Le déséquilibre significatif dans le contrat de commission-affiliation ne peut être invoqué dès lors que les dispositions de l’article 1171 du code civil sont inapplicables entre commerçants.
En la cause, le contrat de commission-affiliation signé par l’affilié a été validé, il prévoyait expressément que ‘la rémunération due au commissionnaire est réputée couvrir les frais du commissionnaire pour l’exécution de sa mission de commissionnement, ce que le commissionnaire accepte. L’application des articles 1999 et 2000 étant exclue’. |
Résumé de l’affaire : Monsieur [K] [M] et la société R&C CONSULTING ont fait appel d’un jugement du tribunal de commerce de Rennes qui les avait déboutés de leurs demandes contre la société CAFAN, liée à un contrat de commission-affiliation. Monsieur [M] avait exploité un magasin sous l’enseigne Scottage jusqu’à sa fermeture en 2018, puis avait signé un protocole pour passer sous l’enseigne [T] avec CAFAN. Après des difficultés de vente, CAFAN a informé R&C CONSULTING que le contrat ne serait pas renouvelé. Les appelants ont contesté la responsabilité de CAFAN pour leurs pertes et ont demandé l’annulation du contrat ainsi que des indemnités. Le tribunal a rejeté leurs demandes et les a condamnés à payer des frais à CAFAN. En appel, R&C CONSULTING et Monsieur [M] ont demandé l’infirmation du jugement, mais la cour a confirmé la décision initiale et a condamné les appelants à des dépens supplémentaires.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°308
N° RG 22/07457 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TMAY
(Réf 1ère instance : 2022F00260)
M. [K] [M]
S.A.R.L. R&C CONSULTING
C/
S.A.S. CAFAN
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me LE COULS BOUVET
Me BONTE
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à : TC de RENNES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLÉMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, Rapporteur
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 28 Mai 2024
ARRÊT :
contradictoire, prononcé publiquement le 10 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
APPELANTS :
Monsieur [K] [M]
né le 20 Septembre 1959 à [Localité 5] (MAROC)
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Rodolphe PERRIER substituant Me Charlotte BELLET de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A.R.L. R&C CONSULTING
immatriculée au RCS de Salon de Provence sous le n° 422 750 505, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Rodolphe PERRIER substituant Me Charlotte BELLET de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.S. CAFAN
immatriculée au RCS de Saint Malo sous le n° 493 983 431, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Nathalia KOUCHNIR CARGILL de la SELARL GRALL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Le Groupe BEAUMANOIR, exploite notamment, via ses filiales, les enseignes de prêt-à-porter Cache-Cache, Bonobo, Bréal et [T].
Jusqu’en 2019, il exploitait également l’enseigne Scottage.
Si plusieurs des magasins proposant ces marques sont exploités par des succursales, un certain nombre le sont par des affiliés indépendants, dans le cadre d’un système de commission-affiliation.
La commission-affiliation permet que l’affilié, qui exploite son commerce de façon indépendante sous l’enseigne du commettant, vende les produits en son nom mais pour le compte du commettant lequel reste propriétaire du stock.
Ainsi l’affilié ne supporte pas le risque d’invendu.
Les affiliés exercent de façon indépendante, chacun en leur propre nom, mais pour le compte du commettant, l’activité de vente au détail d’articles de prêt-à-porter et accessoires au sein de leur fonds de commerce, dans le respect de l’image de la marque et de l’enseigne.
Les affiliés gèrent ainsi eux-mêmes leur magasin, leurs salariés et leurs clients, et jouissent du droit à la clientèle attachée à leur fonds de commerce, clientèle également attachée à la marque distribuée.
Monsieur [K] [M] a débuté son partenariat avec le Groupe BEAUMANOIR à compter de 2005 et a plus particulièrement exploité un magasin sous l’enseigne Scottage à [Localité 6], via sa société R&C CONSULTING, qui avait signé un contrat de commission-affiliation avec la société TAIS, filiale du Groupe BEAUMANOIR exploitant la marque Scottage.
A la fin de l’année 2018, face à des difficultés croissantes de la marque Scottage, le Groupe BEAUMANOIR a pris la décision, de fermer l’enseigne Scottage, ce dont tous les affiliés ont été informés par une circulaire du 6 novembre 2018.
Monsieur [M] a été contacté par le Groupe BEAUMANOIR et il lui a été proposé de passer son magasin sous enseigne [T], cette enseigne étant exploitée par la société CAFAN au sein du groupe.
Un protocole d’accord fut signé entre la société R&C CONSULTING et les sociétés TAIS et CAFAN le 21 mars 2019 visant à organiser la fin des relations commerciales avec la société TAIS et le passage sous l’enseigne [T].
Il a été convenu que le contrat de commission-affiliation signé avec la société TAIS, devant initialement arriver à échéance le 31 août 2019, prendrait fin de manière anticipée le 30 mars 2019.
Le protocole prévoyait également les conditions de la conclusion du contrat de commission-affiliation devant intervenir entre la société R&C CONSULTING et la société CAFAN.
Il fut ainsi convenu que le contrat de commission-affiliation à signer entrerait en vigueur au plus tard le 31 mars 2019 pour une durée allant jusqu’au 28 février 2021.
Il fut également prévu que la société CAFAN prendrait à sa charge les frais d’aménagement et de décoration permettant de mettre le point de vente aux normes et qu’elle fournirait son assistance et son support financier pour les besoins de son ouverture.
Il fut en outre convenu de déroger au taux de commission standard de 40% pour le porter notamment à 45% si le chiffre d’affaires annuel était inférieur à 211.000 euros, outre l’absence de tout versement d’un droit d’entrée.
L’envoi du document d’information précontractuelle fut effectué par voie électronique le 26 mars 2019 et le contrat de commission-affiliation signé le 15 avril 2019.
Le point de vente sous enseigne [T] a ainsi ouvert le 6 avril 2019. Il a connu des difficultés et n’est jamais arrivé à atteindre les objectifs fixés par l’enseigne.
Le 12 mars 2020, la société CAFAN a écrit à la société R&C CONSULTING que son contrat prendrait fin le 28 février 2021, comme envisagé dans le protocole d’accord, et qu’il ne serait pas renouvelé à son échéance.
La 4 janvier 2021, le conseil de la société R&C CONSULTING a adressé un courrier par e-mail et par lettre recommandée avec AR au directeur général délégué de la société CAFAN reprochant à celle-ci d’être responsable des difficultés rencontrées par sa cliente et considérant qu’elle aurait commis un manquement grave dans la phase précontractuelle et dans la phase d’exécution du contrat.
Par courrier officiel de son conseil en date du 17 février 2021, la société CAFAN a répondu point par point en contestant la présentation des faits opérée par le conseil des appelants et confirmant que rien ne permettait de soutenir qu’elle aurait engagé sa responsabilité.
Par assignation du 1er avril 2021, la société R&C CONSULTING et Monsieur [M] ont assigné la société CAFAN pour voir à titre principal prononcer la nullité du contrat de commission-affiliation conclu le 15 avril 2019 et sa condamnation à payer la somme de 174.123 euros à la société R&C CONSULTING et 53.233 euros à Monsieur [M] personnellement.
Par jugement du 22 novembre 2022, le tribunal de commerce de Rennes a :
– Débouté la société R&C CONSULTING et Monsieur [M] de l’intégralité de leurs demandes,
– Condamné solidairement la société R&C CONSULTING et Monsieur [M] à payer à la société CAFAN la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné solidairement la société R&C CONSULTING aux dépens.
Appelants de ce jugement, la société R&C CONSULTING et M. [M], par conclusions du 11 avril 2024, ont demandé à la Cour de :
Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu’il a :
– débouté la société R&C CONSULTING et Monsieur [M] de l’intégralité de leurs demandes d’annulation du contrat d’affiliation-commission,
– débouté en conséquence la société R&C Consulting et Monsieur [M] des demandes financières qu’ils forment à ce titre, à hauteur respectivement des sommes de 174.123 euros et de 53.233 euros,
– débouté la société R&C Consulting de sa demande subsidiaire tendant à voir retenir la responsabilité contractuelle de la société Cafan sur le fondement de l’article 2000 du Code civil,
– débouté la société R&C CONSULTING de sa demande d’indemnisation des pertes qu’elle a essuyées à l’occasion de sa gestion, pour un montant de 174.123 euros,
– condamné solidairement la société R&C CONSULTING et Monsieur [M] à payer à la société Cafan la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamné solidairement la société R&C CONSULTING et Monsieur [M] aux entiers dépens.
Et statuant à nouveau :
A titre principal :
Prononcer la nullité du contrat de commission-affiliation conclu entre la société R&C CONSULTING et la société Cafan ;
Condamner en conséquence la société Cafan à verser les sommes suivantes :
. 174.123 euros à la société R&C CONSULTING ;
. 53.233 euros à Monsieur [M].
A titre subsidiaire :
Condamner la société Cafan à verser la somme de 174.123 euros à la société R&C CONSULTING.
En tout état de cause :
Condamner la société Cafan, outre aux entiers frais et dépens, à verser à une somme de 15.000 euros à la société R&C CONSULTING sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 13 mai 2024, la société CAFAN a demandé à la Cour de:
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 novembre 2022 par le Tribunal de commerce de Rennes,
– Condamner solidairement la société R&C CONSULTING et Monsieur [K] [M] à payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure Civile.
– Condamner solidairement la société R&C CONSULTING et Monsieur [K] [M] aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés directement par Maître Mickaël Bonte conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.
Durant le cours de son délibéré, la Cour a adressé aux parties la note suivante:
‘La Cour vous prie, avant le 15 juin prochain, de lui adresser une note en délibéré sur le oint de savoir si, au regard des dispositions de l’article D442-3 ancien et D442-2 actuel du code de commerce, dans sa version applicable à la date de signature du contrat, la cour était compétente pour statuer sur l’application à l’espèce du déséquilibre significatif des droits et obligations des parties définies par l’article L442-6 ancien et l’actuel L442-I 2° du même code’.
La société R&C CONSULTING a adressé une note le 14 juin 2024.
La société CAFAN a adressé une note le 17 juin 2024.
La société R&C CONSULTING exploitait un magasin de vente de vêtements féminins dans le centre ville de [Localité 6] depuis 2003.
Depuis 2005, elle exploitait une marque du Groupe BEAUMANOIR, la marque SCOTTAGE, dans le cadre d’un contrat de commission affiliation conclu avec la société TAIS, filiale du groupe BEAUMANOIR dédiée à l’exploitation de la marque SCOTTAGE.
Les données figurant dans sa pièce numéro 4.4 démontrent qu’après avoir connu une croissance quasi-continue de son chiffre d’affaires jusqu’en 2011, pour atteindre 403.980,17 euros, ses performances avaient diminué de façon tout aussi continue à partir de 2012, pour atteindre en 2018 un chiffre d’affaires de 226.014,92 euros.
Le 06 novembre 2018, elle a reçu un courrier du Groupe BEAUMANOIR, faisant état des pertes enregistrées avec la marque SCOTTAGE depuis plusieurs années, d’un constat de l’échec des mesures mises en oeuvre pour y remédier et de la fermeture consécutive de l’enseigne.
Ce courrier précisait ‘(…) Le groupe s’engage à accompagner ses partenaires affiliés. Dès demain et dans les tous prochains jours, vous serez contactés individuellement pour définir l’avenir de vos points de vente’.
Le 21 mars 2019, la société R&C CONSULTING a signé avec la société TAIS et avec la société CAFAN (filiale du groupe BEAUMANOIR dédiée à l’exploitation de la marque SCOTTAGE) un protocole d’accord transactionnel, organisant :
– la cessation, six mois avant la date d’échéance contractuelle, soit le 31 mars 2019, du contrat de commission affiliation conclu entre les sociétés R&C CONSULTING et TAIS,
– la conclusion d’un contrat de commission affiliation avec la société CAFAN pour l’exploitation de la marque [T], avec reconnaissance par la société R&C CONSULTING de la prise de connaissance préalable du document d’information précontractuelle (DIP),
– la prise en charge par la société CAFAN des travaux nécessaires (aménagement et décoration) au changement d’enseigne de la boutique,
– l’application d’un taux de commission dérogatoire, d’autant plus élevé que le chiffre d’affaires de la boutique serait faible,
– l’absence dérogatoire de perception d’un droit d’entrée par la société CAFAN,
– une période d’exécution du contrat de commission affiliation du 31 mars 2019 au 28 février 2021.
Il est acquis aux débats que le DIP a été adressé à la société R&C CONSULTING le 26 mars, que la boutique a commencé à vendre sous la nouvelle adresse le 06 avril et que le contrat de commission affiliation a été signé le 15 avril 2019.
Sur la demande d’annulation du contrat :
La société R&C CONSULTING demande à titre principal l’annulation pour vice du consentement, soit le dol et l’erreur, en soutenant :
– que doit être prise en considération non pas la date de signature du contrat, mais la date d’ouverture de la boutique sous la marque [T] pour vérifier si le délai de vingt jours consécutif à l’envoi du DIP a été respecté,
– qu’ainsi le contrat a été signé dans la précipitation en fournissant des informations lacunaires,
– que certaines informations étaient de nature dolosive.
Il ne peut être raisonnablement soutenu que le contrat de commission-affiliation ait été signé dans la précipitation.
Il résulte en effet d’échanges de courriels du mois de janvier 2019 que le passage de l’exploitation sous l’enseigne [T] était envisagée et discutée dès cette date, puisque des devis et plans relatifs au changement d’enseigne ont été communiqués à cette époque à la société R&C CONSULTING par le prestataire habituel du groupe BEAUMANOIR, qui prenait en charge les travaux.
Le protocole du 21 mars 2019 avait donc été discuté durant deux mois.
Quoique contenant des dérogations au contrat de commission affiliation, dérogations au demeurant favorables à l’affilié, il ne se confond pas avec la signature du contrat de commission-affiliation.
S’agissant de ce dernier, le tribunal de commerce a relevé pertinemment qu’il se présentait de façon exactement similaire à celui que la société R&C CONSULTING avait antérieurement signé avec la société TAIS, puis exécuté durant treize années.
Sur ce point, la société R&C CONSULTING ne prétend pas que l’une ou l’autre des clauses lui ait causé la moindre difficulté d’interprétation ou de compréhension.
Elle ne soutient pas non plus que mieux renseignée, elle en aurait refusé telle ou telle clause, se bornant à conclure que le délai légal de transmission du DIP, prescrit par les dispositions de l’alinéa 3 de l’article L330-3 du code de commerce, devait être calculé à partir de la date d’ouverture du magasin sous la nouvelle enseigne et non de la signature du contrat quand la première était antérieure à la seconde.
Toutefois, seule la signature du contrat de commission-affiliation entérinait l’accord des volontés sur l’ensemble des stipulations qu’il contenait et ce moyen n’est pas fondé.
La société R&C CONSULTING soutient aussi que le DIP ne fournissait que des informations lacunaires sur l’état du marché de la marque [T].
L’article L330-3 du code de commerce prévoit que toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause.
Selon les dispositions de l’article R330-1 dans sa version applicable au litige,
Le document prévu au premier alinéa de l’article L. 330-3 contient les informations suivantes :
1° L’adresse du siège de l’entreprise et la nature de ses activités avec l’indication de sa forme juridique et de l’identité du chef d’entreprise s’il s’agit
d’une personne physique ou des dirigeants s’il s’agit d’une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;
2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l’article R. 123-237 ou le numéro d’inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d’enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l’objet du contrat a été acquise à la suite d’une cession ou d’une licence, la date et le numéro de l’inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l’indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;
3° La ou les domiciliations bancaires de l’entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;
4° La date de la création de l’entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d’exploitants, s’il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d’apprécier l’expérience professionnelle acquise par l’exploitant ou par les dirigeants.
Les informations mentionnées à l’alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l’état général et local du marché des produits ou services devant faire l’objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.
Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l’article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ;
5° Une présentation du réseau d’exploitants qui comporte :
a) La liste des entreprises qui en font partie avec l’indication pour chacune d’elles du mode d’exploitation convenu ;
b) L’adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;
Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l’alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l’exploitation envisagée ;
c) Le nombre d’entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l’année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s’il a été résilié ou annulé;
d) S’il y a lieu, la présence, dans la zone d’activité de l’implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l’accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l’objet de celui-ci ;
6° L’indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.
Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l’enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l’exploitation.
La société R&C CONSULTING fait reproche aux informations sur le marché général et le marché local d’avoir été lacunaires, en relevant que les informations sur le marché général fournissaient des statistiques anciennes de trois années, dont elle ne démontre pas toutefois le caractère obsolète, s’agissant de données générales sur la consommation de vêtements féminins en France par tranches d’âge.
L’étude du marché local avait été réalisé en février 2019 par un bureau d’études mandaté à cette fin.
Il contient un grand nombre de données sur la composition sociologique, démographique et économique de la commune de [Localité 6], et fournit les précisions nécessaires sur les commerces proches et les éventuels commerces concurrents.
La société R&C CONSULTING connaît particulièrement bien cette clientèle puisqu’elle exploite son magasin, dans la même spécialité, soit la vente de vêtements féminins, depuis quinze ans au même emplacement.
Si la nouvelle enseigne cible les jeunes femmes alors que l’ancienne enseigne ciblait les femmes d’âge mur, les premières sont les filles et les nièces des secondes.
Ensuite, à l’époque de la conclusion du contrat, tant le groupe BEAUMANOIR que l’enseigne [T] étaient très établies et disposant d’une grande expérience.
L’enseigne [T], selon le DIP, était vendue dans plus de trois cent points de vente, comprenant quarante affiliés.
Il ne s’agissait donc pas d’une marque confidentielle au développement encore incertain, et la société R&C CONSULTING avait suffisamment d’expérience pour apprécier dans quelle mesure le type de vêtements proposés pourrait satisfaire la clientèle du centre ville de [Localité 6].
Enfin, ayant été elle-même confrontée durant les cinq dernières années à une chute d’affaires de son commerce, alors même que commençait à se faire sentir la concurrence d’internet, soulignée dans le DIP, qui mettait aussi en exergue une légère baisse des volumes achetés et une concurrence exacerbée, la société R&C CONSULTING aurait pu avoir la prudence de faire une étude de marché précise des possibilités de vente des vêtements de la marque [T] dans le centre ville de [Localité 6].
Une telle étude n’a jamais fait partie des documents prévus par les dispositions des articles L330-1 et R330-1 du code de commerce, l’affilié étant le seul juge de l’opportunité de son investissement.
Les éléments du DIP relatifs au marché général et au marché local, combinés à la notoriété de la marque et à l’expérience de l’affilié potentiel, étaient suffisants pour que ce dernier puisse calculer ses risques.
La société R&C CONSULTING fait toutefois valoir que le chiffre d’affaire prévisionnel lui ayant été transmis constituait une donnée frauduleuse
dans la mesure où il était inatteignable comme le démontrerait le fait qu’elle ne soit jamais arrivée à ne le réaliser qu’à moitié.
Elle soutient que le chiffre de 300.000 euros de chiffre d’affaires prévisible lui aurait été fourni verbalement dès la fin de l’année 2018 et l’aurait conduite à accepter le protocole prévoyant le transfert d’enseigne vers la marque [T] (en contradiction avec son argumentation précédente selon laquelle la signature du protocole aurait été précipitée).
Toutefois, elle ne peut justifier de document lui assurant un chiffre d’affaire prévisionnel de 300.000 euros par an, cette donnée ressortant d’un document du 18 avril, donc postérieur à la signature du contrat de commission-affiliation, et faisant état d’un ‘objectif’.
Si même il devait être retenu que le terme ‘objectif’ ait une signification similaire à ‘résultat prévisionnel’, cette communication, postérieure à la signature du contrat, n’a pu vicier son consentement.
Au surplus, le protocole de 21 mars 2019 a prévu explicitement que le chiffre d’affaires de la société R&C CONSULTING puisse être très inférieur à ce chiffre.
En effet, la société R&C CONSULTING vend pour le compte de la société CACHAN, qui la rémunère par un pourcentage du chiffre d’affaires qu’elle réalise.
Or, le protocole a prévu une rémunération majorée (45% contre 40%) pour le cas où son chiffre d’affaires annuel serait inférieur à 211.000 euros, démontrant ainsi que cette possibilité pessimiste avait été envisagée comme sérieuse par les parties.
Le moyen tiré de la promesse frauduleuse d’un chiffre d’affaires de 300.000 euros n’est pas fondé.
Enfin, les chiffres d’affaires réalisés par les autres magasins du Sud Est de la France démontrent que la marque [T] était une marque appréciée dans la région. La société R&C CONSULTING ne peut sur cette question soutenir que chaque magasin ayant réussi avait une caractéristique qui le rendait différent du sien, une telle situation étant le propre du commerce et ce risque pouvant être détecté par l’étude de marché qu’elle n’a pas jugé utile de faire réaliser.
La demande d’annulation du contrat est rejetée ainsi que les demandes d’indemnisation subséquentes, et le jugement déféré confirmé de ce chef.
Sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts de la société R&C CONSULTING :
La société R&C CONSULTING fonde ses prétentions sur les dispositions de l’article 2000 du code civil, selon lequel ‘le mandant doit aussi indemniser le mandataire des pertes que celui-ci à essuyées à l’occasion de sa gestion, sans imprudence qui lui soit imputable’.
Toutefois, le contrat de commission-affiliation qu’elle a signé prévoit expressément que ‘la rémunération due au commissionnaire est réputée couvrir les frais du commissionnaire pour l’exécution de sa mission de commissionnement, ce que le commissionnaire accepte. L’application des articles 1999 et 2000 est exclue’.
La société R&C CONSULTING soutient que cette clause introduirait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens des dispositions de l’article 1171 du code civil.
Quoique ses conclusions contiennent page 36 une référence expresse aux dispositions de l’article L442-I 2° du code de commerce, elle a exposé dans sa note en délibéré ne pas demander l’application des dispositions de commerce, qui auraient été citées ‘pour renforcer le poids du véritable fondement, qui réside depuis l’origine dans les dispositions de l’article 1171 du code civil’.
Toutefois, les dispositions de l’article 1171 du code civil sont inapplicables entre commerçants, ce dont il résulte que ce moyen est infondé.
Au surplus, lorsque le Groupe BEAUMANOIR a choisi, au mois de novembre 2018, de cesser de commercialiser la marque SCOTTAGE, il était tenu (via sa filiale TAIS) envers la société R&C CONSULTING par un contrat d’affiliation à échéance au 31 août 2019 et se devait, à défaut d’accord, de l’indemniser pour avoir rompu le contrat sans en attendre le terme.
Pour sa part, la société R&C CONSULTING, qui faisait face depuis plusieurs années à des chiffres d’affaires dégradés avec la marque SCOTTAGE, était le témoin des vains efforts de la société TAIS pour la remettre à flots.
En novembre 2018, elle savait que son contrat arrivait à échéance dix mois plus tard et avait dû déjà commencer à se renseigner sur les possibilités qui lui étaient offertes afin de retrouver sa rentabilité.
Lors de l’annonce de la cessation d’exploitation de la marque SCOTTAGE, elle a bénéficié d’une dizaine de mois, de novembre 2018 à fin août 2019, pour se trouver une nouvelle activité commerciale, sachant que son droit à indemnisation par le Groupe BEAUMANOIR était acquis.
Elle n’était donc pas en position de subordination commerciale lorsqu’elle a signé son contrat de commission-affiliation et dès lors, a librement accepté de renoncer aux dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil.
La clause de renonciation aux dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil est donc valable et opposable à la société R&C cONSULTING..
Il est exact toutefois qu’elle n’est pas applicable s’il est démontré que les pertes invoquées par un affilié ont pour origine un élément de l’exploitation dont le commettant s’était conservé la maîtrise.
La société R&C CONSULTING fait valoir que la société CAFAN gardait la maîtrise des principaux paramètres de l’exploitation, comme le confirmerait l’examen des dispositions du contrat de commission-affiliation: elle fixait les conditions d’exploitation de la marque conformément à une norme qu’elle déterminait, configurait le point de vente, restait propriétaire des marchandises, en fixait les prix et les promotions.
Pour autant, la société R&C CONSULTING ne donne aucun exemple précis d’un paramètre d’exploitation l’ayant conduite à accumuler des pertes, sauf à dire que la marque [T] n’était pas adaptée à la clientèle du centre-ville de [Localité 6], ce dont la société CAFAN, ainsi qu’il a été dit plus haut, ne peut-être tenue pour responsable.
Elle échoue dans la démonstration que les pertes qu’elle prétend avoir subies
proviendraient des méthodes de gestion de la société CAFAN, lesquelles assurent rentabilité et marges commerciales à de nombreux autres exploitants.
Les demandes sont rejetées et le jugement confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La société R&C CONSULTING et M. [M], qui succombent, sont condamnés in solidum aux dépens d’appel ainsi qu’au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à la société CAFAN.
La Cour,
Confirme le jugement déféré.
Condamne in solidum la société R&C CONSULTING et M. [K] [M] aux dépens d’appel.
Condamne in solidum la société R&C CONSULTING et M. [M] à payer à la société CAFAN la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.
Le Greffier, Le Président,