Contrat de conseil en levée de fonds : la commission de succès

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Contrat de conseil en levée de fonds : la commission de succès

Un contrat d’assistance en levée de fonds peut stipuler une commission variable de 8% HT calculée sur le montant total de la levée de fonds. Toutefois, attention aux définitions juridiques : la recherche d’un financement bancaire ne constitue pas une opération d’investissement et se trouve hors assiette de commission du prestataire.

A toutes fins utiles, la clause suivante peut être utilisée :

‘La société Y percevra une commission variable, de 8 % HT, TVA en sus, calculée sur le montant total de la levée de fonds, avec un minimum de 300 000 euros HT payable par … le jour de l’apport des fonds par le (ou les) investisseur(s).

Il est convenu entre X et Y que Y demeurera le conseil financier de X si le prospect investissait directement ou indirectement dans …, et ce tant que le prospect restera directement ou indirectement actionnaire de [Localité 5]. Lag Participations percevra une commission de succès sur les levées de fonds et les montages financiers à venir impliquant le prospect. Le montant de la commission de succès sera défini au préalable entre X et Y, au cas par cas des levées de fonds et des montages financiers, et selon les normes en usage en la matière.

Dans l’hypothèse où le règlement du prix, transfert de fonds et d’actifs, ou tout autre mode de réalisation seraient répartis dans le temps, par exemple sur plusieurs années, la commission de succès de Y sera calculée sur le montant global de ces modes de réalisation étalés dans le temps, et payable au fur et à mesure des encaissements et/ou de leur mise en place.

La société Y aura droit à sa rémunération de succès calculée ci-dessus, quel que soit le mode de réalisation des opérations ; dans le cas par exemple où l’une ou les transactions seraient réalisées selon des modalités juridiques différentes d’une augmentation de capital pure et simple : une fusion, un échange d’actions, un achat d’actifs ou de titres, une émission d’obligations convertibles, un apport de fonds, une mise en place de facilités bancaires, une cession ou un remboursement de comptes courants, etc… sans que la liste soit considérée comme limitative.’

Résumé de l’affaire : La société [Localité 5] Emergence, spécialisée dans l’exploitation d’une source d’eau minérale, a conclu un contrat de conseil en levée de fonds avec la société Lag Participations le 18 décembre 2014. Ce contrat stipulait une commission de 8% HT sur le montant total des fonds levés. En juillet 2017, un crédit bancaire de 6 000 000 euros a été accordé à la société [Localité 5]. En décembre 2017, Lag Participations a mis en demeure [Localité 5] pour le paiement de ses commissions, et le contrat a été résilié en février 2018. Lag Participations a ensuite assigné [Localité 5] devant le tribunal de commerce de Créteil, demandant le paiement de commissions et une indemnisation pour préjudice moral. Le tribunal a rendu un jugement en mai 2021, déboutant Lag Participations de ses demandes et condamnant cette dernière à verser 10 000 euros à [Localité 5] au titre des frais de justice. Lag Participations a interjeté appel, demandant la réformation du jugement. En appel, la cour a déclaré recevable la demande de Lag Participations pour une commission de succès, mais a rejeté d’autres demandes, confirmant en partie le jugement de première instance tout en condamnant Lag Participations à payer des frais supplémentaires à [Localité 5].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
21/12063
RÉPUBLIQUE FRAN’AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/12063 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6LL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2021 – Tribunal de Commerce de Créteil, 3ème chambre – RG n° 2018F00483

APPELANTE

E.U.R.L. LAG PARTICIPATIONS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 487 427 734

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Mathieu Croizet, avocat au barreau de Paris, toque : E0770

INTIMÉE

S.A.S. [Localité 5] EMERGENCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Chambéry sous le numéro 507 496 909

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Audrey Schwab de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de Paris, toque : L0056

Assistée de Me Margot Naquet de la SELAS LEXINGTON Avocats, avocat au barreau de Paris, toque : B485

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5

Mme Christine Soudry, conseillère

Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Nathalie Renard dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5 et par Maxime Martinez, greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

La société [Localité 5] Emergence (la société [Localité 5]) a pour objet social l’exploitation d’une source d’eau minérale.

Le 18 décembre 2014, la société Lag Participations et la société [Localité 5] ont conclu un contrat de conseil en levée de fonds. La mission de la société Lag Participations consistait en la recherche, l’identification et la proposition d’investisseurs potentiels, la réflexion et les propositions de montage, ainsi que l’accompagnement dans les négociations relatives au projet, les levées de fonds et les montages financiers postérieurs.

