Contrat de consultant : valide même sans écrit mais risqué

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Contrat de consultant : valide même sans écrit mais risqué

Selon l’article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’occurrence, les juges ont considéré qu’un Consultant rapportait la preuve de l’existence d’une relation contractuelle avec la société Tills, qui avait fait appel à ses services, en sa qualité de consultant professionnel, dans le cadre d’une convention d’assistance et de paramétrage conclue avec la société Statim, pour l’exécution de contrats passés avec des sociétés clientes.

Toutefois et c’est là ou l’absence d’écrit est risqué : le consultant n’a fournit aucun justificatif du statut sous lequel il prétend avoir réalisé la mission litigieuse et n’a donné à ce sujet, aucune explication.

En outre, comme le tribunal l’a exactement retenu, il ne rapporte pas la preuve des conditions financières de sa collaboration, faute de produire un contrat formalisé par écrit et en l’absence de toute facture émise en sa qualité de prestataire de service.

Les rapports d’activité rédigés pour le compte de la société Statim, avec indication des jours travaillés par mois, ainsi que les décomptes qu’il verse aux débats n’ont eux-mêmes aucun caractère probant, dès lors qu’ils ont été établis unilatéralement par l’intéressé.

Dans ces conditions, le consutant ne rapporte pas la preuve d’une créance certaine, liquide et exigible.

Résumé de l’affaire : M. [E] [S] a assigné en référé la SA Tills et la SARL Statim pour obtenir le paiement de 52.500 € pour des prestations de consultant fonctionnel. Le juge des référés a ordonné un sursis à statuer, puis a rejeté les demandes de M. [S] en raison de l’absence de preuves de son statut professionnel. M. [S] a ensuite assigné à nouveau les mêmes sociétés, mais le tribunal a déclaré ses demandes irrecevables contre Statim et s’est déclaré incompétent pour Tills. En mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris a débouté M. [S] de toutes ses demandes et l’a condamné aux dépens. M. [S] a fait appel, demandant la condamnation de Tills à lui verser 52.500 € et des dommages-intérêts. Tills a demandé la confirmation du jugement, arguant que M. [S] n’avait pas prouvé l’existence d’une relation contractuelle. La cour a déclaré les demandes de M. [S] recevables, a confirmé le jugement et a condamné M. [S] aux dépens de l’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/07837
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/07837 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFVXL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mars 2022 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 518 215 89

APPELANT

Monsieur [E] [S]

[Adresse 2]

[Localité 5]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 6] (99)

Représenté par Me Augustin KEMADJOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2088

INTIMEE

S.A.S. TILLS CONSEIL ET INGENIERIE

[Adresse 4]

[Localité 3]

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 518 215 892

Représentée par Me Xavier CHILOUX de la SELEURL XAVIER CHILOUX AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P051

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Caroline GUILLEMAIN, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de chambre,

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, conseillère,

Madame CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère,

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

Suivant exploits des 16 janvier et 9 février 2017, M. [E] [S] a fait assigner en référé, devant le tribunal de grande instance de Nanterre, la SA Tills et la SARL Statim afin d’obtenir leur condamnation à lui régler une somme de 52.500 € correspondant au coût d’une prestation réalisée, en tant que consultant fonctionnel, par l’entremise de la société Tills, dans le cadre d’un contrat d’assistance et de paramétrage conclu entre celle-ci et la société Statim.

Par ordonnance en date du 4 avril 2017, le juge des référés a ordonné un sursis à statuer dans l’attente de la production par M. [E] [S] de tout élément de nature à établir son statut professionnel et de la production, par les parties, de tout élément et/ou décision relatifs à une procédure engagée devant le tribunal de commerce de Paris entre les sociétés Statim et Tills.

Dans une ordonnance en date du 13 juillet 2017, le juge des référés a rejeté les demandes de M. [S], après avoir constaté que celui-ci n’avait produit aucun élément justifiant de son statut, et que l’obligation dont il se prévalait apparaissait sérieusement contestable.

Par actes des 9 mars et 10 avril 2018, M. [E] [S] a assigné la société Tills Conseil et Ingénierie des Systèmes d’Information et la société Statim devant le tribunal de grande instance de Nanterre, à des fins identiques.

Suivant un jugement rendu le 16 mai 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre :

– a déclaré irrecevables les demandes de M. [S] à l’encontre de la société Statim, au motif que celui-ci n’avait pas assigné la bonne défenderesse correspondant à l’extrait Kbis produit et aux pièces figurant dans le bordereau,

– s’est déclaré territorialement incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris pour connaître des demandes de M. [S] à l’encontre de la société Tills.

Par jugement du 15 mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

– Débouté M. [S] de l’ensemble de ses demandes,

– Débouté la société Tills Conseil et Ingénierie des Systèmes d’Information de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et du surplus de ses demandes,

 

– Condamné M. [S] aux dépens,

 

– Dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

 

M. [E] [S] a formé appel du jugement, par déclaration du 15 avril 2022.

 

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 12 avril 2024, il demande à la Cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, de :

 

« Recevoir Monsieur [E] [S] en son appel,

 

L’y dire bien fondé,

 

La qualité de consultant de Monsieur [S] [E] est largement justifiée,

 

Les honoraires des prestations effectuées tant en France qu’à l’étranger sont certains, exigibles et jamais contestés par la TILLS CONSEIL ET INGENIERIE DES SYSTEMES D’INFORMATION ;

 

L’absence de paiement des honoraires de 52 500 € par la société TILLS CONSEIL ET INGENIERIE DES SYSTEMES D’INFORMATION est à l’origine des préjudices subis par Monsieur [E] [S]

 

EN CONSÉQUENCE

 

REFORMER le jugement du 15 mars 2022 dans l’ensemble de son dispositif.

 

Y ajoutant,

 

Statuer à nouveau sur :

 

CONDAMNER la société TILLS CONSEIL ET INGENIERIE DES SYSTEMES D’INFORMATION à payer à Monsieur [S] [E] la somme de 52. 500 € à titre d’impayé des honoraires, et ce, sous une astreinte de 100 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de six jours suivant la signification de la décision à intervenir

CONDAMNER la société TILLS CONSEIL ET INGENIERIE DES SYSTEMES D’INFORMATION à payer Monsieur [S] la somme de 30 000 € à titre de dommage et intérêts dont 20.000 €uros en application des dispositions de l’article 1231-1 du Code civil, 10.000 €uros en application des dispositions de l’article 1153 du Code civil,

CONDAMNER la société TILLS CONSEIL ET INGENIERIE DES SYSTEMES D’INFORMATION à payer à Monsieur [S] la somme de 5. 000 €uros au titre de l’article 700 du CPC,

CONDAMNER les sociétés défenderesses aux entiers dépens de l’instance et accorder à Maître Augustin KEMADJOU le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile Avocats aux offres de droit.» 

 

Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 1er juillet 2022, la société Tills demande à la Cour, sur le fondement de l’article 1359 du code civil et de l’article L. 110-4 du code du commerce, de :

 

« CONFIMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

 

Statuant à nouveau.

 

JUGER que Monsieur [S] exclut toute relation salariée au profit d’une relation contractuelle.

 

JUGER que Monsieur [S] ne fournit aucun document qui pourrait établir cette relation contractuelle.

 

JUGER que Monsieur [S] ne verse aux débats aucune facture pour la période revendiquée d’octobre 2014 à mai 2015.

 

JUGER l’irrecevabilité des demandes de Monsieur [S] de ce fait

 

DEBOUTER purement et simplement Monsieur [S] de l’ensemble de ses demandes.

 

À titre subsidiaire, JUGER la prescription des obligations conformément aux dispositions de l’article L 110 ‘4du code de commerce.

 

CONDAMNER Monsieur [S] à verser à la société la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

 

CONDAMNER Monsieur [S] en tous les dépens. » 

 

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.

 

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

 

A titre liminaire, il est rappelé qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « constater » ou « dire et juger » qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

 

Sur la recevabilité des demandes de M. [S]

Enoncé du moyen

La société Tills fait valoir que M. [S] ne justifie pas du statut juridique au titre duquel il prétend être intervenu, que ce soit en tant que salarié, ou dans le cadre d’une activité indépendante ou commerciale, ce qui rend irrecevables et mal fondées ses demandes.

L’appelant ne formule aucune observation.

Réponse de la Cour

L’article 122 du code de procédure civil dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Pour soutenir que les demandes de l’appelant seraient irrecevables, la société Tills n’invoque aucune fin de non-recevoir visées par ces dispositions, ni d’ailleurs aucun fondement juridique et tandis qu’il ne se déduit pas de la demande en paiement que M. [S] poursuit la preuve qu’elle est susceptible d’être atteinte par une fin de non-recevoir d’ordre public, il convient de déclarer recevable l’action.

Le statut juridique de M. [S] est, en réalité, susceptible d’influer tout au plus sur l’appréciation du bien-fondé de ses demandes.

Sur le bien-fondé des demandes de M. [S]

 

Enoncé des moyens

M. [S] expose qu’il a réalisé des prestations, en qualité de consultant professionnel, pour le compte de plusieurs entreprises, par l’entremise du gérant de la société Tills, M. [Y] [O], dans le cadre d’un contrat d’assistance et de paramétrage conclu entre les sociétés Statim et Tills. Il précise que sa mission a débuté au mois d’octobre 2014 pour se terminer au mois de mai 2015, et qu’il s’est rendu durant deux mois au Cameroun. Il prétend qu’il devait percevoir des honoraires à taux fixe journalier de 500 €, représentant une somme totale de 62.500 €, par l’intermédiaire de la société Tills, tenue de lui reverser les fonds préalablement réglés par la société Statim. Il fait valoir qu’il a perçu au titre de ses honoraires uniquement la somme de 12.700 €, de sorte que la société Tills lui reste redevable d’une somme de 52.500 €. Il prétend, enfin, avoir subi un préjudice consécutif au refus de la société Tills d’exécuter son obligation, dont il sollicite l’indemnisation.

La société Tills fait valoir que l’appelant, qui ne justifie pas de son statut, ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une quelconque relation contractuelle. Si elle ne conteste pas avoir présenté M. [S] à la société Statim, elle souligne qu’elle ne saurait être tenue de rémunérer un travail réalisé pour le compte d’autres sociétés. Enfin, selon elle, M. [S] ne produit aucune facture justificative des prestations dont il revendique le paiement.

 

Réponse de la Cour

Selon l’article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’occurrence, les premiers juges ont considéré, par des motifs détaillés et pertinents que la Cour adopte, que M. [S] rapportait la preuve de l’existence d’une relation contractuelle avec la société Tills, qui avait fait appel à ses services, en sa qualité de consultant professionnel, dans le cadre d’une convention d’assistance et de paramétrage conclue avec la société Statim, pour l’exécution de contrats passés avec des sociétés clientes.

La Cour relève, à ce propos, que M. [S] verse notamment aux débats :

– des échanges de courriels avec M. [Y] [O], responsable de la société Tills, en date du 11 septembre 2014, lui fixant rendez-vous dans les locaux de la société Statim, et du 11 décembre 2015, lui rappelant, en réponse à sa demande de paiement de salaires, qu’il ne devait avoir aucun contact direct avec la société Statim ;

– un courrier de M. [O], daté du 14 décembre 2015, d’une teneur identique au précédent, aux termes duquel celui-ci indique que la mission de M. [S], pour laquelle la société Tills l’avait sollicité, a pris fin au mois d’avril 2015 ;

– un courrier de la société Statim adressé au tribunal de commerce, daté du 20 mai 2016, dans le cadre d’une procédure parallèle en référé, dans lequel celle-ci confirme que M. [S] a travaillé, en tant que salarié de la société Tills, pour le compte d’une entreprise cliente, durant la période des mois d’octobre 2014 à avril 2015, dans le cadre d’un contrat d’assistance et de paramétrage SAP SDMM qu’elle avait conclu avec la société Tills, à l’égard de laquelle elle reste redevable d’une dette ;

– une lettre de recommandation de M. [T] [F], gérant de la société Statim, datée du 4 avril 2016, attestant avoir supervisé le travail de M. [S], accompli par l’entremise de la société Tills, durant la même période, dans le cadre d’un projet d’implémentation de SAP au sein de la société pétrolière Tradex sise au Cameroun ;

– une demande de visa, pour le compte de M. [S], émise par la société Tradex ;

– des relevés de compte bancaire sur lesquels figurent des virements de la société Tills ;

– des attestations de témoins, certifiant de sa présence au Cameroun.

Il n’en demeure pas moins que M. [S] ne fournit aucun justificatif du statut sous lequel il prétend avoir réalisé la mission litigieuse et qu’il ne donne, à ce sujet, aucune explication. En outre, comme le tribunal l’a exactement retenu, il ne rapporte pas la preuve des conditions financières de sa collaboration, faute de produire un contrat formalisé par écrit et en l’absence de toute facture émise en sa qualité de prestataire de service. Les rapports d’activité rédigés pour le compte de la société Statim, avec indication des jours travaillés par mois, ainsi que les décomptes qu’il verse aux débats n’ont eux-mêmes aucun caractère probant, dès lors qu’ils ont été établis unilatéralement par l’intéressé. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que M. [S] ne rapporte pas la preuve d’une créance certaine, liquide et exigible.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [S] de ses demandes en paiement d’honoraires et de dommages et intérêts.

 

Sur les autres demandes

 

M. [S] succombant au recours, le jugement sera également confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

 

Statuant de ces chefs en cause d’appel, la Cour le condamnera aux dépens.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

 

DECLARE les demandes de M. [E] [S] recevables,

 

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

 

Y AJOUTANT,

 

CONDAMNE M. [E] [S] aux dépens de l’appel,

 

DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

 

LE GREFFIER                                                     LE PRESIDENT


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