Contrat d’Artiste : 29 juin 2016 Cour d’appel de Paris RG n° 15/10345

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Contrat d’Artiste : 29 juin 2016 Cour d’appel de Paris RG n° 15/10345
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Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRÊT DU 29 JUIN 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/10345

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Avril 2015 – Tribunal de Grande Instance d’AUXERRE – RG n° 12/01100

APPELANT

Monsieur [N] [W] [C]-[J]

né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Adresse 3]

représenté par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

assisté de Me Pierre GUIDEZ pour Me Jean-Toussaint BARTOLI, avocats au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 9

INTIMÉES

Madame [M] [L] [X] [J] épouse [U]

née le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2]

[Adresse 7]

[Adresse 4]

Madame [P] [A] [D] [T] [J]

née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 8]

[Adresse 6]

représentées et assistées par Me Vanessa ILHARREBORDE, avocat au barreau de PARIS, toque : R027

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, en application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Avril 2016, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Evelyne DELBÈS, Président de chambre, et Madame Monique MAUMUS, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Evelyne DELBÈS, Président de chambre

Madame Monique MAUMUS, Conseiller

Madame Nicolette MAUMUS, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Evelyne DELBÈS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier.

***

[S] [J], artiste peintre canadien, est décédé le [Date décès 1] 2002 au Canada, laissant pour lui succéder ses trois enfants, Mmes [M] et [P] [A] [J] et M. [N] [C]-[J], qu’il avait reconnu le 19 septembre 1997.

Le testament rédigé par le défunt le 30 décembre 1992, soit antérieurement à cette reconnaissance, désignait trois légataires à raison d’un tiers chacun pour l’universalité des biens de sa succession, à savoir Mme [I] [Z], sa dernière compagne, et Mmes [M] et [P] [J].

M. [N] [C]-[J] n’ayant pas vocation à recueillir les actifs successoraux situés au Canada a, en revanche, bénéficié des dispositions de l’article 2 de la loi française du 14 juillet 1819 lui permettant de prélever sa part de réservataire sur les biens situés en France.

Aux termes d’un acte sous seing privé établi à Paris le 5 octobre 2002, chacune des filles du défunt ‘atteste que sa volonté est que les actifs successoraux recueillis par elle dans la succession de son père [S] [J] soient répartis entre son frère [N] [C]-[J], sa soeur et elle’.

Aux termes d’un acte reçu le 3 octobre 2003 par Maître [Q], notaire à Paris, M. [N] [C]-[J] a prélevé sa part réservataire sur les biens situés en France.

Le 20 mai 2004, un acte de partage a été établi au Canada entre les trois légataires universels, précisant que conformément au testament du 30 décembre 1992, Mmes [J] devaient recevoir chacune un tiers de l’universalité des biens meubles et immeubles dépendant de la succession.

L’acte de partage définitif a été établi le 16 janvier 2009.

Par acte du 30 octobre 2012, M. [N] [C]-[J] a assigné Mmes [M] et [P] [J] devant le tribunal de grande instance d’Auxerre aux fins de les voir condamner à exécuter les engagements souscrits le 5 octobre 2002 et en, conséquence, à lui remettre un tiers des actifs successoraux recueillis dans la succession, et aux fins de désignation d’un expert en oeuvres d’art avec mission de constituer trois lots de valeur et consistance équivalentes et d’en attribuer, par tirage au sort, un à chacun des héritiers du défunt.

Par jugement du 2 avril 2015, le tribunal de grande instance d’Auxerre a :

– dit que l’acte sous seing privé du 5 octobre 2002 constitue une donation,

– prononcé la nullité de cette donation pour vice de forme,

– en conséquence, débouté M. [C]-[J] de l’intégralité de ses demandes,

– débouté Mmes [M] et [P] [J] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

– condamné M. [C]-[J] à payer à Mmes [J] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens avec recouvrement au profit de Maître Lyand.

M. [N] [C]-[J] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 21 mai 2015.

Dans ses dernières écritures du 21 mars 2016, il demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– statuant à nouveau,

– condamner solidairement Mmes [J] à exécuter la convention signée le 5 octobre 2002,

– en conséquence,

– condamner chacune d’elle à lui remettre un tiers des actifs successoraux recueillis dans la succession de [S] [J],

– désigner un expert en oeuvres d’art avec mission de :

constituer pour chacun des lots, avec les actifs recueillis par les parties dans le cadre de la succession de [S] [J], en prenant pour référence les éléments connus à ce jour pour les ‘uvres d’art, tels qu’ils résultent de l’acte de partage et ses annexes en date du 20 mai 2004, trois lots de valeur et consistance équivalentes et en attribuer, par tirage au sort, un à chacun des trois héritiers, et ce sous réserve de l’inventaire définitif et exhaustif des dites ‘uvres tels qu’il résulte des actes établis à l’occasion de la clôture de la succession, étant précisé que le principe de la représentativité par rapport à l’ensemble de l”uvre de [S] [J] et par rapport à l’ensemble des ‘uvres de la collection personnelle de ce dernier devra être respecté lors de la constitution des dits lots,

fixer la provision à consigner à la Régie d’avances et de recettes de ce Tribunal sur la rémunération de l’expert,

dire que celui-ci devra effectuer sa mission et en dresser le rapport dans un délai de 6 mois,

– et pour le cas où les intimées se refuseraient à remettre le tiers des actifs qu’elles ont recueillis dans la succession ou à collaborer aux opérations d’expertise, condamner chacune d’elles à lui payer la somme de 5 590 000 dollars canadiens, soit à ce jour la somme de 3 827 456,35 euros,

– condamner les mêmes, pour les actifs autres que les oeuvres d’art, à lui verser l’équivalent en numéraire d’un tiers de la valeur totale de chacun de leur lot, telle que mentionnée dans l’acte de partage et sous réserve des actes définitifs relatifs à la clôture de la succession,

– débouter les intimées de leur demande reconventionnelle en paiement de la somme de 30 000 euros à titre de préjudice moral,

– condamner les intéressées à lui payer, chacune, la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement les mêmes aux dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions du 11 février 2016, Mmes [J] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement dont appel,

– ainsi,

– dire que l’écrit litigieux n’a aucune valeur juridique au regard des circonstances de sa signature et de l’objectif auquel il était destiné,

– dire que s’il était constitutif d’engagement, l’écrit du 5 octobre 2002 constitue une donation faite par elles à M. [C]-[J],

– dire que cette donation est nulle pour vice de forme, faute d’avoir été faite par acte authentique et d’avoir été acceptée,

– dire que l’écrit du 5 octobre 2002 ne constitue pas une obligation naturelle et de ce fait ne confère aucun droit à M. [C]-[J],

– dire que cet écrit ne constitue pas une libéralité rémunératoire,

– en conséquence,

– rejeter la demande formulée par l’appelant visant à l’exécution de la ‘convention du 5 octobre 2002″,

– débouter l’intéressé de toutes ses demandes,

– constater qu’il n’a aucun droit sur les biens mobiliers et immobiliers dépendant de la succession canadienne,

– constater qu’elles ont subi un grave préjudice moral du fait des pressions infondées exercées sur elles depuis 2004, du procès et des mensonges formulés par l’appelant en parfaite connaissance de cause dans le cadre de cette procédure,

– condamner M. [C]-[J] à leur payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice,

– condamner le même à payer à chacune d’elles la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens avec application des dispositions de l’article 699 du dit code.

SUR CE

Considérant qu’aux termes d’un acte sous seing privé daté du 5 octobre 2002 Mmes [J] ont déclaré chacune :

‘Je soussignée

(suit les nom, prénom, date de naissance et adresse de chaque signataire),

ATTESTE que ma volonté est que les actifs successoraux recueillis par moi dans la succession de mon père [S] [J] soient répartis par tiers en parts égales entre mon frère [N] [C], ma soeur (…) et moi’ ;

Que M. [N] [C]-[J] a déclaré aux termes du même acte :

‘Je soussigné (…)

ATTESTE que ma volonté est que les actifs successoraux recueillis par moi dans la succession de mon père [S] [J] soient répartis par tiers en parts égales entre mes soeurs [M] et [A] [J] et moi’ ;

Considérant que M. [C]-[J] veut voir condamner les intimées à exécuter les engagements par elles prises à son égard en lui remettant chacune le tiers des actifs successoraux qu’elle recueillera ; qu’il fait plaider que l’acte du 5 octobre 2002 a été établi par ses soeurs avec la volonté de rétablir l’égalité dans le partage de la succession de leur père entre eux trois et constitue la reconnaissance par les intimées d’une obligation naturelle procédant du devoir de conscience qu’elles ressentaient à cet égard envers lui ;

Considérant que les intimées qui indiquent que si, après le décès de leur père, elles ont émis l’idée de donner quelque chose à leur frère, la concrétisation de cette volonté dans un acte formel, qui dépendait d’une étude de faisabilité d’un point de vue fiscal, n’est jamais intervenue ; qu’elles dénient toute valeur juridique à l’acte qu’elles ont signé le 5 octobre 2002 prétendant qu’il a été établi, dans la précipitation, à la seule demande des avocats français des trois enfants du défunt et dans le seul but de justifier de l’intérêt de l’appelant, qui n’avait aucun droit dans la succession canadienne, à être associé à la requête présentée au Canada le 25 octobre 2002 aux fins de remplacement des trois liquidateurs de la succession, afin de se prémunir contre une éventuelle objection du juge canadien quant à la recevabilité de cette procédure à laquelle leur frère s’était associé ; qu’elles soutiennent, si une quelconque valeur devait être reconnue à l’acte en litige, que celui-ci constitue de leur part une donation au profit de l’appelant, non réservataire en droit canadien et exclu, de ce fait, en l’absence de dispositions testamentaires à son profit, de la succession canadienne de leur père et que cette donation est nulle, faute d’avoir été faite par acte authentique et d’avoir été expressément acceptée par le donataire ;

Considérant que l’acte en litige que Mmes [J] reconnaissent avoir signé est un acte juridique qu’il s’agit de qualifier ;

Considérant que l’unique cause que les intéressés lui prêtent, à savoir la justification de l’intérêt de l’appelant à intervenir dans la procédure engagée au Canada aux fins de remplacement des liquidateurs de la succession, est incompatible avec les termes juridiquement extrêmement précis de l’acte, qui pour remplir le seul objectif allégué n’avait nul besoin de voir ses signataires attester que leur volonté est que les actifs successoraux qu’elles recueilleront dans la succession de leur père soient répartis par tiers entre elles et leur frère ;

Considérant qu’aux termes d’un courriel, avec copie à sa soeur [P] [A], adressé le 18 octobre 2002 à Maître [H], notaire à Paris, Mme [M] [J] affirme ‘notre décision de partager notre part de la succession de notre père (soit les 2/3) en parts égales avec [N] [C]’ et ‘ce désir émane d'[A] de moi-même’; que [M] évoque encore, sans en remettre en cause le principe, mais seulement les modalités telles qu’envisagées par l’appelant, le partage entre les trois enfants du défunt dans des courriels adressés à l’intéressé les 15 et 22 mars 2009, avec copie à [P] [A], et ce en réponse à un courriel de M. [C]-[J] du même 15 mars qui invoque ‘l’engagement réciproque de partage et la répartition par tiers (1/3 chacun)’;

Considérant que ces éléments concordants avec les termes de l’acte du 5 octobre 2002 permettent d’exclure toute précipitation dans sa rédaction et de retenir qu’il n’a pas été établi dans l’unique but de d’asseoir la recevabilité à agir au Canada de M. [C]-[J] mais qu’il est aussi l’expression de la volonté claire et précise des intimées de partager avec l’appelant les actifs successoraux qu’elles recueilleraient;

Considérant qu’il traduit en cela, non pas une intention libérale, mais la reconnaissance de la part de Mmes [J] d’une obligation naturelle et d’un devoir de justice envers leur frère, omis du testament de leur père, établi avant sa reconnaissance par celui-ci, et exclu de la succession canadienne de l’intéressé ; que l’établissement et la signature de l’acte du 5 octobre 2002 a transformé cette obligation naturelle en obligation civile ;

Considérant qu’en vertu du principe du consensualisme, il n’y a pas de formalisme particulier à respecter pour que cette transformation opère ; qu’un acte authentique n’est pas nécessaire à la validité de l’obligation souscrite ;

Considérant que les intimées sont en conséquence tenues, chacune et non pas solidairement, d’exécuter l’engagement qu’elles ont pris envers M. [C]-[J] dans l’acte du 5 octobre 2002, consistant, aux termes de celui-ci, en ce que les actifs recueillis par chacune d’elles dans la succession de leur père soient répartis par tiers en parts égales entre elles et leur frère ;

Considérant que l’acte de partage définitif de la succession a été établi le 16 janvier 2009 ; que M. [C]-[J] qui ne motive en rien sa demande à ce titre, ne justifie pas de la nécessité de recourir à une expertise à l’effet de déterminer la consistance des actifs successoraux à répartir, de constituer des lots et de procéder à un tirage au sort ; que cette prétention sera en conséquence rejetée ;

Considérant que sa demande tendant à voir condamner les intimées à lui payer chacune la somme de 5 590 000 dollars canadiens, formée ‘pour le cas où les intimées se refuseraient à remettre le tiers des actifs qu’elles ont recueillis dans la succession (…) ou à collaborer aux opérations d’expertise’ ne peut pas prospérer, le refus invoqué n’étant pas caractérisé et la cour ne pouvant statuer par dispositions hypothétiques ou alternatives ;

Considérant que la demande de M. [C]-[J] tendant à voir condamner les intimées, ‘pour les actifs autres que les oeuvres d’art, à lui verser l’équivalent en numéraire d’un tiers de la valeur totale de chacun de leur lot, telle que mentionnée dans l’acte de partage et sous réserve des actes définitifs relatifs à la clôture de la succession’, est sans objet en présence de l’acte de partage qui permet de déterminer les actifs reçus par les intimées et dès lors que celles-ci sont condamnées à remettre chacune à M. [C]-[J], en exécution de l’obligation souscrite aux termes de l’acte du 5 octobre 2002, un tiers de tous les actifs successoraux qu’elles auront recueillis, condamnation qui se suffit à elle-même ;

Considérant que l’action engagée par M. [C]-[J] qui s’avère fondée ne revêt aucun caractère abusif ; qu’il n’est pas établi que les termes employés par l’intéressé ont excédé ceux normalement admissibles dans un débat judiciaire ; que la demande de dommages et intérêts formée par les intimées doit, en conséquence, être rejetée ;

Considérant que Mmes [J] qui succombent et supporteront les dépens ne sont pas fondées en leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de ce texte au bénéfice de l’appelant ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [M] [J] et Mme [P] [J] à remettre chacune à M. [C]-[J], en exécution de l’obligation souscrite aux termes de l’acte du 5 octobre 2002, un tiers des actifs qu’elle a recueillis dans la succession de [S] [J],

Rejette toute autre demande,

Condamne in solidum Mme [M] [J] et Mme [P] [J] aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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