Le contrat prévoyait une commission variable de 8% HT calculée sur le montant total de la levée de fonds.

Le 7 juillet 2017, la banque CIC a accordé à la société [Localité 5] un crédit bancaire d’un montant de 6 000 000 euros.

Le 18 décembre 2017, la société Lag Participations a mis en demeure la société [Localité 5] de lui payer une certaine somme au titre de ses commissions.

Le 15 février 2018, la société [Localité 5] a résilié le contrat.

Par acte du 20 avril 2018, la société Lag Participations a assigné la société [Localité 5] devant le tribunal de commerce de Créteil en paiement de ses commissions et en indemnisation d’un préjudice moral.

Par jugement du 25 mai 2021, le tribunal de commerce de Créteil a :

– Dit la société Lag Participations mal fondée en sa demande de condamner la société [Localité 5] à lui verser la somme de 725 600 euros HT et l’en a déboutée ;

– Dit la société Lag Participations mal fondée en sa demande de condamnation de la société [Localité 5] pour préjudice moral ;

– Dit la société [Localité 5] mal fondée en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et l’en a déboutée ;

– Dit la société Lag Participations mal fondée en sa demande de condamner, sous astreinte, la société [Localité 5] à lui communiquer tout document relatif aux banques CIC, BIL et l’en a déboutée ;

– Condamné la société Lag Participations à payer à la société [Localité 5] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouté la société [Localité 5] au surplus de sa demande et débouté la société Lag Participations de sa demande formée de ce chef ;

– Dit qu’il n’y avait pas lieu à exécution provisoire ;

– Condamné la partie demanderesse aux dépens.

Par déclaration du 28 juin 2021, la société Lag Participations a interjeté appel du jugement en visant tous ses chefs de dispositif.

Par ses dernières conclusions notifiées le 28 février 2024, la société Lag Participations demande, au visa des articles 1147, 1134, 1154 ancien, 1156 ancien du code civil, 202 et 40, 564 du code de procédure civile, et 226-15 du code pénal, de :

– Recevoir l’appel de la société Lag Participations et le dire bien fondé ;

– Réformer le jugement ;

Statuant de nouveau,

– Débouter la société [Localité 5] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Sur l’absence de médiation,

– Confirmer qu’il n’y avait donc pas lieu pour le tribunal de statuer sur la fin de non-recevoir initialement soulevée par la société [Localité 5] pour défaut de mise en oeuvre d’une médiation préalable à la présente procédure ;

Sur la validité et l’opposabilité du contrat de conseil en levée de fonds du 18 décembre 2014,

– Confirmer que le contrat de levée de fonds du 18 décembre 2014 auquel se réfère les parties est un contrat synallagmatique par lequel la société [Localité 5] s’engage à rémunérer la société Lag Participations pour l’exécution des missions prévues par ledit contrat ;

– Confirmer que le contrat est valide et opposable à la société [Localité 5] ;

Sur les attestations de complaisance,

– Rejeter les attestations de M. [S] et M. [J] ;

– Transmettre les fausses attestations à M. le Procureur par application de l’article 40 du code de procédure pénale ;

Sur la condamnation de la société [Localité 5] à verser les commissions de succès à la société Lag Participations,

– Condamner la société [Localité 5] à payer à la société Lag Participations, au titre du prêt de 6 000 000 euros (facilité bancaire selon l’article 4.3 du contrat), la somme de 480 000 euros (= 6 000 000 X 8%) HT, soit 576 000 euros TTC avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 18 décembre 2017 ;

– Condamner la société [Localité 5] à payer à la société Lag Participations au titre de l’apport en compte courant de 3 070 000 euros (apport de fonds selon l’article 4.3 du contrat), la somme de 245 600 euros (= 3 070 000 X 8%) HT, soit 294 720 euros TTC avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 18 décembre 2017 ;

– Condamner la société [Localité 5] à payer à la société Lag Participations au titre de l’apport en compte courant de 5 000 000 euros (apport de fonds selon l’article 4.3 du contrat) (fait nouveau mis en évidence dans les conclusions en cause d’appel adverses), la somme de 400 000 euros (= 5 000 000 X 8%) HT, soit 480 000 euros TTC avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 18 décembre 2017 ;

