Contrat de coproduction : 18 septembre 2002 Cour de cassation Pourvoi n° 01-85.855

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Contrat de coproduction : 18 septembre 2002 Cour de cassation Pourvoi n° 01-85.855
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18 septembre 2002
Cour de cassation
Pourvoi n°
01-85.855

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit septembre deux mille deux, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller THIN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

– X… Gilles,

– La société Y…
Z…, parties civiles,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 27 juin 2001, qui, les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Dominique A… du chef d’escroquerie ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’article 513 du Code de procédure pénale ;

“en ce qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que le rapport du conseiller n’a pas été préalable aux débats ;

“alors que la formalité du rapport est un préliminaire indispensable aux débats et que le ministère public ayant indiqué les motifs de son appel avant qu’il ait été procédé à cette formalité, le principe susvisé, qui est d’ordre public, a été méconnu en sorte que la cassation est encourue” ;

Attendu qu’il ressort des énonciations de l’arrêt qu’il a été procédé à la formalité du rapport avant tout débat sur le fond ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a relaxé Dominique A… des fins de la poursuite du chef d’escroquerie et a débouté par voie de conséquence Gilles X… et la société Y…
Z… de leurs constitution de parties civiles ;

“aux motifs que le projet de production du film Volpone ne peut être qualifié d’entreprise chimérique ou imaginaire ; que, selon les propres écritures de la partie civile, il résulte d’un audit effectué à sa demande que les comptes de la société Septema faisaient apparaître à la date du 27 septembre 1997 :

– au poste de directeur de production : 518 092,99 francs ;

– au poste direction et administration : 668 346,37 francs ;

– au poste créateur de costumes : 232 825,48 francs ;

– au poste équipe préparation et tournage :

1 253 977,61 francs ;

– au poste personnel : 1 417 682,74 francs ;

– au poste studio : 1 861 730,81 francs ;

“que de même, Gilles X… expose que le virement de 400 000 francs du 23 octobre visé à la prévention a été adressé à la société Expertise SRL, société italienne, chargée de la partie fiscale de la production en Italie et qu’il a été versé par la production une somme en espèces de 250 000 francs à Michel B… en exécution de son contrat d’engagement ; que dans ces conditions, le projet de production ne peut être qualifié d’entreprise imaginaire ayant pour seul but d’obtenir frauduleusement des remises de fonds ; qu’à l’appui de sa plainte, Gilles X… expose qu’à l’époque des premiers contrats et de la signature du contrat de coproduction, il a été trompé par la présentation d’un plan de financement mensonger dans la mesure où le financement de France 3 (10 millions de francs), de Canal + (10 millions de francs) n’était pas acquis ainsi que l’accord du Centre national de la cinématographie, lequel conditionnait l’accord de coproduction italien et la possibilité d’escompter des engagements de financement auprès des banques qui, seules, pouvaient permettre la poursuite de la réalisation du film et notamment le début du tournage ; que, sur ce point, force est de constater que Gilles X… n’a pu être trompé sur les difficultés de trésorerie de la production et l’absence de l’accord définitif du Centre national de la cinématographie, de FR 3, du coproducteur italien puisqu’il résulte de ses déclarations et de ses écritures que la participation de Y…
Z…, les avances de trésorerie consenties par celles-ci et les prêts personnels consentis par Gilles X… personnellement avaient précisément pour but de pallier l’insuffisance de trésorerie de la société Septema à compromettre l’ensemble du projet et ce, dans l’attente de l’agrément du Centre national de la cinématographie qui, lorsqu’il serait obtenu, entraînerait l’accord définitif des coproducteurs et le soutien financier des banques ; que Gilles X…, professionnel de la production cinématographique n’a, à aucun moment, ignoré le caractère aléatoire de chacun des postes de financement présentés et au demeurant inhérent à la nature de ce type de projet ; que si la faiblesse ou le caractère imprudent du montage financier relevés par les premiers juges ont pu être, en partie, la cause de l’échec du

projet de production, la réalité des investissements financiers et des contrats avec des réalisateurs, scénaristes et acteurs prestigieux est néanmoins démontrée ; qu’il est ainsi établi que Gilles X… a adhéré à un projet dont la réalité ne peut être contestée et dont il connaissait le caractère aléatoire du plan de financement ; qu’il a, en toute connaissance de cause, accepté un risque financier ;

