Contrat de coproduction : 13 octobre 2015 Cour d’appel de Paris RG n° 14/08900

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Contrat de coproduction : 13 octobre 2015 Cour d’appel de Paris RG n° 14/08900
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13 octobre 2015
Cour d’appel de Paris
RG n°
14/08900

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2015

(n°167/2015, 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/08900

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mars 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 3ème chambre – 4ème section – RG n° 12/04771

APPELANTS

Monsieur [K] [S]

Né le [Date naissance 4] 1954 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

FRANCE

Appel interjeté tant en sa qualité d’administrateur de la succession [E] [S]

qu’à titre personnel

Madame [B] [L]

Née le [Date naissance 1] 1918 à [Localité 4], retraitée

[Adresse 2]

[Adresse 2]

FRANCE

Madame [H] [A]

Née le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 3], retraitée

[Adresse 6]

[Adresse 6]

FRANCE

Monsieur [Z] [Y]

Né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 3], réalisateur et producteur

[Adresse 4]

[Adresse 4]

FRANCE

Représentés et assistés de Me Luc BROSSOLLET de la SCP D’ANTIN BROSSOLLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0336

INTIMÉS

Monsieur [V] [I]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

RUSSIE

Lequel n’a pas constitué avocat

Etablissement Public OPERA DE MUNICH

pris en la personne du Land de Bavière

[Adresse 8]

[Adresse 8]

ALLEMAGNE

Représenté et assisté de Me Judith ADAM CAUMEIL, de la SELARL cabinet ADAM CAUMEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0830

SARL BEL AIR MEDIA

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

N° SIRET : 397 781 824

Représentée et assistée de Me François POUGET de la SELARL FACTORI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0300

SA MEZZO

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro 418 141 685 [Adresse 3]

[Adresse 3]

FRANCE

N° SIRET : B 4 18 141 68585

Représentée par Me Nicolas BRAULT de l’Association WATRIN BRAULT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J046

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 1er Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre

Mme Nathalie AUROY, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON

ARRÊT :

Arrêt rendu par défaut

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier présent lors du prononcé.

***

Vu le jugement réputé contradictoire rendu le 13 mars 2014 par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l’appel interjeté le 23 avril 2014 par M. [K] [S], agissant à titre personnel et en tant qu’administrateur de la succession de [E] [S], Mme [B] [Y] épouse [L], Mme [H] [A] et M. [Z] [Y],

Vu les dernières conclusions transmises le 17 mars 2015 par M. [K] [S], ès qualités, Mme [B] [Y] épouse [L], Mme [H] [A] et M. [Z] [Y],

Vu les dernières conclusions numérotées 2 transmises le 13 avril 2015 par le Land de Bavière, représenté par la Direction des impôts de la commune [Localité 2], intervenant aux lieu et place de l’Opéra de Munich, sans personnalité juridique,

Vu les dernières conclusions numérotées 3 transmises le 13 avril 2015 par la société Bel air média,

Vu les dernières conclusions transmises le 13 avril 2015 par la société Mezzo,

Vu l’absence de constitution de M. [V] [I], à qui la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées par acte du 22 juillet 2014,

MOTIFS DE L’ARRÊT

Considérant que les ‘Dialogues des carmélites’ est une oeuvre posthume de [E] [S] (1988-1948) , conçue à l’origine pour un scénario cinématographique, écrite en 1948 ; que son sujet est inspiré d’une nouvelle de la romancière allemande [U] [Q], ‘La dernière à l’échafaud’, retraçant l’histoire des seize Carmélites de Compiègne condamnées à mort par le Tribunal Révolutionnaire et guillotinées, figurant parmi les dernières victimes de la Terreur, y ajoutant celle du personnage imaginaire de Blanche de la Force, jeune aristocrate habitée par la peur qui, ne se sentant pas capable d’affronter le monde, décide, à l’aube de la Révolution française, d’entrer au Carmel, se retrouve malgré elle confrontée au drame et, doutant de sa foi, hésitante, rejoint au dernier moment les autres religieuses ; que [J] [W] (1899-1963) en a fait une adaptation musicale pour l’opéra, très fidèle au texte de [E] [S], dont les représentations ont commencé en 1957 ;

Que cet opéra a été représenté à l’opéra de Munich dans une mise en scène de M.[V] [I], en mars 2010, puis en avril 2011 ;

Que le spectacle a été enregistré sur un vidéogramme (DVD et Blu-ray), coproduit par l’Opéra de Munich et par les sociétés françaises Bel air média et Mezzo ;

Qu’estimant que cette mise en scène transformait profondément la fin de l’oeuvre et la dénaturait, MM. [M] [L] et [K] [S], agissant au nom des titulaires du droit moral de [E] [S] et de [J] [W] ont, par actes des 6 et 22 mars 2012, fait assigner l’opéra de Munich en la personne du Land de Bavière, ainsi que les sociétés Bel air média et Mezzo devant le tribunal de grande instance de Paris, pour voir constater l’atteinte ainsi portée au droit moral des auteurs et obtenir des mesures d’interdiction portant, tant sur la représentation de l’opéra dans sa mise en scène contestée que du vidéogramme, ainsi que la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts ; que par acte du 12 juin 2012, ils ont fait assigner M. [I], en Russie, aux mêmes fins ;

Que de nouvelles représentations de l’opéra dans cette mise en scène ont néanmoins été données à l’opéra de Munich les 28 octobre, 1er et 4 novembre 2012, un feuillet portant explicitement mention du litige pendant en France étant toutefois inséré dans les programmes ;

Que par ordonnance du 22 novembre 2012, le juge de la mise en état a notamment déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour statuer à son égard sur les demandes relatives aux représentations du spectacle dans ses locaux ainsi que dans tous les lieux situés hors de France, mais compétent pour statuer sur les demandes relatives au vidéogramme ;

Que Mme [B] [L], Mme [H] [A] et M. [Z] [Y] sont intervenus volontairement à l’instance par conclusions du 12 juillet 2013 ;

Considérant que dans son jugement du 13 mars 2014, le tribunal a :

déclaré M. [M] [L] irrecevable à agir,

déclaré M. [Z] [Y] irrecevable à intervenir,

déclaré Mmes [B] [L] et [H] [A] recevables à intervenir,

déclaré M.[K] [S] irrecevable à agir en qualité de mandataire de la succession de [E] [S],

déclaré M. [K] [S] recevable à intervenir à titre personnel,

dit que la mise en scène de M.[V] [I] ne réalise pas une dénaturation des oeuvres de [E] [S] et de [J] [W] intitulées Dialogues des carmélites,

rejeté les demandes,

constaté que les demandes en garantie des sociétés Bel air média et Mezzo sont sans objet,

rejeté la demande en dommages intérêts de la société Mezzo contre la société Bel air média,

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

condamné in solidum M. [K] [S] es qualités d’administrateur de la succession de [E] [S] et M.[M] [L] es qualités de mandataire des ayants droit de [J] [W] à payer à chacun des trois défendeurs la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum MM. [K] [S] et [M] [L], chacun es qualités, aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître [R], selon les règles de l’article 699 du code de procédure civile ;

Considérant que le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a déclaré M. [M] [L] irrecevable à agir ; qu’il doit être confirmé de ce chef ;

– Sur la recevabilité à agir de M. [Z] [Y], Mme [H] [A] et Mme [B] [Y] épouse [L] :

Considérant que [J] [W] est décédé le [Date décès 4] 1963, sans héritier réservataire, et en l’état d’un testament olographe daté des 2 et 3 juin 1954 désignant comme légataire universelle sa nièce, [N] [Y], fille de son unique soeur [F] [W] épouse [Y], dans les termes suivants :

‘J’institue pour la légataire universelle mademoiselle [N] [Y], ma nièce qui aura seule, après moi le soin de mon oeuvre ainsi que tous mes livres, musiques, papiers, correspondances, manuscrits, photographies(…)

Seule, je dis bien seule, Mademoiselle [N] [Y], mon héritière testamentaire, aura le droit de s’occuper du destin posthume de mon oeuvre, sous toutes ses formes.’,

et désignant comme légataires à titre particulier de ses droits d’auteur celle qu’il désigne comme étant sa filleule, Mme [H] [A], pour 4/6ème, et son ami [G] [O], pour 1/6 ;

Que [N] [Y], envoyée en possession de son legs universel par ordonnance du 26 février 1963, est décédée le [Date décès 2] 1963, sans héritier réservataire, et en l’état d’un testament désignant ses parents, [X] et [F] [Y], légataires universels ; que ceux-ci sont respectivement décédés les [Date décès 5] 1967 et [Date décès 1] 1974, en laissant pour leur succéder leur fille Mme [B] [Y] épouse [L] et leur fils [T] [Y], décédé le [Date décès 3] 1980 ;

Considérant qu’il n’est pas contesté qu’il résulte des termes du testament que [J] [W] a légué son droit moral d’auteur à [N] [Y] ; que les parties sont opposées sur la dévolution de ce droit moral après le décès de cette dernière, survenu prématurément, et, partant, sur la recevabilité à agir des appelants agissant en qualité de titulaires de ce droit ;

Considérant que les intimés concluent à la confirmation du jugement en ce qu’il déclare M. [Z] [Y] irrecevable à agir, aux motifs que ses droits dans la succession de son père [T] [Y] ne sont pas établis ; que les sociétés Bel air média et Mezzo demandent en outre à la cour, infirmant le jugement de ces chefs, de déclarer également Mmes [B] [Y] épouse [L] et [H] [A] irrecevables à agir ; qu’à l’appui de leurs prétentions, elles soutiennent que [J] [W] a exprimé dans son testament sa volonté d’exclure toute autre personne que [N] [Y] de la dévolution de l’exercice de son droit moral, et spécialement ‘les héritiers présomptifs qu’étaient alors [F] [Y], [T] [Y] et les appelants [B] [Y] mariée [L] et [H] [A]’, de sorte que [N] [Y] n’a pu valablement transmettre à ses propres héritiers que les seuls attributs patrimoniaux d’auteur de [J] [W] ; que la société Mezzo ajoute que Mme [H] [A] ne justifie pas par ailleurs être l’héritière par un mécanisme de dévolution légale ni de [J] [W], ni de [N] [Y] ;

Que les appelants, qui concluent à l’inverse à l’infirmation du jugement sur l’irrecevabilité à agir de M. [Z] [Y] et à sa confirmation sur la recevabilité à agir de Mmes [B] [Y] épouse [L] et [H] [A], répondent, d’une part, que la qualité d’héritier de M. [Z] [Y] est établie par les pièces qu’ils versent aux débats et, d’autre part, que le souhait de [J] [W] tel qu’exprimé dans son testament ne peut valoir que du vivant de [N] [Y] et, qu’à défaut de manifestation de volonté contraire, au décès de cette dernière, l’exercice de son droit moral a été dévolu à ses autres ayant-droit, de sorte que Mme [B] [L] et Mme [H] [A] sont recevables à intervenir ;

Considérant, ceci exposé, qu’il peut être rappelé que selon l’article L121-1, alinéas 4 et 5, du code de propriété intellectuelle, le droit moral de l’auteur ‘est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.

L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires’;

Qu’en l’espèce, s’il résulte expressément du testament de [J] [W] que celui-ci a entendu léguer son droit moral d’auteur à sa nièce [N] [Y], il ne saurait être déduit de l’emploi réitéré de l’adjectif ‘seule’, l’expression implicite d’une volonté du défunt d’exclure tout autre héritier qui vaudrait même après le décès de l’intéressée, qu’il n’avait manifestement pas envisagé ; que celui-ci ne fait qu’exprimer clairement le souhait de l’auteur de voir exercer son droit moral exclusivement par la personne qu’il pensait la mieux à même de le faire, sous-entendu du vivant de celle-ci, mais n’implique aucune défiance envers les autres héritiers qui justifierait leur exclusion après le décès de la légataire universelle ;

Qu’il doit donc être retenu qu’au décès de [N] [Y], le droit moral d’auteur de [J] [W] s’est trouvé dévolu aux ayants-droit de cette dernière ;

Qu’à cet égard, il ne peut qu’être relevé que Mme [H] [A], qui n’a pas la qualité d’héritière de [N] [Y], n’a pu hériter à aucun autre titre du droit moral d’auteur de [J] [W] ; qu’il convient donc, infirmant le jugement de ce chef, de la déclarer irrecevable à agir ;

Qu’en revanche, le tribunal doit être approuvé en ce qu’il a retenu que Mme [B] [Y] épouse [L], qui a cette qualité, est recevable à agir ;

Que, s’agissant de M. [Z] [Y], sa qualité d’héritier de [T] [Y] et, partant, de [N] [Y], qui peut être prouvée par tous moyens, est suffisamment établie concernant le présent litige par la production du livret de famille établissant son lien de filiation et l’ordonnance de référé du 12 juin 1980 ayant nommé un administrateur provisoire de la succession de son père, dont il résulte que la conjointe survivante de celui-ci a tout au plus été désignée par testament olographe légataire de divers biens immobiliers ; qu’il convient donc, infirmant le jugement de ce chef, de le déclarer recevable à agir ;

– sur la qualité à agir de M. [K] [S] :

Considérant que les intimés concluent à la confirmation du jugement en ce qu’il déclare M. [K] [S] irrecevable à agir en qualité d’administrateur de la succession de [E] [S], aux motifs que le droit moral étant un droit strictement personnel, les dispositions de l’article 815-3 du code civile susceptible de fonder l’action engagée par une personne en qualité de mandataire d’une indivision successorale ne lui sont pas applicables ; que les sociétés Bel air média et Mezzo demandent en outre à la cour, infirmant le jugement de ce chef, de déclarer également M. [K] [S] irrecevable à agir à titre personnel, aux motifs que ses droits dans la succession de son grand- père ne sont pas établis ; que la société Mezzo ajoute qu’il n’avait pas agi à ce titre en première instance, de sorte que le tribunal a statué ultra petita et qu’un appel n’a pu valablement être régularisé par lui à ce titre ;

Que les appelants, qui concluent à l’inverse à l’infirmation du jugement sur l’irrecevabilité de M. [K] [S] à agir sur le fondement de l’article 815-3 du code civil, en sa qualité de mandataire de la succession de [E] [S], et à sa confirmation sur sa recevabilité à agir à titre personnel, répondent, d’une part, que le tribunal a ajouté au texte de l’article 815-3 pour dire qu’il n’est pas applicable au droit moral, et font valoir qu’à la différence de M.[M] [L] à qui le même raisonnement a été appliqué pour [J] [W], M. [K] [S] est un ayant droit de [E] [S], et d’autre part, que ses conclusions de première instance attestent de ce qu’il a agi ab initio à titre personnel ;

Considérant que le tribunal a justement retenu que l’exercice du droit moral de l’auteur étant éminemment personnel, les co-titulaires du droit moral post-mortem ne sont pas fondés à faire usage de l’article 815-3 du code civil pour donner à un tiers un mandat général d’administration pour son exercice, peu important que ce tiers soit l’un de ces co-titulaires ; que la cour observe que cette impossibilité est compensée par la possibilité offerte à chacun des co-titulaires du droit moral post-mortem d’agir seul en justice en cas d’atteinte, sans avoir à appeler les autres en la cause ; que celle-ci a d’ailleurs été invoquée en l’espèce par M. [K] [S], dès ses conclusions de première instance ; que la qualité d’héritier de M. [K] [S], petit-fils de [E] [S], est suffisamment établie par les certificats d’avocate produits, dont rien ne permet de remettre sérieusement en cause l’exactitude sur ce point ;

Que par voie de conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il déclare M. [K] [S] irrecevable à agir en sa qualité de mandataire de la succession de [E] [S] sur le fondement de l’article 815-3 du code civil, mais recevable à agir à titre personnel ;

– sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la société Mezzo pour absence de mise en cause régulière de M. [I] :

Considérant que la société Mezzo fait valoir que, tant en première instance, qu’en cause d’appel, il n’est pas justifié d’une assignation régulière en justice de M. [I], alors que celui-ci étant le mieux à même d’éclairer la cour sur sa mise en scène et qu’en vertu du principe du contradictoire, il doit être en la cause ;

Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a retenu que M. [I] avait été valablement assigné en première instance à l’adresse de son domicile ; qu’il résulte des actes de la procédure qu’en cause d’appel, la déclaration d’appel et les conclusions lui ont été régulièrement signifiées par acte du 22 juillet 2014, de sorte que sa mise en cause est valable ; que, toutefois, n’étant pas justifié que celles-ci ont été remises à sa personne, le présent arrêt doit être rendu par défaut ;

– sur l’existence d’une dénaturation :

Considérant que M. [K] [S], Mme [B] [Y] épouse [L] et M. [Z] [Y] rappellent que l’éventuel droit moral du metteur en scène sur sa mise en scène trouve sa limite dans le droit de l’auteur de l’oeuvre préexistante d’où elle est dérivée et auquel il ne peut porter atteinte ;

Que, faisant observer que toute l’oeuvre ‘Dialogues des carmélites’, sa raison d’être et sa signification finale, résident dans son final, tel que décrit dans la scène 17 du cinquième tableau (scène finale) de l’oeuvre de [S] et le quatrième tableau de l’acte III (soit le dernier tableau) du livret de l’opéra [W], où les religieuses, condamnées à mort, montent une à une à l’échafaud en chantant le ‘Salve Regina’, puis le ‘Veni Creator’, mais à mesure qu’elles disparaissent le choeur se fait plus menu, et lorsqu’il n’en reste plus qu’une, Blanche apparaît, le visage dépouillé de toute crainte, et la suit sur l’échafaud, il soutiennent que celui-ci est profondément modifié dans la mise en scène de M. [I], où les faits se déroulent dans un monde contemporain ; qu’ils exposent qu’ainsi, dans la scène finale, le décor est constitué d’une baraque en bois entourée par la foule, tenue à distance par un ruban de sécurité, qu’au son des chants religieux enregistrés, Blanche arrive et délivre les religieuses qui s’y trouvent enfermées, en les faisant sortir une à une, suffocantes, comme sur le point d’être asphyxiées et qu’une fois celles-ci sorties, elle va seule s’enfermer dans la cabane, qui explose quelques instants après ;

Qu’il en résulte, selon eux, un contresens, non seulement sur le fait historique, mais surtout sur le sens profond de l’oeuvre première ; qu’ils observent que l’écart considérable entre l’oeuvre de [S] et [W] et la version qu’en propose l’opéra de Munich a été souligné par les critiques, dont certains ont même compris la scène finale comme une tentative de suicide collectif, et ajoutent qu’à cet égard le retour de Blanche de la Force dans la ‘chambre à gaz’ d’où elle s’est efforcée d’extraire une à une chacune de ses soeurs, et la mort qui s’en suit, pourraient tout aussi bien s’interpréter comme un suicide individuel, en contradiction totale avec l’espérance, composante cardinale du christianisme ; qu’ils relèvent en tout état de cause, d’une part, que les soeurs n’y sont plus les martyres célébrées par [S] et [W] qui, refusant de s’enfuir ou de renoncer à leur foi, vont au contraire la magnifier en affrontant la mort en chantant leur espérance, mais des femmes qui ne comprennent pas ce qui leur arrive, et, d’autre part, que Blanche n’est plus celle qui, conformément au pressentiment du ‘mourir ensemble’ confié par soeur Constance en scène 6, rejoint ses soeurs pour les accompagner dans une mort qu’elles ont acceptée en martyres, mais s’y trouve investie d’un projet qui ne lui a jamais été prêté, ni par l’écrivain, ni par le musicien, celui de sauver ses soeurs ; qu’ils en concluent que tous les éléments de compréhension qui étaient réunis dans le final de l’oeuvre de [S] et [W] disparaissent pour laisser place à un final, au mieux énigmatique, mais en tout état de cause en contradiction avec le sens profond de l’oeuvre première ;

Que le Land de Bavière répond que la fidélité à l’oeuvre première qu’impose le respect du droit moral de l’auteur ne saurait être absolue, l’auteur de l’oeuvre dérivée, en l’occurrence le metteur en scène, devant disposer de la liberté nécessaire pour accomplir sa mission ; qu’il soutient que la mise en scène de M. [I], en faisant abstraction de tout contexte historique, n’a fait que conférer à l’oeuvre une signification plus universelle et qu’elle est conforme à l’esprit de l’oeuvre originale, dès lors qu’elle en respecte les thèmes essentiels, soit celui de l’espérance – faisant valoir à cet égard qu’aucun élément de la mise en scène ne permet de conclure à une tentative de suicide collectif des religieuses et à un suicide individuel de Blanche de la Force -, celui du martyr, magnifié à travers le personnage de Blanche de la Force et celui de la communion des saints, traduit par ces mots de soeur Constance au sujet de la mort de la Prieure : ‘On ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres et même les uns à la place des autres’ ;

Que la société Bel Air objecte que, dès lors que les appelants reconnaissent eux-mêmes dans leurs écritures que le livret et la musique n’ont subi aucune modification dans la mise en scène de M. [I], le débat ne relève pas du droit moral et du débat judiciaire, mais de l’interprétation de l’oeuvre et de la controverse artistique et historique ; qu’elle ajoute qu’au demeurant, cette mise en scène respecte parfaitement les thèmes centraux des ‘Dialogues des carmélites’ et illustre de surcroît le texte même de [S], précisément la réponse de Constance au questionnement de Blanche sur la mort figurant dans la scène 1 du troisième tableau ;

Que la société Mezzo s’associe aux moyens soulevés par les autres intimés et ajoute qu’il n’est pas justifié de la volonté exprimée par les co-auteurs de leur vivant et que les appelants se bornent à verser aux débats des articles de presse qui relèvent une mise en scène originale et contemporaine que seuls certains journalistes ou auteur de blogs ont cru devoir critiquer ; qu’elle ajoute que face à des atteintes alléguées si peu caractérisées qu’elles supportent la poursuite de l’exploitation de l’oeuvre critiquée, il ne saurait être porté par des mesures d’interdiction une atteinte totalement disproportionnée à des libertés aussi fondamentales que la liberté de création et la liberté de communication ;

Considérant, ceci exposé, que si une certaine liberté peut être reconnue au metteur au scène dans l’accomplissement de sa mission, cette liberté a pour limite le droit moral de l’auteur au respect de son oeuvre, dans son intégrité et dans son esprit, qui ne doit pas être dénaturé ;

Qu’en l’espèce, il ressort de la comparaison de la scène finale de l’opéra mis en scène par M. [I] – telle que visionnée par la cour, avec l’ensemble de l’opéra, et telle qu’exactement décrite supra par les appelants -, avec le contenu du quatrième tableau de l’acte III du livret de l’opéra de [W] et la scène 17 du cinquième tableau de l’oeuvre de [S] qui lui correspondent, que celle-là ne modifie en effet, ni les dialogues, absents dans ces parties des oeuvres préexistantes, ni la musique – allant même jusqu’à reprendre, avec les chants religieux, le son du couperet de la guillotine qui scande, dans l’opéra [W], chaque disparition -, mais elle change radicalement l’action précisément décrite par les deux auteurs ; qu’alors que dans les oeuvres de [S] et [W], les religieuses montent une à une à l’échafaud et Blanche de la Force n’intervient que lorsqu’il ne reste plus que Constance, pour la suivre sur l’échafaud, ici, les soeurs se trouvent enfermées dans la baraque qui constituait précédemment leur lieu de retraite, où la présence de bonbonnes de gaz était perceptible dans les scènes précédentes ; qu’elles y sont délivrées une à une par Blanche de la Force, qui les sauve de l’asphyxie ; que celle-ci retourne ensuite pour une raison inexpliquée dans leur lieu d’enfermement et y trouve la mort à la suite d’une explosion de gaz ; que le ‘Salve Regina’ et le ‘Veni Creator’ n’y sont plus chantés par les soeurs mais sont entendus sous la forme d’enregistrement, seule Constance faisant entendre sa voix, avant que ne s’élève, après sa mort, celle de Blanche ;

Que ce changement d’action rend ainsi énigmatique, voire incompréhensible, ou encore imperceptible pour le néophyte, le maintien du son du couperet de la guillotine, qui apparaît cette fois-ci paradoxalement scander chaque sauvetage ;

Que selon M. [I] lui-même, dans sa présentation de l’opéra qu’il a mis en scène telle que figurant dans le fascicule joint au DVD litigieux, Blanche ‘tente avec courage d’empêcher la catastrophe imminente. Et au prix de sa vie, elle sauve les soeurs du Carmel.’ ;

Qu’il peut donc être admis, sans entrer dans des interprétations hasardeuses et à la lumière des différents documents littéraires produits, que la fin de l’histoire telle que mise en scène et décrite par M. [I] respecte les thèmes de l’espérance, du martyr, de la grâce et du transfert de la grâce et de la communion des saints, chers aux auteurs de l’oeuvre première ;

Qu’il n’en reste pas moins qu’elle modifie profondément la fin de l’histoire telle que voulue par eux, qui, indépendamment même du contexte historique, marque l’aboutissement des dialogues qui la précèdent, leur confère un sens – Blanche rejoignant ses soeurs pour accomplir courageusement, avec elles, dans la même confiance, le même calme et la même espérance, le voeu de martyr prononcé, malgré elle, à l’unanimité et, ce faisant, ‘échangeant’ sa destinée et sa mort avec celles de la première Prieure, pré-décédée dans une agonie angoissée – et constitue l’apothéose du récit, magnifiée dans l’opéra de [W], où le texte et la musique entrent en accord parfait ;

Qu’ainsi, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la cour estime que, nonobstant sa brièveté et hors de toute appréciation de son mérite, la mise en scène de la scène finale de M. [I], produite par le Land de Bavière et commercialisée en DVD coproduit par le Land de Bavière et les sociétés Bel air médias et Mezzo, loin de se borner à une interprétation des oeuvres de [S] et [W], les modifie dans une étape essentielle qui leur donne toute leur signification et, partant, en dénature l’esprit ; que le jugement doit donc être infirmé ;

– sur les mesures de réparation :

Considérant qu’en conséquence, il y a lieu d’accéder à la demande des appelants portant sur l’interdiction du DVD litigieux, selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt, étant observé que ceux-ci ne formulent plus en cause d’appel leur demande en condamnation au franc symbolique à titre de dommages et intérêts ;

Qu’en revanche, leur demande tendant à l’interdiction de la représentation de l’opéra se heurte à l’autorité de la chose jugée de l’ordonnance du juge de la mise en état du 22 novembre 2012 et doit être déclarée irrecevable ;

– sur les frais irrépétibles et les dépens :

Considérant que le sens de la présente décision commande d’infirmer le jugement du chef de ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens ;

Qu’il convient de statuer tant au titre des frais irrépétibles et des dépens de première instance que de ceux relatifs à l’instance d’appel, dans les termes précisés au dispositif du présent arrêt ;

– sur l’appel en garantie du Land de Bavière par la société Bel air média

Considérant que la Société Bel air média demande à la cour, sur le fondement de l’ article 9 du contrat de production du 25 mars 2010, de dire que le Land de Bavière intervenant au lieu et place de l’opéra de Munich est tenu de le garantir contre le recours des appelants et de prendre à sa charge tous les frais et condamnations prononcées à son encontre relatifs à l’instance, en ce compris les frais irrépétibles ;

Que pour s’y opposer, le Land de Bavière prétend que l’article 3.1 du contrat auquel fait référence l’article 9 ne met pas à sa charge l’obligation d’obtenir les autorisations des ayants-droit de [S] et [W], pesant sur M. [I] seul, ce que conteste la société Bel air média ;

Considérant que l’article 9 du contrat de production stipule que ‘L’Opéra garantit intégralement le Producteur et le dégage de toute responsabilité à l’égard de l’ensemble des réclamations, demandes, dommages, amendes, impôts et taxes, droits, pertes directes ou indirectes, frais et honoraires (honoraires d’avocat compris), quels qu’ils soient, découlant d’une manière ou d’une autre de toute omission

ou d’un manquement aux obligations de l’Opéra au titre de l’article 3.1″ ;

Que si l’article 3.1 de ce contrat ne met pas expressément à la charge de l’opéra de Munich l’obligation d’obtenir les autorisations des ayants-droit de [S] et [W], il reste dans ses obligations générales d’assurer une représentation publique de leur oeuvre garantissant le respect de leur droit moral d’auteur, de sorte que cette omission est couverte par son obligation de garantie envers la société Bel Air, dont il convient d’accueillir la demande ;

– sur l’appel en garantie de la société Bel air média par la société Mezzo :

Considérant que la société Mezzo demande à la cour de dire, sur le fondement du contrat conclu le 29 décembre 2010 avec la société Bel air média, de condamner celle-ci à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, en ce compris les frais irrépétibles ;

Que la société Bel air média, qui ne conteste pas l’existence de son obligation de garantie, lui oppose l’exception d’inexécution de sa propre obligation de paiement de la dernière échéance prévue par le contrat de coproduction du 29 décembre 2010, correspondant à une facture d’un montant de 10 000 € du 15 juin 2011 ;

Considérant que cependant, la société Mezzo objecte justement que la société Bel air média ne justifie, ni de l’émission de cette facture, dont le montant représente moins de 20 % de la somme totale due, avant l’engagement de la présente instance le 6 mars 2012, alors que ses services comptables indiquent l’avoir reçue pour la première fois le 8 novembre 2013, ni d’une mise en demeure conforme aux stipulations contractuelles prévoyant la possibilité d’une résiliation du contrat si celle-ci restait sans effet ; que, par voie de conséquence, la société Mezzo ayant quant à elle par deux fois, par lettres du 3 avril 2012 et 10 juin 2013, mis en demeure la société Bel air média de garantir l’exploitation paisible de ses droits d’exploitation sur le programme audiovisuel litigieux, il y a lieu d’accueillir sa demande ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré M. [M] [L] irrecevable à agir, déclaré Mme [B] [Y] épouse [L] recevable à intervenir, déclaré M.[K] [S] irrecevable à agir en qualité de mandataire de la succession de [E] [S] et déclaré M. [K] [S] recevable à intervenir à titre personnel,

L’infirme en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare Mme [H] [A] irrecevable à agir,

Dit que la mise en scène de M.[V] [I] réalise en sa scène finale une dénaturation des oeuvres de [E] [S] et de [J] [W] intitulées ‘Dialogues des carmélites’ et porte ainsi atteinte aux droits moraux d’auteurs qui y sont attachés,

Ordonne à la société Bel air média et au Land de Bavière, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter du mois suivant la signification du présent arrêt, de prendre toute mesure pour que cesse immédiatement et en tous pays la publication dans le commerce ou plus généralement l’édition, y compris sur les réseaux de communication au public en ligne, du vidéogramme litigieux,

Fait interdiction à la société Mezzo, sous astreinte de 50 000 € par infraction constatée à compter du mois suivant la signification du présent arrêt, de diffuser ou autoriser la télédiffusion du vidéogramme litigieux au sein de programmes de télévision et en tous pays,

Déclare irrecevable la demande des appelants tendant à l’interdiction de la représentation de l’opéra ‘Dialogues des carmélites’ dans sa mise en scène litigieuse,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes du Land de Bavière, de la société Bel air média et de la société Mezzo et les condamne in solidum, avec M. [I], à payer à chacun des appelants M. [K] [S], Mme [B] [Y] épouse [L] et M. [Z] [Y] la somme de 3 000 € ;

Condamne in solidum le Land de Bavière, la société Bel air média, la société Mezzo

et M. [I] aux dépens,

Condamne la société Bel air média à garantir la société Mezzo de toutes les condamnations prononcées à son encontre par le présent arrêt,

Condamne le Land de Bavière à garantir la société Bel air média de toutes les condamnations prononcées à son encontre par le présent arrêt.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER

 


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