Contrat de Cession d’Actions : l’hypothèse du procès en cours

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Contrat de Cession d’Actions : l’hypothèse du procès en cours
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Tout contentieux en cours doit être mentionné au contrat de cession d’actions.

L’annexe concernant les modalités de remboursement du cessionnaire en cas de condamnation doit être précise (montant limite, délais de paiement, appel etc.).

Résumé de l’affaire : Par acte sous seing privé du 1er février 2021, [J] [S]-[E] a promis de céder des titres à Monsieur [O] [T], sous conditions suspensives, concernant la société Aquitaine Enrobé, en litige avec un salarié, M. [C]. Un jugement du 19 juillet 2019 avait condamné Aquitaine Enrobé à verser plus de 54’000 euros à M. [C], et la société avait fait appel. Le 26 septembre 2020, la SCI d’Elodie a émis un chèque de 19’000 euros à Aquitaine Enrobé pour exécuter partiellement le jugement, montant qui a été déposé sur un compte CARPA. Un avenant au compromis de vente a été signé le 18 juin 2021, stipulant que les fonds étaient bloqués et remboursables en cas de décision favorable. Le 21 juillet 2021, M. [S]-[E] a cédé ses titres à la société A.F Enrobé, qui a également cédé ses titres dans la SCI d’Elodie. Le 7 décembre 2022, la cour d’appel a infirmé le jugement contre Aquitaine Enrobé. En mars 2023, M. [S]-[E] a mis en demeure A.F Enrobé de lui verser 19’000 euros, mais la société a contesté, affirmant que le paiement avait été effectué par la SCI. M. [S]-[E] a assigné A.F Enrobé en référé, et le 23 janvier 2024, le tribunal a condamné A.F Enrobé et M. [T] à payer 19’000 euros à M. [S]-[E]. A.F Enrobé et M. [T] ont fait appel. Dans leurs dernières écritures, ils ont demandé l’infirmation de l’ordonnance et le déboutement de M. [S]-[E]. Ce dernier a également demandé la confirmation de l’ordonnance de référé. L’affaire a été fixée à l’audience du 2 juillet 2024. La cour a finalement infirmé l’ordonnance du tribunal de commerce, constaté des contestations sérieuses, et condamné M. [J] [S]-[E] à payer des frais aux défendeurs.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
24/01223
COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 24 septembre 2024

N° RG 24/01223 – N° Portalis DBVJ-V-B7I-NVV6

Monsieur [O] [T]

S.A.S.U. A.F ENROBE

c/

Monsieur [J] [S]-[E]

Nature de la décision : APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 23 janvier 2024 (R.G. 2023R00571) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 13 mars 2024

APPELANTS :

Monsieur [O] [T], né le [Date naissance 3] 1990 à [Localité 6] (33), de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

S.A.S.U. A.F ENROBE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]

Représentée par Maître Sarah GUEMATI de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [J] [S]-[E], né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5] (33), de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Maître Jérémy GRANET de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 juillet 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er février 2021, [J] [S]-[E] a promis de céder à Monsieur [O] [T], sous diverses condition suspensive, les titres qu’il détenait dans le capital de la société Aquitaine Enrobé, SASU au capital de 14.000 euros située à [Localité 7].

À la date de signature de cet acte, la société Aquitaine Enrobé se trouvait engagée dans un contentieux prud’homal l’opposant à l’un de ses salariés, M. [C].

Par jugement du 19 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Bordeaux avait condamné la société Aquitaine enrobée à payer à M. [C] diverses somme pour un montant total supérieur à 54’000 euros, et cette dernière avait formé appel de cette décision le 4 août 2019.

Le 26 septembre 2020, la SCI d’Elodie a émis un chèque de 19000 euros au profit de la société Aquitaine Enrobés, afin de permettre à celle-ci d’exécuter partiellement le jugement prononcé à son encontre pas le conseil de prud’hommes. Cette somme a été portée au crédit de son compte courant d’associée, ouvert dans les livres de la société Aquitaine Enrobés. Celle-ci a ensuite déposé la somme de 19 000 euros sur compte CARPA.

Le 18 juin 2021 a été signé par M. [S]-[E] et par M. [T] un avenant à la promesse de cession, sous forme d’annexe au compromis de vente du 1er février 2021, aux termes duquel il était indiqué qu’une procédure aux prud’hommes était en cours contre [X] [C], que les fonds avancés par [J] [S] étaient bloqués à la CARPA, soit 19’000 euros, et qu’en cas de décision favorable ils seraient remboursés à [J] [S].

Par acte du 21 juillet 2021, M. [S] a cédé l’intégralité de ses titres composant le capital de la société Aquitaine Enrobés à la société A.F Enrobé, se substituant à M. [O] [T].

A la même date, la société Aquitaine enrobés a cédé à M. [S] [E] les titres qu’elle détenait au capital de la SCI d’Elodie et d’Alizée, et a donc cessé d’être associée de la SCI d’Elodie et d’Alizée.

Le 7 décembre 2022, la cour d’appel de Bordeaux a infirmé le jugement du conseil d prud’hommes de Bordeaux et a débouté M. [C] de ses demandes à l’encontre de la société Aquitaine Enrobé.

Par courrier du 21 mars 2023, Monsieur [S]-[E] a mis en demeure la société A.F Enrobé de lui verser la somme de 19.000 euros conformément à leur engagement du 18 juin 2021.

Par courrier du 18 avril 2023, la société A.F Enrobé s’est opposée à cette demande au motif que l’avance de 19.000 euros n’aurait pas été effectuée personnellement par M. [S]-[E] mais par la SCI d’Elodie et d’Alizée, société associée à la société Aquitaine Enrobé, en règlement de son compte courant d’associé.

Par acte du 31 juillet 2023, M. [S]-[E] a assigné la société A.F Enrobé et M. [T] en référé afin d’obtenir le versement de la somme de 19.000 euros.

Par ordonnance du 23 janvier 2024, le président du tribunal de commerce de Bordeaux statuant en référé a :

Condamné solidairement à titre provisionnel en application de l’article 873 du code de procédure civile, la SASU A.F Enrobé et Monsieur [O] [T] à payer à Monsieur [J] [S] [E] la somme de 19.000 euros,

Condamné solidairement la SASU AF Enrobé et Monsieur [O] [T] à payer à Monsieur [J] [S] [E] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouté Monsieur [J] [S] [E] de sa demande au titre des dommages et intérêts, le juge des référés ne pouvant se prononcer sur une demande relevant du fond

Condamné solidairement la SASU AF. Enrobé et Monsieur [O] [T] aux dépens.

Par déclaration au greffe du 13 mars 2024, M. [T] et la SASU AF Enrobé ont relevé appel de l’ordonnance en ses chefs expressément critiqués.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 17 juin 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société AF Enrobé et M. [T] demandent à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104 et 1347 du code civil ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les pièces produites ;

Déclarer recevable et bien fondés Monsieur [O] [T] et la société AF Enrobé dans leur appel de l’ordonnance rendue en date du 23 janvier 2024 par Madame la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux ;

Y faisant droit :

Infirmer l’ordonnance rendue en date du 23 janvier 2024 par madame la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’elle :

Condamne solidairement à titre provisionnel en application de l’article 873 du code de procédure civile, la SASU A.F Enrobe et Monsieur [O] [T] à payer à Monsieur [J] [S] [E] la somme de 19.000 euros ;

Condamne solidairement la SAS A.F Enrobe et Monsieur [O] [T] à payer à Monsieur [J] [S] [E] la somme de 1.500 euros le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne solidairement la SASU A.F Enrobe et Monsieur [O] [T] aux dépens.

Confirmer l’ordonnance rendue en date du 23 janvier 2024 par madame la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’elle :

Déboute Monsieur [J] [S] [E] de sa demande au titre des dommages et intérêts.

Statuant à nouveau :

Recevoir Monsieur [O] [T] et la société A.F. Enrobe dans l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.

En conséquence :

Débouter Monsieur [J] [S]-[E] de sa demande de paiement de la somme de 19.000 euros, aussi bien pour le principal que pour les pénalités, intérêts et indemnités liées à la créance principale ;

En tout état de cause :

Condamner Monsieur [J] [S]-[E] à verser à Monsieur [O] [T] et la société A.F. Enrobe la somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Monsieur [J] [S]-[E] aux entiers dépens de l’instance.

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 24 mai 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [S] [E] demande à la cour de :

Vu l’article 873 du code de procédure civile,

Vu l’article 1103 et 1104 du code civil,

Confirmer l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Bordeaux du 23 janvier 2024 en ce qu’il a condamné solidairement Monsieur [O] [T] et la société A.F. Enrobé à lui verser la somme de 19.000 euros en exécution de l’acte sous seing privé du 18 juin 2021.

Débouter Monsieur [O] [T] et la société A.F. Enrobé de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.

Condamner solidairement Monsieur [O] [T] et la Société A.F. Enrobe à verser à Monsieur [J] [S]-[E] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 2 avril 2024, l’affaire a été fixée à bref délai à l’audience du 2 juillet 2024. L’ordonnance de clôture a été reportée au jour des plaidoiries.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DECISION:

1- La société AF Enrobés et M. [O] [T] soutiennent, pour l’essentiel, que contrairement à ce qui a été indiqué par erreur dans l’avenant du 18 juin 2021, la somme de 19000 euros n’a pas été avancée par M. [S]-[E], mais par la SCI d’Elodie et d’Alizée, et qu’en outre, la débiteur éventuel de l’obligation de restitution ne pourrait être que la société Aquitaine enrobés (qui n’est pas dans la cause), et non la société AF Enrobés, ni M. [T].

Au surplus, compte tenu de la compensation opérée entre créances réciproques, aucune somme ne serait due par la société Aquitaine enrobés, en application de l’article 1347 du code civil.

2-M. [S]-[E] réplique qu’il dispose d’une créance certaine et non contestable, compte tenu des termes de l’annexe au compromis de vente, qui emporte obligation personnelle de M. [O] [T] de lui rembourser les fonds réglés.

Sur ce:

3- Selon les dispositions de l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce statuant en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

4- L’annexe à la promesse de vente de titres sociaux signée par les parties le 18 juin 2021comporte la mention finale suivante: ‘Une procédure aux prud’hommes est en cours contre [X] [C] les fonds avancés par [J] [S] sont bloqués à la Carpa soit 19000 euros, en cas de décision favorable, ils seront remboursés à [J] [S]’.

5 – Il convient toutefois de relever que les autres mentions de l’annexe correspondent aux conditions dans lesquelles devaient être poursuivis les contrats de travail du salarié désigné par ses initiales (DC) et de Mme [P] [S], au sein de la société Aquitaine Enrobé. Il était ainsi prévu un certain nombre d’obligations à la charge de la société Aquitaine Enrobés (maintien de la charge de travail habituelle de DC, promu directeur, avec possibilité de conserver son véhicule Fiat, versement d’une commission de 4 % sur les affaires établies et apportées, prise en charge de ses frais de téléphone, internet et frais administratifs). L’annexe précise en outre les dates de prise de congés, et les conditions d’utilisation du véhicule Citroen par [P] [S] (qui devait conserver le bénéfice de sa carte carburant jusqu’à son départ de l’entreprise).

6- Il doit être relevé au surplus que l’annexe est particulièrement peu précise sur le débiteur de l’obligation de remboursement, compte tenu de la formulation retenue (‘en cas de décision favorable, ils seront remboursés à [J] [S]’ -souligné par la cour).

7- En conséquence, il existe une contestation sérieuse sur le fait que le remboursement éventuel de la somme de 19000 euros, consignée sur compte Carpa par la société Aquitaine enrobé, en exécution du jugement prononcé à son encontre par le conseil de prud’hommes de Bordeaux, ait été mis à la charge personnelle de M. [T] en qualité de cessionnaire des titres (ou de la société AF Enrobé qui s’est ensuite substituée à lui).

8- Il existe en outre une contestation sérieuse sur le fait que le fait que M. [J] [S] soit désigné à l’annexe comme créancier à titre personnel de l’obligation de remboursement de la somme de 19 000 euros, alors que la société Aquitaine Enrobés a reçu cette somme par chèque Crédit Mutuel du sud-ouest tiré à son profit le 26 septembre 2020 par M. [J] [S], en qualité de gérant de la SCI d’Elodie et d’Alizée, et que la somme a été créditée sur un compte courant ouvert dans les livres de la SCI Elodie et Alizée, le 28 septembre 2020, venant ainsi éteindre à due concurrence une dette de la SCI envers la société Aquitaine Enrobé d’un montant antérieur de 19422.01 euros.

9- Le principe même de l’obligation est donc sérieusement contestable. Il convient en conséquence d’infirmer en toutes ses dispositons l’ordonnance entreprise, et, statuant à nouveau, de dire n’y avoir lieu à référé.

Sur les demandes accessoires:

10- Il est équitable d’allouer à M. [T] et à la société AF Enrobé une indemnité de 4000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en cause d’appel.

Échouant en ses prétentions, aux termes de la procédure, M. [S] [E] supportera ses frais irrépétibles ainsi que les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux statuant en référé le 23 janvier 2024,

Statuant à nouveau,

Constate l’existence de contestations sérieuses,

Dit n’y avoir lieu à référé,

Condamne M. [J] [S]-[E] à payer à M. [T] et à la société AF Enrobé, ensemble, une indemnité de 4000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamne M. [J] [S]-[E] aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


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