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SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 juin 2017
Rejet
Mme X…, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 998 F-D
Pourvoi n° W 16-15.171
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. Y… Z…, domicilié […],
contre l’arrêt rendu le 9 février 2016 par la cour d’appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l’opposant à la société Adventure Line Productions, société par actions simplifiée, dont le siège est […],
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 10 mai 2017, où étaient présentes : Mme X…, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mmes Aubert-Monpeyssen, Schmeitzky-Lhuillery, conseillers, Mme D…, premier avocat général, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme X…, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. Z…, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Adventure Ligne Productions, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, de manque de base légale et de défaut de réponse à conclusions, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par les juges du fond qui ont estimé que la preuve de l’existence d’un lien de subordination caractérisant le contrat de travail n’était pas rapportée ; que le moyen, dont les septième, huitième et neuvième branches critiquent des motifs surabondants, n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. Z…
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir décidé que M. Z… n’est pas lié à la société ALP par un contrat de travail et d’avoir en conséquence déclaré la juridiction prud’homale incompétente pour statuer sur ses demandes ;
Aux motifs propres que « Considérant qu’il résulte des pièces et écritures des parties que la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS, productrice de plusieurs émissions de « téléréalité » diffusées sur la chaîne de télévision TF1, dont « KOH LANTA », a produit en 2010 une nouvelle série télévisée, « B… A… », diffusée en 2011 sur TF1, à raison de neuf épisodes, réalisés en Australie dans le désert de Simson, le dixième et dernier se déroulant en « plateau » ; que cette émission met en concours cinq familles, chacune constituée de quatre membres (et trois générations) ;
Que le thème de cette émission consiste à opposer, entre elles, à l’occasion de diverses épreuves filmées, cinq familles, réunies dans un campement en pleine nature pendant trente jours environ – tout au long du séjour, les participants à l’émission votent pour l’exclusion de certains membres et à l’issue ;
de la dernière épreuve, la famille arrivée en tête, gagne 20 000 €, tandis que la somme de 70 000 €, – outre le montant d’une cagnotte constituée tout au long de l’émission- est allouée à la famille qui, lors de la dixième émission, réalisée sur le plateau, est « plébiscitée » par les téléspectateurs ;
Que quatre membres de la famille Z…, Y…, Rémi, Estelle et Carole, ont pris part à cette émission que la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS qualifie de « jeu » ; qu’ils n’ont pas « gagné », alors que la famille gagnante a perçu la somme de 150 000 € ;
Qu’ils ont saisi le conseil de prud’hommes le 15 juin 2011 afin de voir juger que leur participation à l’émission litigieuse relevait juridiquement de la définition du contrat de travail et d’obtenir, en conséquence, la condamnation de la société ADVENTURE LIGNE PRODUCTIONS à leur verser les diverses sommes que celle-ci leur devait par application des dispositions du code du travail relatives, notamment, à la durée du temps de travail et à la rupture du contrat à durée indéterminée ;
Que par le jugement présentement frappé de contredit, le conseil s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance, au motif que les relations contractuelles entre les parties ne pouvaient recevoir la qualification de contrat de travail, requise ;
Considérant qu’il n’est pas discuté que M. Z…, comme chacun des participants à l’émission « B… A… », a signé quatre conventions avec la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS :
– la première, commune à l’intéressé et aux trois autres membres de sa famille, intitulée Règles de participation au jeu « B… d’explorateurs », qui comporte « les conditions de participation des concurrents » et les règles du « jeu » ;
– la deuxième, ou « engagement de confidentialité », par laquelle, chaque membre s’oblige à ne rien révéler, jusqu’à l’issue du dernier épisode de la série, touchant à la préparation et au déroulement de l’émission, et ce, pour « favoriser le programme et provoquer le surprise des téléspectateurs » : à titre de motivation et d’incitation, la famille reçoit la somme de 6000 €, soit 1500 € par membre, si la confidentialité, ainsi, a été respectée ;
– la troisième convention, « cession des attributs de la personnalité », a trait à la cession par chaque participant, des droits dont il dispose sur son image, sa voix, son nom, aux fins d’exploitations télévisuelles ou audiovisuelles, publicitaires ou photographiques -le participant reçoit 1000 € au titre de cette cession, outre 500 € au titre spécialement de la dernière émission ;
– enfin la dernière convention est un contrat à durée déterminée d’usage régissant la participation de M. Z… au générique de l’émission- le tournage et l’enregistrement de celui-ci est prévu le 5 février 2011, le participant étant rémunéré à raison de 9 € de l’heure, sur la base du SMIC ;
Considérant que le conseil de prud’hommes a jugé dans la décision, présentement soumise à contredit, que ces diverses conventions, et notamment celle relative aux « règles de participation au jeu » n’emportaient aucun lien de subordination, susceptible de justifier leur requalification en contrat de travail -se différenciant en cela des précédentes émissions produites par la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS, dont, celle de KOH LANTA systématiquement citée par M. Z… ;
Considérant qu’au soutien de son contredit M. Z… s’efforce de démontrer que le contrat conclu avec la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS ne correspondait pas aux notions de jeu, ni de documentaire et se rapportait en revanche à une oeuvre de fiction ;
Mais considérant que ces analyses ne démontrent pas pour autant la réalité d’un contrat de travail entre les parties ;
Considérant que s’agissant du contrat de travail celui-ci se définit concrètement par la mise à disposition que le salarié fait, de sa force (physique ou intellectuelle) et de son temps, au profit de l’employeur -acceptant, en définitive, de soumettre sa liberté aux pouvoirs et instructions de ce dernier ;
Or considérant qu’en fait, les parties sont en totale contradiction, M. Z… exposant qu’il devait faire preuve d’activité durant 18 heures, chaque jour – les caméras opérant heures sur 24 – alors que la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS ne fait état que de deux heures par jour ; que ces contradictions persistent quant au contenu du tournage effectué, M. Z… soutenant, contrairement à la société, que les scènes filmées auxquelles il participait étaient préparées et répétées sous la direction de la production ;
Mais considérant que M. Z… ne produit aucune pièce probante au soutien de ses assertions et se borne à citer les témoignages de participants à une autre émission, KOH LANTA, pour établir les conditions de travail qui lui auraient été prétendument imposées lors du tournage de « B… A… » ;
Et considérant que comme l’ont exactement relevé les premiers juges, le document contractuel signé par M. Z… avec la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS, intitulé « règles de participation au jeu « B… d’explorateurs », ne traduit nullement, comme il l’énonce, « la détermination de ses tâches par la société de production » et « le pouvoir de contrôle et de sanction de celle-ci » à son égard ;
Qu’aucune disposition du contrat ne traduit l’assujettissement du participant à d’autres règles que celles relatives à l’organisation de ce que la société intimée qualifie de « jeu » ; que les règles instituées à l’article 3.3.2 n’ont d’autre objet que la santé, la sécurité et la préservation du site ;
Que, de plus, M. Z… se prévaut vainement des « règles imposées sur le lieu du tournage » qui, selon lui, auraient démontré la subordination qui était la sienne (répétitions, mise en scène, « interviews interminables ») ; qu’en effet, aucune pièce décrivant ainsi la réalité du tournage de « B… A… » n’est produite et les seuls documents versés aux débats par le demandeur au contredit ont trait, une fois encore, à la série KOH LANTA ;
Que tout aussi vainement, le demandeur invoque un prétendu pouvoir de sanction de la société à son égard, en citant l’article 3.3.2 du « règlement », alors que ce texte – contrairement à ce que conclut M. Z… – ne lui fait pas interdiction d’entrer en relation avec ses proches et lui prescrit seulement de ne pas « s’éloigner des périmètres définis par l’organisateur, sans son accord, et ce pour des raisons de sécurité ou de réglementation locale des sites » ;
Qu’aucun pouvoir de contrôle ne s’induit d’une telle directive, guidée par des considérations de sécurité dont l’organisateur, au premier chef, est garant ; qu’en cette qualité d’organisateur du « jeu » la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS a également qualité pour exercer les pouvoirs de sanction à l’encontre des participants méconnaissant le règlement et aucune conséquence ne saurait être tirée, de l’exercice de ce pouvoir, sur la requalification requise par le demandeur ;
Considérant que dans ces conditions, la participation de M. Z… au tournage de l’émission « B… A… » apparaît n’avoir consisté qu’en un concours de l’intéressé et sa famille, contre d’autres participants, destiné à être télédiffusé ; qu’en tout cas, M. Z… ne démontre nullement que les scènes filmées et diffusées aient eu un autre objet ;
Considérant que c’est, en conséquence, par une juste analyse que la cour fait sienne, que les premiers juges ont conclu à l’absence de contrat de travail et à l’incompétence du conseil de prud’hommes – la cour rappelant que lorsque M. Z… a fourni à la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS pour l’élaboration du générique, une participation faisant strictement appel à sa personne et emportant sa mise à disposition, en temps et lieu, auprès de la société, celle-ci lui a fait signer un contrat de travail à durée déterminée ; que ces différences de participation et de contrat justifient que le contrat de « jeu » demeure, lui, exclu de la qualification de contrat de travail ; qu’il reviendra au tribunal de grande instance de déterminer si cette qualification de « jeu » est juridiquement conforme ;
Considérant que le contredit sera donc rejeté comme dit ci-après » ;
Et aux motifs réputés adoptés que « Sur la compétence du Conseil et la qualification juridique de la participation au jeu et des conventions
La société ALP soulève l’incompétence du Conseil pour statuer sur ce différend.
Chaque membre de la famille a participé à un jeu, qui se veut aléatoire, comme en témoigne la durée de leur participation et la perte du gain final.
L’article 1964 du code civil est pourtant clair : « Le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain ».
Précisément la perte ou le gain résulte de l’aléa et dépend bien d’un évènement incertain, outre l’aspect ludique, le jeu n’implique pas pour les participants l’apport d’une « mise ».
Les conditions de jeu étant réunies, elles ne permettent pas la qualification des relations en contrat de travail.
En famille, chaque candidat a signé 4 conventions distinctes :
– les règles de participation au jeu
– le contrat de cession des attributs de la personnalité,
– un engagement de confidentialité
– et un contrat de travail à durée déterminée pour une journée.
La conclusion d’un CDD, les termes des conventions et les prestations des candidats et la présence collégiale en famille permettent de conclure que chaque membre a pu émettre un avis éclairé lors des 4 consentements.
Cette émission B… A… ne saurait être assimilée aux jurisprudences inhérentes à l’émission KOH LANTA.
Il est demandé la requalification des règles de participation en contrat de travail. Ce document est intéressant à plusieurs titres.
Il comprend une obligation de sécurité qui a vocation à expliquer les règles de vie et de comportement dans un site protégé sur un territoire étranger, comme des consignes de vigilances.
En cela il ne peut être assimilé à un contrat de travail.
Par ailleurs le règlement de participation comporte une obligation d’information. Et une nouvelle fois, il ne peut être assimilé à un lien de subordination.
Il sera fait observer que l’existence d’une relation de travail ne dépend pas de la dénomination donnée par les parties mais des conditions de fait dans lesquelles la famille Z… a participé.
A ce sujet la famille Z… reprend longuement dans ses tableaux les articles des règles de participation pour en déduire que celles-ci révèleraient un lien de subordination entre les participants et la société ALP, et se repose sur l’arrêt du 3 juin 2009 (Cour de Cassation, Assemblée plénière) concernant des anciens participants à l’émission « Ile de la tentation ».
Tandis que la société ALP invoque à son tour d’autres jurisprudences.
Mais le Conseil considère qu’entre les premières émissions évoquées et initiales (KOH LANTA, ILE DE LA TENTATION, LE CHANTIER) et l’émission remise en cause avec la famille Z…, les règles de participation sont différentes.
La lecture attentive des documents ne permet pas de conclure à l’existence d’un quelconque contrat de travail.
Il ne peut être fait systématiquement une analogie avec les précédentes émissions afin de requalifier opportunément les relations en contrat de travail.
Mais surtout le Conseil s’est évertué à rechercher la volonté des parties. Il apparaît évident que Monsieur Y… Z… a recherché à vivre une expérience unique dans un cadre ludique d’un jeu télévisé et n’a pas cherché à monnayer sa participation pour ensuite ultérieurement se voir bénéficier d’un statut de salarié.
Le Conseil n’entend pas dénaturer la commune intention des parties en interprétant à la faveur du demandeur.
L’acceptation par les membres de la famille Z… d’être filmé et interviewé relevait bien de la cession des attributs de la personnalité et non d’un contrat de travail.
Ce contrat de cession était également distinct des règles de participation au jeu.
En outre la seule interview imposée a fait l’objet d’un contrat à durée déterminée et rémunéré.
Les règles de participation au jeu ne constituent qu’un rappel de principe, un cadre pour informer les candidats et ne sauraient s’analyser comme un lien de subordination, constitutif d’un contrat de travail. Elles relèvent des dispositions du code civil et non du code du travail.
Il ne saurait être sérieusement retenu la notion de travail.
A ce sujet les participants ne sont pas des professionnels du monde de l’audiovisuel et du milieu artistique. Ils n’ont pas exercé une fonction ou plus communément appelé un « véritable métier ».
Ils n’ont pas perçu une rémunération en contrepartie de leur participation. La convention de participation au jeu ne saurait être assimilée à un contrat de travail.
Les sujétions des participants au titre des règles de participation sont des exercices, des prises de vues, des interviews, et non des prestations rémunérées.
Les consignes de sécurité, la participation aux épreuves, aux explorations, les votes pour éliminer un autre concurrent, la participation au final et aux interviews peuvent être commun à des jeux.
Ces actes ou événements ne sont pas exclusifs au contrat de travail.
De même la sélection des candidats n’est en aucune manière un recrutement.
Il n’est pas démontré que « les concurrents devaient produire une activité pendant plus de dix-huit heures par jour, nonobstant le fonctionnement des caméras vingt-quatre heures sur vingt-quatre ».
Une épreuve sportive peut donner lieu à plusieurs répétitions sans pour autant que cela constitue une prestation de travail.
Il ne s’agit pas d’une activité professionnelle avec mise à disposition de l’employeur.
Les infrastructures assurent l’hébergement de la famille dans des conditions de conforts précaires de « camping sauvage ».
Ces conditions de séjour sont parfaitement acceptées par les candidats. Il ne peut être affirmé que les concurrents pouvaient parfois participer aux épreuves « sans jour de repos ».
Il est regrettable de vouloir systématiquement calquer les émissions KOH LANTA, L’ILE DE LA TENTATION, C… E…, MARJOLAINE ET LES MILLIONNAIRE et MISTER FRANCE à l’émission B… A… pour parvenir à la reconnaissance d’un contrat de travail et d’enrichir de la sorte les arguments qui ne s’appliquent pas au cas d’espèce.
En revanche, il est exact que la notion de plaisir ou déplaisir est totalement étrangère à la qualification de contrat de travail.
Le Conseil se déclare également incompétent pour statuer sur le contrat de confidentialité.
L’article 1101 du code civil « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ».
Si certes la société ALP s’est engagée à rémunérer le respect de cette obligation du silence provisoire du candidat, elle résulte d’un consensus entre les parties.
Le Conseil n’entend pas déformer les intentions des parties.
Cet accord qui n’est pas exclusif du contrat de travail ne pourrait donner la coloration d’une relation employeur-salarié.
Aussi le Conseil considère que l’appréciation de ce contrat de confidentialité qui est une partie intégrante du jeu ne relève pas de son pouvoir d’appréciation mais relève de la compétence du Tribunal de Grande Instance.
En tout état de cause, l’émission a vocation à donner le focus sur des scènes divertissantes ou bien difficiles pour les candidats. Mais en aucun cas elle est le reflet de la réalité des participants.
Ce qui signifie que le Conseil estime qu’aucun lien de subordination ne peut se profiler au travers de cette représentation partielle de la vie des explorateurs.
Cette version audiovisuelle tronquée du séjour des participants ne peut conduire le Conseil à reconnaitre l’exécution d’un quelconque travail, avec des ordres et des directives émanant de la société de production.
Il ne peut être écarté la seule volonté des parties à vouloir vivre une expérience artificielle, assimilable à un séjour de vacances, dans un club avec de multiples activités.
Les membres de la famille séjournaient dans un lieu isolé en Australie, avec des conditions rudimentaires et des épreuves sportives pour confronter les capacités physiques et/ou mentales.
Si l’un d’eux était « éliminé » par les autres concurrents, il demeurait encore sur place mais n’était plus visible des téléspectateurs.
Il n’est pas démontré qu’il était soumis à de sujétions spatiales et temporelles, telles que des horaires
La société de production n’exerçait pas un contrôle sur ceux-ci et ne sanctionnait pas pour autant, excepté sans doute en cas de mise en danger de la personne, comme un organisateur de voyage.
Si certes il existe un pouvoir d’élimination en cas de manquement aux règles de participation, il peut s’agir d’un principe de précaution et de sécurité tout simplement, sans pour autant conduire à un lien de subordination.
Le Conseil est incompétent pour statuer sur le contrat de cession des attributs de la personnalité, régit par le code civil.
Le litige qui porte sur la cession des attributs de la personnalité relève du Tribunal de Grande Instance. Enfin le Conseil n’a pas vocation à dédommager une famille qui n’aurait pas emporté la victoire finale.
La question demeure. La famille Z… si elle avait été l’heureuse gagnante de la somme finale de 150.000 euros, aurait-elle eu l’intention de contester sa participation pour la voir qualifier en contrat de travail. Rien n’est certain, pourtant les conditions de jeu auraient été les mêmes.
Ce qui signifie que selon toute vraisemblance la finalité de la saisine ne relève pas du Conseil.
Le Conseil déclare que les documents signés par Monsieur Y… Z… ne peuvent être requalifiés en relation contractuelle de travail. Monsieur Y… Z… n’ayant pas la qualité de salarié et la société ALP ne pouvant être reconnue employeur, le Conseil considère qu’il ne peut statuer sur un litige qui n’oppose ni un salarié ni un employeur.
Dès lors le Conseil se déclare incompétent rationae materiae.
Sur la convention collective des artistes-interprètes et l’activité d’artiste-interprète
Les participants ne jouaient pas un rôle mais ils vivaient une aventure physique et humaine, comme cela ressort de la déclaration de Monsieur Y… Z…, interrogé sur le jeu :
« Je me suis régalé avec les couleurs, les levers et couchers de soleil et les épreuves étaient magnifiques, bref c’était géant ! Et en plus vivre avec sa famille…Quand on est parti, je me suis dit que je resterais bien un mois de plus … ».
Autrement dit la mise en scène de vacances en famille ne peut être assimilée à un contrat de travail avec un lien de subordination avec un salaire mensuel de 56.526,93 euros pour quelques heures consacrées à un tournage, des épreuves et des éliminations lors de ces étapes.
Le concept a permis aux familles de vivre une expérience individuelle et collective. Ils ont accepté de se « donner en spectacle », en s’exposant. Mais pour autant ils n’ont pas rempli un rôle, pouvant les assimiler à des artistes interprètes. Ils n’avaient pas de texte, ni de répétition, ni de censure.
L’article 2-1 du contrat de cession précise que le concurrent « peut se trouver dans des situations qui le mettront pas autant en valeur qu’il pourrait le souhaiter et qui ne pourront en aucune cas être corrigées ou retournées pour quelques motifs que ce soit ».
Dès lors le Conseil considère que si Monsieur Y… Z… était artiste interprète comme il tend à le revendiquer, il chercherait au moins à préserver son image, voir à la sublimer.
Si Monsieur Y… Z… ne peut ainsi modifier la captation audiovisuelle, il ne peut alors bénéficier de la qualification d’artiste-interprète.
En tout état de cause, le candidat n’entre pas dans la liste des artistes visée à l’article L7121-2 du code du travail.
Et la présence de caméra ne fait pas ipso facto des participants -des artistes interprètes-, même s’ils sont sans doute en recherche de vedettariat.
La convention collective des artistes interprètes n’est pas applicable aux participants de jeux télévisés, tels que « B… d’explorateurs ».
Par contre il est difficile de concevoir qu’il n’existe pas de scénario ou de trame pour tout simplement organiser l’équipe de tournage et les épreuves.
Le Conseil ne peut déduire qu’il existe un scénario préétabli, un montage artificiel, un casting drastique, l’utilisation des moyens de fiction traditionnels, tels que la voix off et la censure, une infrastructure technique, un lexique propre et des règles conditionnant le comportement des participants pour conclure que les règles de participation seront requalifiées en contrat de travail. Force est de constater que le statut d’artiste interprète ne saurait être reconnu au demandeur, qui n’avait pas vocation à jouer un rôle spécifique.
Dans le cas contraire, cela signifierait que les épreuves et les éliminations par les autres concurrents seraient alors truquées.
Si certes il existe quelques artifices quant aux conditions de séjour, cela ne signifie pas qu’il s’agit d’un film avec des acteurs, ayant déployé des talents artistiques.
Le Conseil se déclare également incompétent pour statuer sur la relation entre les parties, lesquelles ne relèvent manifestement pas de la convention collective des artistes interprètes.
Sur la mise à disposition du demandeur 24H/24 pendant la durée du tournage
Il est important de se concentrer sur la spécificité de cette émission B… A… pour éviter de faire un amalgame avec les autres émissions pour se contenter d’affirmer qu’il s’agit immanquablement d’une requalification de contrat de travail.
La famille Z… a mis en avant la jurisprudence dans des affaires de « téléréalité » en prétendant que les concurrents travaillaient 24 H/24 et que le salaire de référence était fixé à 56.526,93 euros en invoquant la convention collective précitée.
D’ores et déjà cette convention collective ne règlemente pas les participants à des émissions de télévision et ne fixe pas un tel salaire conventionnel.
Les « prestations » des participants lors des épreuves en famille, d’exil, d’explorations et lors de l’épreuve finale ne répondent pas aux critères du contrat de travail.
Elles n’étaient pas encadrées strictement car il est admis que les participants pouvaient librement vaquer à leurs activités personnelles, en dépit de certaines scènes, interviews.
Il est indéniable que la durée de présence des candidats est variable entre eux pourtant Monsieur Y… Z… profite à son avantage d’une extrapolation d’une durée d’un mois complet dans le jeu, sans tenir compte que :
– Carole Z… est restée 7 jours,
– Rémi Z… est resté 22 jours,
– Y… et Estelle sont restés 27 jours.
Il ne peut être démenti que les participants n’étaient pas en situation de travail effectif mais encore moins en dehors des tournages des épreuves et une fois le candidat éliminé.
Pourtant Monsieur Y… Z… n’hésite pas à invoquer une activité permanente 24H/24,168 heures par semaine de « travail effectif ». Ces prétentions ne sont pas fondées et pas sérieuses.
Contrairement à ce qui a été affirmé, les candidats pouvaient décider d’abandonner le jeu et d’être rapatrié.
Ils disposaient d’une liberté de déplacement et de participation.
La société ALP n’a pas apporté atteinte aux libertés individuelles des membres de la famille Z… et qui n’auraient pas été justifiées par le jeu et donc l’émission.
Force est d’admettre qu’il n’est aucunement démontré une mise à disposition de 24H24 du candidat auprès de la société ALP et d’une durée effective de travail.
En conséquence les demandes de rappel de salaire, d’heures supplémentaires et de repos compensateur, de l’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant du non-respect des durées maximales de travail, des temps de repos, de la liberté d’aller et venir, du droit à l’image, du droit au respect de la vie privée ne sauraient prospérer devant le Conseil, ce dernier s’étant déclaré incompétent.
En effet le Conseil ne peut statuer sur les demandes tant à titre principal et à titre subsidiaire et invite la candidate à formuler ses prétentions devant le Tribunal de Grande Instance.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat et aux indemnités de rupture
La fin de l’aventure n’était pas déterminée pour les participants. Seule la date de retour en France était connue.
Rappelons le principe : les autres candidats et téléspectateurs en interaction ont pu mettre un terme à la présence du demandeur sur le site et à sa participation au jeu.
La fin de l’exploration n’était pas décidée exclusivement par la société défenderesse.
Etant précisé que Monsieur Y… Z… pouvait également mettre fin à sa participation. Il avait aussi un libre arbitre.
Dans la mesure où les relations entre les parties ne relèvent pas des dispositions du code du travail et ne peuvent être requalifiées en contrat de travail, le Conseil se déclare incompétent pour qualifier la rupture de l’aventure audiovisuelle en licenciement irrégulier et abusif.
Sur la demande d’indemnisation pour préjudice distinct
Monsieur Y… Z… sollicite également, comme en désespoir, une somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi résultant du non-respect des durées maximales de travail, des temps de repos, de la liberté d’aller et venir, du droit à l’image, du droit au respect de la vie privée.
Les fondements juridiques sont multiples. Pour certains d’entre eux, ils relèvent du code civil.
Une fois encore Monsieur Y… Z… n’a pas démontré en quoi était constitué ce préjudice mais s’est contenté d’être affirmatif, principalement en se basant sur le contenu de dossiers concernant d’autres émissions de téléréalité, dans lesquels la jurisprudence et la doctrine se sont largement exprimées.
La volonté à faire croire que la participation à un jeu télévisé serait liberticide est audacieuse.
Les candidats font une démarche volontaire. Ils ne sont pas contraints à contribuer au divertissement du large public.
Cette recherche de facilité à insérer des extraits concernant d’autres émissions et de jurisprudence n’a pu convaincre le Conseil sur la légitimité des demandes mais a, en revanche, conforté sa conviction quant à son incompétence matérielle pour statuer sur ce litige.
Sur la remise des documents de rupture de contrat de travail et l’exécution provisoire.
Compte tenu de l’absence de relation de travail entre les parties et de l’incompétence du Conseil en la matière, il ne saurait être ordonné la remise au demandeur de l’attestation Pôle Emploi, le certificat de travail, le bulletin de salaire le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du jour où le jugement sera devenu définitif.
Pour les mêmes raisons, il ne peut être fait droit à la demande d’exécution provisoire » ;
1/ Alors que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que caractérisent ainsi le lien de subordination les circonstances selon lesquelles les participants ont accepté d’être filmés et interviewés, de pratiquer les exercices prévus par la société de production, sur un lieu défini par celle-ci et les règles de participation dans leur ensemble, ainsi que de s’engager à une obligation de confidentialité, la société de production s’engageant pour sa part à garantir leur sécurité et leur santé tout en ayant le pourvoi de contrôler l’exécution de ses directives et de sanctionner les manquements des participants ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel, qui a constaté la réunion de ces circonstances, desquelles il résultait nécessairement que l’intéressé n’était pas placé dans une totale indépendance vis-à-vis de la société de production, mais devait à l’inverse, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de sa vie personnelle, prendre part à des activités imposées et exprimer des réactions attendues, a néanmoins écarté la qualification de contrat de travail et ainsi violé l’article L.1221-1 du code du travail ;
2/ Alors, en outre, que l’employeur a le pouvoir de sanctionner un salarié, notamment pour assurer l’effectivité de l’obligation de sécurité de résultat mise à sa charge ; qu’en relevant que la société de production a le pouvoir de sanctionner les participants qui ne respecteraient pas les règles de sécurité, tout en considérant que l’obligation de sécurité ainsi mise à la charge de la société de production exclut la qualification de contrat de travail, la Cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant à caractériser l’absence de lien de subordination, en violation de l’article L.1221-1 du code du travail ;
3/ Alors, de même, qu’en estimant, de manière inopérante, que l’accord de confidentialité conclu entre les participants et la société de production est exclusif du contrat de travail, quand un salarié peut s’engager à une obligation de confidentialité envers son employeur, la Cour d’appel a de nouveau violé l’article L.1221-1 du code du travail ;
5/ Alors, encore, qu’en constatant que la société de production a « qualité pour exercer les pouvoirs de sanction à l’encontre des participants méconnaissant le règlement », tout en décidant que ce pouvoir de sanction est sans effet sur la qualification de contrat de travail recherchée par l’intéressée, quand le lien de subordination emportant cette qualification est justement caractérisé par l’existence d’un pouvoir de sanction, la Cour d’appel a méconnu les dispositions de l’article L.1221-1 du code du travail ;
6/ Alors, en tout état de cause, qu’en s’abstenant de rechercher, comme il lui était demandé, si le lien de subordination entre la société de production et le participant n’était pas caractérisé par les éléments, pris dans leur ensemble, tirés de ce que la société de production prenait en charge les frais exposés par les participants, ceux-ci étaient soumis à des sujétions temporelles et spatiales imposées par la production, contraints de demeurer un lieu précis et de se soumettre à des horaires précis suivant le planning décidé par la production, cette dernière mettait également à leur disposition le matériel nécessaire, déterminait les tâches à accomplir par les participants et avait la possibilité de contrôler et de sanctionner les participants, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L.1221-1 du code du travail ;
7/ Alors, au surplus, que le défaut de réponse aux conclusions constitue le défaut de motifs ; qu’en l’espèce, l’intéressé soutenait que, si l’existence d’un lien de subordination était écartée après avoir appliqué la méthode du faisceau d’indices, celui-ci était néanmoins établi en raison de l’intégration du participant dans un service organisé (p. 55 de ses conclusions d’appel) ; qu’en ne se prononçant pas sur ce moyen déterminant des conclusions de l’intéressé, la Cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
8/ Alors, du reste, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu’en énonçant en l’espèce que « La question demeure. La famille Z… si elle avait été l’heureuse gagnante de la somme finale de 150.000 euros, aurait-elle eu l’intention de contester sa participation pour la voir qualifier en contrat de travail. Rien n’est certain, pourtant les conditions de jeu auraient été les mêmes » et que « Ce qui signifie que selon toute vraisemblance la finalité de la saisine ne relève pas du Conseil », portant ainsi un jugement de valeur sur les prétendues motivations de l’intéressé témoignant d’un parti-pris défavorable à celui-ci, les juges se sont prononcés par des motifs incompatibles avec leur obligation d’impartialité, en violation de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
9/Alors, par ailleurs, que le contrat de jeu est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes s’engagent à remettre à celle d’entre elles qui gagnera, un objet déterminé ou une somme d’argent qui constitue l’enjeu de la partie à laquelle les joueurs se livrent personnellement, la perte ou le gain devant résulter d’un aléa ; qu’en retenant que le contrat de participation constitue un contrat de jeu exclusif du contrat de travail, après avoir pourtant constaté que l’élimination d’un participant ne dépendait pas d’un aléa, mais d’un vote, à la fois, des autres participants et du public, la Cour d’appel a violé l’article 1965 du code civil, ensemble l’article L.1221-1 du code du travail ;
10/ Alors, en dernier lieu, que la Cour d’appel n’a pas recherché, comme elle y était pourtant invitée, si la production ne courait aucun risque de perte, dans la mesure où elle s’était engagée, dès l’origine, par la signature des « Règles de participation », à remettre diverses sommes aux participants et, notamment, aux finalistes, qui ne pouvaient bénéficier corrélativement d’aucune chance de gain dont serait débiteur l’un ou l’autre des participants et si ces derniers n’étaient soumis à aucun risque de perte, faute d’avoir apporté une mise, de telle sorte que la qualification de contrat de jeu était exclue ; qu’en retenant néanmoins une telle qualification, exclusive du contrat de travail, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 1965, ensemble l’article L.1221-1 du code du travail.