Contrat d’Artiste : 7 juin 2016 Cour d’appel de Paris RG n° 15/08630

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Contrat d’Artiste : 7 juin 2016 Cour d’appel de Paris RG n° 15/08630
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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 07 JUIN 2016

(n°116/2016, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/08630

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 3ème chambre – 1ère section – RG n° 13/13179

APPELANTE

Madame [K] [H] VEUVE [Q]

Es qualités d’héritière légataire universelle de Monsieur [G] [Q]

Née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

de nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée et assistée de Me Joëlle AKNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0398

INTIMÉE

SARL PUZZLE PRODUCTIONS

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 352 939 193

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 2]

Représentée par Me André SCHMIDT de l’AARPI A. SCHMIDT – L. GOLDGRAB, avocat au barreau de PARIS, toque : P0391

Assistée de Me Christine AUBERT- MAGUERO de l’AARPI A. SCHMIDT – L. GOLDGRAB, avocat au barreau de PARIS, toque : P0391

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral dans les conditions de l’article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions des articles 786 et 907 du même code, l’affaire a été débattue le 13 avril 2016, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie AUROY, conseillère et Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, chargé d’instruire l’affaire,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, président,

Madame Nathalie AUROY, conseillère,

Madame Isabelle DOUILLET, conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON

ARRÊT :

contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier.

***

M. [G] [Q] est un artiste populaire français, né en [Date naissance 2] et décédé le [Date décès 1] 2008, surtout connu pour les chansons qu’il a interprétées, telles que ‘ Syracuse’ ; ‘Maladie d’amour’ ; ‘Une chanson douce’ ; ‘Le lion est mort ce soir’ ou ‘Dans mon île’.

Mme [K] [H], veuve [Q], est son héritière et légataire universelle.

Créée en 1990, la société PUZZLE PRODUCTIONS a une activité de production phonographique.

Mme [Q] expose avoir découvert que la société PUZZLE PRODUCTIONS distribuait sans autorisation des compilations de chansons dont [G] [Q] est l’interprète et parfois l’auteur-compositeur, en utilisant des photographies d'[G] [Q], également sans autorisation.

Il s’agit des compilations suivantes intitulées :

« [G] [Q] CHANSONS DOUCES » (2002) de 27 titres,

« [G] [Q] CHANSONS DOUCES » (2002) de 15 titres,

« [G] [Q] VOL.2 : [Q] S’AMUSE » (2003) de 26 titres,

« [G] [Q] LEGEND »,(2 CD de 20 titres chacun, 2003),

« [G] [Q] DES CHANSONS PLEIN LA FÊTE » (3 CD de 19, 18 et 19 titres, 2003),

« [G] [Q] VOL.2 » (2011) de 15 titres,

« [G] [Q] INOUBLIABLE !!! » (2 CD),

« THE VERY BEST OF [G] [Q] » (4 CD de 25 titres chacun, 2011),

« LES GRANDS SUCCES : [G] [Q] » (2011) de 20 titres,

« BEST OF [G] [Q] (16 SUCCES) » (2011) de 16 titres,

« [G] [Q] ‘ CLASSIQUES » (2011) de 10 titres,

« [G] [Q] ‘ CHANSONS DOUCES » (2011) de15 titres.

Certaines de ces compilations ont été commercialisées sur support physique (CD), d’autres sur support numérique.

Pour certaines chansons, [G] [Q] n’est qu’interprète ; pour d’autres, au nombre de 23 selon Madame [Q], [G] [Q] en est aussi l’auteur-compositeur.

Toutes ces chansons sont tombées dans le domaine public, à l’exception, selon Mme [Q], d’un titre « Bouli bouli » interprété par [G] [Q], qui aurait fait l’objet d’un premier enregistrement en 1965.

Mme [Q] expose que ces compilations ont été réalisées, sans autorisation donnée par [G] [Q] de son vivant ou par son ayant droit, et que la qualité sonore des enregistrements est d’une grande médiocrité, qu’aucune remasterisation n’a été faite, que l’oeuvre est altérée et déconsidère l’auteur et l’interprète.

