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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 31 MAI 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/04232 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OGSJ
ARRÊT n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 MAI 2019
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 18/00241
APPELANTE :
ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE Le Corum
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Michèle TISSEYRE de la SCP TISSEYRE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame [K] [R]
née le 05 Mai 1953 à [Localité 2] (30)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER
Rabat de l’ordonnance de clôture datée 2 février 2023 et nouvelle clôture en date du 05 avril 2023.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 AVRIL 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
L’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE, anciennement dénommée FESTIVAL INTERNATIONAL DE RADIO FRANCE DE [Localité 4] LANGUEDOC ROUSSILLON, est spécialisée dans l’organisation de festivals d’été dans la ville de [Localité 4], sa métropole et dans la région Occitanie Pyrénées Méditerranée.
[K] [R] a réalisé différentes prestations de travail pour le compte de l’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE depuis le 11 juillet 1989 dans le cadre de contrats à durée déterminée, avant d’y travailler, à compter du 17 février 2000, en qualité de régisseuse générale adjointe.
Le 7 mars 2018, estimant avoir été évincée sans raison de son emploi à compter de l’année 2018 et sollicitant la requalification des contrats de travail à durée déterminée non écrits en contrat à durée indéterminée à temps complet, outre le paiement de diverses sommes, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier, lequel par jugement du 24 mai 2019, a :
– dit que [K] [R] était titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,
– dit qu’il y a résiliation judiciaire du contrat de travail laquelle s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– fixé la date de résiliation judiciaire à la date de décision à intervenir, soit le 24 mai 2019,
– condamné l’association FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE à lui payer les sommes suivantes :
*176 285,41€ brut à titre de rappel de salaire,
* 17 628,54€ brut à titre de congés payés y afférents,
* 6 540€ net à titre de dommages et intérêts en raison de l’absence de fourniture de travail,
* 109 562,32€ brut à titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail,
* 19 622,31€ brut à titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
*1 962,23€ brut à titre de congés payés y afférents,
* 33 793,97€ brut à titre de l’indemnité de licenciement,
* 960€ à titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné l’association FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE à délivrer à [K] [R] les bulletins de paie pour la période sous astreinte de 30€ par jour de retard à compter du 30ème jour de la notification de la présente décision,
– condamné l’association FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE à régulariser la situation d'[K] [R] auprès des organismes sociaux compétentes astreinte de 30€ par jour de non faire à compter du 60ème jour de la notification de la présente décision,
– débouté [K] [R] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre du travail dissimulé.
L’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE a interjeté appel de cette décision le 19 juin 2019.
Par ordonnance sur requête du 8 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré l’appel irrecevable.
Par arrêt du 24 novembre 2021, la cour d’appel de Montpellier a infirmé l’ordonnance sur requête du 8 octobre 2020, dit que la cause de nullité de fond tirée de l’absence de désignation d’un représentant de l’association Le Festival Radio France Occitanie [Localité 4] pour interjeter appel avait disparu, débouté [K] [R] de ses demandes et déclaré irrecevable la demande liée à l’effet dévolutif de l’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 3 avril 2023, l’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE demande à la cour de :
– déclarer l’appel recevable,
– sur le fond, réformer et annuler le jugement attaqué,
– dire que la relation de travail s’est inscrite dans le cadre d’une relation à temps partiel,
– débouter [K] [R] de ses demandes relatives au rappel de salaire sur la base d’un temps complet, d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de dommages et intérêts complémentaires pour non-fourniture de travail et non-paiement des salaires et de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– sur la résiliation judiciaire,
* à titre principal, lui donner acte de ce que la rupture du contrat de [K] [R] est intervenue à son initiative le 31 décembre 2017 et en conséquence la débouter de ses demandes en lien avec la rupture du contrat de travail,
* à titre subsidiaire, si la cour faisait droit à la demande de résiliation judiciaire :
– débouter [K] [R] :
* de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et juger que l’indemnité conventionnelle se limite à 3 mois,
