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Une cascadeuse recrutée dans le cadre de CDD d’usage successifs a obtenu la requalification de sa collaboration en un CDI. Suite à une altercation avec le gérant, la société n’avait plus fait appel à la cascadeuse.
L’article L1242-1 du code du travail dispose qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
En application de l’article L 1242-2 du code du travail applicable à l’instance, le recours aux contrats à durée déterminée d’usage est permis pour les emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
L’article D1242-1 du code du travail prévoit le secteur audiovisuel parmi ceux qui permettent de recourir au contrat à durée déterminée d’usage.
L’article 14 de la convention collective prévoit le recours aux CDDU ‘Les parties constatent que le recours à ce type de contrat pour les salariés de l’équipe artistique d’un film, qui sont visés au titre III de la présente convention collective, est d’usage constant dans le champ d’application de la présente convention collective car il correspond à une réalité inhérente au secteur. C’est en effet le caractère temporaire de ces emplois, en lien direct avec la production d’un film déterminé, qui fonde la légitimité du recours au CDD d’usage.’
Parmi les salariés de l’équipe artistique, le sous-titre II du titre III prévoit le recours au CDDU pour les acteurs dits de complément, parmi lesquels les figurants et les silhouettes.
Le sous-titre III de la convention collective prévoit que ‘Les dispositions du sous-titre II du présent Titre s’appliqueront au cascadeur, à l’exception des annexes. Le salaire minimum du cascadeur et les indemnités figurent en annexe du présent sous-titre.’
Il résulte bien de ces dispositions que le principe du recours au CDDU est prévu pour l’activité de cascadeur.
Cette condition d’usage constant est nécessaire mais n’est pas suffisante et il y a lieu de vérifier si l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par la salariée en tenant compte des fonctions effectivement exercées dans l’entreprise.
L’article L.1242-12 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, qu’à défaut il est conclu pour une durée indéterminée. La convention collective prévoit qu’il doit ‘comporter la définition précise de son objet, à savoir la référence du film pour la production duquel le salarié est embauché et la mention du rôle en ce qui concerne les salariés visés au titre III de la présente convention collective’.
Les contrats signés par la salariée indiquaient dans leur objet « Le contrat est conclu pour pourvoir l’emploi de cascadeuse. Il s’agit, dans le secteur professionnel de la production audiovisuelle, cinématographique et musicale dont relève la société Action Training Productions, d’un poste pour lequel il est d’usage constant de recourir à un contrat à durée déterminée ».
Cette seule mention de l’emploi de cascadeuse ne précise pas suffisamment le motif du contrat signé, en l’absence de toute indication relative au film concerné et au rôle de la cascadeuse.
La salariée justifiait par ailleurs avoir accompli des tâches au profit de la société Action Training Productions qui ne correspondaient pas à l’emploi de cascadeuse pour lequel les contrats étaient signés : elle répondait au téléphone, s’occupait des inscriptions, participait à la gestion administrative de l’entreprise etc.
Les contrats à durée déterminée souscrits ont ainsi eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 09 JUIN 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/03303 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7PVF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juillet 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F17/05199
APPELANTE
Madame Y X
[…]
Représentée par Me Frédéric CHHUM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0929
INTIMEE
SARL ACTION TRAINING PRODUCTION prise en la personne de son représentant légal
[…]
Représentée par Me Montasser CHARNI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB69
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 avril 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Anne BERARD, Présidente de chambre, chargée du rapport et Madame Nadège BOSSARD, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en leur rapport, composée de :
Madame Anne BERARD, Présidente de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats
ARRET :
— contradictoire
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière présente lors de la mise à disposition.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
La société Action Training Productions est une société spécialisée dans la production de films pour le cinéma. Elle a également une activité d’école de cascadeurs, à laquelle Mme X était inscrite depuis 2008.
Mme X a été engagée par la société Action Training Productions en qualité de cascadeuse à compter du 5 avril 2012 dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage successifs.
La convention collective applicable est celle de la production audiovisuelle.
La société Action Training Productions emploie moins de onze salariés.
Le 1er février 2016, une altercation a eu lieu entre Mme X et le gérant de la société Action Training Productions. Par la suite, il n’y a plus eu de contrat entre Mme X et la société Action Training Productions.
Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 05 juillet 2017, aux fins de demander la requalification du contrat de travail, des rappels de salaire et des indemnités.
Par jugement du 24 juillet 2018 le conseil de prud’hommes a :
Débouté Mme X de ses demandes,
Débouté la société Action Training Productions de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné Mme X au paiement des entiers dépens.
Mme X a formé appel le 06 mars 2019, précisant les chefs contestés.
Dans ses conclusions déposées au greffe et signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 22 février 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, Mme X demande à la cour de :
— Dire l’appel de Mme X recevable et bien fondé ;
— Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 24 juillet 2018 ;
Statuant à nouveau,
— Constater que Mme X a été employé la société Action Training Productions dans le cadre d’une succession de contrats à durée déterminée d’usage pendant quatre ans ;
— Constater que les CDD d’usage de Mme X ne respectent pas les prescriptions légales des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1242-12 et L. 1242-13 du code du travail ;
— Constater que l’emploi de cascadeuse de Mme X relevait de l’activité normale et permanente de la société Action Training Productions;
— Dire et juger que la rupture du contrat de travail de Mme X du 3 février 2016 par la société Action Training Productions doit s’analyser en une rupture abusive du contrat de travail ;
En conséquence,
— Rejeter la demande de la société Action Training Productions tendant au rejet des pièces n°23 à 42 de Mme X ;
Sur les 74 jours travaillés par Mme X non déclarés et non payés par la société Action Training Productions :
— Constater que Mme X a travaillé 74 jours non déclarés et non payés par la société Action Training Productions entre le 15 juillet 2014 et le 3 février 2016 ;
— Condamner la société Action Training Productions au paiement des sommes suivantes :
o 23 883,63 euros bruts à titre de rappels de salaires pour les 74 jours travaillés, non déclarés et non payés entre le 15 juillet 2014 et le 3 février 2016 ;
o 2 388,36 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
o 15 555,95 euros bruts à titre d’indemnité pour travail dissimulé (article L.8223-1 du code du travail) ;
Sur la requalification de la relation contractuelle de Mme X avec la société Action Training Productions :
— Requalifier les CDD d’usage de Mme X avec la société Action Training Productions en contrat à durée indéterminée, avec une reprise d’ancienneté au 5 avril 2012 (1 er CDD irrégulier);
— Fixer la rémunération mensuelle de Mme X à 2 592,66 euros bruts ;
— Dire et juger que la rupture de la collaboration de la société Action Training Productions à l’égard de Mme X du 3 février 2016 doit s’analyser en une rupture abusive du contrat de travail ;
— Condamner la société Action Training Productions au paiement des sommes
suivantes :
o 5 000 euros bruts à titre d’indemnité de requalification ;
o 5 185,32 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
o 518,53 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
o 1 985,98 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
o 2 592,66 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement;
o 15 555,95 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail;
o 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— Ordonner la remise de bulletins de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement ;
— Ordonner les intérêts légaux à compter du prononcé du jugement ;
— Condamner la société Action Training Productions au paiement des dépens éventuels.
Dans ses conclusions déposées au greffe et signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 12 juillet 2019, auxquelles la cour fait expressément référence, la société Action Training Productions demande à la cour de :
Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Débouter Mme X de toutes ses demandes,
Condamner Mme X à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mars 2021.
MOTIFS :
Sur le rejet de pièces
La société Action Training Productions demande que les pièces n°23 à 42 produites par l’appelante soient écartées des débats, faisant valoir qu’elles ont été obtenues de manière illicite, s’agissant de mails ou documents que Mme X s’est adressés sur sa messagerie personnelle avant la saisine du conseil de prud’hommes.
Un salarié, lorsque cela est strictement nécessaire à l’exercice des droits de sa défense dans le litige l’opposant à son employeur, peut produire en justice des documents dont il a eu connaissance à l’occasion de ses fonctions.
Les pièces en cause sont des impressions de pages du compte Facebook de la société Action Training Productions et des échanges de courriels adressés ou reçus par Mme X dans le cadre de ses activités au sein de la société. Ils ne comportent pas d’élément confidentiel et ne portent pas atteinte à la vie privée d’autres salariés. Mme X produit des éléments auxquels elle avait accès pour justifier des dates auxquelles elle a travaillé et de la nature de ses activités au sein de l’entreprise.
La production des pièces en cause est strictement nécessaire à la nature des demandes formées par l’appelante.
La demande que les pièces 23 à 42 produites par Mme X soient écartées des débats doit être rejetée.
Sur la requalification des contrats à durée déterminée
Mme X sollicite la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, faisant valoir : que les contrats à durée déterminée d’usage ne respectent pas le formalisme imposé ; qu’elle a travaillé à de nombreuses reprises en dehors des périodes de contrats ; qu’elle a occupé un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, l’emploi de cascadeur n’étant pas prévu comme emploi pour lequel il est d’usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminé.
La société Action Training Productions expose que Mme X a exercé dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage pour l’activité de cascadeur, pour laquelle la convention collective prévoit qu’il est d’usage de recourir aux CDDU.
L’article L1242-1 du code du travail dispose qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
En application de l’article L 1242-2 du code du travail applicable à l’instance, le recours aux contrats à durée déterminée d’usage est permis pour les emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
L’article D1242-1 du code du travail prévoit le secteur audiovisuel parmi ceux qui permettent de recourir au contrat à durée déterminée d’usage.
L’article 14 de la convention collective prévoit le recours aux CDDU ‘Les parties constatent que le recours à ce type de contrat pour les salariés de l’équipe artistique d’un film, qui sont visés au titre III de la présente convention collective, est d’usage constant dans le champ d’application de la présente convention collective car il correspond à une réalité inhérente au secteur. C’est en effet le caractère temporaire de ces emplois, en lien direct avec la production d’un film déterminé, qui fonde la légitimité du recours au CDD d’usage.’
Parmi les salariés de l’équipe artistique, le sous-titre II du titre III prévoit le recours au CDDU pour les acteurs dits de complément, parmi lesquels les figurants et les silhouettes.
Le sous-titre III de la convention collective prévoit que ‘Les dispositions du sous-titre II du présent Titre s’appliqueront au cascadeur, à l’exception des annexes. Le salaire minimum du cascadeur et les indemnités figurent en annexe du présent sous-titre.’
Il résulte bien de ces dispositions que le principe du recours au CDDU est prévu pour l’activité de cascadeur.
Cette condition d’usage constant est nécessaire mais n’est pas suffisante et il y a lieu de vérifier si l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par la salariée en tenant compte des fonctions effectivement exercées dans l’entreprise.
Mme X produit quatre CDDU signés au cours de l’année 2012, deux CDDU signés au cours de l’année 2013, six CDDU signés en 2014 et 10 CDDU signés en 2015.
L’article L.1242-12 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, qu’à défaut il est conclu pour une durée indéterminée. La convention collective prévoit qu’il doit ‘comporter la définition précise de son objet, à savoir la référence du film pour la production duquel le salarié est embauché et la mention du rôle en ce qui concerne les salariés visés au titre III de la présente convention collective’.
Le premier contrat signé par Mme X le 05 avril 2012 indique dans son article 3 ‘Objet du contrat : Le contrat est conclu pour pourvoir l’emploi de cascadeuse. Il s’agit, dans le secteur professionnel de la production audiovisuelle, cinématographique et musicale dont relève la société Action Training Productions, d’un poste pour lequel il est d’usage constant de recourir à un contrat à durée déterminée.’ Il a été conclu pour ‘un cachet’, dont la prestation devait être exécutée le 5 avril 2012.
Cette seule mention de l’emploi de cascadeuse ne précise pas suffisamment le motif du contrat signé, en l’absence de toute indication relative au film concerné et au rôle de Mme X.
Aucun des autres contrats signés en 2012 et 2013 ne comporte d’indication plus précise sur leurs motifs.
Mme X justifie par la production de bulletins de paie avoir travaillé au cours de périodes pour lesquelles aucun contrat de travail n’est produit, notamment du 16 au 27 octobre 2012. La société Action Training Productions expose que l’appelante gérait ses contrats et en a omis une pochette, sans justifier de son propos.
Mme X justifie par ailleurs avoir accompli des tâches au profit de la société Action Training Productions qui ne correspondaient pas à l’emploi de cascadeuse pour lequel les contrats étaient signés. Plusieurs personnes attestent que depuis le début de l’année 2013 elle répondait au téléphone, s’occupait des inscriptions, participait à la gestion administrative de l’entreprise. Mme X produit plusieurs mails dans lesquels elle a échangé avec les partenaires de la société Action Training Productions sur la mise en oeuvre des projets, passé des commandes de matériel, adressé des informations aux autres salariés ou aux élèves de l’école sur les manifestations organisées.
Les contrats à durée déterminée souscrits ont ainsi eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Les contrats de travail à durée déterminée doivent ainsi être requalifiés en contrat à durée indéterminée à compter du premier contrat irrégulier, soit le 05 avril 2012.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le rappel de salaire
Mme X demande un rappel de salaire correspondant à soixante quatorze journées travaillées entre le 15 juillet 2014 et le 3 février 2016, qui n’ont pas été payées par la société Action Training Productions .
La société Action Training Productions expose que Mme X n’a pas travaillé à ces dates, expliquant que les publications sur le compte Facebook de la société ont également été effectuées par d’autres salariés, qui disposaient des codes et y intervenaient sous le nom de la salariée, qu’il en était de même pour les mails adressés par le biais de l’adresse de l’entreprise.
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence de rappels de salaire, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Mme X produit un décompte précis des dates auxquelles elle indique avoir travaillé, ainsi que des mails, impressions de publications sur la page Facebook de la société et SMS qui démontrent son activité ou sa présence dans les locaux de la société à soixante deux reprises jusqu’au 1er février
2016. Les attestations d’autres salariés ou d’élèves de l’école de cascadeur font également état de sa présence constante dans les locaux de la société et de son activité importante, du début de l’année 2013 jusqu’au mois de février 2016.
La société Action Training Productions conteste le travail de l’appelante aux dates en cause et explique que d’autres salariés disposaient des codes de connexion de Mme X et mettaient à jour la page Facebook de l’entreprise ou adressaient des mails depuis son adresse de messagerie professionnelle ; elle produit des attestations en ce sens d’autres salariés de l’entreprise. Les mails produits par l’appelante terminent pourtant par son nom ou son prénom et comportent des éléments qui permettent de l’identifier ; ils ne peuvent pas être attribués à un usage de sa messagerie par d’autres personnes. L’employeur ne produit pas d’autre élément relatif au temps de travail de sa salariée et n’apporte pas d’explication sur les SMS qui font état de rendez-vous ou d’activités de Mme X pour le compte de la société.
Les bulletins de paie produits par Mme X mentionnent les dates pour lesquelles elle a été rémunérée par la société Action Training Productions et les montants des rémunérations journalières versées à la salariée, à hauteur de 313,13 euros par journée de travail en 2014, de 324,06 euros en 2015 et 324,32 euros en 2016.
Compte tenu de ces éléments il doit être retenu que Mme X a travaillé soixante deux journées sans avoir été rémunérée : neuf journées en 2014, quarante neuf journées en 2015 et quatre journées en 2016. La société Action Training Productions doit être condamnée à payer à Mme X la somme de 19 994,39 euros à titre de rappel de salaire outre 1 999,43 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé de ces chefs.
Sur l’indemnité de requalification
En application de l’article L. 1245-2 du code du travail, lorsqu’il est fait droit à la demande de requalification en contrat à durée indéterminée, il est alloué au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
En prenant en considération les rémunérations correspondant aux jours travaillés et non payés, le salaire mensuel moyen de Mme X sur les douze derniers mois est de 2 403,51 euros.
Mme X a été maintenue dans le cadre de contrats à durée déterminée pendant plus de trois années, avec des périodes d’emploi irrégulières, à l’origine d’une variation importante de ses revenus.
Il sera alloué à Mme X la somme de 5 000 euros à titre d’indemnité de requalification.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le licenciement
La dernière fiche de paie de Mme X indique la date du 27 janvier 2016 comme étant le dernier jour travaillé.
Mme X expose avoir eu une altercation avec le gérant de la société Action Training Productions le 1er février 2016 lorsqu’elle lui a indiqué qu’elle ne pourrait plus rester tous les soirs dans l’entreprise, et avoir été frappée à cette occasion. Elle produit l’attestation d’un autre salarié qui confirme son propos et déclare qu’elle a reçu une gifle du gérant.
L’employeur explique que le différend serait la conséquence du reproche fait par le gérant à Mme
X relatif à sa consommation de stupéfiants.
Il est constant que Mme X n’a plus travaillé pour la société Action Training Productions après le 1er février 2016, ce qui résulte des attestations produites.
La requalification du contrat de travail liant les parties conduit à analyser la rupture de la relation de travail entre Mme X et la société Action Training Productions en un licenciement, qui, faute de respecter les conditions légales de fond et de forme relatives au licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les conséquences de la rupture
Sur l’indemnité de préavis et de congés payés afférents
La durée du préavis prévue par la convention collective en cas de licenciement d’un salarié non cadre comptant plus de deux années de service est de deux mois.
Compte tenu d’un salaire mensuel moyen de 2 403,51 euros, la société Action Training Productions sera condamnée à verser à Mme X la somme de 4 807,02 euros à ce titre, outre 480,70 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement
Mme X avait une ancienneté de trois années, neuf mois et vingt huit jours.
L’indemnité de licenciement prévue par la convention collective est de 2/10 de rémunération mensuelle par année de présence continue au-delà d’un an, jusqu’à cinq ans de présence continue.
Compte tenu du salaire moyen de 2 403,51 euros, la société Action Training Productions doit être condamnée à payer à Mme X la somme de 1 841,08 euros au titre de l’indemnité de licenciement.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l’indemnité pour licenciement abusif
L’article L.1235-5 du code du travail, en sa version applicable à l’instance dispose que les dispositions de l’article L.1235-3 ne sont pas applicables à l’instance et que le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.
Mme X justifie avoir perçu des indemnités versées par Pôle Emploi jusqu’au mois d’août 2017, puis a perçu le revenu de solidarité active. Elle justifie avoir effectué de nombreuses démarches de recherches d’emploi.
Son préjudice sera indemnisé par la somme de 15 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur l’indemnité pour procédure irrégulière
Aux termes de l’article L.1235-5 du code du travail, les dispositions de l’article L. 1235-2 ne sont pas applicables au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze
salariés.
Le préjudice subi est indemnisé par l’indemnité allouée pour licenciement abusif.
La demande d’une indemnité distincte doit être rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé
Pour caractériser le travail dissimulé prévu par l’article L.8221-5 du code du travail la preuve de l’élément intentionnel de l’employeur doit être rapportée.
Il n’est pas discuté que les contrats conclus ont fait l’objet de déclarations aux différents organismes. Si une condamnation en paiement de rappel de salaires est prononcée, la preuve de l’élément intentionnel de l’employeur n’est pas rapportée.
La demande d’indemnité formée à ce titre par Mme X doit être rejetée.
Le jugement sera confirmé de chef.
Sur la remise des documents
La remise d’un bulletin de paie récapitulatif conforme, d’une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée et d’un certificat de travail sera ordonnée dans le délai d’un mois suivant la signification de la décision. Il n’y a pas lieu à ordonner d’astreinte.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les intérêts
Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Action Training Productions de la convocation à comparaître devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, soit le 25 juillet 2017 et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision.
Sur les dépens et frais irrépétibles
La société Action Training Productions qui succombe supportera les dépens et la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée à verser à Mme X la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
DÉBOUTE la société Action Training Productions de sa demande que les pièces n°23 à 42 produites par l’appelante soient écartées des débats,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes, sauf en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et de sa demande d’indemnité pour procédure irrégulière,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
REQUALIFIE les contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 avril 2012,
DIT le licenciement de Mme X sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Action Training Productions à verser à Mme X les sommes suivantes :
— 19 994,39 euros à titre de rappel de salaire outre 1 999,43 euros au titre des congés payés afférents,
— 5 000 euros à titre d’indemnité de requalification,
— 4 807,02 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 480,70 euros au titre des congés payés afférents,
— 1 841,08 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
— 15 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
DIT que les créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2017 et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision,
CONDAMNE la société Action Training Productions à remettre à Mme X un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt dans le délai d’un mois et dit n’y avoir lieu à astreinte,
CONDAMNE la société Action Training Productions aux dépens,
CONDAMNE la société Action Training Productions à payer à Mme X la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société Action Training Productions de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE