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Le prêt d’oeuvres d’art doit être matérialisé par un écrit sous peine de ne pouvoir établir la réalité du prêt consenti.
Aux termes de l’article 1875 du code civil, le prêt à usage est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi.
En l’espèce, le propriétaire supposé d’oeuvres échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de l’existence d’un prêt à usage par lequel il aurait mis à disposition d’un partenaire de 34 tableaux dont il serait propriétaire, à charge pour ce dernier de lui restituer.
En effet, outre le fait qu’aucune convention écrite n’a été rédigée entre les parties, les seules pièces versées aux débats (photographies non datées de tableaux non identificables entreposés dans un salon, talon de chèque avec la mention ‘solde transport toiles Riga 28.04.2016 montant 100 €’, échanges de SMS sommaires et imprécis) sont insuffisantes à démontrer l’existence d’un quelconque prêt à usage liant les parties.
De même, si le propriétaire affirme que son partenaire lui aurait récemment communiqué les coordonnées du transporteur qui serait actuellement gardien des tableaux litigieux, le seul fait qu’une entreprise RENTRANS sise à Riga lui réponde que le tarif du transport de tableaux est de 1.000 euros ne permet pas d’établir la réalité du rapport contractuel allégué.
La juridiction ne disposait en tout état de cause d’aucun élément d’identification des tableaux litigieux dont il est demandé la restitution.
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 04 MAI 2023
N° RG 20/03828 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LXLS
[D] [K]
c/
[G] [Z]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le : 04 mai 2023
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 septembre 2020 par le Tribunal judiciaire de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 19/08664) suivant déclaration d’appel du 15 octobre 2020
APPELANT :
[D] [K]
né le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 6]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Fabien DREY DAUBECHIES de la SARL RECLEX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
[G] [Z]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 5]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
Non représenté, assigné à personne physique
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
– réputé contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par acte d’huissier du 10 septembre 2019, M. [K] a assigné M. [Z] au visa des articles 1228, 1352 et 1875 et suivants du code civil afin de voir :
– ordonner la résolution du prêt à usage consenti par M. [K] au profit de M. [Z] portant sur 34 tableaux dont il est propriétaire,
– ordonner à M. [Z] de lui restituer sous astreinte les 34 tableaux prêtés,
– condamner M. [Z] à lui verser la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral,
– condamner M. [Z] à lui rembourser la somme de 2.546,97 euros représentant la somme restant due au titre du prêt consenti pour l’achat d’un véhicule de marque Range Rover,
– condamner M. [Z] à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 17 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a:
– déclaré irrecevables les conclusions de M. [K] signifiées par RPVA le 27 mai 2020,
– dit que M. [K] ne rapporte pas la preuve écrite de l’existence d’un prêt à usage des tableaux consenti à M. [Z],
– dit que M. [K] ne rapporte pas non plus la preuve écrite d’un prêt d’argent consenti à M. [Z],
En conséquence,
– débouté M. [K] de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de M. [Z],
– dit qu’en l’état M. [K] supportera les dépens.
M. [K] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 15 octobre 2020.
Par conclusions déposées le 2 février 2023, M. [K] demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux du 17 septembre 2020,
– ordonner la résolution du prêt à usage consenti par M. [K] au profit de M. [Z] et portant sur 34 tableaux dont M. [K] est propriétaire,
– ordonner à M. [Z] de restituer à M.[K] les 34 tableaux prêtés et qu’il a toujours en sa possession à l’adresse de M. [K], sous astreinte,
– condamner M. [Z] à verser à M. [K] la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral,
– condamner M. [Z] à verser à M. [K] la somme de 2 546,97 euros au titre des sommes restant à valoir au titre du prêt consenti pour l’achat d’un véhicule de marque Range Rover,
– condamner M. [Z] à verser la somme de 2000 euros au requérant au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir que connu sous le nom de ‘[D] [L]’, il est un artiste peintre reconnu ayant exposé à plusieurs reprises dans de nombreuses galeries internationales en Europe et aux Etat-Unis ; que dans le cadre d’une relation amicale entretenue depuis plusieurs années avec M. [Z], ce dernier lui a proposé d’exposer ses toiles à Riga (Lettonie), ce qu’il a accepté en lui prêtant 34 tableaux qui ont été transportés jusqu’à Riga au cours des automnes 2015 et 2016 en vue d’un vernissage ; que réalisant que M. [Z] ne souhaitait finalement pas faire de vernissage, il lui a demandé, en vain, le retour de ses oeuvres.
Il ajoute que, de la même manière, au temps où leurs relations étaient bonnes, il a accordé à M. [Z] un prêt d’un montant de 10.046,97 euros correspondant à l’achat et l’import d’un véhicule de marque Range Rover ; que seule la somme de 7.500euros lui a été remboursée, toutes les démarches en vue d’obtenir le règlement amiable du solde s’étant révélées infructueuses.
Régulièrement assigné, M. [Z] n’a pas constitué avocat.
L’affaire a été fixée à l’audience du 16 mars 2023. L’instruction a été clôturée par ordonnance du 2 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Sur la restitution des tableaux litigieux
Aux termes de l’article 1875 du code civil, le prêt à usage est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi.
En l’espèce, M. [K] échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de l’existence d’un prêt à usage par lequel il aurait mis à disposition de M. [Z] 34 tableaux dont il serait propriétaire, à charge pour ce dernier de lui restituer.
En effet, outre le fait qu’aucune convention écrite n’a été rédigée entre les parties, les seules pièces versées aux débats (photographies non datées de tableaux non identificables entreposés dans un salon, talon de chèque avec la mention ‘solde transport toiles Riga 28.04.2016 montant 100 €’, échanges de SMS sommaires et imprécis) sont insuffisantes à démontrer l’existence d’un quelconque prêt à usage liant les parties.
De même, si M. [K] affirme que M. [Z] lui aurait récemment communiqué les coordonnées du transporteur qui serait actuellement gardien des tableaux litigieux, le seul fait qu’une entreprise RENTRANS sise à Riga lui réponde que le tarif du transport de tableaux est de 1.000 euros ne permet pas d’établir la réalité du rapport contractuel allégué.
Enfin, la cour observe qu’elle ne dispose en tout état de cause d’aucun élément d’identification des tableaux litigieux dont il est demandé la restitution, l’appelant se bornant à solliciter la restitution de ’34 tableaux’.
Pour les motifs qui précèdent, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande en résolution du prêt à usage et en restitution des tableaux, ainsi que sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Sur le solde du prêt d’argent
Selon l’article 1892 du code civil, le prêt de consommation est un contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité.
M. [K] prétend avoir prêté la somme de 10.046,97 euros à M. [Z] courant 2016 afin de l’aider à financer l’acquisition d’un véhicule Range Rover. Il réclame le solde impayé de 2.546,97 euros.
Aux termes de l’article 1315 ancien, alinéa premier, du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Il appartient donc à l’appelant de prouver le prêt allégué.
Aux termes de l’article 1341 ancien, alinéa premier, du même code, il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n’est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur moindre.
Aux termes de l’article premier, alinéa premier, du décret du 15 juillet 1980 pris pour l’application de l’article 1341 du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, la somme ou la valeur visée à l’article 1341 du code civil est fixée à 1 500 euros.
Il s’ensuit que le prêt en cause devait être passé par écrit. Toutefois, selon l’article 1348 ancien, alinéa premier, du code civil, les règles ci-dessus reçoivent exception lorsque l’une des parties, n’a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l’acte juridique.
En l’espèce, M. [K] n’invoque ni ne démontre qu’il était dans l’impossibilité morale de se procurer une preuve littérale du prêt allégué.
Au surplus, il sera observé que les éléments épars produits à partir des relevés bancaires et talons de chèque de M. [K] ne permettent pas d’établir la remise des fonds à M. [Z] ni ne constituent un commencement de preuve par écrit défini comme tout acte par écrit émanant de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande en paiement de ce chef.
M. [K] supportera la charge des dépens d’appel et sera débouté de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [K] de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [K] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,