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AFFAIRE SÉCURITÉ SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : 16/01311
ASSOCIATION CRITERIUM CYCLISTE PROFESSIONNEL INTERNATIONAL – LA CHATAIGNERAIE
C/
CAISSE URSSAF DU CANTAL
MR LE CHEF DE L’ANTENNE MNC RHONE ALPES AUVERGNE
arrêt de Renvoi après cassation :
JUGEMENT du TASS du CANTAL du 19/10/2010
Arrêt Cour d’Appel de RIOM du 6 Décembre 2011
N° 10/02886
Cour de Cassation de PARIS
28 mars 2013
N° B12.13.527
Cour d’Appel de LYON arrêt du 29 juillet 2014
RG N°13/5373
Cour de Cassation de PARIS
du 28 Janvier 2016
N°116F-D
COUR D’APPEL DE LYON
Sécurité sociale
ARRÊT DU 04 AVRIL 2017
APPELANTE :
ASSOCIATION CRITERIUM CYCLISTE PROFESSIONNEL INTERNATIONAL – LA CHATAIGNERAIE
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Laurent RIQUELME, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
URSSAF AUVERGNE , venant aux droits de l’URSSAF du CANTAL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Eric JEANTET de la SCP D’AVOCATS JURI – EUROP, avocat au barreau de LYON substituée par Me Maïté ROCHE, avocat au barreau de LYON
MR LE CHEF DE L’ANTENNE MNC RHONE ALPES AUVERGNE
[Adresse 3]
[Localité 3]
non comparant
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Février 2017
Présidée par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président
Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller
Ambroise CATTEAU, Vice-Président placé
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 04 Avril 2017 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS PROCEDURE PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES.
L’association CYCLISTE PROFESSIONNEL INTERNATIONAL LA CHATAIGNERAIE “Souvenir [M] [X]” (l’association) a pour activité l’organisation d’un critérium cycliste annuel en Châtaigneraie, à [Localité 1] (15), manifestation à laquelle participent amateurs et coureurs cyclistes professionnels pressentis au cours du Tour de France, ces derniers percevant de l’organisateur une somme en contrepartie de leur participation.
Au cours de l’année 2009, l’URSSAF du CANTAL aux droits de laquelle est venue l’URSSAF d’AUVERGNE (l’URSSAF) a procédé à un contrôle de l’association à des fins de recherche d’infractions aux interdictions de travail dissimulé édictées aux articles L.8221-1 et L.8221-2 du code du travail.
A l’issue de cette procédure, l’URSSAF, considérant que les coureurs cyclistes professionnels participant à cette exhibition sportive avaient la qualité de salariés de l’association, a notifié à cette dernière un redressement portant sur les sommes versées à ces sportifs au titre des éditions des années 2006, 2007 et 2008, sommes soumises à cotisations et contributions sociales.
Suivant lettre d’observations en date du 22 juin 2009, l’URSSAF a ainsi signifié à l’association qu’elle restait redevable, au titre des 3 années susvisées, d’un rappel de cotisations s’élevant à hauteur de 46.997,00 euros outre 3.684,00 euros au titre des cotisations et contributions recouvrées par le régime de l’assurance chômage, 2.659,00 euros au titre des cotisations AGS et 8.420,00 € au titre des majorations de retard.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 21 juillet 2009, l’association a contesté l’ensemble de ces chefs de redressement, pour autant intégralement maintenus par l’URSSAF.
Suivant mise en demeure du 13 octobre 2009, l’URSSAF a enjoint l’association de procéder à la régularisation de la somme de 55.417,00 euros dans le délai imparti d’un mois.
Par courrier en date du 12 novembre 2009, l’association, contestant l’existence d’un lien de subordination entre elle-même et les cyclistes participant aux critériums organisés, a, par l’intermédiaire de son Conseil, saisi la Commission de Recours Amiable de l’URSSAF du CANTAL aux fins de faire annuler le redressement opéré suite au contrôle susvisé.
