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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 8
ARRET DU 28 OCTOBRE 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04314 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFLPX
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Février 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 22/50538
APPELANTE
S.A.R.L. LA CAPITALE GALERIE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistée par Me Bruno de GASTINES, avocat au barreau de PARIS, toque : A605
INTIMEE
Mme [U] [B]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Assistée par Me Laure DENERVAUD de la société AXESS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P13
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 septembre 2022, en audience p ublique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président et Rachel LE COTTY, Conseiller chargé du rapport .
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Florence LAGEMI, Président,
Rachel LE COTTY, Conseiller,
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Marie GOIN
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier présent lors de la mise à disposition.
Par contrat signé le 14 décembre 2021, Mme [B], artiste peintre, et M. [K], gérant de la galerie dénommée « La capitale galerie » située [Adresse 1], sont convenus d’exposer les ‘uvres de la première lors d’une exposition devant se dérouler du 17 janvier au 12 février 2022 à La capitale galerie, moyennant le versement de frais de 2.500 euros HT par Mme [B].
M. [K] a pris possession de quatre toiles le 14 décembre 2021 mais, le 19 décembre suivant, Mme [B] lui a indiqué qu’elle ne « pouvait » participer à l’exposition en raison d’un « imprévu ».
Par lettre du 6 janvier 2022, son conseil a écrit à M. [K] pour lui indiquer qu’elle n’envisageait plus d’exposer ses toiles dans sa galerie car celui-ci l’avait agressée sexuellement lors de leur entrevue du 14 décembre.
Par acte du 19 janvier 2022, Mme [B] a assigné la société La capitale galerie, prise en la personne de son gérant, M. [K] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir prononcer, sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la décision, l’arrêt immédiat de l’exposition engagée par M. [K] sur ses quatre toiles et la remise immédiate des quatre toiles.
Par ordonnance du 7 février 2022, le juge des référés a :
condamné la société La capitale galerie, prise en la personne de son gérant M. [K], à remettre à Mme [B] les quatre tableaux appartenant à celle-ci, qui lui avaient été remis en vue de l’exposition, qui devait se tenir du 17 janvier au 12 février 2022, suivant les modalités suivantes : les toiles devront être remises au cabinet Axess avocats, [Adresse 3]) sous le contrôle d’un huissier de justice, mandaté aux frais de la société La capitale galerie, sans délai et à peine d’astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de l’ordonnance ;
condamné la société La capitale galerie, prise en la personne de son gérant M. [K], à retirer les photographies des toiles et la mention du nom de Mme [B] sur tous les canaux de communication : internet, prospectus de la galerie, sans délai et à peine d’astreinte de 200 euros par infraction constatée, à compter du huitième jour suivant la signification de l’ordonnance ;
rejeté les autres demandes de Mme [B] ;
rejeté la demande reconventionnelle de la défenderesse ;
condamné la société La capitale galerie, prise en la personne de son gérant M. [K], à payer à Mme [B] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société La capitale galerie à titre provisionnel aux entiers dépens.
Par déclaration du 22 février 2022, la société La capitale galerie a interjeté appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif, à l’exception de celui relatif au « rejet des autres demandes de Mme [B] ».
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 19 septembre 2022, la société La capitale galerie demande à la cour de :
annuler l’ordonnance du 7 février 2022 ;
en tout état de cause, infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise en déboutant Mme [B] de ses demandes ;
la recevoir en ses demandes en condamnant Mme [B] à lui payer une provision de 3.000 euros ;
condamner Mme [B] à lui payer la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure ;
condamner Mme [B] en tous les dépens de première instance qui comprendront les frais de restitution des quatre tableaux par Maître [H], huissier de justice, et les dépens d’appel, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 13 septembre 2022, Mme [B] demande à la cour de :
confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
en conséquence,
débouter la société La capitale galerie de son appel ;
statuant à nouveau,
débouter la société La capitale galerie de l’ensemble de ses demandes ;
confirmer l’ensemble des dispositions de l’ordonnance entreprise ;
condamner la société La capitale galerie au paiement des sommes de 10.000 euros à titre de dommages et intérêt provisionnels, 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
SUR CE, LA COUR,
Sur la demande d’annulation de l’ordonnance entreprise
La société La capitale galerie soutient que le premier juge a « statué en dehors de sa saisine » au motif que Mme [B] n’avait formé que des demandes contre M. [K] et non contre elle-même.
Mais, dans le rappel des faits et prétentions des parties, l’ordonnance relève que Mme [B] « précise à l’audience que ses demandes doivent être lues comme étant formées à l’encontre de la SARL La capitale galerie ».
Il en résulte que, lors de l’audience, Mme [B] a modifié ses demandes, initialement dirigées contre M. [K], en les dirigeant contre la société La capitale galerie, qui était régulièrement assignée.
Elle disposait, en procédure orale, de la possibilité de modifier ses demandes à l’audience et le premier juge n’a donc pas modifié l’objet du litige.
Il est rappelé qu’en application de l’article 457 du code de procédure civile, le jugement a la force probante d’un acte authentique, sous réserve des dispositions de l’article 459 et que, selon ce dernier texte, l’omission ou l’inexactitude d’une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s’il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d’audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.
Il en résulte que les énonciations contenues dans un jugement ne peuvent être contestées que par la voie de l’inscription de faux, sous réserve des informations résultant des pièces de la procédure ou consignées dans le registre d’audience.
Au cas présent, l’appelante se borne à soutenir, contre les énonciations de l’ordonnance, qu’« à aucun moment avant la clôture des débats, la demanderesse […] n’a prétendu que les demandes qu’elle formait devaient « être lues comme étant formées à l’encontre de la SARL LCG et non contre M. [K] », sans produire le registre d’audience permettant, le cas échéant, de confirmer ses dires.
Elle échoue en conséquence à démontrer que le premier juge aurait modifié l’objet du litige et sa demande d’annulation de l’ordonnance doit être rejetée.
Sur les demandes formées par Mme [B]
Mme [B] fonde sa demande sur l’article 834 du code de procédure civile, aux termes duquel, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
Elle fait valoir qu’elle a été contrainte d’annuler l’exposition de ses oeuvres prévue par le contrat du 14 décembre 2021 car elle a été agressée sexuellement par M. [K] et ne pouvait plus envisager de collaborer avec lui.
Cependant, la réalité de cette agression n’est pas, à ce jour, établie, seul un récépissé de dépôt de plainte du 27 décembre 2021 étant produit, sans plus d’éléments sur les suites pénales qui y auraient été données, encore moins sur une décision de la juridiction pénale.
Il est rappelé que M. [K] bénéficie, en l’absence de toute condamnation prononcée par la juridiction pénale, de la présomption d’innocence.
Sont également communiqués par Mme [B] des échanges de SMS du 20 décembre 2021, dans lesquels elle écrit à M. [K] : « tu m’as manqué de respect dans ma maison. C’était un rendez-vous professionnel et tu t’es jeté sur moi. Ca m’a vraiment choquée et je refuse de travailler avec toi. Je veux récupérer mes tableaux », ce à quoi M. [K] répond : « vraiment tu mélanges les choses tes accusations sont choquantes, mais vraiment je suis très déçu. Nous avons parlé mutuellement dans le respect. Et réciproquement on a été d’accord sur le principe de participer d’une exposition de groupe ».
Ces seuls éléments sont insuffisants à établir la réalité des faits dénoncés par Mme [B].
En tout état de cause, il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d’annuler ou de résilier un contrat, celui-ci pouvant seulement, le cas échéant, constater la résiliation d’un contrat par application d’une clause de résiliation de plein droit.
Dans sa lettre du 6 janvier 2022, Mme [B] a indiqué à La capitale galerie, par la voix de son conseil, qu’elle était « contrainte d’annuler [l’] exposition », lui notifiant ainsi l’annulation du contrat.
Dans ses conclusions, elle soutient désormais qu’aucun accord n’est intervenu entre les parties car elle n’a jamais remis les vingt toiles objet de l’exposition à M. [K] et n’a jamais réglé la somme de 3.000 euros TTC prévue au titre des frais d’exposition.
Mais elle produit elle-même le contrat liant les parties, lequel est signé et a reçu à tout le moins un début d’exécution par la remise de quatre toiles. Ce contrat, qui ne comporte pas de clause résolutoire, ne saurait être remis en cause par le juge des référés.
Les demandes de Mme [B], contraires à ses engagements contractuels, se heurtaient donc à une contestation sérieuse et le différend entre les parties ne pouvait justifier une annulation du contrat par le juge des référés en l’absence, de surcroît, de toute urgence.
Il sera indiqué à titre surabondant que l’article 835 du code de procédure civile ne pouvait davantage fonder les demandes de Mme [B], aucun trouble manifestement illicite ou dommage imminent ne résultant de l’exposition de quatre de ses oeuvres, conforme au contrat liant les parties.
L’ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu’elle a constaté qu’il n’était pas sérieusement contestable que Mme [B] avait valablement résilié la convention d’exposition et, par conséquent, ordonné la restitution des oeuvres, aux frais de la galerie, ainsi que le retrait des photographies des toiles et du nom de Mme [B] sur tous les canaux de communication de La capitale galerie.
En toute hypothèse, la société La capitale galerie a restitué les quatre toiles litigieuses le 21 février 2022, ainsi qu’en atteste le procès-verbal de constat d’huissier versé au dossier.
Sur la demande reconventionnelle de provision formée par l’appelante
Selon l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Au cas présent, la société La capitale galerie demande une provision de 3.000 euros TTC au titre des frais mis à la charge de l’exposante par le contrat.
Cependant, cette demande se heurte à une contestation sérieuse dès lors que l’appelante indique elle-même, dans ses conclusions, ne pas avoir exposé les oeuvres de Mme [B].
Elle précise qu’ « il n’y avait aucune oeuvre de Mme [B] exposée entre le 17 janvier et le 12 février 2022 à La capitale galerie [… ] » et qu’il « suffisait de passer devant la galerie le 17 janvier ou d’aller sur son site internet pour voir que les oeuvres exposées étaient celles du peintre avec lequel Mme [B] devait initialement exposer ».
En conséquence, faute d’avoir elle-même rempli ses obligations telles qu’elles résultaient du contrat et ce, quand bien même l’absence de remise de toutes les toiles par Mme [B] en serait la cause principale, sa demande se heurte à une contestation sérieuse quant au principe et au montant des frais dus à la galerie, que seul le juge du fond pourra trancher, en considération des torts éventuels des parties.
La demande de provision sera en conséquence rejetée et l’ordonnance confirmée de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [B]
Le rejet des demandes principales de Mme [B] implique celui de sa demande de provision pour dommages et intérêts.
Sur les frais et dépens
L’ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu’elle a condamné La capitale galerie aux dépens de première instance ainsi qu’au paiement, à Mme [B], de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’issue du litige commande de laisser à chaque partie la charge des frais et dépens par elle exposés en première instance et en appel.
S’agissant des frais de restitution des quatre tableaux par Maître [H], huissier de justice, ils ne sont pas inclus dans les dépens mais la décision d’infirmation implique leur remboursement par l’intimée puisqu’ils avaient été mis à la charge de La capitale galerie au titre de son obligation de restitution des toiles.
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande d’annulation de l’ordonnance entreprise ;
Infirme cette ordonnance en toutes ses dispositions dont il a été fait appel, sauf en ce qu’elle a rejeté la demande de provision formée par la société La capitale galerie ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme [B] ;
Dit en conséquence que Mme [B] sera tenue de rembourser les frais de restitution des quatre tableaux ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens de première instance et d’appel par elle exposés ;
Rejette les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,