Sur l’indemnisation du préjudice moral,

– Condamner la société [Localité 5] à payer à la société Lag Participations la somme de 50 000 euros avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 18 décembre 2017, au titre de la réparation du préjudice moral ;

Sur la demande de communication de documents sous astreinte,

– Condamner la société [Localité 5], sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la date du délibéré, à remettre à la société Lag Participations toutes documentations émanant de la Banque CIC et de tout nouvel investisseur entré au capital de la société [Localité 5] depuis le 1er janvier 2017 et de toute banque ou organisme financier dont la société [Localité 5] est cliente depuis le 1er janvier 2017 (échange d’emails, octroi de nouvelles facilités bancaires, autorisation de découvert, la liste n’étant pas limitative) relatives à des nouvelles facilités bancaires, comme cela est stipulé à l’article 4.3 du contrat du 18 décembre 2014, qui est la loi des parties ;

Sur la production d’échange de courriers électroniques couverts par le secret des correspondances,

– Faire injonction à la société [Localité 5] afin qu’elle explique de quelles manières et par quel biais elle a obtenu l’échange de correspondances entre M. [X] et M. [I] ;

– Rejeter la pièce n°10 de la société [Localité 5] obtenue illégalement par cette dernière ;

– Transmettre cette pièce à M. le Procureur par application de l’article 40 du code de procédure pénale ;

En tout état de cause,

– Ordonner la capitalisation des intérêts ;

– Condamner la société [Localité 5] à payer à la société Lag Participations la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens distraits au profit de Maître Croizet sur son offre de droit.

Par ses dernières conclusions notifiées le 23 février 2024, la société [Localité 5] demande, au visa des articles 138, 139, 142, 564, 910-4 et 954 du code de procédure civile, 1134 et 1147 du code civil, et L153-1 du code de commerce, de :

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

Y ajoutant,

– Juger irrecevable la prétention nouvelle formulée par la société Lag Participations aux fins de paiement d’une ‘commission de succès’ d’un montant de 245 600 euros HT au titre de l’apport en compte courant d’associé à la société [Localité 5] réalisé par la société Imagine à hauteur de 3 070 000 euros ;

– Juger irrecevable la prétention nouvelle formulée par la société Lag Participations tendant à écarter des débats la pièce n°10 versée aux débats par la société [Localité 5] ;

– Débouter la société Lag Participations de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner la société Lag Participations à verser à la société [Localité 5] à hauteur d’appel la somme de 25 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société Lag Participations aux entiers dépens de l’instance dont le recouvrement sera poursuivi par la société 2H Avocats, représentée par Maître Hardouin.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mars 2024.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

– Sur l’absence de médiation :

Il est relevé que la société Lag Participations, qui a interjeté appel du jugement en visant tous ses chefs de dispositif, conclut à sa confirmation en ce ‘qu’il n’y avait pas lieu pour le tribunal de statuer sur la fin de non-recevoir initialement soulevée par la société [Localité 5] pour défaut de mise en oeuvre d’une médiation préalable à la présente procédure’.

En outre, la validité et l’opposabilité du contrat de conseil en levée de fonds du 18 décembre 2014 ne sont pas discutées par la société [Localité 5].

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur ces chefs.

– Sur l’irrecevabilité de la demande nouvelle en paiement d’une ‘commission de succès’ :

La société [Localité 5] soulève l’irrecevabilité de la prétention nouvelle formulée par la société Lag Participations aux fins de paiement d’une ‘commission de succès’ d’un montant de 245 600 euros HT au titre de l’apport en compte courant d’associé à la société [Localité 5] réalisé par la société Imagine à hauteur de 3 070 000 euros.

La société Lag Participations fait valoir que l’apport en compte courant à hauteur de 5 000 000 euros a été gardé sous silence en première instance et constitue un fait nouveau au sens de l’article 564 du code de procédure civile découvert après le dépôt des premières conclusions d’appelant.

L’article 564 du code de procédure civile dispose :

‘A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’

L’article 565 du code de procédure civile énonce que ‘les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.’

Selon l’article 566 du même code, ‘les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.’

La société Lag Participations a saisi le tribunal de commerce de demandes en paiement de ses commissions au titre du contrat du 18 décembre 2014 et d’indemnisation d’un préjudice moral.

Elle se prévalait d’un accord de financement de la banque CIC et d’apport de fonds en compte courant, et réclamait la production de pièces sous astreinte au titre d’un droit de suite.

Sa demandée ajoutée en appel en paiement d’une commission est une demande complémentaire nécessaire à sa demande initiale et tend aux mêmes fins d’indemnisation.

Elle est dès lors recevable.

– Sur l’irrecevabilité des demandes relatives à la pièce n° 10 communiquée par la société [Localité 5] :

La société Lag Participations demande de faire injonction à la société [Localité 5] d’expliquer de quelles manières et par quel biais elle a obtenu l’échange de correspondances entre M. [X] et M. [I], de rejeter la pièce n°10 de la société [Localité 5] obtenue illégalement par cette dernière et de transmettre cette pièce à M. le Procureur par application de l’article 40 du code de procédure pénale.

La société [Localité 5] soulève l’irrecevabilité de la demande de rejet de cette pièce constituée d’échanges de courriels.

La pièce litigieuse a été communiquée par la société [Localité 5] en première instance.

Les demandes de la société Lag Participations sont nouvelles en appel, sans résulter de la survenance ou de la révélation d’un fait. 

Elles seront rejetées.

– Sur les commissions au titre du contrat de conseil en levée de fonds :

La réalisation du projet de la société [Localité 5] d’exploitation d’une source d’eau nécessitait des investissements financiers.

Le contrat conclu le 18 décembre 2014 entre les parties stipule en son préambule que :

‘La société [Localité 5] souhaite maintenant renforcer ses fonds propres et procéder à une réorganisation de son capital.’

‘Son dirigeant, M. [X], ‘a donc pris la décision d’ouvrir le capital de [Localité 5] à un ou plusieurs investisseurs qui lui donneraient les moyens financiers’.

‘Dans cette perspective, [Localité 5] sollicite l’assistance’ de la société Lag Participations ‘pour identifier et intéresser au projet de levée de fonds des investisseurs, puis pour accompagner [Localité 5] dans les négociations d’investissement avec les cibles identifiées’.

‘La levée de fonds minimale envisagée est de l’ordre de 5 000 000 € (cinq millions d’euros) pour la production et la distribution de l’eau de [Localité 5] ; et de plusieurs dizaines de millions d’euros dans le cadre du projet de centre thermal et immobilier.’

‘Le montant exact de la levée des fonds, ses modalités ainsi que la structure d’investissement seront définis, le moment venu et d’un commun accord, entre [Localité 5] et les investisseurs qui se seront montrés intéressés par le projet’.

La société Lag Participations affirme qu’au ‘fur et à mesure’, sa mission ‘a évolué de la recherche d’investisseurs à la recherche de tous types de financements toujours en étroite concertation avec la société [Localité 5] qui lui a, maintes fois, renouvelé sa confiance.’

Cependant, il n’a été conclu aucun avenant au contrat en ce sens.

Elle prétend que, dans le cadre de sa mission d’accompagnement, elle a mis tout en oeuvre pour faciliter l’octroi du financement par la banque CIC et qu’elle a également noué des contacts avec de nombreuses autres banques et établissements financiers dont la Banque Populaire et la Banque BIL.

Elle fait valoir que, mandatée par la société [Localité 5], la société Eight Advisory a établi un rapport d’expertise le 29 mai 2018 indiquant que la société [Localité 5] a bénéficié de deux levées de fonds, l’un de 6 000 000 euros en prêt bancaire auprès de la société CIC et l’autre de 3 070 000 euros en compte courant d’associés.

Elle soutient que tant le prêt bancaire que les apports en compte courant d’associés constituent des ‘levées de fonds’ au sens du contrat.

Elle fait observer que la société [Localité 5] lui a demandé de contacter des banques, ce qui révèle que la prospection bancaire faisait partie intégrante de la mission contractuelle.

La société [Localité 5] soutient qu’aucune des trois opérations invoquées n’ouvre droit au paiement d’une ‘commission de succès’.

Elle prétend qu’elles ne constituent pas une ‘levée de fonds’, qui est caractérisée par l’obtention d’une somme d’un montant minimum de 5 000 000 euros, nécessairement précédée d’une entrée dans le capital de la société [Localité 5] d’un investisseur.

Elle fait valoir que les sociétés Imagine et R2B, qui ont procédé à des apports de fonds en compte courant d’associé, ne sont pas des ‘prospects’ au sens du contrat, et que les montants de ces apports sont inférieurs à 5 000 000 euros. Elle argue que la banque CIC n’était pas inconnue de la société [Localité 5], en ce que la société Imagine, société holding du groupe auquel appartient la société [Localité 5], entrée dans son capital dès la fin de l’année 2013, était en relation d’affaires avec la banque CIC depuis l’année 2010, soit antérieurement à la conclusion du contrat avec la société Lag Participations, et que la banque CIC avait déjà financé de nombreux projets pour les sociétés du groupe Imagine et apporté du soutien financier aux autres sociétés animées par M. [M], président de la société Imagine, et à sa famille, pour en déduire qu’elle n’est pas non plus un ‘prospect’.

L’article 1 du contrat, intitulé ‘Objet’, stipule :

‘[Localité 5] confie à Lag Participations, qui accepte, et ce dans le cadre de ses activités, les missions suivantes :

– Représentation de [Localité 5] dans le cadre du projet,

– Conseil et assistance générale pour promouvoir le projet et positionner au mieux les intérêts de [Localité 5],

– Recherche, identification et proposition d’investisseurs potentiels,

– Si nécessaire, obtention d’informations commerciales, financières et juridiques en rapport avec les prospects,

– Réflexion et propositions montage,

– Accompagnement dans les négociations relatives au projet ainsi que dans les levées de fonds et les montages financiers postérieurs.’

L’article 4.1 prévoit des ‘honoraires forfaitaires de conseil, d’études, de constitution de dossier, d’approche et de négociation d’un montant de 25 000 euros HT payables le jour où un prospect, approuvé par [Localité 5], confirme par écrit son intérêt d’investir un minimum de 5 000 000 euros dans [Localité 5]’.

L’article 4.2 stipule que :

‘La société Lag Participations percevra une commission variable, de 8 % HT, TVA en sus, calculée sur le montant total de la levée de fonds, avec un minimum de 300 000 euros HT payable par [Localité 5] le jour de l’apport des fonds par le (ou les) investisseur(s).

Il est convenu entre Lag Participations et [Localité 5] que Lag Participations demeurera le conseil financier de [Localité 5] si le prospect investissait directement ou indirectement dans [Localité 5], et ce tant que le prospect restera directement ou indirectement actionnaire de [Localité 5]. Lag Participations percevra une commission de succès sur les levées de fonds et les montages financiers à venir impliquant le prospect. Le montant de la commission de succès sera défini au préalable entre [Localité 5] et Lag Participations, au cas par cas des levées de fonds et des montages financiers, et selon les normes en usage en la matière.

Dans l’hypothèse où le règlement du prix, transfert de fonds et d’actifs, ou tout autre mode de réalisation seraient répartis dans le temps, par exemple sur plusieurs années, la commission de succès de Lag Participations sera calculée sur le montant global de ces modes de réalisation étalés dans le temps, et payable au fur et à mesure des encaissements et/ou de leur mise en place.

L’article 4.3. précise que la société Lag Participations ‘aura droit à sa rémunération de succès calculée ci-dessus, quel que soit le mode de réalisation des opérations ; dans le cas par exemple où l’une ou les transactions seraient réalisées selon des modalités juridiques différentes d’une augmentation de capital pure et simple : une fusion, un échange d’actions, un achat d’actifs ou de titres, une émission d’obligations convertibles, un apport de fonds, une mise en place de facilités bancaires, une cession ou un remboursement de comptes courants, etc… sans que la liste soit considérée comme limitative.’

L’article 1156 du code civil, dans sa version applicable antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, dispose qu’on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes.

Le préambule du contrat évoque un renforcement des fonds propres et l’ouverture du capital de la société [Localité 5] à un ou plusieurs investisseurs.

L’octroi d’un financement bancaire ne constitue pas une levée ou un apport de fonds, une augmentation du capital social, une ouverture du capital à des investisseurs.

Si l’article 4.3. relatif à la rémunération vise ‘une mise en place de facilités bancaires’, il ne résulte pas de la lecture du préambule, de l’objet du contrat et des autres stipulations contractuelles que les parties aient convenu d’élargir la mission à la recherche d’un financement bancaire qui ne constitue pas une opération d’investissement.

La banque CIC ne constituait pas un ‘prospect’ au sens du contrat.

S’il ressort de courriels et messages versés aux débats que la société Lag Participations a oeuvré et accompagné la société [Localité 5], par des entretiens, des échanges écrits et la communication de documents, dans l’obtention d’un financement par la société CIC qui a accordé un prêt de 6 000 000 euros en 2017, ces démarches ne s’inscrivaient pas dans le cadre du contrat de conseil en levée de fonds.

Ainsi, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les attestations produites par la société [Localité 5] dont la société Lag Participations demande le rejet et la transmission au Procureur de la République, il sera retenu que cette dernière n’est pas fondée à réclamer le paiement de la ‘commission de succès’ prévue par l’article 4.2. du contrat, au titre du prêt accordé par la banque CIC.

En ce qui concerne les apports de fonds en compte courant d’associés, ils ont été effectués par la société Imagine et par la société R2B, toutes deux associées de la société [Localité 5].

La société Imagine est entrée dans le capital de la société [Localité 5] en avril 2013 antérieurement à la conclusion du contrat avec la société Lag Participations.

La société R2B détient une partie du capital de la société [Localité 5] depuis sa constitution.

Ces deux associées ne sont pas de nouveaux investisseurs ou ‘prospects’ au sens convenu par les parties lors de la conclusion du contrat.

En outre, la société Lag Participations ne justifie pas avoir contribué à la réalisation de ces apports de fonds.

En conséquence, les demandes de la société Lag Participations en paiement de commissions au titre du prêt et des apports de fonds en compte courant associé seront rejetées.

Le jugement, qui a rejeté les demandes de la société Lag Participations de ces chefs, sera confirmé.

– Sur les demandes indemnitaires au titre d’un préjudice moral et d’une procédure abusive :

Le rejet par le tribunal de la demande de la société [Localité 5] en dommages et intérêts pour procédure abusive n’est pas contesté.

La société Lag Participations invoque un comportement fautif de la société [Localité 5].

Cependant, elle ne démontre pas l’existence d’un préjudice moral, se contentant de ses seules allégations.

L’existence d’un abus procédural de la part de la société [Localité 5] ne ressort pas des éléments du dossier.

Le jugement, qui a rejeté les demandes indemnitaires de la société Lag Participation, sera confirmé.

– Sur la demande de communication de pièces :

La société Lag Participations fait valoir un droit de suite, un droit au paiement d’une commission de succès en cas de rupture et un droit à rémunération dès l’octroi d’une nouvelle levée de fonds de la part d’un prospect, ainsi qu’une obligation de transparence de la société [Localité 5].

Elle prétend que la société BIL était un potentiel investisseur, un prospect éventuel selon les termes du contrat du 18 décembre 2014, et sollicite la condamnation de la société [Localité 5], sous astreinte, à lui remettre toutes documentations émanant de la banque CIC et de tout nouvel investisseur entré au capital de la société [Localité 5] depuis le 1er janvier 2017 et de toute banque ou organisme financier dont la société [Localité 5] est cliente depuis le 1er janvier 2017 (échange d’email, octroi de nouvelles facilités bancaires, autorisation de découvert, la liste n’étant pas limitative) relatives à des nouvelles facilités bancaires.

Cependant, la société Lag Participations ne justifie pas de ce que la société [Localité 5] détiendrait des pièces de nature à l’existence de levée de fonds.

En outre, sa demande de production de pièces, qui vise ‘toutes documentations’, est imprécise.

Cette demande sera rejetée.

– Sur les autres demandes :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société Lag Participations, partie perdante, sera tenue aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par la société 2H Avocats, représentée par Maître Hardouin, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable de la condamner à payer à la société [Localité 5] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, en application de l’article 700 du code de procédure civile, et de rejeter sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable la nouvelle demande de la société Lag Participations en paiement d’une ‘commission de succès’ ;

Déclare irrecevable les demandes de la société Lag Participations relatives à la pièce n° 10 communiquée par la société [Localité 5] ;

Dit n’y avoir lieu à transmission de pièces au Procureur de la République ;

Rejette la demande de communication de pièces ;

Confirme le jugement du 25 mai 2021 du tribunal de commerce de Créteil sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Lag Participations en dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral et pour procédure abusive, et ses demandes de production de pièces ;

Y ajoutant,

Condamne la société Lag Participations à payer à la société [Localité 5] Emergence la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles ;

Rejette la demande de la société Lag Participations au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Lag Participations aux dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés par la société 2H Avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


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