1 )”alors que constitue le délit d’escroquerie le fait de faire croire, par des manoeuvres frauduleuses, à l’existence d’une fausse entreprise et d’obtenir par ce moyen la remise de fonds ; que constitue une fausse entreprise, non seulement celle qui est entièrement chimérique, mais encore celle qui, ayant quelque réalité sur certains points, présente dans d’autres parties qui la composent des circonstances entièrement fausses ; que les juges du fond ont cru pouvoir déduire le caractère non chimérique du projet de production du film Volpone présenté en septembre 1997 par Dominique A… à Gilles X… et à la société Y…
Z…, d’une part, de la prétendue réalité des contrats avec des réalisateurs, des scénaristes et des acteurs prestigieux, d’autre part, d’une prétendue réalité des investissements financiers – sans autre précision – enfin de la présentation des comptes de la société Septema faisant apparaître l’existence de postes de rémunération du personnel ; que, cependant, les motifs de l’arrêt ne comportent aucune réponse aux chefs péremptoires des conclusions des parties civiles faisant valoir devant la cour d’appel que, dès le départ, le projet de production était condamné, la chaîne hertzienne FR 3 ayant déjà par deux fois en mai et en août 1997 refusé sa participation, Dominique A… étant dans l’incapacité, en raison de sa réputation désastreuse dans les milieux cinématographiques et financiers, d’obtenir l’agrément du Centre national de la cinématographie, le scénario Volpone étant parachuté dans des structures juridiques qui, non seulement connaissaient des difficultés de trésorerie, mais étaient en totale déconfiture et toutes les promesses de financement résultant de contrats expressément soumis à la condition – impossible – de l’agrément du Centre national de la cinématographie, toutes circonstances impliquant le caractère au moins pour partie chimérique du projet ;

2 )”alors que l’arrêt attaqué ne pouvait, sans contradiction, déduire le caractère non chimérique du projet de production de la “réalité des investissements financiers” et constater par ailleurs que la faiblesse ou le caractère imprudent du montage financier avaient été, en partie, la cause de l’échec du projet de production ;

3 )”alors que la présentation par un producteur de cinéma à un investisseur du plan de financement d’un film comportant des postes de financement mensongers en vue d’obtenir sa participation constitue une manoeuvre frauduleuse ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d’appel, les parties civiles faisaient valoir que le plan de financement que leur avait présenté Dominique A… avant la remise des fonds faisait état, de première part d’un apport en numéraires de Septema de 5 225 716 francs, apport en numéraires qui n’avait pas d’existence réelle, de deuxième part d’un apport à hauteur de 5 millions de francs d’une société Cine Cross, société créée par Dominique A… et qui n’avait pas d’existence réelle, de troisième part “d’un salaire producteur en participation” de 300 000 francs impliquant que Dominique A… ne percevait pas de salaire alors que l’instruction avait mis en lumière qu’en réalité il était salarié de Septema, enfin d’un apport de la chaîne hertzienne FR 3 de 3 millions de francs cependant que par deux fois les responsables de cette chaîne avaient refusé leur participation à Dominique A… et qu’en se bornant à faire état du caractère “aléatoire” des postes de financement présentés “inhérents à la notion de ce type de projet”, cependant qu’elle avait l’obligation de s’expliquer de manière précise sur le caractère mensonger de chacun des différents postes précités, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

4 )”alors que la cour d’appel, qui adoptait expressément les motifs des premiers juges d’où il résultait que la société Cine Cross était une fausse société et que par conséquent son prétendu engagement de 5 millions de francs relevait de la plus pure malhonnêteté, ne pouvait, sans se contredire, écarter la notion de manoeuvres frauduleuses par présentation de concours financiers illusoires ;

5 )”alors que l’abus de qualité vraie, de surcroît appuyé par la présentation aux victimes d’un document mensonger, dès lors qu’elle a déterminé la remise des fonds, suffit à caractériser le délit d’escroquerie ; que la prévention visait l’abus par le prévenu de sa qualité de producteur cinématographique par la remise d’un article flatteur ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d’appel, Gilles X… et la société Y…
Z… faisaient valoir que Dominique A… avait abusé auprès d’eux de sa qualité vraie de producteur en leur remettant un article flatteur faisant croire à la faisabilité prochaine du film et comportant notamment l’affirmation mensongère qu’il avait investi 5 millions de francs dans le projet de production du film Volpone et l’allégation que le tournage commencerait le 13 octobre 1997 en Italie et durerait deux mois et demi et qu’en l’état de ces conclusions, en ne s’expliquant pas sur l’existence de la manoeuvre frauduleuse résultant de l’abus de qualité vraie de producteur cinématographique par Dominique A…, la cour d’appel a méconnu sa saisine et privé, ce faisant, sa décision de base légale ;

6 )”alors que le caractère volontaire de la remise des fonds fait nécessairement défaut lorsque la victime a été induite en erreur par les manoeuvres de l’escroc sur la portée de ses engagements ; que la cour d’appel a considéré que les parties civiles avaient accepté de remettre des fonds à Dominique A… en connaissance des difficultés de trésorerie de la société Septema dans la perspective d’un agrément du projet par le Centre national de la cinématographie auquel étaient subordonnés les concours des banques, et il en a déduit que Gilles X… avait en toute connaissance de cause accepté un risque financier, motif qui implique la constatation du caractère volontaire de la remise des fonds ; que, cependant, les parties civiles démontraient dans leurs conclusions régulièrement déposées que cet événement, compte tenu de la mauvaise réputation de Dominique A…, de la consistance de son projet, du caractère fallacieux du plan de financement et du refus de concours financiers deux fois exprimé par les responsables de FR 3, était chimérique et que, dès lors, en affirmant que la remise des fonds avait été volontaire sans s’expliquer préalablement sur ce chef péremptoire de conclusions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale” ;

 


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