* de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la ramener à de plus justes proportions tant sur le nombre de mois que le salaire de référence retenus,
– juger que le salaire de référence servant aux différents calculs ne peut être supérieur au salaire conventionnel en vigueur pour chaque période soit 2 078,13€ jusqu’au 2 novembre 2015 et 2 088,52€ à compter du 2 novembre 2015,
– condamner [K] [R] à lui verser la somme de 3 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées au RPVA le 28 mars 2023, [K] [R] demande à la cour de :
– juger que l’acte d’appel est privé d’effet dévolutif de sorte que l’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE [Localité 4] est irrecevable en son appel,
– sur le fond,
* confirmer le jugement en ce qu’il a jugé qu’elle était titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, que sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu’il a statué sur l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et les dépens,
* infirmer le jugement pour le surplus,
* fixer la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date de l’arrêt à intervenir,
* condamner l’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE à lui verser les sommes suivantes :
– 301 739,59 € brut à titre de rappel de salaire, 30 17396 € bruts à titre de congés payés y afférents,
– 15 000 € net à titre de dommages-intérêts pour absence de fourniture du salaire,
– 6.540,77 € brut au titre du rappel du salaire par mois à compter du 31 octobre 2019 et jusqu’à la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail,
– 90 000 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 64 851,73 € net à titre d’indemnité de licenciement,
– 39 244,62 € net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 2 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* ordonner à l’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE [Localité 4] de :
– lui délivrer des bulletins de paie ainsi qu’une attestation POLE EMPLOI conformes sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte,
– régulariser sa situation auprès des organismes sociaux compétents sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud’hommes et aux conclusions déposées.
L’ordonnance de clôture du 2 février 2023 a été rabattue par ordonnance rendue le jour de l’audience le 5 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’effet dévolutif de l’appel
En vertu de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Il résulte de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa version modifiée par décret n° 2022-245 du 25 février 2022, applicable aux litiges en cours, que la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, et qu’elle mentionne, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Il est constant que seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement et que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.
En l’espèce, l’acte d’appel comporte une annexe jointe, laquelle précise expressément les chefs de jugement critiqués.
En conséquence, l’effet dévolutif opère pour les chefs visés par l’annexe et la cour est valablement saisie.
Sur la qualification de la relation de travail
L’ancien article L.122-3-1 du code du travail, repris par l’article L.1242-12, disposait en son premier alinéa, que le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif ; à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
En l’espèce, aucun contrat écrit n’a été signé entre [K] [R] et l’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE alors que les parties s’accordent sur l’existence d’une prestation de travail depuis le 17 février 2000, [K] [R] exerçant de nouvelles fonctions à compter de cette date.
La relation de travail s’est donc inscrite dans le cadre d’un contrat de travail durée indéterminée à compter du 17 février 2000.
Aux termes de l’ancien article L.212-4-3 du code du travail, repris partiellement par l’article L.3123-14 puis par l’article L. 3123-6, le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il définit en outre les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification.
L’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet. Il incombe alors à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.
Dans le cas présent, l’employeur fait valoir que la salariée, qui bénéficiait du statut d’intermittent du spectacle, avait une autonomie totale dans l’organisation de son temps de travail, lequel était nécessairement partiel pour lui permettre de travailler auprès de différents employeurs.
Pour établir que [K] [R] fixait son calendrier de prestations de travail, il produit sept courriels desquels il ressort qu’elle lui transmettait à l’avance ses cachets, qui représentent une journée de travail de 8 heures.
Il déduit de ces courriers, associés aux bulletins de paie, que le planning n’évoluait pas dans le courant de l’année, sauf demande expresse de la salariée, laquelle pouvait au surplus « céder » des cachets à d’autres salariés qui en avaient besoin.
Toutefois, il résulte de la comparaison entre les plannings transmis par la salariée et les bulletins de paie qu’au mois de décembre 2011, trois dates n’ont pas été déclarées, qu’au mois de décembre 2012, une date a été rajoutée et qu’au mois d’août 2017, une date n’a pas été déclarée.
Il apparaît par ailleurs que certains des courriels que verse l’employeur, notamment celui du 7 juillet 2012 comprenant les dates du mois de décembre 2012, contiennent des annotations manuscrites modifiant ou validant le planning transmis par la salariée et dont l’auteur n’est pas identifiable.
Si l’employeur allègue que les variations auxquelles étaient soumis le planning résultait de la demande expresse de la salariée, il n’en justifie pas, la seule demande de modification provenant d'[K] [R] datant du mois d’octobre 2015.
Il ne rapporte pas davantage la preuve que les modifications ainsi réalisées auraient été notifiées dans un délai de prévenance suffisant et ce, alors que le nombre d’heures réalisées par la salariée variait sensiblement chaque mois.
La cour relève encore que la transmission anticipée des dates n’était pas systématique, la salariée pouvant communiquer ces dates à la fin du mois concerné à la demande de l’employeur.
Dans ces conditions, la preuve n’est pas rapportée qu'[K] [R] bénéficiait d’une autonomie totale dans l’organisation de son temps de travail.
De surcroît, la salariée soutient à juste titre que l’association a remboursé des frais professionnels pour des journées qui n’ont pas été déclarées.
En effet, les relevés bancaires de la salariée n° 6 et n° 7 de l’année 2017 font état de remboursement de frais de la part de l’association appelante pour les 20 et 29 juin 2017 et le 10 juillet 2017 alors que ni les plannings dont se prévaut l’employeur ni les fiches de paie correspondantes ne mentionnent ces jours comme étant travaillés.
Il s’en déduit que la salariée réalisait des prestations de travail qui n’étaient pas prévues par les plannings et pour lesquelles il n’est pas démontré qu’elle en aurait eu l’initiative.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et de ce que la salariée n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition, cette constatation ne pouvant résulter du fait que la salariée avait plusieurs employeurs.
La présomption de temps complet n’étant pas renversée, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que le contrat de travail était à durée indéterminée à temps complet.
Sur la rupture du contrat de travail
L’action du salarié tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit reposer sur des manquements suffisamment graves de l’employeur à ses obligations contractuelles pour empêcher la poursuite du contrat.
Lorsque la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l’employeur, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ouvre droit au profit du salarié aux indemnités de rupture.
Alors que l’employeur fait valoir que la salariée a volontairement mis fin à son contrat de travail à compter du 1er janvier 2018, [K] [R] soutient que l’employeur l’a évincée de ses fonctions et demande à ce titre, la résiliation de son contrat de travail.
L’employeur produit plusieurs attestations émanant de salariés desquelles il résulte qu'[K] [R] avait émis, au cours de l’année 2017, l’intention de quitter le festival pour la partie presse à compter du 1er janvier 2018, volonté également étayée par un courriel que la salariée a adressé à une de ses collègues le 29 juillet 2017.
Toutefois, outre le fait qu’il n’apparaît pas que l’intention de la salariée se soit concrétisée pour la partie presse, il est justifié par plusieurs attestations de ce qu'[K] [R] exerçait deux fonctions : attachée de presse et régisseuse.
A ce titre, l’employeur produit l’attestation de M. [M] [G], directeur du festival, qui relate que lors d’un entretien avec [K] [R], la salariée a évoqué sa volonté de cesser de s’occuper de la partie presse de l’association laquelle constituait l’essentiel de son travail mais qu’elle souhaitait poursuivre l’activité de régie qu’elle gérait également. Le directeur témoigne ainsi : « Je lui ai répondu qu’il semblait difficile pour elle de ne conserver que cette activité très partielle. De plus, suite à sa décision nous allons devoir intégrer dans le travail des équipes existantes les tâches qu’elle accomplissait au titre des relations de presse.
Enfin, je lui ai rappelé qu’en raison de la baisse… des subventions intervenues en 2017, il paraissait difficile de conserver un si petit poste d’intermittence…
Elle en a convenu et c’est dans ces conditions qu’elle a cessé effectivement toute prestation à fin décembre 2017. »
Il ne résulte cependant de ces propos aucune volonté claire et non équivoque de [K] [R] de mettre un terme à la relation de travail qui la liait à l’association pour ce qui concerne son poste de régisseuse, l’absence prolongée de la salariée à son poste à compter du 1er janvier 2018 étant également insuffisant à caractériser une telle volonté.
Bien au contraire, la salariée produit plusieurs courriels desquels il ressort que M. [H] [S] lui a demandé, dès le mois d’octobre 2017, de lui transférer les différents courriels qu’elle recevait en ces termes « Dis-moi si tu accepterais de me passer le témoin, avec tes infos et avis ‘ Je comprendrais, néanmoins que tu ne veuilles pas, tu as probablement été blessée et par conséquent avoir envie de tourner la page… ».
Ces éléments permettent de dire que la salariée a été évincée de l’ensemble de ses fonctions par l’association.
Alors qu’il a été jugé que les parties étaient liées par un contrat à durée indéterminée lequel emportait obligation pour l’employeur de fournir le travail convenu, force est de constater que l’employeur n’a plus fourni de travail à la salariée à compter de cette date et ne l’a pas licenciée.
Ces circonstances conduisent la cour à retenir l’existence de manquements suffisamment graves de l’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE à ses obligations contractuelles pour avoir empêché la poursuite du contrat de travail qui la liait à [K] [R] et par voie de conséquence à prononcer la résiliation judiciaire de ce contrat aux torts de l’employeur.
N’étant pas démontré que l’exécution du contrat de travail s’est poursuivie après le jugement du 24 mai 2019 ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat, il convient de fixer la date de la rupture du contrat de travail à cette date conformément au premier jugement.
Sur la demande de rappel de salaire
Il a été jugé que le contrat liant les parties était à durée indéterminée à temps complet depuis le 17 janvier 2000.
En outre, le fait pour l’employeur de ne pas fournir de travail à sa salariée ne l’exonère pas de son obligation de paiement du salaire dès lors que celui-ci ne démontre pas que celle-ci a refusé d’exécuter son travail ou qu’elle ne s’est pas tenue à sa disposition et ce, alors que dès le 30 janvier 2018, elle lui a adressé, par l’intermédiaire de son conseil, un courrier pour l’informer des difficultés dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail et de sa volonté de résilier judiciairement son contrat de travail.
Dans ces conditions, l’employeur est redevable d’un reliquat de salaire sur la période du 7 mars 2015 au 24 mai 2019, date de la résiliation judiciaire, dans les limites de la prescription de l’article L.3245-1 du code du travail.
En outre, il est constant que la requalification de la relation contractuelle qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l’entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Dans ces conditions, eu égard à l’ancienneté de la salariée au moment de sa demande de rappel de salaire (plus de 15 ans) et de son poste, il convient de dire que la salariée, qui n’était pas artiste, relevait d’un emploi du groupe 4, échelon 7 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles.
Les différents accords successifs du 7 juillet 2014, 20 juillet 2015, 1er juillet 2017 et 31 janvier 2019 ont fixé les minima conventionnels des emplois autres qu’artistes à respectivement 2 452,19€, 2 464,45€, 2 474,31€ et 2 486,68€. Ces montants seront retenus en tant que salaire de référence à compter respectivement du 1er avril 2014, 1er juillet 2015, 1er juillet 2017 et 1er janvier 2019.
Dans ces conditions, l’employeur sera condamné à verser à [K] [R] la somme de 79 564,09€ au titre du rappel de salaire du 7 mars 2015 au 24 mai 2019, la salariée ne sollicitant pas les congés payés afférents. La salariée sera déboutée de sa demande de rappels de salaire postérieurement à la date de résiliation judiciaire.
Le jugement sera infirmé sur le quantum.
Sur les dommages et intérêts pour absence de fourniture de travail
La salariée sollicite le versement de la somme de 15 000€ à titre de dommages et intérêts au motif que l’employeur a cessé de lui fournir du travail en sorte qu’elle s’est retrouvée sans activité et sans ressources.
Le préjudice financier résultant de l’absence de fourniture de travail a été réparé par le rappel de salaire afférent. La salariée ne démontrant pas l’existence d’un préjudice distinct, il y a lieu de la débouter de sa demande par infirmation du jugement.
Sur la demande de condamnation au titre du travail dissimulé
Selon l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
La dissimulation d’emploi salarié ainsi prévue n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
En l’espèce, la salariée se prévaut des journées travaillées non rémunérées mais pour lesquelles l’employeur a remboursé des frais de déplacement. Elle en déduit que celui-ci ne déclarait pas l’ensemble des heures travaillées.
Les relevés de compte que produit la salariée ne permettent pas d’identifier les dates auxquelles correspondent les remboursements de frais professionnels, excepté pour les 20, 29 juin 2017 et 10 juillet 2017.
L’absence de mention sur les fiches de paie de trois jours correspondant au remboursement de frais ne suffit pas à caractériser l’intention de dissimuler les heures de travail réalisées par la salariée.
Il convient donc de débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre par confirmation du jugement.
Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail
La résiliation judiciaire aux torts de l’employeur a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La perte injustifiée de l’emploi cause un préjudice au salarié qu’il convient d’indemniser.
Au jour de la rupture du contrat de travail, la salariée avait plus de 66 ans, et une ancienneté de plus de 19 ans dans une entreprise employant au moins 11 salariés. Elle justifie avoir perçu l’allocation de retour à l’emploi du 1er janvier 2018 au 20 mars 2019.
Il convient dès lors de lui allouer les sommes suivantes :
– 24 866,80€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 7 460,04€ à titre d’indemnité légale de licenciement, [K] [R] ayant un âge non compris dans la fourchette permettant l’attribution de mois supplémentaires de préavis,
– 746 € à titre de congés payés afférents,
– 24 245,13€ à titre d’indemnité de licenciement.
Sur les autres demandes
Il sera fait droit aux demandes de remise d’un bulletin de paie récapitulatif et d’une attestation Pôle emploi ainsi que de régularisation de la situation de la salariée auprès des organismes compétents, sans qu’il ne soit nécessaire d’assortir la mesure d’une astreinte.
En application de l’article L.1235-4 du code du travail, l’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE sera condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d’indemnités.
Compte tenu de la solution apportée au litige, l’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE supportera la charge des dépens ainsi que de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer à la salariée une somme de 1 500€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit que l’effet dévolutif de l’appel opère ;
Confirme le jugement rendu le 24 mai 2019 par le conseil de prud’hommes de Montpellier en ce qu’il a dit que [K] [R] était titulaire d’un contrat à durée indéterminée à temps complet et prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur au 24 mai 2019 ;
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :
Condamne l’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE à verser à [K] [R] les sommes suivantes :
– 79 564,09€ au titre du rappel de salaire du 7 mars 2015 au 24 mai 2019,
– 24 866,80€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 7 460,04€ à titre d’indemnité légale de licenciement, [K] [R] ayant un âge non compris dans la fourchette permettant l’attribution de mois supplémentaires de préavis,
– 746 € à titre de congés payés afférents,
– 24 245,13€ à titre d’indemnité de licenciement,
– 1 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne à l’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE de délivrer à [K] [R] un bulletin de salaire rectifiés, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés et conformes aux dispositions du présent arrêt ;
Ordonne à l’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE de régulariser la situation d'[K] [R] auprès des organismes sociaux compétents ;
Ordonne le remboursement par l’ASSOCIATION à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, à concurrence de 6 mois d’indemnités ;
Dit qu’une copie certifiée conforme de cette décision sera transmise à Pôle emploi par le greffe de la cour d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne l’ASSOCIATION FESTIVAL RADIO FRANCE OCCITANIE aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT