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CIV. 1
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 mai 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10273 F
Pourvoi n° J 18-10.959
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. E… D…, domicilié chez docteur H… W…, […],
contre l’arrêt rendu le 7 novembre 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Tajan, société anonyme, dont le siège est […] ,
2°/ à la société G… Museum, dont le siège est […], (Pays-bas),
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 26 mars 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de M. D…, de la SCP Ghestin, avocat de la société Tajan, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société G… Museum ;
Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. D… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à société Tajan la somme de 1 500 euros ainsi que la même somme à la société G… Museum ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. D…
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté M. D… de sa demande en réparation dirigée contre la société G… museum,
AUX MOTIFS PROPRES QU’
Il appartient à M. D… qui reproche des fautes à la société Tajan et au G… museum d’en rapporter la preuve, ainsi que du lien de causalité avec le préjudice dont il se prévaut ;
M. D… qui avait fait l’achat en 1990 dans un marché aux puces des six dessins en cause qu’il pensait être de G… a consulté sur leur authenticité ;
Il a obtenu, sur requête, soit une procédure non contradictoire, la désignation de Mme Y…, […] du laboratoire de police scientifique de Paris et non historienne de l’art, par le président du tribunal de grande instance de Marseille, afin de réaliser, non pas une expertise mais une simple consultation, aux côtes de deux autres consultants qui se sont désistés, de sorte qu’elle seule a signé le rapport déposé ;
Ce rapport a conclu que “les différentes expertises des six dessins Le jardin des Lices, le Pont de Gleize, le Château de Tarascon, le Port de Martigues, les Baux de Provence, les Arlésiennes, ne révèlent aucun anachronisme entre, d’une part, les matériaux, la technique et les sujets représentés et leur attribution à G… d’autre part” ; selon elle “un tel faisceau d’éléments ne peut être l’effet du hasard et nous conduit à authentifier ces six dessins comme étant de Z… G…” ;
M. D… s’est tourné vers le G… museum, qu’il a consulté sur leur authenticité, en raison, selon ses dires, de l’expertise notoire du musée sur l’uvre du peintre, lui envoyant des photographies des dessins ;
Il s’est heurté, le 29 juin 1992, à une réponse négative du musée, ainsi rédigée, sous la signature d’un conservateur de recherche “nous avons étudié attentivement la matière concernant six dessins en votre possession qui nous ont été envoyés par Mme le professeur Y…. Malheureusement, je dois vous dire que, selon l’avis de notre société, pour des raisons stylistiques, les dessins ne peuvent pas être attribués à Z… G…. Je suis désolé de vous décevoir” ;
En 1997, le premier secrétaire de l’ambassade du royaume des Pays Bas à Tel Aviv a écrit au G… museum pour lui demander son avis sur l’authenticité des uvres de M. D…, lequel souhaitait les exposer au Plaza Hôtel Jerusalem et y organiser un séminaire ; dans sa réponse, le G… Museum répondait qu’il ne donnait son opinion qu’au propriétaire de l’uvre et renvoyait son interlocuteur à s’adresser directement à celui-ci au sujet de l’opinion écrite qui avait déjà été formulée plusieurs années auparavant ;
En 1999, puis en 2001 et en 2005, le G… museum a fait la même réponse aux personnes qui l’interrogeaient sur le même sujet ;
Considérant que M. D… n’a jamais cru devoir recourir pour les dessins en cause à une demande d’expertise au G… Museum, alors qu’en 2008, il a utilisé cette possibilité pour une peinture ;
Toujours en 2008, le G… museum a refusé le rendez-vous que M. D… sollicitait, expliquant avoir à nouveau donné son opinion sur l’authenticité des uvres litigieuses dans un courrier du 10 juillet 2008 ; cette position a été confirmée en septembre 2009, dès lors, selon le G… museum qu’aucun élément nouveau concernant les travaux de l’appelant susceptible d’amener le musée à reconsidérer sa position n’a été mis en lumière ; la position du musée sur l’authenticité des dessins détenus par M. D… était maintenue par courrier du 12 mai 2010 ;
M. D…, désireux de vendre deux de ses dessins, s’est adressé en 2011 à la société Tajan, opérateur de ventes volontaires, en lui remettant le rapport Y… mais en omettant de faire état de l’avis radicalement négatif du G… museum ;
[
]
La société Tajan [
] était par conséquent dans son rôle en interrogeant le G… museum, dont il n’est pas contesté qu’il est une référence incontournable de l’uvre du peintre ;
[
]
Le G… museum, compte tenu de sa position inchangée sur l’absence d’authenticité des dessins détenus par M. D…, n’a pas délivré de certificat ;
Devant cette situation, ce n’est pas la société Tajan qui a refusé de procéder à la vente qu’elle acceptait de réaliser en précisant “uvre attribuée à G…”, au lieu de “uvre de G…”, [
] mais M. D… qui a pris, lui-même l’initiative de retirer ses dessins de la vente, comme en témoignent les bons de retrait qu’il a signés ;
[
]
Considérant que M. D… ne démontre par ailleurs aucunement que le G… museum, lequel apparaît avoir au contraire été extrêmement las des relances incessantes de l’appelant depuis 1992, aurait pris l’initiative d’appeler en 2011 la société Tajan pour lui dire que les dessins mis en vente ne seraient pas authentiques ;
L’avis donné par le G… museum, spécialiste de l’uvre du peintre, relève de sa liberté d’expression et ne peut revêtir un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi ; aucun texte spécial n’est invoqué ;
Le G… museum a, dans un document constituant la pièce 26 de sa communication, estimé, au terme d’une analyse détaillée, que le style résolument vigoureux et clair de G… est absent dans les six dessins, qui ont tous un caractère flou et peu prononcé, ne montrant ni nets contrastes ni traits, crochets ou griffonnages saillants, que si le style de dessin de G… de cette période est souvent et à juste titre, qualifié de calligraphique, l’auteur des dessins n’a pas été capable de l’imiter, que sa main est celle d’un amateur bienveillant, ce qui a sûrement à l’époque amené T… V… (alors directrice du musée d'[…]) à les traiter de “dessins enfantins”, que l’unique conclusion que l’on peut tirer de la somme des éléments – origine, matériaux, style, technique, motif – est que Z… G… n’a pas été l’auteur des six dessins, qu’une expertise plus approfondie des uvres effectuée au musée ne mènera pas à une autre conclusion, les six dessins différant trop de l’uvre de G… ;
Il n’est en rien prouvé que le G… museum ait diffusé la moindre information sur l’authenticité ou l’absence d’authenticité des dessins en cause, M. D… ayant seul pris l’initiative et le risque d’une instance judiciaire publique où il serait fait état de l’avis négatif du musée ;
Une mesure d’expertise qui, en toute hypothèse, ne saurait contraindre le G… museum à modifier son avis, apparaît inutile, étant observé que, comme le fait valoir la société Tajan, les dessins de M. D… peuvent toujours être mis en vente par ses soins ou ceux d’un autre opérateur de ventes mais avec la mention “attribué à G…” ;
En définitive M, D… doit être débouté de l’ensemble de ses prétentions, de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé dans toutes ses dispositions,
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE
Sur la responsabilité du musée G…
Il n’est nullement établi que l’échec de la vente ait pour origine une initiative ou indiscrétion du musée auprès du commissaire-priseur ;
En effet il n’apparaît pas qu’interrogé le 9 septembre 2011 par la société Tajan, il ait apporté une autre réponse que celle de son courriel du même jour, rappelant son engagement de confidentialité et renvoyant le solliciteur à interroger le propriétaire des uvres ;
De fait, la fiche de dépôt du 21 septembre 2011 et l’annonce conforme publiée le 7 octobre 2011 sur les ventes en préparation mentionnent des dessins “de G…”, ce qui suppose qu’ils étaient présumés authentiques selon les indications données par le propriétaire ;
L’avis sommaire déniant l’authenticité des dessins, donné sur interrogation du propriétaire par les experts du musée au seul vu de photographies, spécifie expressément que l’infirmation et la conclusion “ne peuvent être considérées comme un rapport d’expertise” et que “toute responsabilité au titre … de ce service gratuit est exclu”,
Le musée G… propose par ailleurs des expertises qui donnent lieu à la signature préalable d’une convention écrite, ce que n’ignore pas M. D… qui y a eu recours pour d’autres uvres ;
M. D… n’ayant pas sollicité d’expertise des dessins qui sont l’objet du présent litige et proposé d’apporter les originaux, l’avis donné sur sa demande à titre consultatif avec réserves ne peut être considéré comme fautif ;
Enfin, cet avis négatif ne peut être considéré comme manifestement erroné, procédant en l’espèce d’une erreur grossière, du seul fait qu’il est contraire aux conclusions d’une expertise diligentée en 1992 par le laboratoire de police scientifique, sous la signature de Mme Y… et que, selon un article de presse, le musée G… a en 2013 authentifié une peinture de l’artiste qu’il avait cru être un faux en 1991 ;
Selon des articles de presse versés aux débats, outre des critiques apparues sur les méthodes de Mme Y…, ni le conservateur du musée Kröller-Müller, ni Mme T… V…, conservatrice du musée d'[…] n’ont davantage été convaincus de l’authenticité des dessins ;
Dans le cadre et pour les besoins de sa défense dans la présente instance, le musée G… a développé et argumenté les motifs de son avis, tenant tant au style qu’à la technique, observant en outre la provenance indéterminée des dessins et le caractère discutable des titres qui leur ont été attribués en fonction des lieux qu’ils sont supposés représenter ; Il précise que l’avis a été donné au vu des photographies ainsi que du rapport scientifique de Mme Y… ;
Au regard de telles divergences d’opinion, il appartient au propriétaire, s’il l’estime de son intérêt, de faire authentifier ses uvres par des experts de son choix ou désignés ; il se réfère par exemple dans ses écritures à l’expert M, Gilles Perrault, pour avoir critiqué dans des articles de presse des refus péremptoires de reconnaissance d’authenticité donnés par des ayants-droits d’artistes, sans examen de visu et recours aux techniques scientifiques modernes ;
Une telle expertise ne saurait cependant être imposée au musée G… dans le cadre d’un débat contradictoire à ses frais avancés alors qu’il n’est lié par aucun contrat au requérant et que l’avis qu’il lui a donné, à sa demande, ne peut être considéré comme une faute à son encontre ; en tout état de cause le musée ne saurait être contraint de se rallier à une opinion contraire à la sienne,
ALORS QUE commet une faute aux termes des articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241 du code Civil le spécialiste mondialement reconnu de l’uvre d’un artiste tout aussi mondialement connu qui émet un avis négatif sur l’authenticité d’une uvre, et contraire à un rapport d’expertise judiciaire française particulièrement documenté et argumenté qui l’attribue audit artiste, sans avoir jamais procédé lui-même à un examen de l’original de l’uvre, au moyen des techniques modernes d’investigation, et sans motiver spécialement son opinion, dont la teneur conditionne directement la valeur de l’uvre de ce même artiste sur le marché de l’art ; qu’en retenant, pour exclure toute responsabilité du G… museum pour avoir émis, au vu de simples photographies, sans examen des originaux au moyen des techniques modernes d’investigation, et sans aucune motivation, un avis négatif sur l’authenticité des dessins de M. D…, contraire au rapport d’expertise judiciaire documenté et argumenté du professeur Y…, que cet avis relevait de la liberté d’expression du G… museum de sorte qu’il ne pouvait revêtir un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi, et qu’aucun texte spécial n’était invoqué, la cour d’appel a violé l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et les articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du code civil
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté M. D… de sa demande dirigée en réparation contre la société Tajan,
AUX MOTIFS PROPRES QU’
Il appartient à M. D… qui reproche des fautes à la société Tajan et au G… museum d’en rapporter la preuve, ainsi que du lien de causalité avec le préjudice dont il se prévaut ;
M. D… qui avait fait l’achat en 1990 dans un marché aux puces des six dessins en cause qu’il pensait être de G… a consulté sur leur authenticité ;
Il a obtenu, sur requête, soit une procédure non contradictoire, la désignation de Mme Y…, […] du laboratoire de police scientifique de Paris et non historienne de l’art, par le président du tribunal de grande instance de Marseille, afin de réaliser, non pas une expertise mais une simple consultation, aux côtes de deux autres consultants qui se sont désistés, de sorte qu’elle seule a signé le rapport déposé ;
Ce rapport a conclu que “les différentes expertises des six dessins Le jardin des Lices, le Pont de Gleize, le Château de Tarascon, le Port de Martigues, les Baux de Provence, les Arlésiennes, ne révèlent aucun anachronisme entre, d’une part, les matériaux, la technique et les sujets représentés et leur attribution à G… d’autre part” ; selon elle “un tel faisceau d’éléments ne peut être l’effet du hasard et nous conduit à authentifier ces six dessins comme étant de Z… G…” ;
M. D… s’est tourné vers le G… museum, qu’il a consulté sur leur authenticité, en raison, selon ses dires, de l’expertise notoire du musée sur l’uvre du peintre, lui envoyant des photographies des dessins ;
Il s’est heurté, le 29 juin 1992, à une réponse négative du musée, ainsi rédigée, sous la signature d’un conservateur de recherche “nous avons étudié attentivement la matière concernant six dessins en votre possession qui nous ont été envoyés par Mme le professeur Y…. Malheureusement, je dois vous dire que, selon l’avis de notre société, pour des raisons stylistiques, les dessins ne peuvent pas être attribués à Z… G…. Je suis désolé de vous décevoir”;
[
]
Considérant que M. D… n’a jamais cru devoir recourir pour les dessins en cause à une demande d’expertise au G… Museum, alors qu’en 2008, il a utilisé cette possibilité pour une peinture ;
Toujours en 2008, le G… museum a refusé le rendez-vous que M. D… sollicitait, expliquant avoir à nouveau donné son opinion sur l’authenticité des uvres litigieuses dans un courrier du 10 juillet 2008 ; cette position a été confirmée en septembre 2009, dès lors, selon le G… museum qu’aucun élément nouveau concernant les travaux de l’appelant susceptible d’amener le musée à reconsidérer sa position n’a été mis en lumière ; la position du musée sur l’authenticité des dessins détenus par M. D… était maintenue par courrier du 12 mai 2010 ;
M. D…, désireux de vendre deux de ses dessins, s’est adressé en 2011 à la société Tajan, opérateur de ventes volontaires, en lui remettant le rapport Y… mais en omettant de faire état de l’avis radicalement négatif du G… museum ;
Le fait que la société Tajan, sur la foi de ce rapport, ait dans la fiche de dépôt attribué les dessins à G… ne pouvait engager sa responsabilité puisqu’il est mentionné dans ce même document que les descriptifs et estimations sont communiqués sous réserve d’expertise ;
La société Tajan est tenue par les dispositions du décret du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d’uvres d’art ; il lui appartient par conséquent, en tant que professionnel, de s’entourer de toutes les précautions nécessaires avant d’affirmer l’authenticité d’une uvre ; elle était par conséquent dans son rôle en interrogeant le G… museum, dont il n’est pas contesté qu’il est une référence incontournable de l’uvre du peintre ;
La société Tajan, loin de commettre une faute en prenant cette précaution, a effectué une diligence qui lui incombait, dont la non-exécution aurait au contraire été susceptible d’engager sa responsabilité en cas de contestation ultérieure de l’acquéreur sur l’authenticité des uvres vendues aux enchères ;
M. D… peut d’autant moins s’étonner de cette démarche qu’il avait lui-même, à ses dires, pris l’initiative de prévenir le G… museum de la vente aux enchères envisagée ;
Le G… museum, compte tenu de sa position inchangée sur l’absence d’authenticité des dessins détenus par M. D…, n’a pas délivré de certificat ;
Devant cette situation, ce n’est pas la société Tajan qui a refusé de procéder à la vente qu’elle acceptait de réaliser en précisant “uvre attribuée à G…”, au lieu de “uvre de G…”, cette façon de procéder étant conforme aux exigences des dispositions du décret précité, mais M. D… qui a pris, lui-même l’initiative de retirer ses dessins de la vente, comme en témoignent les bons de retrait qu’il a signés ;
M. D…, qui n’a pas spontanément fait état auprès de la société Tajan de l’avis négatif du G… museum, ne peut lui reprocher aucune faute ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE
Sur la responsabilité de la société Tajan
Celle-ci est liée au vendeur par un mandat de vente et répond de ses fautes contractuelles ;
Aux termes de l’article 3 du décret du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière d’uvres d’art “à moins qu’elle ne soit accompagnée d’une réserve expresse sur l’authenticité, l’indication qu’une uvre
porte la signature ou l’estampille d’un artiste entraîne la garantie que l’artiste mentionné en est effectivement l’auteur” ;
A l’égard de l’acquéreur, le commissaire-priseur, professionnel, engage sa responsabilité s’il affirme l’authenticité d’une uvre d’art sans l’assortir de réserves ;
En l’espèce, il ressort d’une attestation versée aux débats par M. D… d’une dame I… que lors d’une conversation le 16 octobre 2011 avec une dame L…, de la société Tajan, celle-ci a indiqué que “l’expertise du musée G… était indispensable” et qu’elle était “obligée de retirer les dessins de la vente future ;
Nonobstant les conclusions du laboratoire de police scientifique en 1992, les dessins proposés à la vente, de provenance indéterminée, ne figurent sur aucun catalogue raisonné et c’est donc pour satisfaire à ses obligations de diligence et prudence envers l’acquéreur que le commissaire-priseur a demandé au vendeur une confirmation d’authenticité du musée G…, référence reconnue de l’artiste, pour pouvoir présenter les uvres sans réserve dans son catalogue de vente ;
L’importance de cette référence était connue de M. D… puisqu’il avait lui-même en vain tenté de l’obtenir en 1992 et qu’il n’apparaît pas qu’il ait fait part la société Tajan de l’avis négatif de cette institution lorsqu’il a tenté d’obtenir la présentation à la vente de ses dessins avec garantie d’authenticité ;
Si la société Tajan n’avait pas fait preuve de cette prudence, elle exposait vendeur et acquéreur (si celui-ci avait connaissance ultérieurement d’avis divergents) à un risque d’annulation de la vente et elle engageait sa responsabilité à leur égard ;
Il ne peut donc lui être reproché de n’avoir pas fait figurer les dessins dans son catalogue de vente avec la mention souhaitée “de Z… G…” ; M. D… a préféré reprendre ses dessins plutôt que de les proposer à la vente avec réserve et prix en conséquence, comme “attribués à G…” ;
La fiche de dépôt des dessins à l’étude par M. D… valant reçu, mentionnait que “les descriptifs et estimations sont communiqués sous réserve d’expertise
” ;
Le commissaire-priseur qui dispose de ses propres experts et spécialistes se réservait le droit de modifier l’estimation donnée initialement ;
La photographie d’un des dessins a été publiée dans la gazette Drouot du 10 octobre 2011 au titre des ventes en préparation ;
M. D… n’établit pas en quoi cette parution qui fait suite à son dépôt, qu’il a retiré, lui a causé préjudice ;
En tout état de cause M. D…, dont il s’avère qu’il avait omis de faire part des réserves à sa connaissance (de la part du musée G…) sur l’authenticité de ses uvres ne peut se prévaloir de sa propre faute,
ALORS QUE commet une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l’égard de son mandant, l’opérateur de vente volontaire qui manque à ses obligations de prudence et de diligence en matière de vérification de l’authenticité d’une uvre proposée à la vente ; qu’en se bornant à affirmer, pour décider que M. D… ne pouvait reprocher aucune faute à la société Tajan, d’une part, que le fait que celle-ci ait attribué les dessins à G… dans la fiche de dépôt ne pouvait engager sa responsabilité, puisqu’il était mentionné dans ce document que les descriptifs et estimations étaient communiquées sous réserve d’expertise, d’autre part, qu’elle avait effectué une diligence qui lui incombait en interrogeant le musée G… sur l’authenticité des dessins avant la vente, enfin, qu’elle avait respecté les exigences du décret du 3 mars 1981 en proposant, faute d’obtention d’un certificat d’authenticité par le musée G…, de réaliser la vente des dessins en les présentant comme des uvres attribuées à G… et non comme des uvres de G…, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la circonstance que la société Tajan avait procédé à la publicité de la vente des dessins en les annonçant comme étant de la main de G…, sans avoir préalablement sollicité une nouvelle expertise, qu’elle soit du musée G… ou d’autres experts, outre l’avis du musée G… sur leur authenticité, qu’elle-même jugeait nécessaire, ne caractérisait pas une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de M. D…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l’article 1992 du même code,
ALORS QUE commet une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l’égard de son mandant, l’opérateur de vente volontaire qui manque à ses obligations de prudence et de diligence en matière de vérification de l’authenticité d’une uvre proposée à la vente ; qu’en retenant que M. D… n’établissait pas en quoi la publication de la photographie de l’un de ses dessins dans la gazette Drouot du 10 octobre 2011 au titre des ventes en préparation, faisant suite à son dépôt, qu’il avait retiré, lui avait causé préjudice, cependant qu’il est certain, d’une part, que le refus de la société Tajan de procéder à la vente des dessins de M. D… en tant qu’uvres de G…, comme cela avait été publiquement annoncé, a eu pour effet de discréditer celui-ci et de dévaluer gravement ses dessins, en raison de la suspicion que cette situation a fait naître sur leur authenticité, et, d’autre part, que ce préjudice aurait été évité si la société Tajan avait pris le soin de procéder aux vérifications qu’elle jugeait elle-même nécessaires auprès du musée G…, ou de tout autre expert reconnu et réputé, avant de faire la publicité de la vente d’une uvre de G…, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l’article 1992 du même code.