Contrat de coproduction : 12 mai 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 09/07028

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Contrat de coproduction : 12 mai 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 09/07028
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12 mai 2011
Cour d’appel de Paris
RG n°
09/07028

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 12 Mai 2011

(n° 18 , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 09/07028

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2009 par le conseil de prud’hommes de BOBIGNY section Activités diverses RG n° 07/03474

APPELANTE

Mademoiselle [D] [N]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Grégory VIANDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2335

INTIMÉE

SARL DU JAMAIS VU

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe PERICAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0219

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Françoise FROMENT, Présidente, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Françoise FROMENT, Président

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseiller

Monsieur Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 6 décembre 2010

Greffier : Madame Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau code de procédure civile.

– signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mademoiselle [D] [N] a été embauchée en qualité d’artiste de complément, par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, à compter du 28 août 2006, par la SARL DU JAMAIS VU.

Elle a été embauchée pour écrire et présenter des chroniques dans une émission de télévision sur la chaîne FILLES TV, dénommée ‘KAWAI’. Cette émission, dont la diffusion était quotidienne, s’est arrêtée le 1er juin 2007.

La relation contractuelle s’est poursuivie sur le même poste par 4 autres CDD à temps partiel respectivement du 2 octobre 2006, du 6 novembre 2006, du 5 janvier 2006 et du 2 janvier 2007.

La convention collective applicable est la convention collective des artistes interprètes.

Mademoiselle [D] [N] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Bobigny le 27 mars 2008, notamment en requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et en requalification de son emploi d’artiste de complément en celui d’artiste-interprète, lequel, a statué le 19 mai 2009 dans les termes suivants:

– déboute Mademoiselle [D] [N] de l’intégralité de ses demandes ;

– déboute la ‘SARL DU JAMAIS VU’ de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit qu’il y a lieu de laisser à Mademoiselle [N] [D] la charge des éventuels dépens exposés par la partie défenderesse ;

Mademoiselle [D] [N] représentée par son conseil, a lors de l’audience du 18 mars 2011, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle sollicite de la Cour qu’elle :

Requalifie les contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

Requalifie l’emploi par elle occupé en celui ‘d’artiste-interprète’ ;

Condamne la SARL DU JAMAIS VU aux sommes suivantes :

– Indemnité de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée déterminée : 3.500€ ;

– Rappel de salaires : 8.101,20€ ou à titre subsidiaire en qualité d’animatrice, 2.250€ ;

– Rappel de congés payés : 810€ ou à titre subsidiaire en qualité d’animatrice, 225€ ;

– Dommages et intérêts pour violation du droit patrimonial de l’auteur : 4.125€ ;

Dise que la rupture s’analyse en un licenciement abusif et par voie de conséquence, condamne la société DU JAMAIS VU au paiement des sommes suivantes :

– Indemnité de préavis : 1946,16€ ou à titre subsidiaire 700€ ;

– Indemnité de congés payés : 194,60€ ou à titre subsidiaire 70€ ;

– Dommages-intérêts pour licenciement abusif : 25.000€ ;

Ordonne la remise du certificat de travail et de l’attestation ASSEDIC conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 150€ par jour de retard et par document, à compter de la notification du jugement ;

Ordonne la régularisation auprès de la Caisse des congés payés du spectacle, sous astreinte de 150€ par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

Condamne la société DU JAMAIS VU à lui payer 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de 1ère instance et d’appel.

La SARL DU JAMAIS VU représentée par son conseil, a lors de l’audience du 18 mars 2011, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle sollicite de la Cour qu’elle :

– Dise Mademoiselle [N] irrecevable, et sinon mal fondée en ses demandes ; l’en déboute

– Confirme le jugement du Conseil de Prud’hommes de BOBIGNY en date du 19 mai 2009

– Condamne Mademoiselle [N] à lui payer 4.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens ;

MOTIFS

Considérant, sur la requalification des fonctions de la salariée d’artiste de complément en artiste-interprète, que l’article L212-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que ‘ A l’exclusion de l’artiste de complément, considéré comme tel par les usages professionnels, l’artiste-interprète ou exécutant est la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une oeuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes.’