Le 22 mai 2012, le conseil de Mme [Q] a adressé à la société PUZZLE PRODUCTIONS une mise en demeure de cesser immédiatement toute reproduction des oeuvres et des photographies d'[G] [Q] et de mettre fin sans délai à la diffusion et à la vente de tous enregistrements.

Le 2 juillet 2012, la société PUZZLE PRODUCTIONS a indiqué que les enregistrements pouvaient être librement exploités et qu’en toutes hypothèses ‘l’exploitation de ces albums est pour la plupart et depuis plusieurs années, terminée’.

C’est dans ces conditions que par exploit en date du 12 août 2013, Mme [Q] a fait assigner la société PUZZLE PRODUCTIONS devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins que cette dernière cesse la commercialisation des compilations des chansons d'[G] [Q].

Dans un jugement du 29 janvier 2015, le TGI de Paris a :

déclaré irrecevables les demandes envers la société PUZZLE PRODUCTIONS de Mme [Q] relatives aux enregistrements sur supports physiques,

débouté Mme [Q] de toutes ses demandes envers la société PUZZLE PRODUCTIONS relatives aux enregistrements sur supports numériques,

déclaré irrecevables les demandes de Mme [Q] fondées sur le droit à l’image d'[G] [Q],

rejeté les demandes de Mme [Q] en communication des pièces relatives au paiement des droits d’auteur,

débouté la société PUZZLE PRODUCTIONS de sa demande en procédure abusive,

condamné Mme [Q] à payer à la société PUZZLE PRODUCTIONS la somme de 8000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonné l’exécution provisoire de la décision,

condamné Mme [Q] aux dépens.

Mme [Q] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions transmises le 18 décembre 2015, Mme [Q], poursuivant l’infirmation du jugement, demande à la cour :

de débouter la société PUZZLE PRODUCTIONS de toutes ses demandes,

d’ordonner à la société PUZZLE PRODUCTIONS de cesser immédiatement la commercialisation des phonogrammes compilant des chansons d'[G] [Q], et à justifier de la reprise et de la destruction des stocks sous astreinte de 100 € par infraction constatée, à compter de la décision à intervenir,

de donner acte à la société PUZZLE PRODUCTIONS de ses déclarations selon lesquelles il n’y a plus de ventes des CD litigieux,

d’ordonner à la société PUZZLE PRODUCTIONS de faire retirer les exemplaires encore en vente sous astreinte de 100 € par CD,

d’ordonner à la société PUZZLE PRODUCTIONS de communiquer un état certifié du nombre de disques vendus et du chiffre d’affaires réalisé pour qu’il soit procédé au calcul des sommes lui revenant, sous astreinte de 500 € par jour à compter ‘du jugement’ (sic) à intervenir,

de condamner la société PUZZLE PRODUCTIONS à lui payer :

la somme de 100 000 € en réparation des préjudices financier et moral subis,

celle de 8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

d’ordonner à la société PUZZLE PRODUCTIONS de rembourser la somme de 8 000 € versée en exécution du jugement de première instance.

Dans ses conclusions transmises le 21 août 2015, la société PUZZLE PRODUCTIONS, intimée et appelante incidente, demande à la cour :

de confirmer le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté ses demandes pour procédure abusive et en ce qu’il n’a pas pris en compte sa demande d’irrecevabilité de l’action de Mme [Q] au titre des droits de reproduction mécanique apportés à la SACEM,

y ajoutant : de déclarer Mme [Q] irrecevable à réclamer, à titre de dommages-intérêts, le paiement de droits de reproduction mécanique (droits d’auteur) qui sont du ressort de la SACEM,

à titre reconventionnel, de condamner Mme [Q] à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,

de condamner Mme [Q] à lui payer la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2016.

Le 6 janvier 2016, la société PUZZLE PRODUCTIONS a transmis des conclusions de révocation de l’ordonnance de clôture ou de rejet des débats des pièces 27, 28 et 29 de Mme [Q] reçues la veille de la clôture, comportant 18 feuillets et 5 CD.

Le 10 février 2016, la société PUZZLE PRODUCTIONS a transmis de nouvelles conclusions.

A l’audience de la cour du 13 avril 2016, la révocation de l’ordonnance de clôture a été prononcée pour admettre les dernières conclusions de la société PUZZLE PRODUCTIONS transmises le 10 février 2016, avec l’accord de toutes les parties comme indiqué au dossier, et la clôture a été prononcée le même jour.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Considérant qu’en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées ;

Sur la recevabilité des demandes de Mme [Q] concernant les compilations réalisées sur supports ‘physiques’, le droit à l’image de M. [G] [Q] et les droits (patrimoniaux) d’auteur de M. [G] [Q]

Considérant que la société PUZZLE PRODUCTIONS soutient, d’une part, que les demandes formées par Mme [Q] relativement aux compilations en format physique sont prescrites et, subsidiairement, que les demandes tendant à voir cesser la commercialisation de ces compilations est sans objet, aucun des disques physiques n’étant plus en vente depuis des années, d’autre part, que les demandes fondées sur le droit à l’image de M. [G] [Q] se heurtent au caractère intransmissible de ce droit aux héritiers, enfin que les demandes fondées sur les droits d’auteur de M. [G] [Q] sont irrecevables du fait de l’apport à la SACEM/SDRM des droits de reproduction mécanique de l’auteur ;

Sur la prescription des demandes relatives aux compilations commercialisées sur supports ‘physiques’

Considérant que selon contrat ‘de licence’ n° 10384 signé le 2 mai 2002 entre la société PUZZLE PRODUCTIONS et la société WARNER MUSIC FRANCE (ci-après WARNER MUSIC), cette dernière a concédé à la société intimée, à titre non exclusif, le droit de reproduire divers enregistrements destinés à être exploités dans une collection d’albums de compilation intitulée ‘Prix câlins’ devant être éditée exclusivement sous la forme de compacts disques (CD), en vue de la vente dans le réseau traditionnel de distribution et dans le réseau Clubs ;

Que les enregistrements visés par ce contrat ne sont pas mentionnés sur l’annexe 1 audit contrat qui concerne la liste des albums composant la collection ‘Prix câlins’ (Afrika Bambaataa, Chants corses, Edith PIAF, Tino ROSSI…) ; que Mme [Q] affirme qu’aucun des CD litigieux n’est concerné par ce contrat à l’exception de « [G] [Q] DES CHANSONS PLEIN LA FÊTE » (2003) ; que cependant cet album est mentionné dans un document intitulé ‘Annexe n° 1 au contrat de licence n° 11949 en date du 12 septembre 2003″, par conséquent distinct du contrat n° 10384 signé le 2 mai 2002 ; qu’au vu des jacquettes des CD produits aux débats par l’appelante, il apparaît qu’en réalité la société PUZZLE PRODUCTIONS, comme elle l’affirme, a commercialisé, en vertu du contrat du 2 mai 2002, les quatre compilations ‘physiques’ suivantes : « [G] [Q] CHANSONS DOUCES » (2002), « [G] [Q] VOL.2 : [Q] S’AMUSE » (2003), « [G] [Q] DES CHANSONS PLEIN LA FÊTE » (2003) et « [G] [Q] INOUBLIABLE !!! », ce dernier album ayant été commercialisé à compter de 2008 ; que par courrier du 13 mars 2008, la société WARNER MUSIC FRANCE a informé la société PUZZLE PRODUCTIONS qu’elle ne souhaitait pas renouveler la durée des droits d’exploitation sur les enregistrements concernés et que ces droits cesseraient le 17 juin 2008, sans préjudice d’une période de liquidation du stock (‘sell-off’) de six mois prévue au contrat ;

Que, par ailleurs, en 2003, la société PUZZLE PRODUCTIONS a donné en licence à la société NEXTMUSIC l’exploitation du coffret de CD « [G] [Q] LEGEND » (2003) ; que la société NEXTMUSIC a été placée en redressement judiciaire le 24 mars 2005, puis en liquidation judiciaire le 25 avril 2005 ;

Qu’il est constant que, parmi les compilations contestées, seuls ces cinq albums ont été commercialisés sur supports ‘physiques’ ;

Considérant qu’en application de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;

Que l’alinéa 2 de l’article 2222 du même code prévoit, à titre de mesure transitoire, qu’en cas de réduction du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Que ces dispositions, issues de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, sont entrées en vigueur le 19 juin 2008 ;

Considérant que Mme [Q] soutient que les faits de commercialisation délictueux se sont poursuivis postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle réduisant le délai de prescription à cinq ans, dès lors que le contrat entre la société PUZZLE PRODUCTIONS et la société WARNER MUSIC a produit ses effets jusqu’au 17 décembre 2008 en tenant compte du délai de liquidation des stocks et qu’en tout état de cause les CD commercialisés par la société WARNER MUSIC étaient toujours commercialisés en août 2012 et que le coffret distribué par la société NEXTMUSIC était encore en vente en septembre 2012, voire en décembre 2015, soit bien après la liquidation judiciaire de cette dernière société ; qu’elle en déduit qu’il convient de faire application de l’article 2224 précité ; qu’elle indique qu’elle n’a eu connaissance des faits litigieux qu’en mai 2012, date de sa mise en demeure à la société PUZZLE PRODUCTIONS, de sorte que ses demandes ne sont pas prescrites ;

Que cependant, si Mme [Q] fait valoir à juste raison que la contrefaçon de droit d’auteur est un délit civil continu se renouvelant à chaque instant tant que le comportement en cause se poursuit, force est de constater qu’elle ne verse aux débats aucun constat d’huissier ni aucune facture d’achat établissant de façon certaine que les albums en cause ont été vendus par la société PUZZLE PRODUCTIONS postérieurement au 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loi fixant le nouveau délai de prescription à 5 ans ; que les albums que l’appelante verse au dossier sont impropres à faire cette démonstration ; que les pages du site internet ‘amazon.fr’ de septembre 2012 qu’elle produit également révèlent que les albums sont en rupture de stock ou mis en circulation, sur le marché du neuf ou de l’occasion, par des particuliers ou des revendeurs professionnels, ce qui ne permet pas d’établir la responsabilité de la société PUZZLE dans ces reventes ; qu’il en est de même de la facture émise par la société britannique SMALL WORLD DESIGN LIMITED du 4 décembre 2015 portant sur l’achat sur le site Amazon d’un album ‘CHANSONS DOUCES’ ; que la circonstance qu’un délai de six mois ait été convenu entre la société PUZZLE PRODUCTIONS et la société WARNER MUSIC après la fin de leurs relations contractuelles le 17 juin 2008 pour permettre l’écoulement du stock de CD ne démontre pas, en soi, que des albums ont été effectivement vendus par la société PUZZLE PRODUCTIONS postérieurement au 17 juin 2008 et jusqu’en décembre 2008 ;

Qu’il convient, par conséquent, à défaut de date certaine quant à la dernière commercialisation des CD litigieux, de prendre en compte comme point de départ du délai de prescription la date de fin des contrats régissant la commercialisation des albums, liant la société PUZZLE PRODUCTIONS respectivement à la société WARNER MUSIC et NEXTMUSIC ; que, comme il a été dit, le contrat entre la société PUZZLE PRODUCTIONS et la société WARNER MUSIC a pris fin le 17 juin 2008 et il n’est pas démontré que des CD en stock aient été vendus par cette dernière postérieurement à cette date ; que la société NEXTMUSIC a été mise en liquidation judiciaire en avril 2005, ce qui a nécessairement entraîné la cessation des ventes à cette date au plus tard ; qu’il s’en déduit que les faits litigieux concernant les albums « [G] [Q] CHANSONS DOUCES » (2002), « [G] [Q] VOL.2 : [Q] S’AMUSE » (2003), « [G] [Q] DES CHANSONS PLEIN LA FÊTE » (2003), « [G] [Q] INOUBLIABLE !!! » et « [G] [Q] LEGEND » sont antérieurs à l’entrée en vigueur (19 juin 2008) de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ;

Qu’en application de l’article 2222 précité du code civil, les demandes de Mme [Q] relatives à ces albums, en ce compris les demandes visant à ordonner à la société PUZZLE PRODUCTIONS, sous astreinte, de cesser la commercialisation des CD, de justifier de la destruction des stocks et de faire retirer les exemplaires encore en vente, sont donc prescrites depuis le 19 juin 2013, antérieurement à son assignation du 12 août 2013, et par conséquent irrecevables ;

Qu’il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré sur ce point, par substitution de motifs ;

Sur la qualité de Mme [Q] pour agir relativement au droit à l’image de M. [G] [Q]

Considérant que Mme [Q] argue que la reproduction de photographies dans un but commercial est soumise à l’autorisation de l’ayant droit de l’artiste, qui a la charge de s’assurer du respect de leur destination ;

Considérant cependant que c’est à juste raison que le tribunal a jugé que le droit à l’image est un attribut de la personnalité qui s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit, et qui n’est pas transmissible à ses héritiers, et qu’il a, par conséquent, déclaré irrecevables les demandes de Mme [Q] fondées sur le droit à l’image d'[G] [Q] ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur la recevabilité des demandes fondées sur les droits patrimoniaux d’auteur de M. [G] [Q]

Considérant que Mme [Q] invoque, au visa de l’article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle, un préjudice patrimonial résultant du fait que la vente des compilations distribuées par la société PUZZLE PRODUCTIONS ne lui permet pas d’en tirer un profit pécuniaire ‘notamment parce qu’elles reposent sur une fraude à la loi et lui causent un de fait un préjudice financier certain’, faisant valoir que les CD sont vendus à un prix unitaire ‘à partir de 4,99 euros TTC’ ; qu’elle sollicite qu’il soit enjoint, sous astreinte, à la société PUZZLE PRODUCTIONS de communiquer un état certifié du nombre de disques vendus et du chiffre d’affaires réalisé pour qu’il soit procédé au calcul des sommes lui revenant ; qu’elle demande encore, sans que cela soit repris dans le dispositif de ses écritures, qu’il soit ordonné à la société PUZZLE PRODUCTIONS de communiquer ‘la preuve du paiement des droits d’auteur à la SACEM’ ;

Considérant que par cette demande peu explicite, Mme [Q] semble reprocher à la société PUZZLE PRODUCTIONS de ne pas avoir payé à la SACEM les droits d’auteur dus à M. [G] [Q] ;

Qu’il est constant que M. [G] [Q] était adhérant de la SACEM ; qu’en application des statuts de la SACEM, notamment de l’article 17
1: ‘Chacun des membres de la société, par le fait de son adhésion aux statuts, reconnaît que la société, représentée par son gérant, a seule qualité pour ester en justice dans tout procès intenté contre des tiers sur le fondement des droits d’exécution publique ou représentation publique ou de reproduction mécanique apportés par lui à la société dans le cadre des statuts afin d’assurer le recouvrement des sommes dues à ce titre’

, M. [Q], par son adhésion, a fait apport à titre exclusif de l’exercice de ses droits patrimoniaux à cette société et l’a mandatée pour agir en ses lieu et place sur le fondement de ces droits ; qu’en tant qu’ayant-droit de M. [G] [Q], Mme [Q], sauf carence de la SACEM qui n’est pas invoquée en l’espèce, n’a donc pas qualité à agir personnellement en défense de ces droits, en paiement de droits d’auteur ou de dommages et intérêts comme en communication de pièces ;

Que comme le tribunal l’a relevé, en sa qualité d’ayant-droit de M. [G] [Q], Mme [Q] est, en outre, en possession des relevés SACEM permettant de vérifier le montant des droits perçus au titre de l’exploitation des oeuvres objet du présent litige ;

Qu’il y a lieu, par conséquent, de dire Mme [Q] irrecevable, à défaut de qualité à agir, en ses demandes relatives aux droits patrimoniaux d’auteur de M. [G] [Q], en ce compris la demande de communication d’éléments permettant de calculer les sommes revenant à Mme [Q] ; que le jugement qui, pour les motifs tirés de l’apport à la SACEM des droits patrimoniaux de M. [G] [Q], a débouté Mme [Q] de sa demande en communication de pièces relatives au paiement des droits d’auteur doit être infirmé ;

Sur le bien fondé des demandes relatives à l’atteinte portée au droit moral de M. [G] [Q], auteur compositeur et artiste-interprète, du fait des enregistrements réalisés sur supports numériques

Considérant que Mme [Q] soutient que les compilations réalisées sur support numériques portent atteinte au droit moral d'[G] [Q], artiste-interprète et auteur, en dénaturant ses oeuvres, du fait de la médiocrité des enregistrements, du principe même de la compilation des chansons sans aucune réflexion artistique et de la vente à prix dérisoire sur internet ;

Que la société PUZZLE PRODUCTIONS oppose que la cessation de commercialisation demandée serait attentatoire aux droits des auteurs de 58 chansons et donc disproportionnée ; qu’elle réfute les critiques de Mme [Q] en faisant notamment valoir que l’appelante ne communique pas les enregistrements numériques litigieux, que les éléments qu’elle verse aux débats ne sont pas de nature à établir la médiocrité des enregistrements alléguée, qu’une compilation “mono-artiste”, comme celles en cause, ne constitue pas en soi une atteinte au droit moral d’un artiste et que les albums n’ont pas été vendus à un prix dérisoire ;

Considérant que le 17 mai 2011, la société PUZZLE PRODUCTIONS a conclu un contrat de distribution avec la société BELIEVE DIGITAL en vertu duquel cette dernière a commercialisé, en 2011, sur diverses plateformes internet, en format numérique, les six albums de compilations suivants : « [G] [Q]- CHANSONS DOUCES » ; « [G] [Q] VOL.2 » ; « THE VERY BEST OF [G] [Q] » ; « LES GRANDS SUCCES : [G] [Q] » ; « BEST OF [G] [Q] (16 SUCCES) » et « [G] [Q] – CLASSIQUES » ;

Considérant que l’article L 212-2 du code de la propriété intellectuelle dispose : ‘L’artiste-interprète a le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation. Ce droit inaliénable et imprescriptible est attaché à sa personne. Il est transmissible à ses héritiers pour la protection de l’interprétation et de la mémoire du défunt’ ; que l’article L121-1 du même code prévoit : ‘ L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.’ ;

Considérant que Mme [Q] produit aux débats, en appel (sa pièce 29) : une facture émise par la société AMAZON du 7 décembre 2015 portant sur l’achat sur le site de cette société de cinq albums : « GOLD – THE CLASSICS : [G] [Q] » ; « GREATEST HITS : [G] [Q] » ; « SINGLE BEST OF 4 HITS » ; « BEST OF [G] [Q] (Les classiques) » et « 1+1 [G] [Q] – BORIS VIAN » ; des pages du site internet ‘amazon.fr’ concernant ces 5 albums mentionnant les titres des chansons figurant sur les albums ; 5 CD gravés ; que cependant, comme le souligne l’intimée, ces cinq compilations ne correspondent pas aux six albums numérisés commercialisés par la société BELIEVE DIGITAL énumérés ci-dessus et les CD gravés par les soins de Mme [Q] ne présentent aucune valeur probante dès lors qu’il ne peut être vérifié qu’ils reproduisent les enregistrements numériques litigieux ;

Que Mme [Q] produit, par ailleurs, pour la première fois en appel, une expertise amiable en date du 2 avril 2015, réalisée par M. [I], ingénieur du son, responsable du studio de mastering PARELIES, qui conclut : “Les compilations PUZZLE ont été copiées en presque quasi-totalité sur des compilations originales d’UNIVERSAL et EMI, – les disparités de niveaux d’un titre à l’autre laissent apparaître l’absence de tout travail de mastering (égalisation /amélioration du son), – ces simples copies – reflets approximatifs des documents mixés en studio avec précision (en l’accord avec le propos de l’artiste qui contrôle le mixage en cabine) – dénaturent inévitablement l’oeuvre publiée par les éditeurs historiques’ ; que cependant, il résulte de cette expertise amiable qu’elle a été réalisée à partir de l’examen du coffret PUZZLE (distrib. WARNER Special Marketing) “[G] [Q] INOUBLIABLES 75 TUBES”, des CD “[G] [Q] CHANSONS DOUCES” et “[G] [Q] S’AMUSE” volume 2 (collection “Prix Câlin”) ; que force est de constater qu’il ne s’agit pas des albums numérisés, seuls en cause ;

Qu’en définitive, les enregistrements numériques concernés n’étant pas produits aux débats, la cour n’est pas mise en mesure de vérifier si les oeuvres d'[G] [Q] subissent la dénaturation alléguée du fait de la médiocrité des enregistrements ; qu’il n’est en particulier pas plus démontré qu’en première instance que la société PUZZLE PRODUCTIONS n’a pas procédé à la remasterisation des enregistrements à partir des disques vinyles, ce qu’elle conteste ;

Considérant, par ailleurs, que Mme [Q] ne peut être suivie quand elle affirme que la dénaturation des oeuvres pourrait résulter de leur seule compilation, dès lors qu’il s’agit, en l’occurrence, de compilations ‘mono-artiste’ de chansons interprétées par [G] [Q] personnellement et qu’aucune modification des textes ou utilisation à des fins autres qu’artistiques n’est démontrée ni même prétendue, et ce, alors qu’il résulte du dossier que l’oeuvre d'[G] [Q] a donné lieu à de nombreuses compilations non contestées ;

Considérant, enfin, que, comme le tribunal l’a retenu, les compilations numériques litigieuses sont vendues entre 4,90 € (pour 10 titres) et 49 € (pour 100 titres), ce qui correspond au prix du marché (l’album “CHAMBRE AVEC VUE”, non tombé dans le domaine public, étant vendu 5,99 € par EMI MUSIC en format numérique) et non à un prix dérisoire ;

Considérant, dans ces conditions, qu’il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [Q] de toutes ses demandes, en ce compris la demande visant à ordonner à la société PUZZLE PRODUCTIONS, sous astreinte, de cesser la commercialisation des enregistrements numériques, relatives à l’atteinte au droit moral de M. [G] [Q] du fait des enregistrements réalisés sur supports numériques ;

Sur le titre « Bouli bouli » interprété par [G] [Q], qui ne serait pas tombé dans le domaine public

Considérant que, comme l’observe l’intimée, Mme [Q] s’abstient d’indiquer sur quel album et sur quel type de support (physique ou numérique), ce titre aurait été enregistré et ne forme même aucune demande particulière quant à ce titre ;

Qu’en tant que de besoin, une demande de Mme [Q] à cet égard serait prescrite ou mal fondée, selon le type de support concerné pour les motifs qui viennent d’être exposés ;

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive

Considérant que l’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol ;

Que le rejet des prétentions de Mme [Q] ne permet pas de caractériser, en l’espèce, une faute ayant fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice en première instance comme en appel, la société PUZZLE PRODUCTIONS ne faisant pas, au demeurant, la démonstration du préjudice qu’elle invoque (trouble de l’entreprise, discrédit dans le milieu des distributeurs phonographiques), qui serait distinct de celui causé par la seule nécessité de se défendre en justice qui est réparé par l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que le jugement sera donc confirmé de ce chef et la demande, en ce qu’elle porte sur l’appel interjeté par Mme [Q], sera rejetée ;

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Considérant que Mme [Q] qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;

Considérant que la somme qui doit être mise à la charge de Mme [Q] au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel par la société PUZZLE PRODUCTIONS peut être équitablement fixée à 8 000 € ;

Sur la demande de Mme [Q] en remboursement de la somme payée en exécution du jugement déféré

Considérant que compte tenu du sens de la présente décision, la demande est sans objet ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré si ce n’est en ce qu’il a débouté Mme [K] [Q] de ses demandes en communication de pièces relatives au paiement des droit d’auteur,

Statuant à nouveau,

Déclare Mme [Q] irrecevable en ses demandes relatives aux droits patrimoniaux d’auteur de M. [G] [Q], en ce compris la demande de communication d’éléments permettant de calculer les sommes lui revenant,

Y ajoutant,

Déboute la société PUZZLE PRODUCTIONS de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne Mme [Q] aux dépens d’appel ainsi qu’au paiement à la société PUZZLE PRODUCTIONS de la somme de 8 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER

 


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