Comme tous les autres contrats conclus hors établissement, le contrat de conseil en pilotage d’entreprise doit prévoir une faculté de rétractation au bénéfice du client dès lors que les conditions de l’article L221-3 du code de la consommation sont réunies :
Les dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement prévues par le code de la consommation, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. |
Résumé de l’affaire :
Contexte de l’AffaireLa société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT a introduit une demande en référé devant le tribunal judiciaire de Strasbourg le 07 juin 2024, visant à obtenir une provision de la société DEPANNECHAUFF’. Cette demande est fondée sur un contrat de conseil en pilotage d’entreprise signé le 31 mars 2023, stipulant une rémunération mensuelle de 1 700 € HT pour des prestations de conseil. Demandes de la DemanderesseDans ses conclusions du 06 septembre 2024, la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT a demandé au juge de déclarer ses demandes recevables et fondées, de condamner la société DEPANNECHAUFF’ à lui verser une provision de 31 202,40 € avec intérêts, ainsi qu’une indemnité de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a également demandé que la société défenderesse soit chargée des frais et dépens. Exécution du ContratLa demanderesse a précisé que le contrat avait été exécuté jusqu’en 2023, avec une tacite reconduction en 2024, mais qu’elle n’avait pas été payée pour ses prestations. Après une mise en demeure restée sans effet, elle a résilié le contrat le 14 mai 2024, réclamant le paiement des factures impayées et la clause pénale prévue en cas de résiliation anticipée. Réponse de la DéfenderesseLa société DEPANNECHAUFF’ a contesté les demandes de la demanderesse dans ses conclusions du 1er octobre 2024, arguant que la créance était sérieusement contestable. Elle a soutenu que la demanderesse n’avait pas respecté les termes du contrat et que les prestations fournies étaient insuffisantes. Elle a également invoqué la nullité du contrat sur la base des dispositions du code de la consommation. Arguments de la DéfenseLa défenderesse a affirmé que le contrat ne relevait pas de son activité principale et qu’elle n’avait pas été informée de son droit de rétractation. Elle a également soutenu que la clause pénale était susceptible d’être modérée par le juge du fond, ce qui constituait une contestation sérieuse de la créance. Décision du TribunalLe tribunal a constaté que la créance de la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT était sérieusement contestable, en raison des arguments avancés par la société DEPANNECHAUFF’. En conséquence, il a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé et a condamné la demanderesse aux dépens, ainsi qu’à verser une indemnité de 2 000 € à la défenderesse pour couvrir ses frais non compris dans les dépens. L’ordonnance a été déclarée exécutoire par provision. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une demande en référé selon l’article 873 du code de procédure civile ?La demande en référé est régie par l’article 873 du code de procédure civile, qui stipule que le juge des référés peut être saisi pour ordonner des mesures provisoires lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. En effet, le deuxième alinéa de cet article précise que dans tous les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier. Ainsi, pour qu’une demande en référé soit recevable, il faut que la créance invoquée ne soit pas sérieusement contestable, ce qui implique que le juge doit examiner si les arguments de la partie défenderesse remettent en cause la créance de manière substantielle. Dans le cas présent, la société DEPANNECHAUFF’ a soulevé des contestations sérieuses concernant la validité du contrat et le montant des créances, ce qui a conduit le juge à conclure qu’il n’y avait pas lieu à référé. Quels sont les effets de la résiliation d’un contrat de prestation de services selon le code civil ?La résiliation d’un contrat de prestation de services est régie par les articles 1219 et suivants du code civil, qui traitent de la résolution des contrats. L’article 1219 stipule qu’une partie peut résoudre le contrat si l’autre partie n’exécute pas son obligation, à moins qu’elle ne prouve que cette inexécution est justifiée. De plus, l’article 1231-5 précise que la résiliation peut donner lieu à des dommages-intérêts, notamment si une clause pénale a été prévue dans le contrat. Dans le cas présent, la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT a notifié la résiliation du contrat en raison de l’inexécution des obligations par la société DEPANNECHAUFF’. Cependant, cette résiliation a été contestée par la défenderesse, qui a soulevé des arguments relatifs à la nullité du contrat et à l’absence de prestations conformes. Comment le code de la consommation s’applique-t-il aux contrats entre professionnels ?Le code de la consommation, notamment à travers l’article L221-3, prévoit que les dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement s’appliquent également aux contrats entre professionnels, sous certaines conditions. Ces conditions incluent que l’objet du contrat ne doit pas entrer dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que ce dernier doit employer moins de cinq salariés. Dans le cas présent, la société DEPANNECHAUFF’ a soutenu que le contrat de conseil ne relevait pas de son activité principale, qui est la fourniture et l’entretien d’équipements thermiques. De plus, il a été attesté qu’elle n’employait pas plus de cinq salariés, ce qui la rend éligible aux protections offertes par le code de la consommation. Ainsi, la contestation de la société DEPANNECHAUFF’ sur la nullité du contrat en raison de l’absence d’information sur le droit de rétractation constitue une contestation sérieuse, empêchant le juge des référés d’accorder la provision demandée. Quelles sont les conséquences d’une contestation sérieuse sur la créance en référé ?Lorsqu’une contestation sérieuse est soulevée par la partie défenderesse, cela a des conséquences directes sur la possibilité d’obtenir une provision en référé. En effet, comme le stipule l’article 873 du code de procédure civile, si l’existence de l’obligation est sérieusement contestable, le juge des référés ne peut pas accorder la provision demandée. Dans le cas présent, la société DEPANNECHAUFF’ a soulevé plusieurs contestations concernant la validité du contrat et le montant des créances, ce qui a conduit le juge à conclure qu’il n’y avait pas lieu à référé. Ainsi, la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT a été déboutée de sa demande, et les dépens ont été mis à sa charge, illustrant l’importance de la solidité des arguments présentés en matière de référé. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 24/01294 – N° Portalis DB2E-W-B7I-MZME
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE STRASBOURG
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Greffe des Référés Commerciaux
03.88.75.27.81
N° RG 24/01294 – N° Portalis DB2E-W-B7I-MZME
N° de minute :
Copie certifiée conforme délivrée
le 13/11/2024 à :
Me Eric AMIET, vestiaire 125
Copie exécutoire délivrée
le 13/11/2024 à :
Me Eric JUSKOWIAK, vestiaire 232
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE du 13 Novembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats à l’audience publique du 16 Octobre 2024 :
Président : Konny DEREIN, Première Vice-Présidente,
Greffier : Isabelle JAECK
ORDONNANCE :
– mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2024,
– contradictoire et en premier ressort,
– signée par Konny DEREIN, et par Isabelle JAECK, Greffier lors de la mise à disposition ;
DEMANDERESSE :
S.A.S.U. DW CONSEIL & DEVELOPPEMENT, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Eric AMIET, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
DEFENDERESSE :
S.A.R.L. DEPANNECHAUFF’
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Eric JUSKOWIAK, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
NOUS, Konny DEREIN, Première Vice-Présidente, statuant en matière de référé, assistée de Isabelle JAECK, Greffier,
Aux termes de ses conclusions du 06 septembre 2024 auxquelles elle s’est référée lors de l’audience de plaidoirie, la demanderesse sollicite du juge des référés qu’il :
Vu l’article L 731-2 du code de commerce,
Vu l’article 873 du code de procédure civile,
Vu la loi du 1er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle,
Vu les articles 1231 et suivants du code civil,
-déclarer recevables et bien fondées ses demandes ;
-condamner la société DEPANNECHAUFF’ à lui payer à titre provisionnel la somme de 31 202,40 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2024 sur un montant de 6 722,40 € et à compter du 14 mai 2024 sur un montant de 24 480 € ;
-la condamner à lui payer une indemnité de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-la charger des entiers frais et dépens ;
-rappeler que l’ordonnance à intervenir est de plein droit exécutoire par provision.
La société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT expose que les parties étaient liées par un contrat de conseil en pilotage d’entreprise signé le 31 mars 2023 et aux termes duquel la demanderesse s’est engagée à assurer une prestation de conseil en assistance administrative et de conseil en développement à la société DEPANNECHAUFF’ moyennant une rémunération mensuelle forfaitaire de 1 700 € HT, soit 2 040 € TTC durant douze mois.
Elle précise que le contrat était convenu pour une durée d’un an avec tacite reconduction à défaut d’être dénoncée par LRAR avec un préavis de trois mois.
Elle ajoute que le contrat a été exécuté par les deux parties jusqu’en 2023 et que la tacite reconduction n’a pas été dénoncée, de sorte qu’elle a poursuivi ses prestations en 2024 mais n’en a pas été payée.
Elle expose encore qu’une mise en demeure de payer n’ayant produit aucun effet, elle a notifié la résiliation du contrat le 14 mai 2024.
Elle réclame en conséquence les factures demeurées impayée et la clause pénale prévue par le contrat en cas de résiliation anticipée.
Répondant au moyen qui lui est opposé, elle conteste fermement avoir cessé toute prestation à compter de novembre 2023 et relève n’avoir été destinataire d’aucune réclamation jusqu’à la présente instance.
Elle conteste également que la défenderesse puisse se prévaloir ds dispositions des articles L 221-3 et suivants du code de la consommation pour opposer la nullité du contrat, considérant que le contrat, qui porte sur la gestion administrative et le développement de l’activité, entre dans le champ de l’activité principale de la défenderesse.
Elle rappelle que le juge des référés n’a pas le pouvoir de réduire une clause pénale.
Aux termes de ses conclusions du 1er octobre 2024 auxquelles elle s’est référée lors de l’audience de plaidoirie, la société DEPANNECHAUFF’ demande au juge des référés de :
Vu l’article 873 du code de procédure civile,
Vu les articles 1104 et 1219, 1231-5 du code civil,
Vu les articles L221-1, L221-3, L221-5, L221-9, L221-29 et L242-1 du code de la consommation ;
-juger que les conditions de l’article 873 du code de procédure civile ne sont pas réunies dans la mesure où la créance invoquée par la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT est sérieusement contestable ;
-débouter la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT de l’intégralité de ses demandes ;
-condamner la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT aux entiers frais et dépens de l’instance ;
-condamner la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-rappeler que l’ordonnance à intervenir est exécutoire par provision.
La société DEPANNECHAUFF’ affirme que la demanderesse n’a effectué que de la saisie de divers documents tels que factures, devis, via un logiciel installé à cet effet, et n’a pas, contrairement à l’objet du contrat, procédé à une évaluation des besoins administratifs, réalisé et mis en place des outils de suivi de chantier ou d’aide à l’élaboration de la stratégie d’entreprise. Elle ajoute que les travaux de saisie l’ont été jusqu’au mois d’octobre 2023, et que c’est en raison des relations amicales existant entre les dirigeants des sociétés qu’elle a réglé les factures jusqu’à la fin de l’année 2023.
Elle indique avoir dénoncé oralement la situation avant de cesser de régler les factures injustifiées.
Elle considère que la créance de la demanderesse est sérieusement contestable au regard, d’une part, de l’exception d’inexécution qu’elle lui oppose, d’autre part au regard de la nullité du contrat sur le fondement des dispositions du code de la consommation, l’existence d’un droit de rétractation n’ayant pas été porté à sa connaissance.
Elle ajoute que la clause pénale apparaît sérieusement susceptible d’être modérée par le juge du fond, ce qui constitue une contestation sérieuse de cette créance.
Vu les actes de la procédure et les pièces produites aux débats ;
En application du deuxième alinéa de l’article 873 du code de procédure civile, dans tous les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
En l’espèce, par acte sous seing privé du 31 mars 2023, la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT a conclu avec la société DEPANNECHAUFF’ un contrat de conseil en pilotage d’entreprise aux termes duquel la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT s’est engagée à réaliser les prestations suivantes :
-base de départ :
-évaluation des besoins administratifs ;
-réalisation et mise en place d’outils de suivi de chantier ;
-aide à la réalisation de devis/ouvrages rentables et à leur vente ;
-conseil et aide à l’élaboration de la stratégie d’entreprise (embauches, investissements, etc.) ;
-suivi mensuel :
-assistance administrative dans le suivi des devis, de la facturation et des règlements ;
-analyse des outils de suivi mis en place ;
-suivi du CA / achats / marge / masse salariale / trésorerie ;
-déplacement, disponibilité ;
étant précisé que la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT s’est engagée à se rendre deux fois par mois chez la société DEPANNECHAUFF’ et d’opérer un point hebdomadaire.
Ce contrat a été conclu pour une durée de douze mois à compter du 1er avril 2023, renouvelable par tacite reconduction à défaut de dénonciation trois mois avant son terme, et moyennant une rémunération forfaitaire de 1 700 € HT par mois.
Ce contrat a été exécuté par la société DEPANNECHAUFF’ jusqu’en décembre 2023 inclus, et la défenderesse a cessé de procéder au règlement des honoraires à compter de janvier 2024, soit avant même le terme de la première période annuelle.
Pour s’opposer au paiement des échéances dues au titre du contrat d’une part, et de l’indemnité de résiliation anticipée prévue par l’article 9 d’autre part, la résiliation étant intervenue à l’initiative de la demanderesse au cours de la deuxième année, la société DEPANNECHAUFF’ excipe d’une contestation tenant à la nullité de son engagement sur le fondement des dispositions protectrices du code de la consommation.
En application des dispositions de l’article L221-3 du code de la consommation, les dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement prévues par le code de la consommation, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le contrat litigieux a été conclu au siège de la société DEPANNECHAUFF, donc hors établissement au sens des dispositions du code de la consommation.
La société DEPANNECHAUFF’ est spécialisée dans la fourniture, la vente, la pose, la réparation et l’entretien d’équipements thermiques, de chauffage et d’installations sanitaires, et dans les travaux de ramonage et de fumisterie.
La gestion administrative et comptable, l’optimisation de son développement, ne constituent en conséquence pas son champ d’activité principale.
Il est par ailleurs attesté par son expert-comptable qu’elle n’employait pas plus de cinq salariés au jour de la souscription du contrat litigieux, de sorte qu’elle est éligible au bénéfice des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement dans ses rapports avec la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT.
Par voie de conséquence, le moyen de nullité fondé sur l’absence d’information relative au droit de rétractation constitue une contestation sérieuse commandant de dire n’y avoir lieu à référé.
Les dépens de l’instance seront supportés par la demanderesse qui succombe et qui participera aux frais irrépétibles exposés par la société DEPANNECHAUFF’ à hauteur de 2 000 €.
Statuant publiquement, par ordonnance de référé contradictoire et en premier ressort,
Constatons que la créance de la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT se heurte à une contestation sérieuse ;
En conséquence, disons n’y avoir lieu à référé ;
Condamnons la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT aux dépens ;
Condamnons la société DW CONSEIL ET DEVELOPPEMENT à payer à la société DEPANNECHAUFF’ une indemnité de 2 000 € (deux mille euros) en couverture de ses frais non compris dans les dépens ;
Rappelons que cette ordonnance est exécutoire par provision.
Le Greffier, Le Juge des Référés Commerciaux,
Isabelle JAECK Konny DEREIN