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20 juin 2017
Cour d’appel de Versailles
RG n°
16/01254
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
FL
Code nac : 39H
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 JUIN 2017
R.G. N° 16/01254
AFFAIRE :
SA ARTE FRANCE
C/
SARL LES PRODUCTIONS DE LA BALEINE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Février 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2015F01496
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Bertrand ROL
Me Anne – sophie PIQUOT JOLY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT JUIN DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SA ARTE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Bertrand ROL de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20160118
Représentant : Me Michel RASLE de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0298 –
APPELANTE
****************
SARL LES PRODUCTIONS DE LA BALEINE
N° SIRET : 338 227 705
[Adresse 2]
C/O SODESCO
[Localité 2]
Représentant : Me Anne – sophie PIQUOT JOLY de l’ASSOCIATION ASSOCIATION ROUX PIQUOT-JOLY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 564 – Représentant : Me Jean-loïc TIXIER-VIGNANCOUR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0428
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 Mai 2017, Monsieur François LEPLAT, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Mme Dominique ROSENTHAL, Président,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE
EXPOSÉ DU LITIGE
La société à responsabilité limitée Les Productions de la Baleine, dirigée par [G] [Q], a pour objet la réalisation et la production de films documentaires et publicitaires.
La société anonyme Arte France diffuse et édite des programmes audiovisuels.
[G] [Q] a souhaité réaliser un documentaire sur la vie de [L] [G] à base d’archives et d’enregistrements composés de documents télévisés, d’interviews, de clips, et d’extraits de films.
Par courrier du 23 mars 2010, [G] [Q] a sollicité [L] [G] pour réaliser ce documentaire et s’est engagé à lui verser la somme de 15.000 euros. Elle lui a répondu positivement le 9 avril 2010.
En avril 2011, [G] [Q] a remis son projet à la société Arte France ainsi que la lettre d’accord de [L] [G] et son devis.
Le 27 mai 2011, le Centre National du Cinéma a rejeté la demande de financement présentée par la société Les Productions de la Baleine pour ce documentaire.
La société Arte France a confirmé avoir reçu la proposition de documentaire de [G] [Q] le 31 mai 2011.
Le 21 juin 2011, la société Arte France, d’une part, la société Gaumont Télévision et [Q] [X] Productions, d’autre part, ont conclu une convention portant sur le développement d’un documentaire sur [L] [G], intitulé BB par BB.
Le 26 septembre 2011, la société Arte France a informé la société Les Productions de la Baleine que son projet avait été transmis à une nouvelle unité de services.
Le 3 novembre 2011, la Conférence des programmes de la société Arte France a validé le programme de la société Gaumont Télévision et de [Q] [X] Productions : BB par BB.
Par courrier du 8 décembre 2011, la société Arte France a rejeté le projet de la société Les Productions de la Baleine en indiquant qu’un autre projet était en cours sur ce thème depuis mai 2011.
Le 30 décembre 2011, la société Arte France, la société Gaumont Télévision et [Q] [X] Productions ont conclu un contrat de coproduction du documentaire BB par BB d’une durée de 90 mn, réalisé par [A] [L].
Le 2 janvier 2012, par voie d’huissier, la société Les Productions de la Baleine a demandé à la Conférence des Programmes de la société Arte France de lui justifier de l’approbation d’un documentaire sur [L] [G] et constaté à cette date l’inexistence d’un tel document.
Ayant appris, en avril 2012, que la société Arte France pré-vendait au salon MIPTV de [Localité 3] un documentaire coproduit par la société Gaumont Télévision et [Q] [X] Productions sur la vie de [L] [G], intitulé BB par BB, la société Les Productions de la Baleine a mis la société Arte France en demeure, par courrier du 30 avril 2012, d’en suspendre la production.
La société Arte France a répondu le 14 mai 2012 qu’elle entendait poursuivre son projet avec la société Gaumont Télévision et [Q] [X] Productions.
Le 29 mai 2012, la société Les Productions de la Baleine a fait établir par constat d’huissier la présence en prévente de BB par BB réalisé par [A] [L], sur le site de la société Arte France en 52 et 90 mn.
Le 28 juin 2012 un mandat de distribution a été signé entre la société Arte France et la société Gaumont Télévision, en vue de la distribution commerciale par la société Arte France du programme, entre-temps renommé [G], la Méprise.
Le 2 juillet 2012, en cliquant sur les productions en cours 2011/2012 du site de la société Arte France, Maître [O] [A], huissier de justice, a constaté qu’aucun projet n’était en développement sur [L] [G].
Le documentaire [G], la Méprise a été diffusé pour la première fois sur la chaîne Arte le 27 novembre 2013 à 20h50.
La société Les Productions de la Baleine a, dans un premier temps, attrait la société Gaumont Télévision devant le tribunal de commerce de Nanterre, en vue d’obtenir des dommages et intérêts, instance ayant donné lieu à un jugement du 26 mars 2015, puis à un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 6 décembre 2016.
La société Les Productions de la Baleine considère également que la société Arte France lui est redevable de dommages et intérêts.
C’est dans ces circonstances que, par acte d’huissier du 17 juillet 2015, la société Les Productions de la Baleine a fait assigner la société Arte France devant le tribunal de commerce de Nanterre, lui demandant de :
Vu les articles 1382 et 1383 du code civil,
‘ Déclarer recevables et bien fondées la société Les Productions de la Baleine en toutes leurs demandes, fins, moyens et prétentions ;
‘ Juger que la société Arte France avait commis des actes de rupture des pourparlers et de concurrence déloyale à l’encontre de la société Les Productions de la Baleine ;
En conséquence :
‘ Condamner la société Arte France à lui payer la somme de 120.000 euros, à titre de dommages et intérêts : 50.000 euros pour rupture des pourparlers, 70.000 euros pour concurrence déloyale;
‘ Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans caution.
La société Arte France a, notamment, formé une demande de sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles à intervenir dans le cadre de la procédure intentée par la société Les Productions de la Baleine à l’encontre de la société Gaumont Télévision au sujet du documentaire [G], la Méprise.
Par jugement entrepris du 12 février 2016 le tribunal de commerce de Nanterre a :
Dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer ;
Débouté la société à responsabilité limitée Les Productions de la Baleine au titre de sa demande de dommages et intérêts pour rupture de pourparlers ;
Condamné la société anonyme Arte France à payer à la société à responsabilité limitée Les Productions de la Baleine la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale ;
Ordonné l’exécution provisoire sans constitution de garantie ;
Condamné la société anonyme Arte France aux dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel interjeté le 18 février 2016 par la société Arte France ;
Vu les dernières écritures signifiées le 18 avril 2017 par lesquelles la société Arte France demande à la cour de :
Vu les articles 1382 [aujourd’hui 1240] et suivants du code civil,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre en date du 26 mars 2015,
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre en date du 12 février 2016,
Vu l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles en date du 6 décembre 2017,
A titre principal,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société les Productions de la Baleine de sa demande formée sur le terrain de la rupture de pourparlers ;
INFIRMER le jugement dont appel pour le surplus.
Et, statuant à nouveau :
DIRE et JUGER qu’Arte France n’a pas rompu les pourparlers engagés avec les Productions de la Baleine, puisque ces pourparlers n’ont jamais existé ;
DIRE et JUGER qu’Arte France n’a pas commis d’actes de concurrence déloyale ni de parasitisme à l’égard des Productions de la Baleine.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait retenir l’existence d’une rupture de pourparlers ou d’actes de concurrence déloyale commis par Arte France, elle ne pourra que:
DIRE et JUGER que les Productions de la Baleine ne rapportent pas la preuve des préjudices prétendument subis du fait des agissements d’Arte France ;
DIRE et JUGER que la perte de chance des Productions de la Baleine réparée par le Tribunal de commerce de Nanterre est inexistante ;
DIRE et JUGER qu’il n’existe pas de lien de causalité entre les préjudices allégués par les Productions de la Baleine et les agissements d’Arte France.
En toute hypothèse,
CONDAMNER les Productions de la Baleine à verser à Arte France la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER les Productions de la Baleine aux entiers dépens dont distraction conformément à l’article 699 du Code de procédure civile au profit de Maître Bertrand Rol.
Vu les dernières écritures signifiées le 12 avril 2017 au terme desquelles la société Les Productions de la Baleine (LPB) demande à la cour de :
Vu les articles 1382 et 1383 du code civil en leur rédaction applicable aux faits d’espèce,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’il n’y a lieu de surseoir à statuer.
Confirmer le jugement entrepris condamnant Arte à payer à LPB la somme de 70.000 euros pour concurrence déloyale augmentée du montant des intérêts de retard sur cette somme au taux légal depuis la signification du dit jugement entrepris.
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté LPB de sa demande de dommages et intérêts pour rupture de pourparlers.
L’infirmant au surplus,
Condamner Arte à 50.000 euros de dommages et intérêts pour rupture de pourparlers ;
Condamner l’appelante à verser à LPB 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner l’appelante aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Piquot Joly.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le sursis à statuer :
Devant le tribunal de commerce de Nanterre, la société Arte France avait formé une demande de sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles devant statuer sur appel du jugement du 26 mars 2015 ayant débouté la société Les Productions de la Baleine de ses demandes à l’encontre de la société Gaumont Télévision.
Le tribunal a rejeté cette demande, qui n’est plus d’actualité, l’arrêt ayant été rendu le 6 décembre 2016 et la société Arte France ne formant plus de demande à ce sujet.
Il n’y a donc pas lieu à confirmer le jugement de ce chef, la demande formée par la société Les Productions de la Baleine en ce sens sera donc rejetée.
Sur la rupture des pourparlers :
La société les Productions de la Baleine fait grief à la société Arte France d’avoir fautivement rompu avec elle les pourparlers qu’elle avait noués au sujet de sa proposition de documentaire [G] par [G].
Elle expose ainsi que c’est à l’occasion du Marché international des programmes TV, en avril 2011, que [G] [Q] a longuement expliqué son projet à [U] [Z] de la société Arte France et lui a remis son projet [G] par [G], accompagné de son devis et de la lettre d’accord de [L] [G] ;
Que le processus de négociation était donc bien engagé entre les parties ;
Qu’outre des échanges téléphoniques non contestés par la société Arte France, cette dernière, en la personne de [M] [Y], a écrit à [G] [Q], par courriel du 31 mai 2011 : Je vous confirme que nous avons bien réceptionné votre proposition de documentaire ” [G] par [G] “. Ce projet sera étudié avec soin par notre unité. Nous vous communiquerons la réponse sitôt qu’une décision aura été prise ;
Que par courrier du 14 mai 2012, la société Arte France a indiqué à [G] [Q] que le projet a été transmis à une unité donnée ;
Qu’il ressort également du jugement entrepris (page 7) qu’à l’audience, la société Arte France a reconnu que le projet s’était promené dans la maison.
La société Les Productions de la Baleine considère que le délai de sept mois qui s’est écoulé entre le courriel de réception de sa proposition, le 31 mai 2011 et le refus qu’elle lui a opposé par courrier du 8 décembre 2011, n’est pas conforme au délai de réponse théorique de deux mois que la société Arte France affiche sur son site internet, dont elle produit une copie, datée du 13 août 2013, et que ce délai est déloyal.
Elle ajoute que la société Arte France s’est livrée à son encontre à des manoeuvres dolosives ou, à tout le moins, a agi envers elle avec une légèreté blâmable, pointant le fait que [N] [P], le vice-président de son conseil de surveillance et membre de son assemblée générale est également le président de Gaumont, ce qui ne pouvait conduire à une loyauté des pourparlers, puisque cette société s’est emparée de ce projet, ce que la société Arte France reconnaît dans son courrier du 14 mai 2012, en indiquant : nous comprenons bien que cette situation ait pu faire naître une certaine suspicion.
Elle reproche également à la société Arte France de lui avoir caché le projet de documentaire en cours sur [L] [G], réalisé par [A] [L], en prévente sur son site, selon constat d’huissier de justice du 29 mai 2012, mis aux débats, alors que d’un autre constat, dressé à sa requête, le 5 janvier 2012, il ressort qu’il a été répondu à l’huissier de justice ayant pris téléphoniquement contact avec la société Arte France qu’il n’y avait pas de documentaire sur Mme [L] [G] validé par la Conférence des programmes, au jour de l’entretien téléphonique, ce que venait confirmer un autre constat, dressé le 2 juillet 2012.
Elle estime cette déloyauté à son égard d’autant plus blâmable que c’est un projet étonnamment similaire au sien qui a été retenu par la société Arte France, à son détriment.
La société Arte France se défend de toute rupture abusive des pourparlers en faisant valoir que [G] [Q] s’est contenté d’approcher un de ses représentants pour lui soumettre son projet au salon MIPTV de [Localité 3] et que les rares échanges que les parties ont eus avant le refus adressé à la société Les Productions de la Baleine, n’ont été qu’à caractère informatif, sans autres rencontres, échanges ou réflexions.
Elle réfute avoir jamais laissé croire à la société Les Productions de la Baleine qu’elle avait le moindre intérêt pour son projet, ce qui la laissait entièrement libre de présenter ce même projet à tout autre producteur potentiel, ce que celle-ci avait d’ailleurs déjà fait en s’adressant à la société Gaumont Télévision dès le mois de février 2011.
A cet égard, le tribunal a parfaitement apprécié que la société Les Productions de la Baleine avait remis un projet de production audiovisuelle à la société Arte France, refusé après quelques mois ; que les discussions entre les parties à ce sujet avaient été très brèves, réduites à deux rencontres sur la période considérée, sans qu’il soit démontré qu’une négociation a réellement vu le jour quant au contenu de ce projet ou bien que la société Arte France ait manifesté une expression d’intérêt quelconque pour celui-ci ; que ces éléments apparaissaient insuffisants pour caractériser une entrée en pourparlers et qu’il en résultait qu’en déclinant la proposition de la société Les Productions de la Baleine, la société Arte France avait exercé sa liberté contractuelle sans commettre de faute, déboutant ainsi la société Les Productions de la Baleine de sa demande de dommages et intérêts pour rupture fautive des pourparlers.
La cour confirmera donc le jugement sur ce point, estimant que le délai de réponse de la société Arte France n’était pas anormalement long, ni ne caractérisait un comportement déloyal de sa part, étant observé que, préalablement, la société Les Productions de la Baleine était déjà entrée en contact avec la société Gaumont Télévision pour ce même projet.
Sur la concurrence déloyale :
Pour établir des agissements de concurrence déloyale à son encontre, la société Les Productions de la Baleine expose que, après avoir rompu les négociations avec elle, la société Arte France a coproduit et vendu un projet concurrent avec le même titre BB par BB au lieu de [G] par [G], résumé de la même façon, dans les mêmes formats, 52 et 90 minutes au lieu de 52 et 88 minutes ;
Mais qu’au-delà de l’identité du sujet ([L] [G]) et de la grande proximité des titres, le projet de la société Arte France et de la société Gaumont Télévision reprenait parfois presque mot pour mot les idées et les choix artistiques que [G] [Q] avait présenté à la société Arte France;
Que le tribunal a d’ailleurs jugé que la lecture des deux synopsis révélait de nombreuses ressemblances quant à la méthode, puisqu’il s’agissait d’utiliser des images, clips, vidéos d’archives, interviews et de faire commenter ces images en voix off de [L] [G] ;
Que les thèmes choisis par la société Arte France, coproducteur, ainsi que le séquençage sont très proches de celui de son projet, que même si le documentaire de la société Arte France n’est pas véritablement une copie du sien, les deux projets s’appuient manifestement sur un concept identique et offrent de nombreuses similitudes, le sien démontrant en sus un effort créatif qui le différencie du projet concurrent.
La société Les Productions de la Baleine fait encore valoir que l’interview de juillet 2013 de [A] [L], le réalisateur du documentaire finalement tourné par la société Gaumont Télévision, produite par la société Arte France, exprime le souhait de celui-ci d’obtenir l’accord de [L] [G] sur deux aspects essentiels :
1°) le fait qu’elle accepte de prêter sa voix pour commenter en voix-off les extraits de films et d’images, et
2°) qu’elle lui donne accès aux films réalisés en famille par son père durant son enfance ;
Que ces deux aspects étaient justement au c’ur de la démarche proposé par [G] [Q] dans le projet remis à la société Arte France et à la société Gaumont Télévision précédemment.
Elle ajoute que la déloyauté de la société Arte France à son égard se caractérise aussi par le fait d’avoir ouvert secrètement et concomitamment d’autres discussions avec la société Gaumont Télévision sur le même type de projet sans l’en prévenir rapidement et en cherchant au contraire à la faire patienter jusqu’au moment où ce projet concurrent serait prêt à être approuvé et d’avoir menti en affirmant dans sa lettre de rejet du 8 décembre 2011 qu’un autre projet de documentaire sur [L] [G] avait été engagé en mai 2011, alors que les constats d’huissier qu’elle a fait dresser démontrent le contraire et qu’un document produit par la société Arte France démontre que cet autre projet n’a été réceptionné que le 3 octobre 2011.
La société Arte France réfute toute accusation de parasitisme à l’encontre de la société Les Productions de la Baleine dont elle décrit le projet comme étant dépourvu d’originalité, la vie de la très célèbre comédienne [L] [G] n’étant pas sujette à appropriation, citant les très nombreux documentaires et émissions de télévision qui lui ont été consacrés entre 2006 et 2017.
Elle dénonce le caractère inabouti du projet de la société Les Productions de la Baleine, constitué de captures d’écran sans synopsis ni travail de réflexion poussé, dont elle blâme le tribunal de l’avoir qualifié de créatif, sans dire en quoi consistait l’effort créatif qu’il a ainsi relevé.
A cet égard elle fait valoir que le vidéogramme que la société Les Productions de la Baleine a communiqué, le 13 avril 2017, peu avant la clôture de l’instruction devant la cour et qui est censé illustrer le travail de [G] [Q], ne lui a jamais été communiqué auparavant, ce qui permet légitimement de s’interroger sur la date de sa réalisation.
La société Arte France critique le tribunal en ce qu’il a comparé les deux projets de la société Les Productions de la Baleine et le sien, sans accepter de visionner le documentaire qu’elle a effectivement produit, dénommé [G], la Méprise.
* * *
Force est de constater que l’ébauche de scénario [G] par [G], que la société les Productions de la Baleine met aux débats est constituée d’un album photographique, pourvu de quelques commentaires épars, selon un ordre chronologique, que son gérant qualifie lui-même de captures d’écran, c’est-à-dire de photos de captures de films, vidéos clips, interviews, émissions télévisées.
Les thématiques abordées dans cette ébauche, concernant l’enfance de [L] [G], sa pratique de la danse, ses débuts au cinéma, les films qu’elle préfère, sa carrière de chanteuse, les hommes de sa vie, des séquences amusantes réunies sous l’intitulé : c’est rigolo, font partie de passages biographiques obligés d’une oeuvre qui prétend mêler la vie publique et la vie privée d’une vedette du grand écran et qui, en tant que tels, ne présentent aucune originalité, ni par leur contenu, largement public, ni par leur agencement.
Comme le souligne justement la société Arte France, l’idée de réaliser un documentaire biographique sur [L] [G] est une idée de libre parcours, y compris en ce que celle-ci serait censée se raconter elle-même, projet qui n’a d’ailleurs pas été repris dans le documentaire [G], la Méprise, faute d’accord de la comédienne, l’intimée comme l’appelante fournissant maints exemples à cet égard, idée qui n’est donc pas susceptible d’appropriation.
Ainsi, même si la société les Productions de la Baleine n’agit pas en contrefaçon d’un droit d’auteur, qu’elle suggère cependant, mais en concurrence déloyale, pour un parasitisme qui serait lié aux investissements qu’elle prétend avoir effectués pendant plusieurs mois pour parvenir à l’ébauche du documentaire dont elle défend le prétendu détournement, force est de constater que ces lourds investissements ne sont pas démontrés, que c’est d’ailleurs à raison d’un impossible financement de ce projet qu’elle n’est pas parvenue à le faire aboutir et que nul comportement déloyal ne peut être valablement imputé à faute à la société Arte France, qui a rejeté sa proposition par courrier du 8 décembre 2011.
Dans ces conditions, la cour infirmant le jugement entrepris de ce chef, déboutera la société Les Productions de la Baleine de sa demande au titre de la concurrence déloyale.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable d’allouer à la société Arte France une indemnité de procédure de 3.000 euros. La société Les Productions de la Baleine, qui succombe, sera, en revanche, déboutée de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Rejette la demande de la société à responsabilité limitée Les Productions de la Baleine de confirmation du jugement entrepris du 12 février 2016 du tribunal de commerce de Nanterre en ce qu’il a débouté la société anonyme Arte France de sa demande de sursis à statuer,
Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 12 février 2016 en ce qu’il a débouté la société à responsabilité limitée Les Productions de la Baleine de sa demande indemnitaire formée à l’encontre de la société anonyme Arte France pour rupture fautive des pourparlers,
L’infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Déboute la société à responsabilité limitée Les Productions de la Baleine de sa demande indemnitaire formée à l’encontre de la société anonyme Arte France au titre de la concurrence déloyale,
Et y ajoutant,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société à responsabilité limitée Les Productions de la Baleine à payer à la société anonyme Arte France la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société anonyme Arte France aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Dominique ROSENTHAL, président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,