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13 juin 2017
Cour d’appel de Paris
RG n°
16/00550
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 13 JUIN 2017
(n°148/2017, 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 16/00550
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 12/15348
APPELANTS
Monsieur [W] [B] es qualités d’ayant droit de Monsieur [A] [N] décédé
né le [Date naissance 1] 1948
De nationalité espagnole
[Adresse 1]
[Localité 1]
(ESPAGNE)
Représenté par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079
Assisté de Me Barbara LEVAYER du cabinet ANDRE DESCOSSE, avocat au barreau de MARSEILLE
SARL FILMS SANS FRONTIÈRES
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro B 324 007 509
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079
Assistée de Me Barbara LEVAYER du cabinet ANDRE DESCOSSE, avocat au barreau de MARSEILLE
SARL FILMS SANS FRONTIÈRES 2
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 420 425 910
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079
Assistée de Me Barbara LEVAYER du cabinet ANDRE DESCOSSE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉES
Société VIDEO MERCURY
[Adresse 3],
[Localité 1] ([Localité 3]/ Es
Représentée par Me Sébastien HAAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2251
Assistée de Me Anaïs SAUVAGNAC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0189
SARL SIDONIS PRODUCTION NC
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Sébastien HAAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2251
Assistée de Me Anaïs SAUVAGNAC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0189
PARTIE INTERVENANTE :
Monsieur [B] [M]
Demeurant [Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079
Assisté de Me Barbara LEVAYER du cabinet ANDRE DESCOSSE, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 03 Mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Benjamin RAJBAUT, Président
Monsieur David PEYRON, Président de chambre
Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par M. Benjamin RAJBAUT, président et par Mme Karine ABELKALON, greffier.
***
E X P O S É D U L I T I G E
La société de droit espagnol Vidéo Mercury Film a pour activité la production et la distribution de films appartenant au patrimoine culturel et la SARL Sidonis Production NC a également pour activité la distribution de films de même nature ;
Ces sociétés exposent être seules titulaires des droits d’exploitation des films intitulés VIRIDIANA, EL ANGEL EXTERMINADOR et SIMON DEL DESIERTO réalisés par [F] [Q] ;
Les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 sont spécialisées dans la distribution de films d’art et d’essai ;
Ayant constaté que les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 exploitaient le film VIRIDIANA sans droits selon elles, les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC ont fait assigner le 07 novembre 2012 la SARL Films Sans Frontières et M. [B] [M], son gérant, devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon ;
Ces deux sociétés ont également fait assigner le 25 juillet 2014 la SARL Films Sans Frontières 2 en sa qualité d’éditeur du DVD du film VIRIDIANA, aux fins d’intervention forcée à l’instance, ces deux procédures ayant été jointes par ordonnance du juge de la mise en état en date du 13 novembre 2014 ;
M. [A] [N] est intervenu volontairement à l’instance en sa qualité d’ayant droit de feu [I] [K] [N], co-auteur du film VIRIDIANA en sa qualité de co-scénariste ;
Par jugement contradictoire du 06 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :
déclaré irrecevable l’exception d’incompétence formée devant le tribunal de grande instance de Paris,
déclaré recevable l’intervention volontaire de M. [A] [N],
rejeté la demande tendant à écarter des débats la pièce n° 14 du dossier des demanderesses,
constaté la prescription de l’action pour les agissements antérieurs au 07 novembre 2002,
rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription pour les actes postérieurs à cette date,
dit qu’en exploitant par voie vidéographique et télévisuelle le film VIRIDIANA entre 2003 et 2012 en méconnaissance des droits des sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC, les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 ont commis des actes de contrefaçon au préjudice des droits des premières,
condamné in solidum les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 à payer à la société Vidéo Mercury Film la somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi avec intérêts au taux légal à compter de la signification de sa décision,
condamné in solidum les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 à payer à la SARL Sidonis Production NC la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi avec intérêts au taux légal à compter de la signification de sa décision,
ordonné la publication dans quatre journaux ou revues au choix des sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC et aux frais des sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2, dans la limite de 5.000 € HT par insertion, de l’extrait suivant :
‘Par jugement en date du 06 novembre 2015 rendu par le tribunal de grande instance de Paris, la société FILMS SANS FRONTIERES et la société FILMS SANS FRONTIERES 2 ont été condamnées au paiement de dommages intérêts au profit des sociétés VIDEO MERCURY FILMS et SIDONIS PRODUCTION NC en réparation d’actes de contrefaçon du film ‘VIRIDIANA’ de [F] [Q].’,
ordonné la destruction des supports matériels contrefaits du film VIRIDIANA qui sont en stock auprès des sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 et aux frais de ces dernières dans le délai d’un mois à compter de la signification de sa décision et passé ce délai sous astreinte de 200 € par jour de retard pendant un délai de quatre mois, se réservant la liquidation de l’astreinte,
débouté les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC pour le surplus des demandes,
débouté les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 et M. [A] [N] du surplus de leurs demandes,
condamné in solidum les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 et M. [A] [N] à payer aux sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC la somme globale de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
ordonné l’exécution provisoire de sa décision sauf en ce qui concerne la mesure de publication ;
M. [W] [B], ès-qualités d’ayant droit de feu [A] [N], décédé, la SARL Films Sans Frontières et la SARL Films Sans Frontières 2 ont interjeté appel de ce jugement le 18 décembre 2015, intimant les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC, la procédure a été enregistrée sous la référence RG 16-550 ;
Les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC ont fait assigner le 03 juin 2016 M. [B] [M] aux fins d’appel provoqué par notification à sa personne, cette procédure enregistrée sous la référence RG 16-13975, a été jointe à la procédure 16-550 par ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 septembre 2016 ;
Par ordonnance en date du 01 juillet 2016, le Premier président de la cour de céans a débouté les appelants de leur demande de sursis à l’exécution provisoire du jugement frappé d’appel ;
Par leurs dernières conclusions d’appelants en réponse et récapitulatives n° 5, transmises par RPVA le 25 avril 2017, au-delà de demandes de ‘dire et juger’ qui ne saisissent pas la cour de prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2, M. [W] [B] (ès-qualités d’ayant droit de feu [A] [N]) et M. [B] [M] demandent :
In limine litis :
de constater la qualité d’héritier et d’ayant droit de M. [K] [N], établie par M. [A] [N],
de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire de M. [A] [N],
de dire que M. [A] [N] avait le droit de céder les droits de son frère et de confier l’exploitation de ses oeuvres à la SARL Films Sans Frontières,
de prendre acte de l’intervention de M. [W] [B], ayant droit de M. [A] [N] et de le déclarer recevable à agir,
subsidiairement de donner acte à la SARL Films Sans Frontières de ce qu’elle accepte qu’une expertise soit ordonnée avec mission de déterminer qui vient aux droits de M. [I] [K] [N],
de déclarer irrecevable la pièce adverse n° 14 en l’absence de traduction officielle et d’infirmer le jugement entrepris,
de se déclarer incompétente territorialement pour connaître de ce litige et de renvoyer les parties à se pourvoir devant les juridictions espagnoles ou italiennes,
Sur le fond :
de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu l’application de la prescription pour les agissements antérieurs au 07 novembre 2002,
de dire que les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC n’ont pas qualité à agir en tant que titulaires de droits de production et ne peuvent pas au surplus se prévaloir d’un droit d’exploitation exclusif issu de la chaîne de droits des auteurs,
de dire que les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 sont détentrices à titre exclusif des droits de reproduction et de représentation du film VIRIDIANA pour une durée de sept ans à compter du 02 février 2005, reconductible tacitement pour le monde entier pour la même durée et qu’elles n’ont commis aucun acte de contrefaçon,
de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté toutes les demandes à l’encontre de M. [B] [M],
de débouter les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC de toutes leurs demandes formulées à l’encontre de M. [B] [M],
À titre subsidiaire, sur les dommages et intérêts :
de dire que les demandes formulées par les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC sont totalement disproportionnées et de les ramener à de plus justes proportions,
de débouter les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC de leurs demandes, fins et conclusions sur les dommages et intérêts,
Sur la demande de dommages et intérêts :
de condamner solidairement les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC à payer à M. [W] [B], ès-qualités de légataire de M. [A] [N], la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte portée à la réputation de ce dernier,
Sur les frais irrépétibles :
de condamner solidairement les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC au versement de la somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel ;
Par leur dernières conclusions d’intimées n° 4 (appel incident et appel provoqué), transmises par RPVA le 02 mai 2017, les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC demandent :
À titre principal :
de confirmer partiellement le jugement entrepris,
de juger que M. [W] [B] n’apporte aucun élément probant de sa qualité à agir en qualité d’ayant droit de feu [I] [K] [N] et de juger irrecevable son intervention,
de juger que l’ensemble de leurs demandes ne sont pas prescrites,
de juger que M. [B] [M] engage sa responsabilité personnelle avec les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2,
de condamner in solidum la SARL Films Sans Frontières et M. [B] [M] à verser à la société Vidéo Mercury Films la somme de 70.717 € au titre du préjudice résultant de l’exploitation contrefaisante du film VIRIDIANA par télédiffusion,
de condamner in solidum les sociétés Films Sans Frontières, Films Sans Frontières 2 et M. [B] [M] à verser à la société Vidéo Mercury Films la somme de 419.017 € au titre du préjudice résultant de l’exploitation contrefaisante du films VIRIDIANA en France par vidéogrammes,
de condamner in solidum la SARL Films Sans Frontières et M. [B] [M] à verser à la société Vidéo Mercury Films la somme de 200.000 € au titre du préjudice résultant de l’exploitation contrefaisante du film VIRIDIANA en Italie par vidéogrammes,
de condamner in solidum les sociétés Films Sans Frontières, Films Sans Frontières 2 et M. [B] [M] à verser à la société Vidéo Mercury Films la somme de 100.000 € au titre du préjudice résultant de l’atteinte à sa réputation professionnelle,
de condamner in solidum les sociétés Films Sans Frontières, Films Sans Frontières 2 et M. [B] [M] à verser à la SARL Sidonis Productions NC la somme de 8.000 € au titre du préjudice résultant de l’atteinte à sa réputation professionnelle,
de condamner in solidum les sociétés Films Sans Frontières, Films Sans Frontières 2 et M. [B] [M] à verser à la SARL Sidonis Productions NC la somme de 155.000 € au titre du préjudice résultant du manque à gagner, augmenté des intérêts capitalisés conformément aux dispositions de l’article ‘1154″ (sic, lire 1343-2) du code civil,
À titre subsidiaire :
de dire qu’en exploitant sans autorisation les films intitulés VIRIDIANA, EL ANGEL EXTERMINADOR et SIMON DEL DESIERTO, les sociétés Films Sans Frontières, Films Sans Frontières 2 et M. [B] [M] engagent leur responsabilité sur le fondement de l’article ‘1382″ (sic, lire 1240) du code civil au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,
de condamner in solidum les sociétés Films Sans Frontières, Films Sans Frontières 2 et M. [B] [M] à verser à la société Vidéo Mercury Films la somme de 789.734 € et à la SARL Sidonis Productions NC la somme de 163.000 € en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale,
En tout état de cause :
d’ordonner la destruction, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, aux frais des sociétés Films Sans Frontières, Films Sans Frontières 2 et de M. [B] [M] et sous leur contrôle de tous les supports matériels du film VIRIDIANA livrés aux tiers ou en stocks chez Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 sous astreinte de 1.500 € par jour de retard,
d’ordonner la publication judiciaire aux frais de la SARL Films Sans Frontières et de M. [B] [M] dans quatre magazines à leur choix, sans que le coût de chacune de ces publications ne puisse excéder 10.000 €, du texte suivant : ‘Par jugement en date du 6 novembre 2015 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris confirmé par un arrêt du —– de la Cour d’Appel de PARIS, les sociétés FILMS SANS FRONTIERES et FILMS SANS FRONTIERES 2 ainsi que leur gérant Monsieur [B] [M] ont été condamnés au paiement de dommages et intérêts au profit des sociétés VIDEO MERCURY FILMS et SIDONIS PRODUCTION en réparation d’actes de contrefaçon du film VIRIDIANA de [F] [Q]’,
d’ordonner l’inscription de l’arrêt à intervenir aux registres de la cinématographie et de l’audiovisuel aux frais des sociétés Films Sans Frontières, Films Sans Frontières 2 et de M. [B] [M] dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 200 € par jour de retard,
de débouter les sociétés Films Sans Frontières, Films Sans Frontières 2, M. [B] [M] et ‘M. [A] [N]’ (sic) de toutes leurs demandes, fins et prétentions,
de condamner in solidum les sociétés Films Sans Frontières, Films Sans Frontières 2, M. [B] [M] et M. [W] [B] à payer à chacune des sociétés Vidéo Mercury Films et Sidonis Productions NC la somme complémentaire de 8.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ainsi qu’aux entiers dépens ;
L’ordonnance de clôture a été rendue le 03 mai 2017 ;
M O T I F S D E L ‘ A R R Ê T
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;
I : SUR L’EXCEPTION D’INCOMPÉTENCE TERRITORIALE :
Considérant que les premiers juges ont déclaré irrecevable l’exception d’incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris soulevée par les appelants au motif qu’elle devait être présentée devant le juge de la mise en état, seul compétent pour en connaître ;
Considérant que les appelants soutiennent que le juge de la mise en état a eu connaissance des conclusions au fond des parties et que même en l’absence d’une saisine spécifique, il aurait pu se saisir d’office de cette exception d’incompétence territoriale qui avait été soulevée dans les conclusions au fond ;
Qu’ils reprennent donc devant la cour leur exception d’incompétence au profit des juridictions espagnoles ou italiennes, aucun des faits reprochés n’ayant eu lieu en France ;
Considérant que les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC répliquent que le juge de la mise en état n’a été saisi d’aucun incident d’incompétence territoriale et concluent à la confirmation du jugement entrepris de ce chef ;
Considérant que l’article 771 du code de procédure civile dispose que jusqu’à son dessaisissement, le juge de la mise en état est seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les parties n’étant plus recevables à soulever ces exceptions ultérieurement ;
Considérant qu’il ressort des pièces de la procédure de première instance que les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 et MM [B] [M] et [A] [N] n’ont pas saisi le juge de la mise en état de conclusions d’incident soulevant une exception d’incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris et qu’il importe peu que cette exception ait été incluse dans des conclusions en défense générale, comportant en outre une fin de non recevoir et une défense au fond, destinées au tribunal et non pas au juge de la mise en état ;
Qu’il sera ajouté que le juge de la mise en état n’avait pas l’obligation de soulever d’office une telle exception ;
Considérant en conséquence que c’est à bon droit que les premiers juges ont déclaré irrecevable l’exception d’incompétence formée devant le tribunal et non pas devant le juge de la mise en état, que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;
II : SUR L’INTERVENTION VOLONTAIRE EN PREMIÈRE INSTANCE DE [A] [N] ET EN APPEL DE M. [W] [B] :
Considérant qu’en première instance [A] [N] est intervenu volontairement à l’instance ès-qualités d’ayant droit de son frère [I] [K] [N], co-auteur du film VIRIDIANA, décédé le [Date décès 1] 1995 ;
Que suite au décès en cours de procédure de [A] [N], M. [W] [B] est intervenu volontairement à l’instance ès-qualités de légataire universel de celui-ci ;
Considérant que les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC concluent à l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de M. [W] [B] faute pour celui-ci de produire un acte de notoriété ou un testament établissant que celui-ci est bien l’ayant droit de feu [A] [N] ;
Qu’ils ajoutent qu’il n’est pas davantage établi que [A] [N] ait été l’ayant droit de feu [I] [K] [N] ;
Considérant que les appelants déclarent produire en cause d’appel les documents établissant que feu [I] [K] [N] a bien conféré à son frère [A] [N] la qualité d’unique héritier et que ce dernier a bien institué M. [W] [B] comme son légataire universel ;
Considérant qu’il est effectivement versé aux débats devant la cour le testament, traduit en français (pièce 28 des intimés) de feu [I] [K] [N], ouvert devant notaire le 26janvier 1995, par lequel celui-ci ‘désigne pour légataire universel de tous ses biens son frère, Monsieur [A] [N]’ ;
Qu’ainsi il est justifié de la qualité à agir de [A] [N] ès-qualités d’ayant droit de son frère décédé, [I] [K] [N], de telle sorte que son intervention volontaire en première instance en cette qualité est recevable, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef ;
Considérant qu’il est également versé aux débats devant la cour le testament (pièce 30 des intimés) rédigé par feu [A] [N] le 11 septembre 2006, par lequel celui-ci institue M. [W] [B] comme légataire universel de tous ses biens, confirmant l’attestation du secrétaire général de la société générale espagnole des auteurs et éditeurs (SGAE) en date du 08 juin 2016 (pièce 24 des intimés) selon laquelle ‘M. [W] [B] a été dûment accrédité en tant que membre héritier, sous le n° 132 869, et détient 100% des droits d’auteur de M. [I] [K] [N]’ ;
Considérant en conséquence que l’intervention volontaire en cause d’appel de M. [W] [B] ès-qualités d’ayant droit de feu [A] [N] est recevable ;
III : SUR LA DEMANDE TENDANT À ECARTER DES DÉBATS LA PIÈCE 14 DES INTIMÉES :
Considérant que les appelants reprennent devant la cour leur demande tendant à faire déclarer irrecevable la pièce adverse n° 14 produite par les intimées au motif que celle-ci ne comporte qu’une traduction non officielle en langue française ;
Considérant que les intimées concluent à la confirmation du jugement entrepris qui a rejeté cette demande en faisant valoir que cette pièce a fait l’objet d’une traduction libre dans son intégralité ;
Considérant que la pièce 14 des intimées est une lettre rédigée en langue anglaise dont une traduction libre en français est produite, aucune disposition législative ou réglementaire n’imposant une traduction officielle dès lors que la qualité de la traduction libre n’est pas critiquée ;
Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à écarter des débats cette pièce ;
IV : SUR LA PRESCRIPTION :
Considérant que les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 et MM [B] [M] et [W] [B] concluent à la confirmation du jugement entrepris qui a constaté la prescription de l’action pour les agissements antérieurs au 07 novembre 2002, l’action en justice ayant été introduite le 07 novembre 2012 ;
Considérant que les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC répliquent que la société Vidéo Mercury Film, de droit espagnol et exerçant son activité en Espagne, sans mandataire de distribution français, ne pouvait avoir eu immédiatement connaissance des exploitations contrefaisantes par diffusion sur des chaînes françaises et que ce n’est qu’en 2003 qu’elle en a eu connaissance, de telle sorte que l’action n’aurait été prescrite que le 19 juin 2013 ;
Considérant que c’est par de justes motifs que la cour adopte, que les premiers juges ont relevé que les agissements contrefaisants imputés aux sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 auraient été commis entre 1996 et 2008 et que la société Vidéo Mercury Film avait connaissance depuis 2001 des agissements de la SARL Films Sans Frontières ainsi que cela ressort de la télécopie adressée le 19 juin 2001 par la société Vidéo Mercury Film à la SARL Films Sans Frontières (pièce 11 des intimées) la mettant en demeure de cesser l’exploitation du film litigieux en Espagne et en Allemagne sous forme de DVD et de la réponse le lendemain de la SARL Films Sans Frontières (pièce 12) reconnaissant que ce film était également sorti en DVD en France ;
Que dès lors c’est à bon droit que les premiers juges ont dit que l’action en justice ayant été introduite le 07 novembre 2012, seuls les agissements postérieurs au 07 novembre 2002 ne sont pas couverts par la prescription en application des dispositions de l’article 26 de la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription en matière civile et de l’ancien article 2270-1 du code civil ;
Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a constaté la prescription de l’action pour les agissements antérieurs au 07 novembre 2002 et rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription pour les actes postérieurs à cette date ;
V : SUR LA QUALITÉ À AGIR EN CONTREFAÇON DES SOCIÉTÉS VIDÉO MERCURY FILM ET SIDONIS PRODUCTION NC :
Considérant que les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 et MM [B] [M] et [W] [B] soutiennent que ni M. [L] [V], ni sa société n’ont jamais eu de droits sur le film VIRIDIANA et que si la cour devait reconnaître des droits producteurs à la société Vidéo Mercury Film, ceux-ci ont expiré en 2011, le film ayant été produit en 1961 ;
Qu’ils ajoutent que les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC ne peuvent pas se prévaloir d’une chaîne de droits producteur exclusifs dans la mesure où il y a eu une coproduction du film entre les sociétés FILMS 59, UNINCI et M. [L] [V] et font valoir qu’aucun de ces coproducteurs n’ont été parties à la procédure ;
Qu’ils exposent qu’il existe deux versions de l’oeuvre, une mexicaine et l’autre espagnole, avec deux visas et que les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC ne peuvent pas revendiquer la propriété des deux oeuvres ;
Qu’ils font également valoir l’absence d’une chaîne de droits d’auteur régulière et exclusive au bénéfice des sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC dans la mesure où une oeuvre audiovisuelle est une oeuvre de collaboration et que les droits d’auteur de [I] [K] [N], co-scénariste de l’oeuvre, ont été cédés à la SARL Films Sans Frontières qui est la seule à pouvoir agir au nom de celui-ci ;
Qu’ils soutiennent que le tribunal ne pouvait donc pas valablement décider que l’unique titulaire des droits d’auteur était M. [L] [V] et que la société Vidéo Mercury Film justifiait d’une chaîne de droits régulière et exclusive ;
Qu’ils soutiennent que seul [F] [Q] a cédé le 15 août 1960 ses droits de co-auteur à M. [L] [V] et que celui-ci n’a donc pas pu céder plus de droits à la société UNINCI le 28 août 1961 puisque [I] [K] [N], co-auteur du film, n’a lui jamais ses droits à M. [L] [V], de telle sorte que les contrats de cession ultérieurs entre les société Producciones [L] [V] et Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC ne pouvaient également pas conférer aux cessionnaires plus de droits que n’en possédaient les cédants ;
Considérant que les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC répliquent que le 15 août 1960 [F] [Q] a cédé ses droits d’auteur en qualité de scénariste et de réalisateur à M. [L] [V] et que le 16 janvier 1961 la société UNINCI a cédé à M. [L] [V] les droits d’exploitation du film VIRIDIANA dans le monde entier sauf en Espagne ;
Que la société Vidéo Mercury Film expose que cette cession de droits a été faite définitivement et n’était pas limitée à la durée maximale des droits voisins du producteur et qu’elle est bien titulaire des droits d’auteur de [F] [Q] suite à la cession accordée le 15 mars 1991 par M. [L] [V] sur les films VIRIDIANA, EL ANGEL EXTERMINADOR et SIMON DEL DESIERTO ;
Que la SARL Sidonis Production NC expose quant à elle qu’elle est titulaire des droits afférents au film VIRIDIANA jusqu’au 01 novembre 2012 suite au mandat de distribution de ce film accordé le 01 janvier 2014 par la société Vidéo Mercury Film à la société Grupo PI et au contrat de cession de droits consenti le 13 juin 2005 par cette dernière société à la SARL Sidonis Production NC ;
Que la société Vidéo Mercury Film expose qu’elle agit tant en sa qualité de titulaire des droits de producteurs que de titulaire des droits d’auteur de [F] [Q] sans qu’il faille confondre la durée des droits voisins du producteur et celle des droits d’auteur, ceux de [F] [Q] courant jusqu’en 2053, de telle sorte qu’elle peut agir en cette double qualité et qu’aucun document ne mentionne une quelconque coproduction avec la société Films 59 ;
Considérant ceci exposé, que par lettre du 15 août 1960 régulièrement traduite en français (pièce 8 des sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC), [F] [Q] a confirmé avoir ‘vendu définitivement, en exclusivité’ à M. [L] [V] ses droits d’auteur sur le film VIRIDIANA qu’il reconnaît comme le seul propriétaire de ses droits d’auteur ;
Que par ailleurs le 07 août 1961 (pièce 8) la société UNINCI, producteur du film VIRIDIANA, a cédé à M. [L] [V] les droits ‘d’exploiter ce film dans le monde entier à l’exception du territoire espagnol’ ;
Qu’il apparaît ainsi que M. [L] [V] est l’unique titulaire des droits d’auteur de [F] [Q] sur l’oeuvre VIRIDIANA et ce sans limitation de durée, étant précisé que ces droits d’auteur ne doivent expirer qu’en 2053 conformément aux dispositions de l’article L 123-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Considérant dès lors que M. [L] [V], tant en son nom qu’au nom de la société de droit mexicain Producciones [L] [V], a pu par acte notarié du 15 mars 1991 (pièce 9), céder à la société Vidéo Mercury Film les droits d’exploitation du film VIRIDIANA, ainsi que des films EL ANGEL EXTERMINADOR et SIMON DEL DESIERTO ;
Considérant que le 01 janvier 2004 (pièce 21), la société Vidéo Mercury Film a ainsi pu accorder à la société de droit espagnol GRUPO PI une licence d’exploitation de ces films, dont VIRIDIANA, avec la possibilité d’accorder des sous-licences à des tiers et qu’à ce titre cette société GRUPO PI a pu, le 13 juin 2005 (pièce 10), concéder à la SARL Sidonis Production NC une sous-licence d’exploitation de ces films pour le territoire Français et les territoires francophones de Suisse, de Belgique, d’Andorre, de Monaco, des départements et territoires d’outre-mer, de l’île Maurice et d’Afrique pour une durée de sept ans à compter du 01 novembre 2005 en ce qui concerne le film VIRIDIANA ;
Considérant par ailleurs que le rôle de co-producteur de la société FILMS 59 n’est pas démontré, ainsi qu’il en ressort en particulier de la thèse consacrée au film VIRIDIANA par Mme [Z] [Y] (pièce 3 des sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 et MM [B] [M] et [W] [B]) précisant si cette société a été accréditée au générique du film et dans le press-book du festival de [Localité 4], c’était surtout en raison de l’amitié avec [V] [H], membre du conseil d’administration de la société UNINCI qui apparaît bien comme l’unique producteur de ce film avec M. [L] [V], cette société FILMS 59 n’étant pas mentionnée ‘dans les centaines de documents qui figurent dans les archives de l’Administration sur l’affaire Viridiana’ (pages 134 à 136 de la pièce 3) ;
Considérant qu’il est ainsi justifié d’une chaîne des droits régulière dont il ressort que la société Vidéo Mercury Film, pour la période antérieure à 2005, et la SARL Sidonis Production NC pour la période comprise entre le 01 novembre 2005 et le 31 octobre 2012, justifient de leur qualité à agir en contrefaçon pour les agissements commis au cours de ces périodes ;
VI : SUR LES ACTES DE CONTREFAÇON :
Considérant que les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 affirment détenir leurs droits du contrat conclu le 05 mai 1996 avec la société New Deal Films, mandatée par la société Iberoamericana, faisant suite à un accord du 24 mai 1995 pour une durée de sept ans en ce qui concerne les droits télévisuels et pour une durée de douze ans en ce qui concerne les droits vidéo et que si la société New Deal Films n’était pas habilitée à conclure des cessions de droits relatives à l’exploitation du film VIRIDIANA, il ne saurait en être fait grief quinze ans plus tard à la SARL Films Sans Frontières ;
Qu’elles ajoutent que la titularité des droits d’auteur de [I] [K] [N] a également été cédée le 07 février 2005 à la SARL Films Sans Frontières qui est la seule à pouvoir agir au nom de celui-ci ;
Que M. [B] [M], dirigeant et gérant des sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 conclut à la confirmation du jugement entrepris qui a rejeté les demandes formulées à son encontre au motif qu’aucune faute personnelle détachable de ses fonctions n’est démontrée ;
Considérant que les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC répliquent que la SARL Films Sans Frontières ne peut justifier de l’existence d’une chaîne de droits dans la mesure où la société New Deal, mandatée par la société Iberoamericana, ne pouvait lui céder le 05 mai 1996 des droits sur le film puisque le contrat du 29 décembre 1988 par lequel la société Producciones [L] [V] avait concédé à la société Iberoamericana les droits d’exploitation du film VIRIDIANA a été résilié le 12 mars 1991 ;
Que la société Vidéo Mercury Film ajoute que ni elle, ni son mandataire la société August Entertainment, n’ont jamais signé une cession de droits à la SARL Films Sans Frontières et que l’acte du 24 mai 1996 inscrit au RCA par la SARL Films Sans Frontières est un faux et que M. [B] [M] est le responsable direct des actes effectués en son nom en sa fausse qualité de producteur et doit répondre solidairement en son nom à titre personnel ;
Considérant ceci exposé, que si les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 peuvent justifier de ce que [A] [N], ès-qualités d’ayant-droit de feu [I] [K] [N], leur a, par acte du 07 février 2005 (pièce 14 de leur dossier), cédé les droits d’auteur de ce dernier sur le film VIRIDIANA dont il avait été le scénariste, la cour relève en premier lieu que cette cession n’a d’effet qu’à compter du 07 février 2005 alors que les actes de contrefaçon allégués, non atteints par la prescription, ont été commis dès 2003 ;
Qu’en outre il appartient également aux sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 de justifier détenir également les droits d’exploitation de [F] [Q] et de ses ayants-droit, en l’espèce M. [L] [V] et/ou la société Vidéo Mercury Film ;
Considérant qu’il ressort des pièces versées aux débats que la SARL Films Sans Frontières ne peut justifier d’une chaîne des droits régulière sur le film VIRIDIANA en arguant de l’acte conclu le 05 mai 1996 avec la société New Deal ;
Qu’en effet si M. [L] [V] a cédé le 29 décembre 1988 les droits d’exploitation du film VIRIDIANA à la société Iberoamericana Films Internacional SA, ce contrat a été résilié d’un commun accord des parties par acte en date du 12 mars 1991 (pièce 9 des sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC) avec effet immédiat ainsi que le stipule la clause 4 de l’acte :
‘Les contrats souscrits avec M. [L] [V] sur les films cités sont réputés entièrement éteints par IBEROAMERICANA FILMS INTERNACIONAL, S.A. ; aucune des parties n’est en droit de réclamer quoi que ce soit à un quelconque titre, et tous les documents qui auraient été souscrits par suite de la vente des films cités sont déclarés nuls et sans effet. Par conséquent, IBEROAMERICANA FILMS INTERNACIONAL, S.A. ne peut utiliser aucune autorisation ni pouvoir en sa possession pour négocier lesdits films
1: Souligné par la cour.
, étant donné qu’ils sont également réputés nuls et sans effet à compter de la date des présentes.’
Qu’au surplus il n’est pas démontré que la société Iberoamericana aurait entre 1988 et 1991 cédé les droits d’exploitation pour le film VIRIDIANA sur le territoire français ; qu’en effet la clause 3 de l’acte du 12 mars 1991 stipule que cette société ‘garantit que les seules cessions de droits réalisées par elle sont celles détaillées dans l’Annexe n°1″, et qu’à la lecture de cette annexe il apparaît qu’aucun droit d’exploitation pour ce film n’a été cédé sur le territoire français ;
Considérant dès lors que si la société Iberoamericana a donné le 25 novembre 1988 à la société New Deal Films un mandat exclusif de sept ans quant à l’exploitation en France du film VIRIDIANA (pièce 16 des appelants), force est de constater d’une part que des propres affirmations de la société Iberoamericana, aucune cession des droits d’exploitation de ce film en France n’a été donnée par elle ou par son mandataire entre 1988 et 1991 et d’autre part qu’en tout état de cause ce mandat a nécessairement pris fin le 12 mars 1991 ;
Considérant en conséquence qu’outre le fait que le contrat de cession qui aurait été conclu le 05 mai 1996 entre la société New Deal Films et la SARL Films Sans Frontières n’a jamais été versé aux débats par cette dernière, ni n’a été publié au Registre de la cinématographie et de l’audiovisuel (RCA), c’est à juste titre que les premiers juges ont dit que la société New Deal Films, présentée comme mandataire de la société Iberoamericana, ne pouvait avoir plus de droits que son mandant et ainsi céder à cette date des droits d’exploitation en France sur le film VIRIDIANA ;
Considérant que le protocole d’accord daté du 24 mai 1995 (pièce 15 des appelantes) par lequel la société Vidéo Mercury Film, agissant par l’intermédiaire de son mandataire la société August Entertainment, aurait cédé à la SARL Films Sans Frontières (représentée par M. [B] [M]) les droits d’exploitation du film Viridiana pour la France pour une durée de sept ans ne saurait entraîner la conviction de la cour ;
Qu’en effet la simple comparaison avec la signature de M. [B] [M] figurant à l’acte de cession du 07 février 2005 (pièce 14 des appelants) permet à la cour de s’assurer que la signature qui lui est attribuée et figurant au bas de ce protocole d’accord n’est manifestement pas la sienne ;
Qu’en outre si ce protocole d’accord avait effectivement porté sur une cession des droits d’exploitation du film VIRIDIANA à la SARL Films Sans Frontières, la cour ne peut que s’interroger sur l’intérêt pour cette dernière de signer un an plus tard un second contrat de cession de droits avec la société New Deal Films ;
Considérant en conséquence que les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 ne peuvent justifier d’une chaîne de droits régulière leur concédant les droits d’auteur de [F] [Q] sur le films VIRIDIANA, ni en tout état de cause, justifier d’une cession des droits de co-auteur de [I] [K] [N] pour la période antérieure à 2005 et non couverte par la prescription ;
Considérant dès lors que c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu comme contrefaisants à l’encontre des sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2, les agissements suivants :
l’édition vidéographique en France postérieure à 2003,
la cession des droits de diffusion intervenue le 17 décembre 2004 à la société TPS Cinéma,
la diffusion du film entre le 08 et le 27 septembre 2005 en vertu d’un contrat de licence en date du 24 novembre 2004 souscrit par la société TPS auprès de la SARL Films Sans Frontières,
la cession des droits d’édition vidéographique à la société italienne DYNIT intervenue en 2008 ;
Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a dit qu’en exploitant par voie vidéographique et télévisuelle le film VIRIDIANA entre 2003 et 2012 en méconnaissance des droits des sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC, les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 ont commis des actes de contrefaçon au préjudice des droits des premières ;
Considérant en outre qu’il n’est pas démontré l’existence d’une faute personnelle imputable à M. [B] [M], détachable de ses fonctions de gérant des sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC de leurs demandes à son encontre ;
VII : SUR LES MESURES RÉPARATRICES :
Considérant qu’à titre subsidiaire les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 demandent à la cour de réduire à de plus justes proportions le montant des sommes allouées par le tribunal qui aurait globalisé les demandes de façon trop importante au regard de la complexité du dossier et du manque d’éléments dont il disposait pour l’apprécier à sa juste mesure ;
Qu’elles font ainsi valoir qu’au titre des bénéfices réalisés au titre de l’exploitation contrefaisante en Italie, il ne saurait être attribué plus de 16.000 € à la société Vidéo Mercury Films dans la mesure où pour une partie de cette période les droits d’exploitation avaient été concédés à la SARL Sidonis Production NC ;
Qu’elles ajoutent que le manque à gagner est particulièrement minime dans la mesure où ce type de film n’est pas destiné au grand public et qu’aucune atteinte à l’image de la société Vidéo Mercury Film n’est prouvée ;
Qu’en ce qui concerne la SARL Sidonis Production NC, elles soutiennent qu’aucun des faits de contrefaçon n’a eu lieu en France, seul territoire couvert par le contrat lui cédant des droits, que le manque à gagner est minime et qu’il n’est pas rapporté la preuve d’une atteinte à son image ;
Qu’elles contestent leur condamnation solidaire en faisant valoir d’une part qu’aucune des ventes n’est prouvée sur le territoire national et d’autre part qu’une telle condamnation solidaire n’aurait aucun sens puisque les ventes réalisées par la SARL Films Sans Frontières 2 sont parfaitement identifiables ;
Qu’elles contestent encore leurs condamnations au titre de la destruction des supports matériels et des publications au motif de la complexité des droits en cause et de leur légitimité à exploiter le film VIRIDIANA ;
Considérant que la société Vidéo Mercury Film demande réparation des actes de contrefaçon intervenus en France jusqu’au 13 juin 2005 et la SARL Sidonis Production NC pour les actes survenus depuis cette date ;
Que la société Vidéo Mercury Film réclame la somme de 70.717 € au titre du manque à gagner portant sur les sommes perçues indûment par la SARL Films Sans Frontières au titre de la diffusion su France 2 et des deux diffusions sur TPS ;
Qu’en ce qui concerne les exploitations vidéographiques contrefaisantes par les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 en France, la société Vidéo Mercury Film évalue son manque à gagner (sur la base d’un volume de ventes de 21.610 copies au prix public de 19,39 €) à la somme de 419.017,90 € ;
Que la société Vidéo Mercury Film réclame en outre la somme de 200.000 € pour les exploitations contrefaisantes faites par la SARL Films Sans Frontières en Italie conformément aux règles de compétence prévues par la Convention de Bruxelles du 28 septembre 1968 ;
Que la SARL Sidonis Production NC fait pour sa par valoir que la mise sur le marché de DVD contrefaisants lui a interdit l’exploitation normale du film VIRIDIANA et qu’elle n’a pas pu récupérer le montant minimum garanti de 55.000 € ni réaliser des recettes supplémentaires ; qu’elle réclame ainsi solidairement aux sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 la somme globale de 155.000 € ;
Que les sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC demandent en outre la capitalisation des intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la mise en demeure du 19 juin 2001 ;
Qu’elles demandent également la confirmation du jugement entrepris en ce qui concerne la destruction des supports, ce sous astreinte de 1.500 € par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;
Qu’enfin la société Vidéo Mercury Film réclame la somme de 100.000 € en réparation de l’atteinte portée à sa réputation professionnelle dans la mesure où, soupçonnée de s’adonner à des actes de contrefaçon, les professionnels ne s’adressent plus à elle pour la distribution de leur catalogue de films ;
Que la SARL Sidonis Production NC réclame également à ce titre la somme de 8.000 € dans la mesure où il a été porté atteinte à sa réputation en revendiquant abusivement des droits d’exploitation sur le film VIRIDIANA auprès du diffuseur Arte le 07 juin 2013 ;
Considérant, ceci exposé, que l’évaluation des dommages et intérêts réparant les préjudices causés par les actes de contrefaçon doit s’effectuer conformément aux dispositions de l’article L 313-1-3 du code de la propriété intellectuelle en prenant en considération distinctement les conséquences économiques négatives pour la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits ;
Considérant que la société Vidéo Mercury Film évalue son préjudice en retenant l’ensemble des actes de contrefaçon qu’elle dénonce, commis depuis le 15 mars 1991 mais qu’il sera rappelé que compte tenu de la prescription couvrant les agissements antérieurs au 07 novembre 2002, seuls les éléments de préjudices relatifs aux actes commis postérieurement au 07 novembre 2002, tels que mentionnés précédemment, peuvent être pris en compte pour l’évaluation des dommages et intérêts ;
Considérant que c’est en fonction de ces éléments et des pièces versées aux débats que les premiers juges ont, pour évaluer le préjudice subi par la société Vidéo Mercury Film, retenu au titre des bénéfices réalisés par les contrefacteurs une somme de 5.500 € pour la vente des droits à un tiers en 2003 (pièce 23 des intimées), une somme de 10.500 € au titre de la diffusion télévisuelle du film VIRIDIANA et une somme de 20.000 € pour l’exploitation contrefaisante en Italie, soit au total une somme globale de 36.000 € ;
Que c’est également à juste titre qu’ils ont pris en considération non seulement le manque à gagner mais également le préjudice moral subi par la société Vidéo Mercury Film du fait de la suspicion qui a pu naître dans le cercle professionnel sur le bien fondé de ses droits pour évaluer globalement son préjudice pour la période comprise entre 2003 et 2005 à la somme de 60.000 € ;
Considérant qu’en ce qui concerne la SARL Sidonis Production NC, cessionnaire d’une licence d’exploitation du film VIRIDIANA pour une période de sept ans à compter du 01 novembre 2005, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que seul l’acte contrefaisant portant sur la cession des droits d’édition vidéographique à la société italienne DYNIT intervenue en 2008 peut être retenu pour l’évaluation de son préjudice et que les premiers juges en ont fait une correcte évaluation au vu des éléments de la cause, à la somme globale de 30.000 €, en ce compris l’atteinte portée à son image en raison de la suspicion sur ses droits à l’égard des tiers ;
Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 (celles-ci ayant participé de concert aux agissements contrefaisants) à payer la somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts à la société Vidéo Mercury Film et la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts à la SARL Sidonis Production NC, ce avec intérêts au taux de l’intérêt légal à compter de la signification de sa décision, s’agissant d’un jugement déclaratif ;
Considérant qu’y ajoutant, il sera précisé que ces intérêts seront capitalisés annuellement conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
Considérant que le jugement entrepris sera également confirmé par adoption de ses motifs en ce qu’il a ordonné la destruction sous astreinte des supports matériels contrefaisants encore en stock sans qu’il y ait lieu à augmenter le montant de l’astreinte fixée par le jugement à 200 € par jour de retard ;
Considérant enfin que le jugement entrepris sera encore confirmé par adoption de ses motifs en ce qu’il a ordonné, à titre de mesure réparatrice complémentaire, la publication dans quatre journaux ou revues au choix des sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC et aux frais des sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2, dans la limite de 5.000 € HT par insertion, d’un communiqué tel que mentionné au dispositif du jugement, sans qu’il y ait lieu à augmenter le montant du coût maximum de chaque insertion ;
Qu’y ajoutant, il sera précisé que ce communiqué fera également état du présent arrêt confirmatif ;
Que de même il sera ordonné l’inscription du présent arrêt au Registre de la cinématographie et de l’audiovisuel (RCA) aux frais des sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 dans un délai de quinze jours suivant la signification du présent arrêt, ce sous astreinte provisoire d’une durée de trois mois de 200 € par jour de retard, la liquidation de cette astreinte restant de la compétence du juge de l’exécution ;
Considérant que dans la mesure où il a été fait droit aux demandes principales en contrefaçon des sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC, leurs demandes subsidiaires fondées sur la concurrence déloyale deviennent sans objet ;
VIII : SUR LES AUTRES DEMANDES :
Considérant que M. [W] [B], ès-qualités d’ayant droit de feu [A] [N], lui-même ayant droit de feu [I] [K] [N], demande à titre reconventionnel la condamnation solidaire des sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à la réputation de [A] [N], leurs propos portant gravement atteinte à la réputation de ce dernier et confinant à de la diffamation ;
Considérant que bien que ne visant expressément qu’une atteinte à la réputation de feu [A] [N], il apparaît, à la lecture de conclusions passablement confuses sur ce point (page 43), qu’est également visée une atteinte à la réputation de l’auteur de ce dernier, feu [I] [K] [N] (‘Comment peut-on se permettre de contester la qualité d’auteur d’un co-scénariste alors même que son nom figure au générique du film !’) ;
Mais considérant que le droit d’agir pour le respect de la réputation dont l’atteinte porte sur un droit de la personnalité, s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit, et n’est pas transmise à ses héritiers ou ayants droit ;
Qu’en conséquence M. [W] [B] est irrecevable à demander des dommages et intérêts en réparation d’une prétendue atteinte à la réputation de son auteur, feu [A] [N], ce dernier, de son vivant, ayant été tout autant irrecevable à demander des dommages et intérêts en réparation d’une prétendue atteinte à la réputation de son propre auteur, feu [I] [K] [N] ;
Qu’en conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté [A] [N] de ses demandes et qu’y ajoutant, M. [W] [B] sera déclaré irrecevable en ses propres demandes formulées devant la cour ;
Considérant qu’il est équitable d’allouer aux sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC, à la charge solidaire des sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2, la somme complémentaire globale de 8.000 € au titre des frais par elles exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;
Considérant que les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2, M. [W] [B] et M. [B] [M] seront pour leur part, déboutés de leur demande en paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 et M. [W] [B], parties perdantes en leur appel, seront condamnés in solidum au paiement des dépens d’appel à l’exception des dépens concernant M. [B] [M] qui resteront à la charge solidaire des sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;
P A R C E S M O T I F S
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;
Déclare recevable l’intervention devant la cour de M. [W] [B], ès-qualités d’ayant droit de feu [A] [N] ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant :
Dit que les intérêts au taux de l’intérêt légal sur les sommes allouées par le tribunal à titre de dommages et intérêts à compter de la signification de sa décision seront capitalisés annuellement conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
Dit que le communiqué dont le jugement a ordonné la publication dans quatre journaux ou revues mentionnera également le présent arrêt confirmatif ;
Ordonne l’inscription du présent arrêt au Registre de la cinématographie et de l’audiovisuel (RCA) aux frais des sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 dans un délai de QUINZE (15) jours suivant la signification du présent arrêt, ce sous astreinte provisoire d’une durée de TROIS (3) mois de DEUX CENT EUROS (200 €) pour jour de retard ;
Dit que la liquidation de cette astreinte restera de la compétence du juge de l’exécution ;
Déclare irrecevable la demande en dommages et intérêts présentée par M. [W] [B], ès-qualités d’ayant droit de feu [A] [N], lui-même ayant droit de feu [I] [K] [N] ;
Condamne in solidum les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 à payer à aux sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC la somme complémentaire globale de HUIT MILLE EUROS (8.000 €) au titre des frais exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens ;
Déboute les sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2, M. [W] [B] et M. [B] [M] de leur demande en paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum des sociétés Films Sans Frontières et Films Sans Frontières 2 et M. [W] [B] aux dépens de la procédure d’appel, à l’exception de ceux engagés par M. [B] [M], lesquels resteront à la charge solidaire des sociétés Vidéo Mercury Film et Sidonis Production NC ;
Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER