Contrat de cascadeur : le recours au CDD d’usage validé
Contrat de cascadeur : le recours au CDD d’usage validé
Ce point juridique est utile ?

Le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs dits d’usage par la société Grévin et Compagnie (parc Asterix) pour recruter un cascadeur (chorégraphe d’action) est légalement justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi du salarié, par voie de conséquence, ne pourra qu’être débouté de sa demande de requalification en un contrat de travail à durée indéterminée, de sa demande en paiement d’une indemnité afférente sur le fondement de l’article L.1245-2 du code du travail.

Recours aux CDD d’usage

L’article L.1242-2 du code du travail dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère, parmi lesquels figurent les emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Secteurs autorisés par les CDD d’usage

Aux termes de l’article D.1242-1 du même code, « en application du 3° de l’article L.1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats de travail à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants : 6°- les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition photographique ; ».

Dans les secteurs visés à l’article D.1242-2 du code du travail, les contrats ne peuvent être à durée déterminée que si le recours à l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

Nature de l’activité des parcs de loisirs et d’attraction

L’annexe ‘spectacle’ de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d’attractions et culturels, dont l’application n’est pas contestée en l’espèce, précise qu’en raison de la nature de l’activité des parcs de loisirs et d’attraction, il est reconnu l’existence d’emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée déterminée.

La détermination par la convention collective de la liste des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

En l’espèce, la société Grévin et Compagnie gère un parc de loisirs et le salarié a été embauché en qualité de cascadeur puis de chorégraphe d’action. L’annexe «’spectacle’» de la convention applicable fait référence en sa classification des emplois au poste de chorégraphe.

Sur la période revendiquée, le cascadeur a signé plus de 400 contrats de travail à durée déterminée dits d’usage, pour l’essentiel couvrant une journée de travail, le salarié percevant par journée un cachet de 212 euros au dernier état, les contrats précisant au titre de leur objet «’encadrement des différents spectacles « auditions des cascadeurs », «’préparation de la saison’» ou «’encadrement des répétitions’».

Le salarié a été embauché en tant que chorégraphe d’action pour notamment assister et veiller au bon déroulement des spectacles présentés au sein du parc d’attractions, il était payé au cachet.

Ces contrats portant sur l’organisation d’un spectacle (répétitions et représentations), l’activité concernée était donc bien visée par l’article D.1242-1 du code du travail, mais aussi par l’accord du 10 mai 1996 instituant une annexe spectacle à la convention collective nationale des espaces de loisirs et d’attraction (qui vise expressément en son article 2 les cascadeurs, les chorégraphes et les metteurs en scène), et qui précise qu’en raison de la nature de l’activité des parcs de loisirs et d’attractions, il est reconnu l’existence d’emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée. En outre, l’employeur établit par les pièces produites qu’il avait régulièrement recours aux contrats à durée déterminée d’usage.

Besoin ponctuel des parcs d’attraction

Il ressort des pièces produites que le parc d’attractions n’était pas ouvert au public toute l’année en ce qu’en moyenne il n’est ouvert que 180 jours par an.

Il n’est pas contesté qu’un tel parc occupe une partie du personnel pendant un certain temps en dehors des heures d’ouverture pour notamment préparer et mettre en scène les futurs spectacles, ceux-ci apparaissant évoluer selon les saisons. Or, le travail de préparation du chorégraphe d’action a été pris en compte, en ce qui concerne le salarié puisqu’il a bénéficié de contrats d’usage pendant les périodes d’ouverture, mais également en dehors des périodes d’ouverture.

Il ressort des dates auxquelles les contrats de travail à durée déterminée ont été conclus, de leur durée et de leur objet que l’employeur n’avait pas besoin du salarié de manière permanente en ce que sa présence était essentiellement liée à la mise en scène de nouveaux spectacles, à leur préparation, aux répétitions. Il est établi que le parc n’était ouvert que 180 jours dans l’année et que l’activité même des spectacles varie en intensité selon la fréquentation.

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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 20 MAI 2021


N° RG 19/05136 – N° Portalis DBV4-V-B7D-HMQB

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 13 JUIN 2019 (référence dossier N° RG F 18/00386)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

SA GREVIN ET COMPAGNIE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

assistée, concluant et plaidant par Me Jean-Sébastien GRANGE, avocat au barreau de PARIS

Me Jean-Michel LECLERCQ-LEROY de la SELARL LOUETTE-LECLERCQ ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AMIENS

ET :

INTIME

Monsieur B X

né le […] à SAUMUR

de nationalité Française

[…]

[…]

représenté, concluant et plaidant par Me Frédéric CHHUM de la SELEURL FREDERIC CHHUM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Marilou OLLIVIER, avocat au barreau de LILLE

Me Dominique ANDRE, avocat au barreau d’AMIENS

DEBATS :

A l’audience publique du 04 mars 2021, devant Mme D E, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

— Mme D E en son rapport,

— les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Mme D E indique que l’arrêt sera prononcé le 20 mai 2021 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme D E en a rendu compte à la formation de la 5e chambre sociale, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de Chambre,

Mme D E, Conseiller,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, Conseiller,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 20 mai 2021, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de Chambre, et Madame Malika RABHI, Greffier.

*

  • *

DECISION :

Vu le jugement en date du 13 juin 2019 par lequel le conseil de prud’hommes de Creil, statuant dans le litige opposant Monsieur B X à la SA Grévin et compagnie, son employeur, a requalifié les contrats à durée déterminée d’usage successifs en contrat à durée indéterminée à temps plein avec reprise d’ancienneté au 2 janvier 1996, a fixé la rémunération annuelle brute à 44 943,96 euros annuels, soit 3 745,33 euros par mois, a jugé que la survenance du terme du dernier contrat s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l’employeur à payer différentes sommes à titre d’indemnité de requalification, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d’indemnité légale de licenciement, d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce avec intérêt légal, a débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire pour période intercalaire et de voir écarter le barème de l’article L 1245-2 du code du travail, du solde des congés payés non pris, a ordonné la remise des documents de fin de contrat sous astreinte, a condamné l’employeur à payer 500 euros à titre de frais irrépétibles, a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, a rappelé l’exécution de droit et a condamné l’employeur aux entiers dépens ;

Vu l’appel interjeté par courrier électronique le 27 juin 2019 par la société Grévin et compagnie à l’encontre de cette décision qui lui a été régulièrement notifiée ;

Vu la constitution de Monsieur X intimé effectuée par courrier électronique le 21 octobre 2019 ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 18 février 2021 renvoyant l’affaire pour être examinée à l’audience du 4 mars 2021 ;

Vu les conclusions notifiées le 13 mars 2020 par voie électronique par lesquelles l’appelante, s’opposant à la requalification des contrats en un seul contrat à durée indéterminée aux motifs notamment que la société relève d’un secteur d’activité autorisant le recours aux contrats d’usage, que l’emploi du salarié était par nature temporaire, qu’il est démontré que la société n’avait pas besoin en permanence de Monsieur X et que son emploi ne relevait pas de l’activité normale et permanente, rappelant que le salarié bénéficiait de l’assurance chômage des intermittents et travaillait pour d’autres employeurs, rappelant que le salarié est défaillant à rapporter la preuve de ce qu’il se serait tenu à la disposition de son employeur lors des périodes intercalaires, soutenant le salarié à l’initiative de la rupture des relations contractuelles, soutenant le barème de l’article L 1235-3 du code du travail applicable rappelant notamment les jurisprudences applicables, sollicite voir débouter le salarié de l’intégralité de ses demandes et prétentions, réformer partiellement le jugement entrepris, en tant que de besoin, ordonner à Monsieur X de rembourser les sommes par elles acquittée, de fixer la rémunération moyenne à 3 745.33 euros et de condamner à titre reconventionnel le salarié à l’indemniser de ses frais irrépétibles et aux dépens;

Vu les conclusions notifiées le 20 février 2020 par voie électronique par lesquelles le salarié intimé, s’opposant aux moyens et argumentation de l’appelante, soutenant que l’employeur n’établit pas qu’il était d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée pour l’emploi de metteur en scène chorégraphe, qu’il ne justifie pas de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de son emploi, de sorte que les contrats de travail à durée déterminée d’usage doivent être requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, affirmant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre des salaires pour les périodes intercalaires entre deux contrats, invoquant un préjudice majoré pour solliciter une indemnité de requalification supérieure, invoquant l’inapplicabilité des barèmes prévus par l’article L 1235-3 du code du travail, sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a requalifié les contrats de travail à durée déterminée d’usage en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein avec reprise d’ancienneté au 2 janvier 1996, fixé sa rémunération brute mensuelle à 3 745,33 euros, dit que la survenance du dernier CDD s’analysait comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur les sommes allouées à titre d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, solde de congés acquis et non pris et indemnité de licenciement, et son infirmation pour le surplus, demandant à la cour de statuer à nouveau, de

condamner son ancien employeur à lui payer les sommes reprises au dispositif de ses écritures devant lui être allouées à titre d’indemnité de requalification (20 000 euros), de rappel de salaire pour les périodes intercalaires entre deux contrats entre le 1er octobre 2015 et le 4 novembre 2018 ( 36 983,22 euros) et congés payés y afférents, de juger que l’article L 1235-‘3 est inconventionnel et en écarter l’application, en outre de condamner l’employeur à lui payer une indemnité de procédure (4 000 euros) et les dépens, sollicitant en outre qu’il soit ordonné à l’employeur de lui remettre sous astreinte les documents de fin de contrat conformes;

Vu les conclusions spécifiquement transmises par l’appelante le 13 mars 2020 et par l’intimé en date du 20 février 2020 auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel;

SUR CE,

La société Grévin et Compagnie exploite le parc de loisirs dénommé Parc Astérix. Elle emploie environ 800 salariés et applique la convention collective nationale des espaces de loisirs, d’attractions et culturels.

Monsieur X a été embauché par la société Grévin et Compagnie en qualité de cascadeur à compter du 2 janvier 1996, dans le cadre de contrats durée déterminée successifs dit d’usage. Au dernier état des relations contractuelles, il était employé comme chorégraphe d’action, statut cadre.

A ce titre, Monsieur X était notamment en charge de superviser l’exploitation artistique et actions des spectacles.

Au terme du dernier CDD d’usage le 2 septembre 2018, les relations contractuelles ont cessé.

Courant 2018, la directrice des spectacles, Madame Y, a quitté la société et a été remplacée par Monsieur Z à compter de septembre 2018.

Sollicitant la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée d’usage en contrat de travail à durée indéterminée, et voir produire à la fin des relations contractuelles les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur X a saisi le 14 novembre 2018 le conseil de prud’hommes de Creil qui, statuant par jugement du 13 juin 2019, dont appel, s’est prononcé comme indiqué précédemment.

Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée

Au soutien de sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée d’usage en contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur X affirme que l’employeur n’établit pas qu’il était d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée pour l’emploi de metteur en scène chorégraphe, qu’il ne justifie pas de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de son emploi puisqu’il a occupé l’emploi pendant 22 ans que son travail était nécessaire toute l’année, y compris pendant les périodes de fermeture du parc, qu’à ce titre il supervisait l’exploitation artistique et actions pendant les périodes d’ouverture mais participait au processus de répétition et création des spectacles pendant la fermeture. Il se prévaut aussi de contrats de travail s’étant succédés de manière ininterrompue entre 2014 et 2018 tout au long de l’année.

Monsieur X verse aux débats ses bulletins de paie, ses contrats de travail à durée déterminée classés par année et ses avis d’imposition.

Il ne conteste pas spécifiquement relever d’un secteur dans lequel le recours au contrat déterminé d’usage est autorisé.

Pour s’opposer à cette demande et solliciter l’infirmation du jugement entrepris de ce chef, la société Grévin et Compagnie affirme qu’elle appartient à un secteur d’activité dans lequel il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée pour pourvoir certains types de poste, précisant que la convention collective applicable et son annexe ‘spectacles’ précisent que les parcs de loisirs et d’attractions peuvent conclure des contrats de travail à durée déterminée d’usage, la classification des emplois de la filière spectacle faisant référence au poste de metteur en scène.

L’employeur soutient qu’il avait régulièrement recours aux contrats à durée déterminée d’usage, que le poste occupé par Monsieur X n’était pas un emploi permanent en ce que d’une part le parc Astérix n’est pas ouvert toute l’année et que d’autre part, contrairement aux allégations du salarié, ce dernier n’a pas été employé de façon ininterrompue et n’a pas été systématiquement employé durant les périodes de fermeture du parc. Il indique qu’il résulte des pièces produites par le salarié et plus spécifiquement de ses avis d’imposition qu’il a perçu des revenus d’autres employeurs, observant qu’en tout état de cause Monsieur X, qui ne s’était jamais plaint de son statut, a bénéficié d’un régime très favorable en ce qu’il a bénéficié du régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle et qu’il a même créé sa propre société le 20 octobre 2018. Il rappelle que Monsieur X a pris l’initiative de la rupture des relations contractuelles en ne donnant pas suite à son courrier du 28 septembre 2018, dont relance du 26 octobre suivant.

La cour retient en premier lieu que le salarié ne conteste pas spécifiquement la possibilité d’un recours au CDDU dans le secteur d’activité de son employeur.

L’employeur verse aux débats les copies des mails de septembre et octobre 2018 où il interroge le salarié sur la poursuite de la collaboration, des tableaux récapitulatifs du nombre de jours travaillés et du détail des revenus du salarié, le calendrier des ouvertures du parc, le profil professionnel de Monsieur X sur différents sites et les statuts de la société Kawax créée par Monsieur X, Madame Y et Monsieur A en date du 20/10/2018.

Sur ce ;

L’article L.1242-2 du code du travail dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère, parmi lesquels figurent les emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Aux termes de l’article D.1242-1 du même code, « en application du 3° de l’article L.1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats de travail à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants :

6°- les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition photographique ; ».

Dans les secteurs visés à l’article D.1242-2 du code du travail, les contrats ne peuvent être à durée déterminée que si le recours à l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

L’annexe ‘spectacle’ de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d’attractions et culturels, dont l’application n’est pas contestée en l’espèce, précise qu’en raison de la nature de

l’activité des parcs de loisirs et d’attraction, il est reconnu l’existence d’emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée déterminée.

La détermination par la convention collective de la liste des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la société Grévin et Compagnie gère un parc de loisirs et que Monsieur X a été embauché en qualité de cascadeur puis de chorégraphe d’action, précisément sur la période soumise à examen, le premier contrat à durée déterminée ayant été conclu entre les parties en 1996.

La cour retient que l’annexe «’spectacle’» de la convention applicable fait référence en sa classification des emplois au poste de chorégraphe.

Sur la période revendiquée, du 23 janvier 2014 au 1er septembre 2018, Monsieur X a signé plus de 400 contrats de travail à durée déterminée dits d’usage, pour l’essentiel couvrant une journée de travail, le salarié percevant par journée un cachet de 212 euros au dernier état, les contrats précisant au titre de leur objet «’encadrement des différents spectacles « auditions des cascadeurs », «’préparation de la saison’» ou «’encadrement des répétitions’».

Il ressort des pièces produites par les parties que Monsieur X a été embauché en tant que chorégraphe d’action pour notamment d’assister et veiller au bon déroulement des spectacles présentés au sein du parc d’attractions, qu’il était payé au cachet.

Ces contrats portant sur l’organisation d’un spectacle (répétitions et représentations), l’activité concernée était donc bien visée par l’article D.1242-1 du code du travail, mais aussi par l’accord du 10 mai 1996 instituant une annexe spectacle à la convention collective nationale des espaces de loisirs et d’attraction (qui vise expressément en son article 2 les cascadeurs, les chorégraphes et les metteurs en scène), et qui précise qu’en raison de la nature de l’activité des parcs de loisirs et d’attractions, il est reconnu l’existence d’emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée. En outre, l’employeur établit par les pièces produites qu’il avait régulièrement recours aux contrats à durée déterminée d’usage.

Il ressort des pièces produites que le parc d’attractions n’était pas ouvert au public toute l’année en ce qu’en moyenne il n’est ouvert que 180 jours par an.

Il n’est pas contesté qu’un tel parc occupe une partie du personnel pendant un certain temps en dehors des heures d’ouverture pour notamment préparer et mettre en scène les futurs spectacles, ceux-ci apparaissant évoluer selon les saisons. Or, le travail de préparation du chorégraphe d’action a été pris en compte, en ce qui concerne Monsieur X, puisqu’il a bénéficié de contrats d’usage pendant les périodes d’ouverture, mais également en dehors des périodes d’ouverture.

L’employeur souligne et établit que contrairement aux allégations du salarié, il n’a pas été employé de façon ininterrompue, les périodes d’emploi étant séparées parfois de plus d’une semaine. Il énonce sans être spécifiquement contredit que le nombre de jours travaillés sur l’année notamment en 2016 et 2017 est inférieure à la durée d’ouverture de huit mois.

Il ressort des dates auxquelles les contrats de travail à durée déterminée ont été conclus, de leur durée et de leur objet que l’employeur n’avait pas besoin du salarié de manière permanente en ce que sa présence était essentiellement liée à la mise en scène de nouveaux spectacles, à leur préparation, aux répétitions. Il est établi que le parc n’était ouvert que 180 jours dans l’année et que l’activité même des spectacles varie en intensité selon la fréquentation.

Il résulte par ailleurs des éléments produits par le salarié et plus spécifiquement de ses avis d’imposition, tels que justement analysés par l’employeur que Monsieur X percevait des revenus d’autres employeurs puisqu’il ressort de la comparaison entre ses revenus déclarés et les revenus tirés de son activité pour le Parc Astérix une différence chaque année se situant entre 8 000 et

14 000 euros.

Les mails du responsable Animation et spectacle en date du 28 septembre et le 23 octobre établissent que le salarié était consulté sur ses souhaits et possibilités de travailler sur le parc.

La cour déduit de l’ensemble de ces éléments que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs dits d’usage par la société Grévin et Compagnie est légalement justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi de Monsieur X qui, par voie de conséquence, ne pourra qu’être débouté de sa demande de requalification en un contrat de travail à durée indéterminée, de sa demande en paiement d’une indemnité afférente sur le fondement de l’article L.1245-2 du code du travail.

Le jugement entrepris est en conséquence infirmé de ces chefs.

Par voie de conséquence, le salarié doit également être débouté de ses demandes de rappels de salaire pour les périodes intercalaires.

La cour retient également que la cessation des relations contractuelles est légitimement intervenue par la survenance du terme du dernier contrat d’usage le 2 septembre 2018. Par infirmation, le salarié doit être débouté de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce compris la remise de documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte.

Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.

L’employeur demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu’il a versé en vertu du jugement.

Le présent arrêt, qui infirme partiellement la décision de première instance, ouvre droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de à ce titre.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’employeur les frais non compris dans les dépens qu’il a pu exposer.

Il convient en l’espèce de condamner Monsieur X, appelant succombant dans la présente instance, à lui verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel et d’infirmer la condamnation à ce titre pour les frais irrépétibles de première instance.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais irrépétibles exposés par lui.

Il y a également lieu de condamner Monsieur X aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Creil du 13juin 2019 sauf en ses dispositions relatives au rejet de la demande de salaire pour les périodes inter contrat, le solde de congés acquis et non pris, l’indemnité de procédure et les dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Monsieur B X de sa demande de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

Déboute Monsieur B X de sa demande d’indemnité de requalification,

Déboute Monsieur B X de l’ensemble de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute Monsieur B X de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur B X à verser à la société Grévin et Compagnie la somme de 400 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne Monsieur B X aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT.


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