposition purement doctrinale de l’auteur cité par l’intimé ne fait pas partie du droit positif, elle remarque que les observations sur la caducité sont hors de propos et que si celle-ci ou la suspension du contrat avait été souhaitée par les parties, elle aurait été expressément prévue.

En troisième lieu, elle fait valoir, si la cour considérait que l’article 7 autorisait l’intimé à suspendre ou fermer les formations en cas d’insuffisance d’inscrits, qu’elle ne pourra que constater qu’en l’espèce il y en avait suffisamment et que le caractère déficitaire de la formation n’est pas démontré. Elle expose à cet égard d’une part que la mutualisation des deux Mba pour l’année 2019-2020, les deux diplômes présentant les mêmes enseignements avec une spécialité qui dépendait du mémoire choisi, a été acceptée par l’ILV dont elle invoque un courrier daté du 7 novembre 2019 et qu’il suffisait de huit inscrits et non de seize comme prétendu par l’intimé qui dénature de nouveau l’article 7, estimant que c’est bien la mutualisation des formations qui est prévue implicitement par cet article.

Elle fait valoir d’autre part que les conditions de l’article 7 n’ont pas été respectées pour 2019-2020 par l’ILV dès lors que le nombre d’inscrits était bien de huit et que deux personnes étaient en cours d’inscription de sorte qu’il y avait a minima dix étudiants pouvant participer à la formation dans son format mutualisé. Elle reproche au tribunal d’avoir ajouté ‘fallacieusement’ des conditions d’inscription, à savoir l’obtention d’un visa et/ou d’un contrat de professionnalisation, sans que l’ILV ait fourni la preuve de l’absence de ces éléments et ajoute que la négociation qui aurait dû intervenir un mois avant la rentrée et qui est intervenue cinq mois avant ne constitue pas la négociation prévue à l’article 7 et qui vise à trouver un accord s’agissant de l’année universitaire en cause lorsque l’effectif est connu, comme les parties l’avaient fait pour les années précédentes.

Elle expose enfin que contrairement à ce qu’affirme le tribunal, le caractère déficitaire des Mba sous leur forme mutualisée n’est pas démontré par l’ILV par des pièces comptables et que la mutualisation des deux Mba pour l’année 2019-2020 ayant été acceptée par ce dernier, le jugement qui s’est appuyé sur des chiffres totalement fantaisistes devra être infirmé sur ce point.

Elle soutient en quatrième lieu que pour l’année 2020-2021, la non ouverture des formations de Mba sur décision unilatérale de l’ILV engage de plus fort sa responsabilité dans la mesure où celui-ci a fait preuve d’une négligence fautive dans la gestion du recrutement des étudiants pour ces deux enseignements. Elle relève que les chiffres des inscrits varient largement selon les mails et courriers reçus et qu’il est établi, au regard des pièces énumérées dans ses écritures, qu’il y avait au moins dix inscrits et six admis. Elle énumère les éléments qui selon elle, démontrent la négligence de l’ILV qui a mis en place une organisation défectueuse pour le recrutement des étudiants pour la rentrée 2020, le label qualité dont l’intimé dispose pour la commercialisation de ses formations ne pouvant suffire à prouver sa diligence dans le recrutement des étudiants.

S’agissant du second manquement, la société Smart use évoque en premier lieu le contexte législatif et l’article 8 du contrat en relevant d’abord l’enjeu de l’inscription au RNCP qui permet d’augmenter le recrutement pour la formation inscrite à ce registre car les ‘apprenants’ ont accès à différents financements et ensuite que cet article 8 oblige à déposer le dossier en co-certification lorsque les conditions légales sont remplies, cette obligation étant de moyens.

Elle soutient en deuxième lieu, que la faute contractuelle de l’ILV résulte du refus pur et simple de ce dernier pour effectuer un dépôt en co-certification des formations Mba, précisant qu’elle a refusé la proposition de l’ILV, par mail du 1er mai 2019, de déposer seule le dossier d’inscription des deux formations au RNCP au motif que l’objectif était que la collaboration continue au mieux des intérêts communs de sorte que le dépôt devait dans ce cadre être fait en commun. Faisant état des mails échangés après l’envoi d’une mise en demeure à l’ILV pour qu’il accepte le dépôt du dossier RNCP en co-certification, elle précise que celui-ci a finalement reconnu, dans un mail du 10 décembre 2019, la légalité de la co-certification et par l’intermédiaire de son conseil l’a invitée à déposer le titre en prévoyant une co-certification mais qu’ensuite, dans un mail du 20 mars 2020, il a refusé de signer le contrat de co-certification ; elle soutient que par ses refus systématiques, l’ILV a commis une faute dolosive dans l’exécution de l’article 8 du contrat et qu’il démontre sa mauvaise foi en prétendant que le dossier de certification déposé par elle seule pouvait lui permettre d’obtenir la certification alors que ce n’est pas possible puisqu’elle n’est pas signataire des procès-verbaux des jurys.

S’agissant enfin des trois fautes alléguées par l’ILV à l’appui de sa demande reconventionnelle, elle les conteste en observant que le terme du contrat était bien le 1er janvier 2019 de sorte qu’il ne peut lui être reproché d’avoir menti en indiquant que le contrat était tacitement renouvelé au 1er janvier 2019; qu’elle est véritablement entrée en négociation contrairement à ce que prétend l’ILV et que le contrat l’autorisait à demander la co-certification qui a été purement et simplement refusée par l’ILV. Elle ajoute qu’il ne peut lui être valablement reproché d’être ‘mue par le seul appât du gain’ alors que sur les quatre années d’exécution effective du contrat, elle a consenti ‘un rabais’ de 35 000 euros à l’ILV.

L’ILV, sur le fondement des articles 1188, 1191 et 1194 du code civil, conteste la lecture de l’article 7 que fait la société Smart use s’agissant du premier manquement reproché par l’appelante.

Après avoir rappelé l’utilité de l’insertion d’une clause de renégociation dans les contrats d’affaires qui trouve son origine dans le rejet constant de la théorie de l’imprévision par la jurisprudence et indiqué que la caducité du contrat constitue ‘la suite logique’ de l’échec des négociations faute de quoi l’insertion d’une clause en ce sens serait totalement superflue, il expose que l’interprétation dont se prévaut l’appelante revient à priver la clause litigieuse de toute portée normative, en parfaite contradiction avec le principe posé par l’article 1191, faute de tirer la moindre conséquence de l’échec de la négociation. Il fait valoir que conscient que l’opération ne serait rentable qu’à partir d’un certain nombre d’étudiants inscrits, il a simplement voulu conditionner l’ouverture de la formation à un effectif minimal en considérant que l’absence d’accord trouvé pour le cas où le nombre d’étudiants ne serait pas atteint un mois avant le début des cours provoquerait la caducité du contrat ou, à tout le moins, la non ouverture des formations, comme en témoigne d’ailleurs l’intitulé de l’article 7.

Il soutient que des négociations ont bien été menées à son initiative avant le délai d’un mois fixé au contrat et ce dès le mois de mai 2019, afin de ne pas pénaliser les étudiants et leur laisser le temps de trouver une nouvelle formation en cas de fermeture mais que celle-ci n’a échoué ‘qu’en raison de la cupidité avare de la société Smart use’. Il expose que c’est dans ces circonstances qu’il a proposé de se concentrer sur la rentrée suivante afin de faire le nécessaire pour obtenir assez d’étudiants mais qu’au regard de l’insuffisance des effectifs, la société Smart use ayant confirmé qu’il y avait ‘huit inscrits et deux admis qui cherchent à s’inscrire’ et du seuil minimum de huit inscrits pour chaque diplôme, soit au moins seize inscrits, il a décidé, conformément à l’esprit du contrat signé entre les parties et en conséquence de l’échec des négociations entre elles, de ne pas ouvrir les formations. Il fait valoir que l’appelante ne peut valablement prétendre que le contrat fixe le nombre d’inscrits à huit pour ouvrir la formation dans la mesure où le fait d’avoir mutualisé les deux formations pendant les quatre années précédentes ne saurait avoir pour effet de diviser par deux le seuil d’effectif minimal prévu au contrat pour chaque diplôme alors que contractuellement, il n’avait aucune obligation de mutualiser les formations, ajoutant que le nombre de onze inscrits, évoqué par l’appelante, ne remplissait pas les quotas minimaux prévus au contrat, appréciés en fonction du nombre effectif d’étudiants inscrits. Il relève que la société Smart use ne peut prétendre à une sorte de droit acquis à la mutualisation alors que les conventions signées prévoient deux programmes différents pour chaque Mba.

Contestant tout manquement contractuel de ce chef, il évoque l’économie des formations dispensées en relevant que quel que soit le nombre d’inscrits, il fournit pour l’essentiel les locaux, le secrétariat, sa réputation, ses moyens de communication et sa force organisationnelle, ce qui représente un coût fixe et qu’il importe par conséquent, afin de ne pas ouvrir des formations à perte, qu’un nombre minimum ‘d’apprenants’ soit inscrit et paie les frais de scolarité, nombre fixé à huit par Mba ; il fait valoir à cet égard que la société Smart use a intérêt à exiger l’ouverture des Mba puisqu’automatiquement et quel que soit le nombre d’inscrits, elle facture une somme de 15 000 euros alors qu’en deçà du nombre fixé contractuellement, il perd de l’argent.

Il conteste toute mauvaise foi et explique n’avoir pris en compte qu’un impératif économique.

S’agissant de la non ouverture des formations pour l’année 2020/2021, l’ILV qui relève que la société Smart use procède par affirmations péremptoires, se réfère aux mails échangés par les avocats des parties les 29 septembre et 8 octobre 2020, expliquant que son avocat a répondu point par point aux griefs mensongers qui y sont énumérés ; il évoque le label qualité qu’il a reçu le 18 septembre 2020 pour son système de management performant et en particulier pour ses processus marketing et la commercialisation de ses formations.

Sur le second manquement concernant l’application de l’article 8 du contrat, l’ILV expose que le ‘co-dépôt’ n’existant pas comme le confirment la notice de dépôt d’une telle demande et un courriel de France compétence, organisme qui délivre ces certifications, la clause évoque nécessairement l’hypothèse d’une co-certification entre les parties au contrat de sorte qu’une seule partie pouvait procéder au dépôt du dossier de certification en mentionnant les deux sociétés en qualité d’organisme co-certificateur.

L’ILV, s’il confirme que lorsque l’appelante l’a relancé le 1er mai 2019 sur le processus de certification il lui a répondu qu’il préférait d’abord négocier la suite du partenariat avant de procéder lui-même à un tel dépôt, souligne que néanmoins il ne s’est jamais opposé à un dépôt RNCP en co-certification avec la société Smart use, à condition que ce soit cette dernière qui y procède, ce que celle-ci a refusé ‘sans raison apparente’. Il évoque le mail du 10 décembre 2019 par lequel son conseil a de nouveau invité l’appelante à ‘déposer le titre en prévoyant une cocertification avec elle’ de sorte qu’aucune faute dolosive ne peut lui être reprochée, l’appelante ne pouvant lui reprocher de ne pas faire ce qu’elle-même a refusé de faire.

Il ajoute avoir toujours indiqué à la société Smart use qu’elle pouvait parfaitement déposer seule un dossier de certification, évoquant enfin un mail du 20 mars 2020 par lequel il prétend avoir expliqué ‘pour la énième fois’ qu’il ne pouvait pas être co-certificateur, n’ayant pas les compétences pour exploiter en autonomie la formation. Il conteste toute faute de ce chef.

A titre reconventionnel, l’ILV invoque le manquement de la société Smart use à son obligation de bonne foi en lui reprochant d’avoir menti en prétendant que le contrat était tacitement renouvelé à compter du 1er janvier 2019 et ce, dans le seul but de lui imposer la continuation du contrat, d’avoir refusé toutes ses propositions dans le cadre des négociations de sorte qu’il n’a pu ouvrir les formations faute de rentabilité suffisante et de n’avoir eu de cesse de lui imposer de déposer lui-même le dossier de certification RNCP alors que le contrat parle d’une obligation collective et qu’il l’avait autorisée à le déposer elle-même.

L’ILV reproche encore à l’appelante d’avoir tout mis en oeuvre pour que le contrat de co-production se poursuive malgré son arrivée à échéance et ‘l’échec cuisant’ des programmes de formation qui y étaient proposés et de ‘s’engouffrer dans les failles rédactionnelles du contrat pour en modifier totalement le sens initialement convenu entre les parties’, soutenant que le comportement ‘constamment malveillant’ de l’appelante l’a contraint à solliciter la fin de la relation contractuelle.

Il sera précisé en préalable que le contrat initial conclu avant le 1er octobre 2016 mentionne en son article 6 qu’il a pris effet au 1er janvier 2015 pour une durée de quatre ans et qu’il couvrira l’accueil de quatre promotions puis qu’il sera ensuite renouvelable par tacite reconduction pour la même durée, sauf dénonciation par les parties avec un préavis de six mois avant l’échéance, adressée par lettre recommandée avec avis de réception.

S’il ressort des mails que les parties ont également discuté de la date à laquelle le contrat initial a pris fin, il est constant que lors de la saisine du tribunal en janvier 2020, alors que la quatrième promotion avait vu sa formation validée lors du jury de certification du 9 décembre 2019, le contrat s’était renouvelé entre les parties par l’effet de sa tacite reconduction, en l’absence de toute dénonciation de celui-ci.

Les dispositions du nouveau code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, lui sont donc applicables.

Conformément aux dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

C’est dans ce cadre légal que doit être appréciée l’exécution de ce contrat par les parties.

Sur la décision de ne pas ouvrir les formations au titre des années 2019/2020 puis 2020/2021 :

Selon l’article 1193 du code civil, les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties ou pour les causes que la loi autorise. Il est admis des tempéraments au principe de l’intangibilité des contrats, en particulier lorsque les parties conviennent d’insérer dans leur convention une clause de renégociation qui oblige à renégocier de bonne foi le contrat si des données essentielles à son équilibre viennent à changer.

Les parties s’opposent sur la lecture de l’article 7 du contrat intitulé ‘condition d’ouverture’, lequel dispose que ‘chaque année, un mois avant la date prévue d’accueil d’une promotion, les parties se concerteront afin de déterminer d’un commun accord l’éventualité de non-ouverture de la formation :

* MBA spécialisé smart city et management des éco quartiers ou le MBA spécialisé management de la performance énergétique des process et des bâtiments si le nombre de participants inscrits pour chaque diplôme est inférieur à 8 (…)’; cet article prévoit également cette concertation pour les bachelors si le nombre de participants inscrits pour chaque diplôme est inférieur à 15.

Il est constant que les parties n’ont pas envisagé dans leur convention l’échec de leur concertation et ses conséquences sur le contrat de sorte qu’il ne peut être valablement soutenu par la société appelante, au visa de l’article 1192 du code civil, que la clause de l’article 7 est claire et précise et qu’elle impose, à défaut d’accord, d’ouvrir les formations.

Il appartient donc à la cour, pour rechercher quelle conséquence les parties ont entendu tirer de l’échec de leurs négociations, d’interpréter le contrat au regard des dispositions des articles 1188, 1191 et 1194 du code civil selon lesquelles le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes ; lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun ; les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi.

Cette clause s’inscrit dans l’économie du contrat, chacune des parties devant fournir des prestations, l’ILV étant notamment responsable de la gestion de la présence des participants au Pôle universitaire Léonard de Vinvi et des infrastructures et des équipements nécessaires aux enseignements.

Dans l’esprit des parties qui ont intitulé cette clause ‘ condition d’ouverture’, le nombre de huit étudiants inscrits pour chaque diplôme était un seuil minimal qui devait les conduire à discuter et à se concerter pour envisager la non ouverture des formations, de sorte que pour assurer l’effectivité de cette clause, elles ont entendu, en cas d’échec de leurs négociations et même si elles ne l’ont pas écrit, à tout le moins suspendre l’ouverture des formations si ce nombre n’était atteint dans aucune des deux formations.

S’il est exact qu’au cours des quatre premières années d’exécution du contrat, le nombre de huit inscrits pour chacun des Mba n’a pas été atteint, il ressort cependant des effectifs relevés par le tribunal, en page 6 du jugement et par la société Smart use en page 5 de ses dernières écritures, non discutés par l’ILV, que pour chacune des années, y compris pour la première, au moins huit étudiants ont été inscrits dans le Mba ‘smart city’, le nombre d’étudiants inscrits pour les promotions ouvertes de 2015 à 2018 étant au total de 8, 14, 11 puis 13 étudiants après mutualisation des promotions.

Cette mutualisation effectuée d’un commun accord entre les parties, pour permettre d’assurer l’ouverture des formations dans les premières années d’exécution du contrat, n’a pas d’effet sur l’interprétation de leur commune intention lors de la conclusion du contrat, cette mutualisation n’étant pas au demeurant contractuellement prévue, même tacitement comme prétendu par la société Smart use et ne s’imposant donc pas aux parties.

En outre, le fait que l’ILV, dans sa proposition d’avenant envoyée le 18 juillet 2019, se soit effectivement réservé chaque année, un mois avant la date d’ouverture d’une promotion, dans un article modifiant l’article 9 du contrat relatif à la résiliation du contrat, le droit de ne pas ouvrir les programmes des Mba si le nombre de participants inscrits à la promotion est inférieur à ‘9 inscrits’ et de mettre fin au contrat de manière unilatérale, n’a pas d’influence sur l’appréciation de la commune intention des parties dans la mesure où l’ILV entendait ainsi pallier aux silences du contrat initial.

Par conséquent, il doit être admis que l’article 7 autorisait l’ILV à suspendre les formations en cas d’insuffisance d’étudiants inscrits.

Alors que les parties avaient entrepris des négociations à compter du mois de mai 2019 à l’initiative de l’ILV qui souhaitait notamment d’une part qu’il soit contractuellement prévu la possibilité de mutualiser les formations et d’autre part qu’il puisse avoir le droit, un mois avant la date d’ouverture d’une promotion, de ne pas ouvrir les Mba si le nombre de participants inscrits était inférieur à neuf inscrits et de mettre fin au contrat de manière unilatérale, étant observé que la société Smart use était fermement opposée à cette seconde demande, le président de l’ILV, par mail du 24 juillet 2019, a proposé à l’appelante ‘d’abandonner l’idée d’un avenant et de nous fixer sur la rentrée prochaine qui doit être une réussite’, lui indiquant que l’ILV ‘était disposé à envisager de nouvelles actions de communication pour dynamiser nos recrutements’.

A la suite d’un mail du 8 octobre 2019 récapitulant le nombre d’inscrits (huit étudiants) et le nombre d’admis (sept étudiants), ceux-ci, d’après les explications données par le conseil de la société Smart use (pièce 42), étant les candidats ayant passé avec succès l’entretien d’admission mais n’ayant pas encore procédé au paiement de leurs droits d’inscription ou au moins d’un acompte et/ou étant en recherche de contrats de professionnalisation, l’ILV, par mail du 10 octobre 2019, a considéré, en la personne de son président, qu’il n’avait ‘pas atteint un point d’équilibre même en mutualisant les deux formations à moins d’un mois de l’ouverture des sessions’ et que compte tenu de ces chiffres, devant être appréciés ‘un mois avant l’ouverture et non le jour de l’ouverture’, il avait décidé de ne pas ouvrir les formations de Mba pour l’année 2019-2020.

S’il est ainsi exact, comme l’appelante le relève, que l’ILV a accepté pour l’ouverture des formations en novembre 2019 leur mutualisation, déjà pratiquée les années précédentes, ce que le conseil de l’intimé a d’ailleurs confirmé dans un courrier officiel du 7 novembre 2019′, il ne peut en être déduit que comme le prétend l’appelante, les formations pouvaient être ouvertes alors que seulement huit étudiants au total, soit la moitié du nombre prévu à l’article 7, étaient inscrits.

En effet dès lors qu’elle n’était pas contractuellement prévue, la cour doit se reporter à la pratique antérieure des parties sur cette mutualisation pour en apprécier la portée.

Il ressort du nombre de candidats ayant suivi les formations les années précédentes tel que la cour l’a rappelé à l’occasion de l’analyse de l’article 7, qu’au moins pour un des deux diplômes, huit candidats étaient inscrits chaque année.

Or d’après la liste détaillée des candidats figurant notamment dans un courrier du 28 octobre 2019 du conseil de l’ILV, reprise en page 7 du jugement non discutée, seulement cinq étudiants étaient inscrits dans le Mba smart city et trois l’étaient dans le second Mba, étant souligné que la société Smart use, tout en évoquant deux autres étudiants pouvant être admis, ne conteste pas le nombre d’étudiants effectivement inscrits.

En outre, le contrat n’évoquant que le nombre d’étudiants inscrits un mois avant l’ouverture de le formation, l’ILV n’avait pas à tenir compte des étudiants admis et qui n’avaient pas encore concrétisé leur inscription.

Il est ainsi établi que la condition du nombre d’étudiants inscrits, préalable pour envisager une non ouverture des formations, était remplie, l’ILV n’ayant pas à justifier comptablement du caractère déficitaire de l’ouverture d’une formation en dessous de huit étudiants dans la mesure où les parties s’étaient contractuellement accordées pour fixer ce nombre minimal comme condition d’ouverture de la formation, l’ILV devant s’assurer de l’équilibre économique de ce contrat au regard des coûts générés par l’accueil des étudiants et du montant des inscriptions versées par ces derniers.

La société Smart use ne peut valablement considérer que l’ILV est fautif de ne pas avoir alors tenté de négocier avec elle sur la décision ‘d’un commun accord’ de non ouverture de la formation, comme prévu à l’article 7, dès lors que de mai à juillet 2019 des négociations avaient été tentées et n’avaient pu précisément aboutir pour compléter le contrat et envisager les conséquences du nombre insuffisant d’étudiants inscrits.

Par conséquent, la cour considère, comme le tribunal, que l’ILV n’a pas commis de faute caractérisée en décidant de ne pas ouvrir la formation 2019/2020.

S’agissant de la formation 2020/2021, outre que le recrutement des futurs étudiants est intervenu, comme observé par le tribunal, ‘dans un contexte de relations détériorées’, le tribunal ayant déjà été saisi par la société Smart use, l’ILV a refusé la mutualisation dans un mail du 19 mai 2020 (pièce 3 de l’intimé), ce qu’il avait la possibilité de faire dès lors qu’il ne s’agissait pas d’une obligation contractuelle.

Par mail du 26 septembre 2020, il a été indiqué à la société Smart use que le nombre des étudiants inscrits était ‘insuffisant pour ouvrir les deux programmes’ dans la mesure où seulement trois étudiants étaient inscrits ‘ en smart city’ et cinq ‘pour smart energy’, soit huit étudiants inscrits au total ; il était de plus précisé que seuls cinq étudiants avaient ‘confirmé leur inscription’ et que s’agissant des candidats ‘admis’, quatre l’étaient pour ‘smart city’ et deux ‘pour energy’ mais qu’ils n’avaient pas donné suite aux relances. Dans un courrier du 8 octobre 2020, le conseil de l’ILV a indiqué un nombre inférieur d’inscrits, à savoir deux étudiants dans chacun des Mba.

Si la société Smart use conteste ce nombre en faisant la liste de dix étudiants inscrits dans un courrier officiel de son conseil en date du 13 octobre 2020, dont elle a repris le détail dans ses écritures en évoquant en plus six admis, l’ILV a contesté l’effectivité de ces inscriptions en indiquant que certains des étudiants avaient fait le choix de rejoindre une autre de ses formations, après la proposition qu’il leur avait faite de leur rembourser leurs frais de scolarité et que d’autres avaient vu leur visa refusé ou avaient annulé leur inscription ; la cour relève qu’en tout état de cause, le nombre de dix étudiants, en l’absence de mutualisation, ne correspondait pas au nombre minimal de huit étudiants inscrits requis comme condition d’ouverture pour chacun des Mba comme prévu par l’article 7 précité, étant observé que le nombre des étudiants inscrits dans chacune des deux spécialités était inférieur à huit étudiants par spécialité, peu important le nombre d’étudiants admis et n’ayant pas confirmé leur inscription.

S’agissant de la négligence dans le recrutement des étudiants alléguée à l’encontre de l’ILV à propos de l’ouverture des formations en 2020, la société Smart use invoque le retard dans l’envoi de documents utiles pour l’inscription de quatre étudiants en communiquant pour chacun d’eux un mail justifiant qu’effectivement ces quatre étudiants, en avril 2020 (M. [Z]), en juillet 2020 (M. [S] et M. [M]) et le 7 septembre 2020 ( M. [U]), ont rencontré une difficulté pour entrer en contact ou recevoir un justificatif de la part de l’ILV.

Outre que l’ILV a confirmé que M. [U] faisait partie des étudiants effectivement inscrits, avant qu’il ne renonce à l’ouverture de la formation, le retard allégué concernant les trois autres étudiants est sans incidence dans l’appréciation du manquement de l’ILV quant à la non ouverture des formations dès lors que ces trois étudiants font partie de la liste des dix étudiants considérés comme inscrits par la société Smart use ; ainsi quant bien même ils auraient obtenu plus tôt les éléments réclamés, il n’en demeure pas moins que l’ILV était légitime à opposer la non ouverture des formations, faute de compter au moins huit étudiants inscrits dans chacun des Mba.

Les huit mails versés aux débats ne suffisent pas à démontrer l’organisation défectueuse du recrutement reprochée à l’ILV.

En effet :

– s’il s’avère, à la lecture des mails échangés le 6 mars 2020, qu’un message concernant un entretien d’admission d’un candidat à la formation smart energy, M. [H], a été adressé sur la boîte personnelle de la directrice pédagogique de la formation alors qu’il s’avère qu’elle communiquait avec l’ILV par sa boîte professionnelle, cette dernière se plaignant de ne pas avoir reçu ce message, aucune incidence n’en est résultée sur le processus d’admission de cet étudiant qui, selon un message de la société Smart use du 19 mars 2020, était considéré comme admis et noté comme tel sur la liste établie par cette dernière ;

– suite au mail du 5 mars 2020 par lequel la société Smart use, après une réunion d’information tenue la veille, a fait un retour sur cette réunion en demandant notamment que lui soient transmis les ‘contacts (email,téléphone)’ des ‘propects’inscrits à ces réunions mais qui n’y viennent pas ‘pour les appeler directement et les présenter’, l’absence de réponse précise à cette demande par le directeur de l’ILV dans un mail du 12 mars 2020 dans lequel il indiquait que les modalités de l’organisation à distance des sessions de formation seraient réglées la semaine suivante n’illustre pas une défaillance de l’ILV qui avait la charge du recrutement des participants, celui-ci pouvant apprécier comment associer l’appelante dans sa collaboration au recrutement ;

– si l’appelante se plaint de retards ‘car l’ILV ne (lui) ouvrait pas les webinars’, il ressort cependant des échanges de mails du 27 mai 2020 que la société Smart use était associée aux choix des dates pour ces événements et que pour la réunion organisée à cette date, une simple erreur d’horaire avait été commise dans le rappel de l’horaire et que la correction avait été effectuée par Mme [Y], au demeurant remerciée pour ‘sa réactivité’ par son interlocuteur au sein de la société Smart use ; pour les deux autres réunions en date des 8 juillet et 2 septembre, l’avocat de l’ILV a communiqué à l’appui de son courrier en réponse du 8 octobre 2020 les éléments justifiant de la tenue de ces deux réunions en présence d’un représentant de la société Smart use, la première ayant commencé avec simplement deux minutes de retard ; le fait que la seconde ait débuté avec 24 minutes de retard, du fait d’un ‘problème technique’ alors qu’un certain nombre d’étudiants étaient présents dont deux figurent d’ailleurs dans la liste des inscrits détaillée par l’appelante, ne peut caractériser une négligence de l’ILV compte tenu des aléas récurrents liés à l’informatique ;

– la société Smart use ne démontre pas l’absence de communication sur les ‘ webinars’ relatifs aux deux formations smart city et smart energy par le seul mail qu’elle communique à cet égard, en date du 31 août 2020 à 9 heures 41 ; en effet si elle y a fait remarquer que la réunion à laquelle était invitée ne figurait ‘ni en page d’accueil ni dans l’agenda des webinar’, il lui a été indiqué dans l’heure qui a suivi par la responsable marketing et digital de l’ILV qu’elle avait ‘bien ajouté le webinar sur le site’ mais qu’à la suite d’une erreur dans la date, il ne s’affichait pas, celle-ci précisant que c’était ‘réglé’ et ajoutant aussi qu’un ‘mailing était parti la semaine dernière pour informer nos prospects du webinar’;

– s’il ressort d’un mail du 19 mars 2020 que Mme [Y] était alors absente, il n’est pas démontré que son absence, pour congé de maternité d’après les écritures de l’appelante qui affirme que ‘pendant une bonne partie de l’année 2020’ elle n’a pas été remplacée, ait eu un impact dans le processus de recrutement des étudiants pour la rentrée 2020, celle-ci étant de nouveau à son poste à la fin du mois de mai 2020 selon le mail du 27 mai 2020 ;

– parmi les mails communiqués dont plusieurs évoquent des réunions par visio conférence, la société appelante cite uniquement celui du 4 février 2020 dans lequel elle a déploré que les ‘prospects à priori’ seulement ‘bac+2’, convoqués à la réunion d’information du même jour ne rentrent pas dans les critères de recrutement ; ce seul mail ne peut pas refléter une pratique inadaptée de la sélection des prospects.

Ces courriels prouvent d’autant moins l’insuffisance organisationnelle de l’ILV que son conseil, toujours à l’appui de son courrier du 8 octobre 2020, a communiqué un rapport d’audit effectué le 18 septembre 2020 relatif à la formation dispensée au sein de l’ILV ; l’organisme certificateur a en effet maintenu la certification Iso 9 001 en relevant parmi les points forts notamment ‘l’adaptation rapide lors de la pandémie de covid, (…)les Webinar proposés pour la présentation des programmes, le processus marketing très vivant, les mailing marketing et commerciaux, (…) le lien entre processus marketing et commercialisation favorisant une augmentation des prospects’.

Il n’est pas ainsi démontré que l’ILV ait commis une faute engageant sa responsabilité dans sa décision de ne pas ouvrir la formation 2020/2021 et dans la gestion du recrutement des étudiants.

Sur la certification au registre national des certifications professionnelles (RNCP) :

Selon l’article 8 du contrat, intitulé ‘exclusivité et enregistrement au RNCP’, le partenariat entre l’ILV et Smart use pour l’animation des Mba et bachelor qui en sont l’objet ‘est exclusif pour la durée de la convention.

L’ILV et Smart use s’engagent à déposer conjointement les 4 diplômes (…) au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) dans les conditions prévues par le code de l’éducation (notamment les articles 335-12 à 335-32).’

Il n’est plus discuté par l’ILV que lorsque la société Smart use lui a adressé le 1er mai 2019 une demande expresse afin qu’il soit procédé au dépôt des diplômes au RNCP tant par cette dernière que par l’ILV en qualité de co-certificateurs, l’appelante remplissait les conditions pour pouvoir prétendre à l’inscription des formations au RNCP tenant au nombre de promotions diplômées et à l’étude de l’insertion professionnelle des étudiants dans le secteur d’activité visé par le diplôme.

Comme l’admet la société Smart use, il est constant que par mail du même jour, le président de l’ILV lui a répondu que si ‘ elle l’estimait utile’, elle avait ‘ la liberté’ de procéder elle-même au ‘dépôt des programmes au RNCP’, indiquant qu’il la ‘libérait de cette exclusivité’.

La société appelante qui n’a pas accepté cette possibilité comme précisé dans un mail du 3 mai 2019 dans lequel elle explique qu’il serait ‘bien plus positif, pour nos deux entités, que ce dépôt soit commun’, a mis en demeure l’ILV, par lettre recommandée de son conseil datée du 10 mai 2019, de ‘préparer un dossier RNCP présentant Smart Use et l’ILV comme organisme co-certificateur conformément à l’article 8 du contrat’, mise en demeure qui a été réitérée par lettre recommandée du 24 octobre 2019.

Il est exact que l’ILV n’a pas accepté de s’associer à la préparation de ce dossier. Il est cependant établi:

– que par lettre du 27 mai 2019, l’avocat de l’ILV, s’il a indiqué ‘s’agissant des titres à déposer au RNCP’ qu’ ‘un titre ne peut pas appartenir à deux organismes différents’, il a rappelé la proposition faite à la société Smart use de les déposer seule en relevant que c’était ‘en réalité une excellente proposition en raison de l’absence d’exclusivité qui pesait pourtant sur le dépôt des titres’ ;

– que par mail du 22 juillet 2019, le président de l’ILV s’est dit ‘prêt à étudier le co-dépôt au RNCP si cette opération est juridiquement réalisable’, ce dont il doutait, ‘à la condition que les formations ouvrent cette année’ ;

– dans un courrier officiel du 28 octobre 2019, l’avocat de la société ILV, outre qu’il a rappelé qu’il avait été indiqué dès le 1er mai 2019, à la société Smart use qu’elle avait la liberté de procéder elle-même au dépôt des programmes au RNCP, a expliqué que la convention signée le 18 janvier 2015 ne prévoyant pas le sort de la certification RNCP en cas de fin de partenariat, il avait, ‘avant de déposer le dossier de certification, appelé de ses voeux une clarification sur ce point dans le cadre d’une négociation plus globale du contrat de coproduction’ ;

– dans un nouveau courrier officiel du 7 novembre 2019, l’avocat de l’ILV, après avoir ‘confirmé’ qu’il ne pouvait y avoir ‘deux déposants’ et ‘co-dépôt du dossier de certification’ mais uniquement une co-certification, a observé qu’il ne pouvait pas y avoir de dépôt d’un dossier de co-certification en l’état dans la mesure où son client n’était pas d’accord sur les termes du contrat existant ;

-par un autre courrier officiel du 10 décembre 2019, ce même avocat a de nouveau invité la société Smart use, si elle considérait que ‘les éléments idoines à la constitution du dossier de dépôt sont réunies (…) à déposer le titre en prévoyant une co-certification’ entre les parties ;

– l’ILV n’a pas donné suite au courriel officiel du 23 mars 2020 par lequel l’avocat de la société Smart use a indiqué avoir préparé le dossier de co-certification auquel il ne manquait que le projet de contrat de co-certification qu’il envoyait pour approbation par ce même mail, son président ayant écrit dans un mail du 20 mars 2020 qu’il refusait ‘ totalement la co-certification’, expliquant notamment que c’était le programme de la société Smart use qui était décliné dans les locaux de l’ILV et qu’il ne voyait pas en quoi il pourrait l’exploiter sans elle et ajoutant encore que celle-ci n’avait ‘pas besoin de ce document pour déposer (son) titre’ ; il s’est engagé ‘en cas de blocage’ à fournir ‘ tous les éléments utiles à France compétences pour faciliter l’instruction du dossier et l’inscription de votre programme au RNCP’.

En outre, par deux courriels des 30 octobre et 5 novembre 2019, la direction de la certification professionnelle, France compétences, a indiqué, à la demande de l’ILV, qu’un seul déposant pouvait solliciter l’inscription d’un diplôme au RNCP mais que la co-certification par deux organismes était cependant possible.

De plus, la société Smart use ne verse aux débats que deux procès-verbaux de jury pour les promotions 2018 et 2019 lesquels comportent, contrairement à ce qu’elle affirme, la signature de Mme [O] [K] en qualité de ‘directrice pédagogique de la formation Smart city et Smart energy’, celle-ci étant aussi, lors de la conclusion du contrat litigieux, la présidente de la société Smart use.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que l’ILV a refusé de s’associer à la société Smart use pour le dépôt ou à la co-certification au RCPN des deux Mba, objet des formations mises en oeuvre à partir de la fin de l’année 2015 et qu’il ne s’est pas ainsi conformé aux dispositions de l’article 8 du contrat. Il ne peut cependant lui être reproché à ce titre une faute dolosive suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat à ses torts exclusifs dans la mesure où d’une part l’organisme en charge de la certification des diplômes a confirmé que le dépôt d’un dossier aux fins de certification ne pouvait être fait que par une seule personne et où d’autre part,l’intimé ne s’est jamais opposé au dépôt d’une demande de certification des diplômes par la seule société Smart use, l’ILV fournissant des explications cohérentes au refus de s’associer à une telle demande dans le contexte des discussions qui opposaient les parties sur l’interprétation et les conditions de la poursuite du contrat.

Sur la mauvaise foi invoquée par l’ILV à l’encontre de la société Smart Use et la résiliation du contrat :

La lecture du présent arrêt démontre que les parties, après avoir exécuté la convention sans difficulté alléguée pendant quatre ans, se sont fermement opposées sur une possible évolution du contrat et sur l’interprétation qu’elles faisaient de certaines de ses clauses, tant sur l’appréciation du renouvellement du contrat, résultant de l’article 6, que sur l’application des articles 7 et 8.

La lecture qu’a fait la société Smart use de l’article 6, même si elle a initialement divergé de celle de l’ILV, ne caractérise pas un mensonge et le défaut d’adhésion de la société Smart use aux propositions d’avenant formulées par l’ILV ne saurait caractériser une mauvaise foi avérée au regard des maladresses rédactionnelles de la convention des parties.

Il en est de même de ses demandes au titre de l’application de l’article 8 du contrat alors même que l’ILV a évolué dans les réponses qu’il lui a apportées.

Dans ces circonstances, le contrat ne saurait être résilié aux torts exclusifs de la société Smart use.

La cour constate que les parties qui sont d’accord pour la résiliation judiciaire du contrat, et non sa résolution comme évoqué uniquement dans les motifs des conclusions de l’intimée, ne sont plus parvenues à poursuivre son exécution, en raison non seulement du manque d’étudiants inscrits mais aussi d’une mésentente persistante empêchant la collaboration indispensable à la poursuite de leurs relations; le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation du contrat à leurs torts partagés, sous la seule réserve qu’elle sera prononcée à compter de la date du jugement et en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes indemnitaires.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du 12 février 2021 en toutes ses dispositions, sous la seule réserve que la résiliation sera prononcée à compter de la date du jugement ;

Condamne la société Smart use à verser à la société Institut Léonard de Vinci la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Smart use aux dépens de la procédure d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller, pour la Présidente empêchée et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le conseiller,

 


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