Considérant qu’ainsi cet article exclut les « artistes de complément » de la qualification d’artiste-interprète et par extension de la protection que ledit code reconnait à ces derniers notamment au titre des droits voisins ; qu’il est constant qu’un artiste de complément se distingue d’un artiste-interprète en ce que sa prestation est complémentaire ou accessoire, que sa personnalité ne transparaît pas dans sa prestation, et que son interprétation n’est pas originale ;

Considérant qu’en l’espèce, il résulte d’un article du magasine Télé 7 jours, commandé par l’employeur, que ce dernier présente chacune des quatre nouvelles chroniqueuses ‘KAWAÏ girl’ de l’émission en cherchant à les individualiser puisqu’y étaient mentionnés leur prénom, qui pouvait être un nom de scène, leur parcours, leur ‘ truc en plus’ et un message personnel ; que concernant plus particulièrement la salariée, nommée ‘ [D]’, elle était décrite comme une ‘ étudiante en lettres modernes. Son truc en plus : elle est prof de salsa et écrit des chronique à la manière de Bridget Jones, sur le quotidien des filles d’aujourd’hui. C’est ce qui lui a ouvert les portes de KAWAI. Son message : Soyez à la page, ne vous prenez pas la tête’ ; qu’il n’est pas contesté que la salariée est intervenue dans les émissions quotidiennement pendant 5 mois toujours en tant que ‘[D]’, ‘KAWAÏ girl’, et constamment pour traiter des chroniques, qu’elle écrivait par ailleurs, sur le quotidien des filles d’aujourd’hui ; que l’émission avait un certain succès et qu’elle était programmée à des heures de grande écoute ;

Considérant que pour contester cette qualité d’artiste-interprète l’employeur soutient en premier lieu que la prestation de la salariée serait accessoire des deux animatrices vedettes autour desquelles gravitent les quatre autres chroniqueuses ; qu’en second lieu chacune des filles KAWAÏ serait interchangeable, sa personnalité propre ne transparaissant pas dans sa prestation ;

Considérant qu’au vu des éléments produits, il est avéré que les chroniqueuses pouvaient être aisément remplacées, comme en atteste par ailleurs le remplacement de la salariée à partir de février 2007 ; qu’il est néanmoins remarqué que d’une part la chaîne avait souhaité créer un lien particulier avec le public de ce genre d’émission – à savoir des jeunes filles de 12 à 20 ans – en les présentant comme des ‘bonnes copines’ et des ‘grandes soeurs’, que pour ce faire la chaîne avait mis en avant chacune des chroniqueuses avec ses points forts, sa personnalité, son domaine de compétence ; que d’autre part, pour une émission connaissant un certain succès et où Mademoiselle [N] a officié en tant que ‘[D], chroniqueuse’ pendant 5 mois, le téléspectateur ne pouvait pas sérieusement la confondre avec les autres chroniqueuses ;

Considérant qu’il en ressort ainsi que le personnage de ‘KAWAI girl’ interprété par Mademoiselle [N] possédait une personnalité propre et suffisamment différente des autres chroniqueuses pour que le téléspectateur puisse aisément l’identifier ; que sa prestation était originale en ce qu’elle jouait un personnage de ‘Kawaï girl’ et traitait lors de l’émission de sujet du quotidien qu’elle écrivait elle-même ; qu’au vu de ce qui précède, le moyen tiré du fait que sa prestation ne serait qu’accessoire au regard de la totalité de l’émission est inopérant dans la mesure où elle lui apportait une contribution originale et personnelle ; que par conséquent, il convient de requalifier la prestation de Mademoiselle [N] en ‘artiste-interprète’ et donc d’infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Paris sur ce chef ; que du fait de la requalification en ‘artiste-interprète’, il n’y a pas lieu d’étudier un éventuel statut d’animatrice soulevé par la salariée, à titre subsidiaire ;

Considérant, sur la protection des oeuvres de la salariée et leur indemnisation au titre du droit d’auteur, que selon les dispositions des articles L112-1, L112-2 du code de la propriété intellectuelle sont protégés ‘les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination’ et dès lors qu’elles sont originales et empreintes de la personnalité de leur auteur ;

Considérant que l’article L131-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que ‘la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.’

Considérant qu’il n’est pas contesté que la salariée écrivait elle-même les chroniques qu’elle interprétait lors de l’émission ; que ces chroniques traitaient de sujets sur le quotidien des filles d’aujourd’hui qui étaient originales aussi bien dans leur expression que dans leur composition ;

Considérant que pour évaluer les indemnités patrimoniales dues à la salarié en sa qualité d’auteur, cette dernière produit la rémunération complémentaire prévue par la convention collective des chaînes thématiques, non applicable en l’espèce, mais qui fixe ce complément à 125€ par jours de tournage, soit en l’espèce 4.125€ pour l’ensemble de la relation de travail ; que le domaine d’activité couvert par cette convention collective est très proche de celui de la salariée ; que l’employeur ne propose pas d’autre mode de calcul et de surcroît ne conteste pas sérieusement cette somme ;

Considérant que par conséquent, il convient de condamner la SARL DU JAMAIS VU de verser à Mademoiselle [N], la somme de 4.125€ au titre de ses droits d’auteur ;

Considérant, sur le rappel de salaires, que la convention collective nationale des artistes-interprètes des émissions de télévisions en date du 30 décembre 1992, applicable en l’espèce, prévoit pour les artistes-interprètes une rémunération minimum garantie par jour d’enregistrement ;

Considérant que la salariée, en se référant à la convention collective susmentionnée demande un rappel de salaire de 260€ par jour travaillé outre une indemnité de congés payés afférent de 10% ; que d’une part la salariée demande le rappel de salaire sur les 27 jours où elle a travaillé en vertu de ses cinq contrats de travail à durée déterminée du 1er septembre 2007 au 5 février 2008 ; que d’autre part elle demande également le paiement de 3 jours à savoir le 28, 29 et 30 août qui ne lui auraient pas été payés ;

Considérant que l’employeur ne conteste pas le montant du rappel de salaire mais uniquement le nombre de jours effectivement travaillés ; qu’en effet, l’employeur indique que les 3 jours litigieux du mois d’août auraient été dévolus à une formation interne de la salariée à son futur emploi de chroniqueuse, du fait de son inexpérience dans le milieu audiovisuelle ;

Considérant ainsi qu’en premier lieu, la salariée ne rapportant pas la preuve qu’elle aurait effectué une prestation pendant ces 3 jours, il convient de la débouter de sa demande à ce titre, étant par ailleurs observé, qu’elle ne conteste pas son inexpérience dans le milieu de l’audiovisuel ; qu’en second lieu, il convient en revanche d’allouer à la salariée un rappel de salaire de 260€ par jour travaillé outre une indemnité pour congés payés de 10%, soit un total pour 27 jours de 7.020€ ainsi que 702€ au titre des congés payés afférents ;

Considérant, sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, qu’il résulte des dispositions de l’article L1242-1 du code du travail que le contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ; que l’article L1242-2 du code du travail énonce que le recours à un contrat à durée déterminée est possible dans les secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu où il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; que l’article D1242-1 6 du code du travail dispose notamment que l’audiovisuel est un des secteurs d’activités dans lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié ;

Considérant que l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ;

Considérant qu’en l’espèce, à titre liminaire il n’est pas contesté que le poste occupé par la salariée était de ceux où il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée dans le secteur de l’audiovisuel ;

Considérant qu’en conformité avec la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 précitée, la SARL DU JAMAIS VU justifie le caractère temporaire de l’emploi par les éléments suivants :

– le type même de l’émission télévisée qui peut être supprimée du jour au lendemain, sans délai de prévenance particulier, notamment prévu par le contrat de coproduction produit au débat et ajoute qu’en effet, l’émission était basée sur le concept des ‘personnages KAWAI’ venant du Japon, apportant ‘l’expression d’une frivolité ou d’un manque de maturité qui serait déplacé dans le contexte occidental’ et que cet effet de mode serait passé en France ce qui explique que l’émission aurait été suspendue le vendredi 1er juin 2007;

– la salariée, n’ayant pas d’expérience en télévision, a dû suivre une formation, payée par la SARL DU JAMAIS VU, du 28 au 31 août 2006 pour acquérir les bases du métier de chroniqueuse ;

– la salariée n’avait qu’un rôle accessoire et était sous la direction d’une animatrice leader qui l’encadrait dans les différentes séquences tournées ;

– la SARL DU JAMAIS VU serait une société de 5 à 10 personnes avec un chiffre d’affaire modeste qui ne pouvait offrir un emploi pérenne à Mademoiselle [N] au profil de compétences qui aurait été trop pointu ;

– la salariée ne pouvait être employée dans d’autres tournages coproduits par la SARL DU JAMAIS VU que ceux de l’émission ‘les filles KAWAI’ ;

Considérant cependant, en premier lieu, qu’il n’est pas contesté que l’émission ‘Les filles KAWAI’ avait près de deux ans lorsqu’elle a été suspendue en juin 2007 et qu’elle connaissait un certain succès avec une programmation stable et quotidienne ; que tant au moment de l’embauche qu’au moment du départ de la salariée, la société n’avait pas prévu de terme pour l’émission ; qu’après le départ de la salariée, l’émission a encore continué pendant plusieurs mois ; que néanmoins, il est constant que le caractère temporaire des émissions de télévision est en soi inopérant pour juger seul de la pertinence d’un recours à un contrat à durée déterminée ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mademoiselle [N] a occupé le même poste de chroniqueuse, dans la même émission, renouvelé par plusieurs CDD pendant 5 mois ; qu’il n’est pas prouvé que la salariée n’était embauchée que pour quelques épisodes particuliers alors par ailleurs observé qu’il ressort des pièces que le personnage de chroniqueuse pour lequel elle était embauchée avait une constance au travers des nombreux épisodes enregistrés et qu’il n’apparaissait nullement que cette chroniqueuse ne fut que temporaire, de surcroît pour une émission qui était une valeur sûre de la chaîne ;

Considérant, en dernier lieu, qu’il ressort des pièces au moment de la conclusion des contrats de travail à durée déterminée que l’intention des parties étaient d’une part, pour l’employeur d’avoir à sa disposition une chroniqueuse pour l’enregistrement d’une émission à la diffusion quotidienne et sans cessation prévue, et d’autre part pour la salariée d’avoir un emploi stable de chroniqueuse, tant que l’émission se poursuivrait ;

Considérant ainsi qu’aucun élément ne venant établir le caractère par nature temporaire de l’emploi de Mademoiselle [N], il convient de requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et donc d’infirmer le jugement du Conseil des Prud’hommes sur ce chef ;

Considérant, pour le calcul des différentes indemnités découlant de la requalification de la relation contractuelle, qu’au vu de la requalification en artiste-interprète, il convient de réévaluer le salaire moyen mensuel de la salariée en tenant compte de la rémunération minimum garantie par jour d’enregistrement par la convention collective nationale des artistes-interprètes des émissions de télévisions en date du 30 décembre 1992, comme exposé précédemment mais dans la limite du salaire moyen mensuel demandé par la salariée, soit 1.946,16€ ;

Considérant, sur l’indemnité de requalification, qu’en vertu des dispositions de l’article L 1245-2 du code du travail, lorsqu’il est fait droit à la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le juge saisi doit d’office condamner l’employeur à payer au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ;

Considérant qu’il convient en conséquence d’allouer au salarié une indemnité de 1.946,16€ ;

Considérant, sur la rupture de la relation contractuelle, que conformément à l’article 1235-5 du code du travail, dans les entreprises de moins de 11 salariés et pour les salariés ayant moins de 2 ans d’ancienneté, le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi ;

Considérant que la salariée estime qu’aucun nouveau contrat de travail à durée déterminée ne lui a été proposé au terme de celui du mois de janvier parce qu’elle avait, de même qu'[O] [U] et Mlle [K], sollicité une augmentation de salaire lors d’une entrevue avec Monsieur [V] [G] le 5 février 2007 ;

Considérant que l’employeur, pour sa part, estime qu’il n’avait jamais été question de mettre fin à la relation contractuelle et que cette réunion ne concernait que l’augmentation de salaire qui a été refusée ; que cependant pendant cet entretien, Mademoiselle [D] [N] a dit qu’elle ne poursuivrait pas la relation contractuelle s’il n’était pas fait droit à sa demande d’augmentation ; que la défection de Mademoiselle [D] [N] aurait mis l’entreprise en difficulté pour l’enregistrement de l’émission du lendemain où elle était attendue ; que l’employeur apporte à l’appui de ses dires l’attestation de Monsieur [V] [G] en date du 7 novembre 2007 dans lequel il explique que ‘j’ai reçu à leur demande, Mlles [K] et [N], le 5 février 2007 à 9h45. Lors de l’entretien, elles m’ont fait part d’une demande d’augmentation substantielle de leurs rémunérations. J’ai écouté leur requête et réservé la réponse de la société. A aucun moment dans l’entretien il n’a été envisagé une rupture de contrat du fait de DU JAMAIS VU PRODUCTION ! Preuve en est que Mlle [U], collègue de Mlles [K] et [N] et solidaire de la demande elle même présente à l’entretien, a continué et continue à ce jour ses missions pour DU JAMAIS VU PRODUCTION. Le lendemain, 6 février 2007, Mlles [K] et [N] ne se sont pas présentées au tournage de l’émission’ ;

Considérant ainsi que compte tenu de la précarité des relations contractuelles qui liaient Mademoiselle [N] à son employeur, des revendications salariales de l’intéressée et de l’absence de preuve sérieuse de l’employeur sur sa volonté de faire perdurer la relation de travail qu’il entretenait avec la salariée, notamment en n’apportant pas la preuve que la salariée était attendue pour l’émission du lendemain de l’entrevue du 5 février 2007, il convient d’imputer la rupture de la relation contractuelle à l’employeur, qui n’a d’ailleurs jamais mis en demeure la salariée de poursuivre la relation contractuelle ; que Mademoiselle [N] n’ayant que 5 mois d’ancienneté dans la société cette rupture s’analyse en un licenciement abusif ;

Considérant qu’à l’appui de sa demande au titre du préjudice résultant de ce licenciement abusif, la salariée soutient que la rupture aurait été soudaine en cours de saison et qu’elle s’est vue privée de toute possibilité réelle de trouver un autre employeur à l’issue de la rupture contractuelle, les calendriers de programmation ne lui permettant plus de proposer sa candidature sur d’autres émissions ; que l’employeur ne démontre pas le contraire ;

Considérant qu’au vu de ces éléments, il convient de condamner la SARL DU JAMAIS VU à verser à Mademoiselle [D] [N] les sommes de 7.800€ à titre de dommages-intérêt pour licenciement abusif, de 1.946,16€ à titre d’un mois de préavis et de 194,6€ au titre des congés payés afférents ;

Considérant que la salariée ne justifie pas en quoi le certificat de travail et l’attestation POLE EMPLOI doit lui être remis sous astreinte ni en quoi la régularisation auprès de la caisse des congés payés du spectacle sous astreinte est nécessaire ; que dès lors il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande d’astreinte à ce titre ;

Considérant qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de Mademoiselle [D] [N] l’intégralité des frais irrépétibles qu’elle a dus engager pour assurer la défense de ses intérêts ; la cour condamne la SARL DU JAMAIS VU à lui verser 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR SES MOTIFS

Infirme le jugement du Conseil de Prud’hommes de Bobigny dans son intégralité ;

Statuant à nouveau :

Requalifie les contrats de travail à durée déterminée et relation de travail à durée indéterminée ;

Requalifie le statut de la salariée d’artiste de complément en celui d’artiste-interprète ;

Condamne en conséquence la SARL DU JAMAIS VU à verser à Mademoiselle [D] [N] les sommes de :

– 1.946,16€ à titre d’indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en relation de travail à durée indéterminée ;

– 7.800€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

– 1.946,16€ à titre d’un mois de préavis et 194,6€ au titre des congés payés afférents ;

– 4.125€ au titre de ses droits d’auteur ;

– 7.020€ au titre du rappel de salaire ainsi que 702€ au titre des congés payés afférents ;

– 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne la remise d’une attestation ASSEDIC et d’un certificat de travail conformes à la présente décision en tant compte notamment des rappels de salaires, de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents alloués

Dit que la SARL DU JAMAIS VU devra régulariser la situation auprès de la caisse des congés payés du spectacle

Déboute les parties de toute demande plus ample ;

Condamne la société SARL DU JAMAIS VU aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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