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22 mars 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
15-87.281
N° F 15-87.281 F-D
N° 436
ND
22 MARS 2017
REJET
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
–
M. [C] [B],
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 4-11, en date du 5 novembre 2015, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de faux et usage, escroquerie, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 1er février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Steinmann, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEINMANN, les observations de la société civile professionnelle GADIOU et CHEVALLIER, de la société civile professionnelle BOUTET et HOURDEAUX, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LE BAUT ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, et 3, de la Convention européenne des droits de l’homme, 510, 592 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
“en ce que l’arrêt attaqué qui, statuant uniquement sur les intérêts civils, a infirmé le jugement dont appel, a déclaré recevable la constitution de partie civile de la société Stephan films et a condamné M. [B] à lui verser la somme de 390 000 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 5 000 euros en réparation de son préjudice commercial et d’image, ne fait pas mention de la composition de la cour d’appel lors du prononcé ;
“alors que tout jugement ou arrêt doit établir la régularité de la juridiction qui l’a rendu ; que l’arrêt attaqué se borne à énoncer le nom du Président ayant donné lecture de l’arrêt, sans mentionner les noms des deux autres magistrats de la formation qui étaient présents lors dudit prononcé ; qu’en l’état de ces seules énonciations, la chambre de l’instruction n’a pas mis la Cour de cassation en mesure de s’assurer de la régularité de la composition de la chambre de l’instruction au regard des exigences des textes susvisés” ;
Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que l’arrêt ne mentionne que le nom du président qui en a donné lecture, dès lors qu’il résulte des dispositions combinées des articles 485 et 512 du code de procédure pénale que, en cause d’appel, il est donné lecture de la décision par le président ou par l’un des juges et que cette lecture peut être faite même en l’absence des autres magistrats du siège ;
D’ou il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code pénal, du principe de réparation intégrale, et des articles 2, 497 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
“en ce que l’arrêt attaqué statuant uniquement sur les intérêts civils a infirmé le jugement dont appel, a déclaré recevable la constitution de partie civile de la société Stephan films et a condamné M. [B] à lui verser la somme de 390 000 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 5 000 euros en réparation de son préjudice commercial et d’image ;
“aux motifs que M. [B] a été déclaré coupable des chefs de faux et usage s’agissant de la lettre de TSR et relaxé de ces chefs pour la lettre de TV5 ; qu’il a été relaxé du chef d’escroquerie ; qu’appel n’ayant pas été interjeté sur les dispositions pénales du jugement, ces dernières sont dès lors devenues définitives ; que cependant, nonobstant l’effet de la chose jugée, la cour, saisie des appels de M. [B] et de la société Stephan films sur les dispositions civiles, examinera s’il ne résulte pas des faits commis par M. [B] une faute civile dont il serait résulté pour la partie civile, un préjudice direct, réel et certain, dans les limites de la prévention ; qu’il ressort des pièces de la procédure et des débats, que les lettres du type de celles contrefaites par M. [B] constituent, dans une profession restreinte où les usages entre professionnels ont un rôle important, des lettres d’engagement des sociétés de production susceptibles de permettre aux partenaires d’obtenir des crédits indispensables à la réalisation des projets en cause ; qu’il est constant que ces simples courriers ne constituent pas le contrat définitif entre les parties mais des lettres d’intention permettant de prospérer et reconnues comme telles par les organismes de crédit spécialisés dans ce domaine, comme Cofiloisirs ; que ces pratiques, au demeurant non contestées par les parties, ont, en tout état de cause, permis à Cofiloisirs d’augmenter la ligne de crédit de Stephan films sur le fondement des deux courriers contrefaits ; qu’ainsi la lettre supposée émaner de TV5, nonobstant la formule annonçant l’envoi futur d’un contrat et la mention qu’il ne s’agissait pas d’«un acte contractuel ayant force obligatoire », doit être considérée comme un écrit ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d’établir la preuve d’un fait ayant des conséquences juridiques ; que, par ailleurs, il résulte des pièces produites que M. [B] devait pour poursuivre son projet « La compagnie des Glaces », soit envisager un rachat des droits de la SFP, soit mettre en place une valorisation desdits droits dans le cadre d’une coproduction du projet par la SFP ; que son partenariat avec la société Stephan films était fondé sur la même condition ; qu’il était donc impératif pour lui de trouver des financements couvrant la production comme sa rémunération, étant précisé qu’il expliquait ne pas être salarié et percevoir une contribution sur les investissements ; que c’est dans ce contexte, qu’il présentait les faux courriers de TSR et TV5 à son partenaire Stephan films qui sollicitait alors deux cessions par bordereaux Dailly, s’agissant de créances professionnelles, auprès de Cofiloisirs, tout comme le faisait, pour sa part, France 2, pour ce même projet, auprès de Cofiloisirs ; qu’à cet égard, M. [B] reconnaissait en cours d’enquête, qu’il « savait que ces deux lettres seraient escomptées », « sans pour autant savoir de quelle manière », puis revenait sur ce point en cours d’instruction alors qu’il avait reconnu en garde à vue comme devant le magistrat instructeur, qu’il avait agi, en tout état de cause, pour boucler le financement et qu’à défaut le projet ne pouvait perdurer avec Stephan films, comme l’atteste le plan de financement qu’il envoyait le 27 juillet 2005 au CNC incluant les créances douteuses ; que ces manoeuvres frauduleuses ont ainsi déterminé Stephan films à s’engager plus avant, et en l’espèce, en cédant auprès de Cofiloisirs les deux créances et par la suite à s’exposer à rembourser cet organisme ; que Stephan films sollicite l’infirmation du jugement et la condamnation de M. [B] à lui verser la somme de 390 000 euros au titre de son préjudice financier et la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice commercial et d’image, outre la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale ; qu’il est constant que les deux lettres escomptées évoquaient deux créances sur les sociétés TV5 et TSR et que Stephan films les a cédées par cessions Dailly auprès de Cofiloisirs, le 4 juillet 2006, alors qu’elles étaient inexistantes ; que Stephan films a remboursé la somme de 390 000 euros sur son compte de soutien, avec l’accord du Centre national de la cinématographie, soit le montant des créances cédées, comme l’attestent notamment l’attestent notamment les courriers du CNC des 27 juillet 2009 et 1er février 2010 et le courrier de Cofiloisirs du 6 décembre 2010 ; que Stephan films subit en conséquence un préjudice réel et direct résultant des agissements de M. [B] ; que, dès lors, la cour confirmera le jugement déféré sur la recevabilité des constitutions de partie civile de Stephan films et de la société Radio Télévision Suisse RTS ; que concernant la Stephan films, au vu de ce qui précède, la cour qui dispose des éléments d’appréciation suffisants pour évaluer le préjudice réel et certain, résultant directement pour la partie civile, de la commission par le prévenu des agissements commis et visés par la prévention dans son intégralité, infirmera le jugement entrepris, et condamnera M. [B] à verser à la partie civile la somme de 390 000 euros en réparation de son préjudice financier ; que la cour le condamnera à verser à la partie civile la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice commercial et d’image, Stephan films ayant subi une atteinte à sa crédibilité professionnelle et notamment financière auprès de ses partenaires notamment organismes de crédit ;
“1°) alors qu’ aux termes de l’article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ; qu’en vertu du principe de réparation intégrale, le préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a condamné M. [B] à payer à la société Stephan films en réparation du préjudice allégué la somme de 390 000 euros, qui correspondait au montant de la somme qu’elle avait perçue au titre des deux cessions par bordereaux Dailly faites à la société de financement Cofiloisirs des deux lettres d’accord en vue d’un pré achat de TV5 Monde et de TSR pour respectivement 260 000 euros et 130 000 euros, et qu’elle a remboursé ensuite à Cofiloisirs sans s’arrêter au fait que, d’une part, cette ligne de crédit aurait de toutes les façons été remboursée, normalement par TV5 Monde et TSR, ce qui aurait diminué d’autant la part du coproducteur qu’était Stephan films et que, d’autre part, la série télévisée ayant effectivement été produite, réalisée et diffusée, ce coproducteur avait perçu les revenus en résultant, augmenté de la somme de 390 000 euros qu’il avait mis en sus de sa participation initiale dans la production de sorte qu’elle a alloué à la partie civile des indemnités supérieures au préjudice qui a pu être subi en violation du principe de réparation intégrale ;
“2°) alors que la cour d’appel ne pouvait statuer ainsi sans réfuter les motifs du jugement selon lesquels Stephan films n’établit pas la réalité d’un préjudice chiffrable direct résultant de l’usage de faux par M. [B], la série télévisée ayant été en tout état de cause exploitée commercialement sans qu’il soit démontré l’existence d’un préjudice financier due à la réalisation ou à la commercialisation” ;
Attendu qu’en évaluant, comme elle l’a fait, la réparation du préjudice résultant pour la société Stephan films de l’infraction, la cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir d’apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l’indemnité propre à réparer le dommage qui en est la conséquence ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. [B] devra payer à la société Stephan films au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux mars deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.