Par décision notifiée le 29 décembre 2009, la Commission de Recours Amiable a rejeté la contestation élevée par l’Association et confirmé la décision de redressement notifiée par la caisse.
C’est en l’état que l’affaire s’est présentée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Cantal, saisi à l’initiative de l’association d’un recours contre cette décision précitée de la commission de recours amiable.
Par jugement en date du 19 octobre 2010, le tribunal a rejeté la contestation de l’association, validé la décision de la commission de recours amiable, condamnant in fine l’association à devoir régler à l’URSSAF du Cantal la somme de 46.997,00 € mais déboutant cette dernière des demandes formées au titre des majorations de retard et pénalités.
L’association a, par acte du 17 novembre 2010, relevé appel de ce jugement notifié le 12 novembre2010.
Par arrêt rendu en date du 6 décembre 2011, la Cour d’appel de RIOM, constatant qu’aucun contrat de travail ne liait les cyclistes à l’association, qu’un cachet avait été payé à chaque cycliste participant, sur facture dite ” prestation de service “, que les sportifs se présentaient avec leur propre matériel, qu’ils étaient libres dans l’exécution de leur prestation, qu’ils effectuaient le nombre de tours qu’ils désiraient, et qu’aucune performance n’était demandée, qu’en conséquence ces mêmes coureurs cyclistes ne réalisaient pas un travail commandé par l’association, qu’ils n’agissaient pas sous son autorité, et qu’il n’y avait pas lieu, dès lors, à leur assujettissement au régime général, a infirmé l’arrêt attaqué et annulé la mise en demeure du 13 octobre 2009 adressée à l’association par l’URSSAF.
Sur pourvoi de l’URSSAF et par arrêt en date du 28 mars 2013, la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l’arrêt de la Cour d’Appel de RIOM du 6 décembre 2011 et renvoyé les parties devant la Cour d’Appel de LYON, aux termes d’un attendu rédigé comme suit:
” Sur le moyen unique :
Vu l’article L. 311-3, 15°, du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu’il résulte de ce texte que sont notamment compris parmi les personnes auxquelles s’impose l’obligation d’affiliation aux assurances sociales du régime général, les artistes du spectacle et les mannequins auxquels sont reconnues applicables les dispositions des articles L. 762-1 et suivants, devenus L. 7121 et suivants, L. 763-1, devenu L. 7123-2 et suivants, et L. 763-2 devenu L. 7123-6 du code du travail, lesquels, n’excluant pas les exhibitions sportives sans compétition, s’appliquent aux coureurs cyclistes participant à titre individuel à ce type de manifestation ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, qu’à la suite d’un contrôle, l’URSSAF du Cantal, aux droits de laquelle est venue l’URSSAF d’Auvergne, a notifié à l’association ” Critérium cycliste professionnel international La Châtaigneraie” (l’association) un redressement portant sur les sommes versées aux cyclistes ayant participé en 2006, 2007 et 2008 à une manifestation organisée par cette association ; que, contestant l’existence d’un lien de subordination entre elle-même et ces cyclistes, l’association a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour annuler la mise en demeure, l’arrêt, après avoir constaté qu’aucun contrat de travail n’avait été signé, que le cachet avait été payé à chaque cycliste sur facture dite ” prestation de service “, que les intéressés se présentaient avec leur propre matériel, qu’ils étaient libres dans l’exécution de leur prestation, qu’ils effectuaient le nombre de tours qu’ils désiraient, et qu’aucune performance n’était demandée, retient que ces coureurs cyclistes ne réalisaient pas un travail commandé par l’association,
qu’ils n’agissaient pas sous son autorité, et qu’il n’y a pas lieu dès lors à leur assujettissement ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il se déduisait de ses constatations que le travail avait été exécuté à la demande de l’association, moyennant le versement direct aux cyclistes d’une somme d’argent, lors d’une exhibition à caractère sportif sans compétition, assimilable à un spectacle, et que leur présence sur les lieux, ainsi que l’exhibition qui leur était demandée contre rémunération, caractérisaient le lien de subordination, peu important la liberté qui leur était laissée et le fait que ces coureurs cyclistes utilisaient leur propre matériel, la cour d’appel qui, en outre, avait constaté que ces personnes n’étaient pas affiliées à une caisse de travailleurs indépendants, ce qui ne permettait pas d’écarter la présomption de salariat, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 décembre 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;
Condamne l’Association Critérium cycliste professionnel international La Châtaigneraie aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’Association Critérium cycliste professionnel international La Châtaigneraie ; la condamne à payer à l’URSSAF de l’Auvergne la somme de 2 500 euros »
Par arrêt prononcé le 29 juillet 2014, la Cour d’appel de renvoi, résistant à la position de la Haute juridiction, a infirmé le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Cantal du 20 octobre 2010 et annulé la mise en demeure notifiée à l’association le 13 octobre 2009.
Par arrêt en date du 28 janvier 2016, la Cour de cassation, saisie d’un nouveau pourvoi inscrit par l’URSSAF à l’encontre de la décision rendue par la Cour d’appel de LYON, a cassé cette dernière dans toutes ses dispositions, renvoyant à nouveau les parties devant la même Cour autrement composée, au terme d’un attendu rédigé comme suit:
« Sur le premier moyen :
Vu les articles 9, 979-1 et 1037 du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2014-1338 du 6 novembre 2014, ensemble l’article 16 du même code;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 28 mars 2013, pourvoi n° 12-13.527), qu’à la suite d’un contrôle, l’URSSAF du Cantal, aux droits de laquelle est venue l’URSSAF d’Auvergne (l’URSSAF), a notifié à l’association « Critérium cycliste professionnel international La Châtaigneraie » (l’association) un redressement portant sur les sommes versées aux cyclistes ayant participé en 2006, 2007 et 2008 à une manifestation organisée par cette association ; que, contestant l’existence d’un lien de subordination entre elle-même et ces cyclistes, l’association a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour écarter le moyen de défense de l’URSSAF, tiré de la violation par l’association du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui, et annuler la mise en demeure notifiée le 13 octobre 2009, l’arrêt retient que si l’URSSAF fait référence dans ses écritures devant la cour de renvoi à des développements de l’association devant la cour d’appel de Riom, elle ne produit pas les conclusions auxquelles elle se réfère;
Qu’en statuant ainsi, alors que la juridiction de renvoi après cassation dispose nécessairement du dossier de l’affaire comportant une copie des dernières conclusions que les parties au pourvoi avaient déposées devant la juridiction dont la décision a été cassée et qu’il lui appartenait de les inviter au préalable à s’expliquer sur leur éventuelle absence du dossier, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 29 juillet 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne l’association Critérium cycliste professionnel international La Châtaigneraie aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’association Critérium cycliste professionnel international La Châtaigneraie et la condamne à payer à l’URSSAF d’Auvergne la somme de 3 000 euros ; »
Aux termes de ses dernières écritures régulièrement déposées le 12 janvier 2017, auxquelles il convient de se référer et qu’elle a soutenues à l’audience du 7 février 2017, l’association sollicite de la Cour de bien vouloir :
A titre principal:
– Annuler le jugement rendu par le Tribunal des affaires de sécurité sociale du CANTAL rendu le 19 octobre 2010 pour défaut de mise en cause de l’ensemble des parties intéressées au litige;
– Renvoyer l’examen de l’affaire devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale du CANTAL dans la perspective d’une mise en cause des coureurs cyclistes et des organismes de sécurité sociale auprès desquels ils sont affiliés;
A titre subsidiaire:
– Infirmer le jugement prononcé par le Tribunal des affaires de sécurité sociale du CANTAL dans toutes ses dispositions;
– Dire et juger que les prétentions fondées sur les articles L.311-3 15° du code de la sécurité sociale et L.7121-3 du code du travail ne donnent pas lieu à l’application du principe de l’Estoppel;
– Dire et juger que les dispositions issues des articles L.311-3 15° du code de la sécurité sociale et L.7121-3 du code du travail n’ont pas lieu d’être mises en oeuvre;
– Dire et juger que les sommes versées aux coureurs cyclistes participant au critérium cycliste n’ont pas à être assujetties au régime général de la sécurité sociale, en l’absence de caractérisation d’un contrat de travail;
– Annuler la décision de la Commission de Recours Amiable de l’URSSAF du CANTAL en date du 29 décembre 2009;
– Annuler la mise en demeure de l’URSSAF du CANTAL en date du 13 octobre 2009;
A titre infiniment subsidiaire:
– Infirmer le jugement prononcé par le Tribunal des affaires de sécurité sociale du CANTAL dans toutes ses dispositions;
– Dire et juger que la présomption de salariat prévue par les dispositions des articles L.311-3 15° du code de la sécurité sociale et L.7121-3 du code du travail est renversée en raison des conditions de faits dans lesquelles interviennent les coureurs cyclistes;
– Dire et juger que les sommes versées aux coureurs cyclistes n’ont pas à être assujetties au régime général de sécurité sociale;
– Annuler la décision de la Commission de Recours Amiable de l’URSSAF du CANTAL en date du 29 décembre 2009;
– Annuler la mise en demeure de l’URSSAF du CANTAL en date du 13 octobre 2009;
En tout état de cause:
– Condamner l’URSSAF D’AUVERGNE à verser à l’association “Souvenir [M] [X]” la somme de 3.500,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
– Condamner l’URSSAF D’AUVERGNE aux éventuels dépens.
Aux termes de ses dernières écritures en réplique déposées 7 février 2017 et soutenues oralement à l’audience du même jour, auxquelles il convient de se référer, l’URSSAF sollicite de la Cour de bien vouloir:
– Débouter l’association “Souvenir [M] [X]” de sa demande infondée de nullité du jugement du TASS du CANTAL du 19 octobre 2010;
– Constater que l’association “Souvenir [M] [X]” se contredit au détriment de l’URSSAF AUVERGNE;
– Dire et juger en conséquence ses demandes irrecevables;
Subsidiairement :
– Dire et juger que les contrats liant les cyclistes à l’association “Souvenir [M] [X]” de son appel injustifié et non fondé;
– Confirmer le jugement du TASS du CANTAL du 19 octobre 2010 qui a validé le redressement opéré par l’URSSAF AUVERGNE et qui a donné lieu à la mise en demeure du 13 octobre 2009;
– Condamner l’association “Souvenir [M] [X]” à payer à l’URSSAF AUVERGNE la somme de 46.997,00 euros au titre des cotisations et celle de 8.420,00 euros au titre des majorations de retard;
– Condamner l’association “Souvenir [M] [X]” à payer à l’URSSAF AUVERGNE une indemnité de 3.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont soutenues lors de l’audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte de la combinaison des articles 633 et 638 du code civil , devant la juridiction de renvoi, l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit, à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation .
Sur la nullité du jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du CANTAL du 19 octobre 2010:
L’association critérium CYCLISTE PROFESSIONNEL INTERNATIONAL LA CHATAIGNERAIE sollicite, à titre principal, l’annulation du jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du CANTAL en date du 19 octobre 2010 pour défaut de mise en cause des coureurs cyclistes ayant participé aux éditions des années 2006, 2007 et 2008 et des organismes de sécurité sociale susceptibles d’être concernés par le litige.
L’association reproche au jugement entrepris d’avoir rejeté sa demande de mise en cause.
Aux termes de son raisonnement et en application du principe procédural en vertu duquel nul ne peut être jugé en son absence, l’association soutient qu’ il convient, en cas de litige d’affiliation,de statuer de manière contradictoire à l’égard de l’ensemble des régimes de sécurité sociale concernés.
Chaque coureur cycliste ainsi que l’ensemble des caisses primaires d’assurance maladie concernées auraient dû, en conséquence, être mis en cause.
En l’absence d’une telle mise en cause, le tribunal ne pouvait valablement décider de l’affiliation des sportifs concernés au régime général de la Sécurité Sociale.
L’association sollicite en conséquence de la Cour de bien vouloir annuler le jugement entrepris et renvoyer l’examen de l’affaire devant les premiers juges dans la perspective d’une mise en cause des coureurs cyclistes et de leurs organismes de sécurité sociale auprèsdesquelsilssontaffiliés.
L’URSSAF, au rejet de cette demande de nullité objecte qu’une telle mise en cause ne s’imposait aucunement aux juges du fond dès lors que le litige soumis à leur examen était afférent au recouvrement de cotisations et contributions dont elle assure le recouvrement, cette question spécifique ne concernant que les seuls rapports entre la Caisse et l’association redressée.
En l’espèce, s’il est effectivement constant que les personnes intéressées ainsi que les organismes de protection sociale dont ces dernières seraient susceptibles de relever au titre d’une activité, doivent être mis en cause dans un litige susceptible d’entraîner leur assujettissement au régime général, il doit toutefois être rappelé que la juridiction de première instance, a été saisie d’une demande de recouvrement de cotisations et non d’un conflit d’affiliation, de sorte qu’elle pouvait valablement statuer sans avoir prescrit la mise en cause des personnes assujetties ainsi que des divers organismes de protection sociale auxquelles elles étaient susceptibles d’être affiliées.
Il y a lien en conséquence de confirmer la décision déférée qui a justement débouté l’association de sa demande de nullité du jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du CANTAL.
Sur la fin de non recevoir tirée de l’estoppel:
L’association soutient, à l’appui de sa demande tendant à l’inapplicabilité de la présomption légale de salariat tirée de l’article L.311-3 15° du code de la sécurité sociale, que le critérium de [Localité 4], loin de pouvoir être réduit à une simple exhibition est, en réalité, “une véritable compétition”, excluant toute assimilation de ses participants à des “artistes du spectacle” au sens de ce même texte et la soumission de ces derniers à la présomption de l’article L.7121-3 du code du travail.
L’URSSAF estime que cette prétention est irrecevable dès lors qu’il existe une contradiction à son détriment au regard des argumentaires successivement développés par l’association devant le juge de première instance puis en cause d’appel, par devant la Cour d’appel de RIOM.
L’URSSAF observe en effet que l’association retenait, aux termes de ses écritures de première instance qu’ “[…] en l’espèce, les coureurs cyclistes […] ne font que participer à une représentation pour le compte de l’association. En effet, les coureurs participent au critérium sur leur temps de loisirs et ils effectuent le nombre de tours qu’ils désirent; ils ont également la liberté de doser leur participation et leurs efforts, tout au long du critérium. Aucune performance n’est requise de leur part.”.
L’URSSAF souligne que l’argumentation par la suite développée par l’association, à hauteur d’appel, tendant désormais à convaincre la Cour de ce que le critérium annuel serait une compétition à caractère sportif, contredit en tous points la position ci-dessus reprise, déduisant de cette circonstance la volonté de l’association de lui porter préjudice et d’induire la Cour en erreur .
L’association, au rejet de cette demande fait valoir qu’en l’absence de contradiction en droit (élément caractérisant l’estoppel) et de caractérisation de l’intention d’induire en erreur l’URSSAF, le principe d’Estoppel mobilisé ne saurait aucunement recevoir application en l’espèce.
L’estoppel, autrement qualifié d’exception d’indignité ou principe de cohérence, est une fin de non-recevoir fondée sur l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui à des fins de sauvegarde de la loyauté des débats.
Toutefois, la seule circonstance qu’une partie se contredise n’emporte pas nécessairement une fin de non-recevoir.
Pour qu’un estoppel puisse être invoqué efficacement, encore faut-il que le comportement procédural considéré soit constitutif d’un changement de position, en droit, de nature à induire la partie adverse en erreur sur ses intentions.
Sur ce point, il apparaît que l’argumentation proposée devant les premiers juges n’est aucunement abandonnée par l’association, mais intégralement maintenue à la faveur de ses développements dédiés à l’”impossible assujettissement des sommes versées aux coureurs cyclistes au régime général”.
Au surplus, en l’espèce, si la présentation du critérium de [Localité 4], pour la première fois développée à hauteur d’appel, sous les traits d’une véritable compétition, procède effectivement d’une volonté opportuniste de l’association d’adapter son raisonnement à la motivation de l’arrêt de cassation du 28 MARS 2013- aux termes de laquelle la Haute Juridiction retenait en effet que “les dispositions des articles L.7121-3 du code du travail n’excluant pas les exhibitions sportives sans compétition, s’appliquent aux coureurs cyclistes participant à titre individuel”, cette présentation nouvelle ne permet pour autant pas de caractériser une contradiction de nature à rendre les prétentions de son auteur irrecevables en ce que ce comportement procédural n’est pas constitutif d’un changement de position, en droit, de nature à induire l’URSSAF en erreur sur ses intentions.
Cette fin de non-recevoir sera rejetée.
Sur la présomption de salariat de l’article L.7121-3 du code du travail et l’assujettissement des sommes versées aux cyclistes au régime général
L’association fait grief au jugement de première instance ( et partant à l’arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2013) de s’être fondé à tort sur la présomption de salariat prévue pour les artistes du spectacle à l’article L.7121-3 du code du travail -applicable sur renvoi de l’article L.311-3, 15°.
Elle fait valoir au soutien de son argumentation que les coureurs cyclistes participant à un critérium ne peuvent être assimilés à des artistes du spectacle et que ledit critérium doit s’entendre non d’une exhibition à caractère sportif sans compétition mais, bien au contraire, d’une véritable compétition sportive, en ce qu’il serait “constitué d’une épreuve sportive, organisée conformément à un réglement, établi par la Ligue Nationale de cyclisme, à laquelle appartient l’association”….
Cette circonstance justifierait pleinement, selon l’appelante, l’application de l’article L.222-2-11 du code du sport aux termes duquel en effet: “Le sportif professionnel qui participe librement, pour son propre compte, à une compétition sportive est présumé ne pas être lié à l’organisateur de la compétition par un contrat de travail. La présomption de salariat prévue à l’article L.7121-3 du code du travail ne s’applique pas au sportif dont les conditions d’exercice sont définies au premier alinéa du présent article.”.
L’association conclut en conséquence à la réformation du jugement rendu par le Tribunal des affaires de sécurité sociale du CANTAL le 19 octobre 2010 et à l’annulation du redressement notifié par l’URSSAF du Cantal suivant mise en demeure du 13 octobre 2009.
Au surplus, l’association conteste l’assujettissement des coureurs concernés au régime général des assurances de sécurité sociale, lequel exige la réunion des conditions du salariat.
L’association fait valoir que les coureurs cyclistes participant à un critérium ne remplissent aucune de ces mêmes conditions, puisque n’effectuant aucune prestation de travail, ne percevant aucune rémunération en contrepartie d’une prestation de travail et n’étant soumis à aucun lien de subordination avec l’association.
Cette dernière fait ainsi valoir, notamment:
– ne fournir aucun matériel aux cyclistes, ces derniers participant avec leur propre matériel, qu’ils sont libres de choisir, l’association ne leur donnant par ailleurs aucune directive ou indication en ce sens;
– ne pas avoir le pouvoir de contrôler le matériel utilisé par les coureurs;
– ne donner aucune directive quant à l’heure d’arrivée des cyclistes ou quant aux modalités de déroulement de la course, les coureurs participants gardant la liberté de doser leur participation et leurs efforts tout au long de la course, et aucune performance n’étant attendue d’eux/leur étant imposée…
Ces coureurs ne réalisant pas un travail commandé par l’association et n’agissant pas sous son autorité, il n’y avait, dès lors, selon l’association, pas lieu de retenir leur assujetissement aux assurances sociales du régime général.
A titre infiniment subsidiaire, s’il était fait application de la présomption de salariat, l’association estime apporter les éléments de nature à en permettre le renversement en démontrant que :
– les coureurs cyclistes n’étaient soumis à aucune directive, ni ordre, ni instruction auxquels ils auraient du se soumettre;
– l’association n’avait aucun pouvoir de contrôle ni de sanction quant à l’exécution de leur prestation;
-qu’aucun plan de travail n’était défini ni même envisagé;
-que les coureurs remettaient et signaient tout simplement une facture prévoyant la contrepartie financière de leur activité sportive, mentionnant uniquement les mentions afférentes au prix et à la dénomination des parties.
L’association conclut, en conséquence, au renversement de la présomption édictée à la lettre de l’article L7121-3 du code du travail et, partant, à l’annulation de la mise en demeure du 13 octobre 2009.
L’URSSAF, au rejet de l’argumentation développée par l’association à titre principal comme subsidiaire, soutient que l’article L.7121-3 du code du travail édictant la présomption de salariat sus-évoquée n’exclut pas de son champ d’application les manifestations ou exhibitions sportives sans compétition et que la qualité d’artiste peut parfaitement être attribuée aux sportifs participant à un tel spectacle.
Au surplus, l’URSSAF fait valoir que la qualification de compétition est, s’agissant du critérium de [Localité 4], mal fondée en ce que les participants concernés, professionnels salariés de leur équipes habituelles et non travailleurs indépendants ou inscrits au registre du commerce, s’inscrivent à titre individuel, facturent une prestation de service et qu’ils gagnent ou qu’ils perdent n’ont pas de prix financier si ce n’est une coupe ou une médaille, que la rémunération est fixe et la même pour tous, l’association s’assurant bien, moyennant rémunération, question fondamentale pour apprécier la présomption de salariat, du concours de ces sportifs en vue de leur production.
L’URSSAF déduit de ces circonstances que le contrat liant ces cyclistes à l’URSSAF est un contrat de travail donnant lieu, en tant que tel, à cotisations et excluant toute possibilité d’écarter la présomption de contrat de travail .
Aux termes de l’article L.311-3, 15° du code de la sécurité sociale, fondement du redressement:
“Sont notamment compris parmi les personnes auxquelles s’impose l’obligation prévue à l’article L.311-2, même s’ils ne sont pas occupés dans l’établissement de l’employeur ou du chef d’entreprise, même s’ils possèdent tout ou partie de l’outillage nécessaire à leur travail […]:
15° les artistes du spectacle […] auxquelles sont reconnues applicables les les dispositions des articles L.762-1 et suivants et L.763-1 et L.763-2 du code du travail.
Les obligations de l’employeur sont assumées à l’égard des artistes du spectacle […] mentionnés à l’alinéa précédent, par les entreprises, services, associations, groupements ou personnes qui font appel à eux, même de façon occasionnelle; […]”.
Aux termes de l’article L.7121-3 du code du travail auquel il est renvoyé:
“Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce”.
La présomption légale ainsi édictée porte sur l’existence d’un lien de subordination juridique entre l’artiste et la personne qui l’a engagé.
Il en résulte que la partie qui prétend que le contrat en cause est un contrat de travail n’a pas à faire la preuve d’un lien de subordination juridique, tandis qu’il appartient à la partie qui soutient la thèse inverse de rapporter, aux fins renverser ladite présomption, la preuve que les conditions d’exercice de l’activité considérée sont telles, en fait comme en droit, qu’elles sont exclusives de tout lien de subordination juridique.
Aux termes de l’article L.7121-4 suivant du même code, “la présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties [et] même s’il est prouvé que l’artiste conserve la liberté d’expression de son art, qu’il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé […]”.
Il est constant que le bénéfice de la présomption de salariat s’étend aux sportifs professionnels, les dispositions des articles précités, édictées en termes généraux, ne définissant pas de manière limitative les “artistes du spectacle” et n’imposant aucun aspect culturel particulier à l’activité déployée par ceux-ci.
La présomption de salariat de l’”artiste du spectacle”, réfragable, peut être écartée lorsque l’artiste exerce sa prestation de manière indépendante scéniquement, juridiquement et économiquement, supportant les charges et risques de l’activité envisagée, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.
En l’espèce, il est établi que les coureurs, professionnels salariés de leurs équipes habituelles, ne sont pas travailleurs indépendants, n’étant pas inscrits au registre du commerce.
Il résulte par ailleurs des éléments produits que ces coureurs s’inscrivent à titre individuel et agissent bien sous la dépendance de l’organisateur de l’évènement, en fournissant une prestation conforme à l’intérêt du spectacle offert au public et non pas en s’opposant , dans le but d’un classement, aux autres participants.
Il est ainsi établi qu’ils ne perçoivent aucun prix si ce n’est une coupe ou une médaille et que la même rémunération leur est versée, qu’ils gagnent ou qu’ils perdent.
Il en résulte donc bien que l’épreuve du critérium présente le caractère d’une exhibition, d’un spectacle dont n’est certes pas absente la notion de performance, qu’offrent les professionnels de renom, “têtes d’affiche”, invités à y participer.
L’association ne vient donc pas démontrer que ce critérium était une compétition sportive.
Il se déduit de ces éléments que la prestation attendue des cyclistes participants a été exécutée par ces derniers non affiliés à une caisse de travailleurs indépendants, à défaut d’inscription au registre du commerce à la demande de l’association, moyennant le versement direct à leur profit d’une somme d’argent, lors d’une exhibition à caractère sportif sans compétition, assimilable à un spectacle.
Leur présence sur les lieux, ainsi que l’activité qui leur est demandée contre rétribution caractérisent le rapport de subordination, la liberté accordée aux coureurs cyclistes lors du déroulement du critérium et le fait qu’ils utilisent leur propre matériel étant insuffisants, en conséquence, pour écarter la présomption de salariat édictée à la lettre de l’article L.7121-3 du code du travail.
Le jugement entrepris doit être en conséquence confirmé en toutes ses dispositions .
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’URSSAF totalité de ses frais non recouvrables.
L’association sera en revanche déboutée de sa demande de ce chef.
La procédure étant gratuite et sans frais devant les juridictions de la sécurité sociale en vertu de l’article R 144-10 du code de la sécurité sociale, la demande relative aux dépens est dénuée d’objet.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
statuant publiquement par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
Vu le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Cantal du 19 octobre 2010,
Vu l’arrêt de la Cour de cassation en date du 28 mars 2013,
Vu l’arrêt de la Cour de cassation en date du 28 janvier 2016,
CONFIRME la décision déférée rendue le 19 octobre 2010 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale du Cantal en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
DIT n’y avoir lieu à nullité du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Cantal en date du 19 octobre 2010,
DIT que, par l’argumentation qu’elle soutient devant la Cour de céans , l’association CYCLISTE PROFESSIONNEL INTERNATIONAL LA CHATAIGNERAIE “Souvenir [M] [X] ‘ne se contredit pas au détriment de l’URSSAF D’AUVERGNE,
DEBOUTE l’association CYCLISTE PROFESSIONNEL INTERNATIONAL LA CHATAIGNERAIE “Souvenir [M] [X]” de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
LA CONDAMNE de ce chef à payer à l’URSSAF D’AUVERGNE la somme de 3500 euros,
DIT n’y avoir lieu à dépens ou à paiement de droit en application de l’article R144-10 du code de la sécurité sociale.
LA GREFFIÈRELA PRESIDENTE
Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH