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CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10435 F
Pourvoi n° N 17-21.193
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Patrick X…, domicilié […] ,
contre l’arrêt rendu le 18 mai 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l’opposant à M. Claude D… Y…, domicilié […] , pris tant en son nom personnel qu’en qualité d’administrateur de l’indivision sur le monopole de propriété artistique attachée aux oeuvres de Pablo Y…,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 30 mai 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Z…, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. X…, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. D… Y…, tant en son nom personnel qu’ès qualités ;
Sur le rapport de Mme Z…, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X….
Il est fait grief à la décision attaquée d’AVOIR rejeté l’action exercée par M. X… contre M. D… Y… et de l’AVOIR condamné à lui payer une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
AUX MOTIFS QUE « M. X… rappelle que le marché de l’art impose la pratique qui consiste à donner factuellement aux héritiers d’un artiste un pouvoir discrétionnaire sur l’authenticité des oeuvres de sorte que les doutes émis par M. D… Y… qui n’a fait état que d’arguments stylistiques ont eu pour conséquence immédiate le retrait du tableau de la vente. Il affirme que M. D… Y… a délibérément donné un tel avis alors qu’il savait l’oeuvre authentique, qu’il ne pouvait ignorer qu’une oeuvre identique apparaissait référencée dans le A…, catalogue raisonné de l’oeuvre de Pablo Y…, que la paternité de cette oeuvre n’avait jamais été contestée du vivant de l’artiste, ni lors des ventes successives, et notamment lors de la vente de la collection Lefebvre, qu’elle avait été exposée publiquement à plusieurs reprises et que les héritiers du peintre ont obtenu d’importants droits de suite sur la vente de cette oeuvre. M. D… Y… expose que la responsabilité des héritiers qui délivrent des certificats ou des avis d’authenticité ne peut être engagée qu’en cas d’abus de droit traduisant une intention de nuire, du moins la mauvaise foi ou une légèreté blâmable, qu’en l’espèce, il n’a fait qu’émettre des doutes, qu’il doit avoir le souci de sécuriser le marché de l’art et de protéger l’oeuvre de l’artiste face à un nombre très élevé de faux et d’oeuvres volées, que non seulement il a agi de bonne foi mais aussi en facilitateur en intervenant volontairement dans la procédure de référé-expertise, en participant activement aux opérations d’expertise et en prenant l’initiative de délivrer un avis d’authenticité à l’issue de ces opérations, qu’enfin, sa décision initiale n’a pas dépassé les limites de l’exercice de sa liberté d’expression. L’avis dont s’agit ressort des termes d’un courrier établi le 21 juin 2011 sous entête de M. Claude D… Y… domicilié c/o Y… Administration et signé par Mme Christine B…. Ces termes sont les suivants : « Suite à votre rendez-vous du 4 avril dernier pendant lequel Monsieur Claude Y… a pu examiner l’oeuvre précisée ci-dessus : – Nature morte, pastel signé et daté […] – mesurant 24,5 x 32 cm. Nous vous prions de trouver ci-après ses conclusions. L’examen visuel de ce dessin a amené Monsieur Y… à émettre des doutes sérieux sur l’authenticité de cette oeuvre. En effet, le sujet qui semble rappeler les natures mortes de la période cubiste n’est pas assuré et les éléments représentés ne sont pas ancrés dans la composition. Le verre est entouré d’un halo au pastel qui nous donne l’illusion que l’objet flotte dans la feuille ce qui est en contradiction totale avec l’esprit d’une nature morte où les objets du […] sont installés sur une table symbolisée ici par une planche de bois. Cette partie traitée en faux bois avec une technique de trompe l’oeil est assez malhabile si on la compare avec des natures mortes incorporant ce motif, motif que Y… a largement utilisé dès les premières natures mortes cubiste et qu’il maîtrisait parfaitement. Concernant la représentation du verre lui-même dont on identifie ici les trois éléments constitutifs : pieds, jambe et contenant, il y a une erreur majeure d’interprétation. En effet, le contenant est représenté par un carré inscrit dans la partie qui symbolise le corps du verre, or les verre (sic) dans les oeuvres de Y… ont une section circulaire visible dans le tableau par un cercle, un arc de cercle ou bien un quadrilatère non rectangle. Cubisme ne veut pas dire tout représenter sous forme de cube. Par ailleurs, l’étude des natures mortes de […] ne permette (sic) pas de rapprocher ce dessin d’aucune autre oeuvre de cette période ce qui est également peu courant car Y… travaillait très souvent en série, le motif décliné jusqu’à son épuisement. On peut aussi noter que l’utilisation du pastel est atypique. Par ailleurs, nous avons menés (sic) des recherches par rapport aux indications de provenances citées pour cette oeuvre : collection C… depuis collection E…. Ces investigations ne se sont pas avérées concluantes, en effet, si la provenance André C… est séduisante, les archives disponibles au MNAM, en particulier, la vente des oeuvres de L. en 1927, ne comporte aucune Nature Morte quelquelle (sic) soit ; en revanche on retrouve bien cette oeuvre décrite avec un photographie dans le catalogue de vente en 1966 de la collection E… sous le n° 46 avec la provenance C…, mais ainsi que nous venons de le dire cette provenance C… n’est pas confirmée. Car ailleurs, aucune information n’est donnée sur la provenance initiale : achat direct à l’artiste, peu probable étant donné la date indiquée sur le dessins (1921) ou achat auprès d’un marchand (F… ?), un large doute persiste donc. C’est pourquoi, l’examen visuel de l’oeuvre et de la signature ainsi que la non confirmation d’une provenance avérée avant la collection C… portent Mr. Y… ne pas rédiger de certificat d’authentification. » Cet écrit exprime, non un avis définitif réfutant toute authenticité, mais des doutes importants résultant tant d’une analyse stylistique que d’une recherche sur la provenance et la traçabilité de l’oeuvre. Si les arguments stylistiques avancés par M. D… Y… ont paru étonnants à l’expert judiciaire qui remarque qu’ils sont en opposition avec l’oeuvre reproduite dans le A… laquelle est réputée authentique, il échet d’observer qu’il s’agit d’une oeuvre atypique, notamment à raison de l’utilisation de la technique du pastel, ne pouvant pas être rattachée à une série d’oeuvres. Au demeurant, si l’analyse stylistique développée par M. D… Y… lui a fait commettre une erreur, elle ne comporte pas de contre vérités ou des affirmations farfelues qui permettraient de caractériser une erreur grossière établissant, chez un héritier ayant une connaissance approfondie de l’oeuvre de son ayant-droit, une intention de nuire au propriétaire du tableau. Par ailleurs, l’avis donné par M. D… Y… comporte une argumentation portant sur la provenance de l’oeuvre telle qu’elle figure sur le descriptif établi lors de la vente au profit de M. X…. L’héritier du peintre s’est attaché à vérifier la traçabilité du tableau et a constaté que son appartenance à la famille C… n’était pas vérifiée en l’état de ses recherches et qu’il ne disposait donc pas d’un historique de provenance complet et exhaustif. Il n’est pas contestable qu’à raison de l’exposition publique de cette ‘Nature morte’ à plusieurs reprises du vivant de l’artiste et de sa vente aux enchères publiques le 29 novembre 1966 à Paris sans qu’aucune contestation sur son authenticité n’ait été émise, M. D… Y… aurait du entreprendre d’autres diligences, mais rien de ne permet d’affirmer que ces diligences l’auraient convaincu de manière certaine de l’authenticité de l’oeuvre. En effet, s’agissant du catalogue raisonné de M. Christian A…, il doit être observé que les divergences entre le tableau de M. X… et l’oeuvre répertoriée ( vol.3, n°400 ) portant sur les dates – celle figurant sur le tableau et celle de la création de l’oeuvre – pouvaient entraîner un questionnement légitime à telle enseigne que si à la suite d’un examen attentif et long du tableau sous microscope, l’expert annonce qu’il est certain qu’il s’agit de la même oeuvre, il préférera attendre d’autres éléments de preuve, qu’il trouvera dans la production du cliché photographique ayant servi à la reproduction du n°400 du catalogue, pour se prononcer définitivement. S’agissant toujours des diligences nécessaires à l’authentification de l’oeuvre, force est aussi de constater que M. X… lui-même n’avait eu aucune exigence lors de son acquisition du tableau qui s’était faite sans certificat d’authenticité et qu’il lui était parfaitement loisible, au besoin après le courrier du 21 juin 2011 et en faisant appel à un expert, d’apporter à M. D… Y… des éléments supplémentaires accréditant l’authenticité du tableau. Il résulte de ces éléments d’une part qu’en l’absence d’erreur grossière et de preuve d’une intention délibérée de nuire ou d’une mauvaise foi évidente, la responsabilité de M. D… Y… qui se doit de sauvegarder l’intégrité de l’oeuvre de son ayant-droit et qui n’a pas affirmé que l’oeuvre était un faux, mais a émis des doutes circonstanciés, ne peut être recherchée et d’autre part que si M. D… Y… n’a pas entrepris toutes les recherches que son autorité morale lui imposait en présence d’indices sérieux en faveur d’une authenticité, il n’est pas établi que des diligences supplémentaires, notamment la consultation du A…, auraient certainement permis l’authentification de l’oeuvre. Dans ces conditions, le jugement déféré doit être infirmé et M. X… débouté de toutes ses demandes en indemnisation » ;
1) ALORS QUE toute faute, même non intentionnelle, ayant causé un dommage, engage la responsabilité civile de son auteur ; que toute personne est tenue d’une obligation générale de prudence et de diligence ; qu’à ce titre, engage sa responsabilité l’héritier d’un artiste qui, ayant accepté de se prononcer sur l’authenticité des oeuvres de ce dernier et de délivrer le cas échéant un certificat d’authenticité, rend son avis sans procéder aux diligences raisonnablement utiles ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que M. D… Y… avait commis une erreur dans son analyse stylistique, qu’il aurait dû entreprendre des diligences supplémentaires en raison de l’exposition publique de l’oeuvre à plusieurs reprises du vivant de l’artiste et de sa vente aux enchères sans qu’aucune contestation d’authenticité n’ait alors été émise et qu’il n’avait pas entrepris toutes les recherches que son autorité morale lui imposait en présence d’indices sérieux en faveur de l’authenticité de l’oeuvre ; qu’en jugeant qu’en l’absence d’erreur grossière et de preuve d’une intention délibérée de nuire ou d’une mauvaise foi évidente, la responsabilité de M. D… Y… ne pouvait être recherchée, la cour d’appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, devenus 1240 et 1241 dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016.
2) ALORS QUE celui qui se prétend libéré d’une obligation doit en justifier l’exécution ou l’extinction ; qu’en l’espèce, après avoir admis que M. D… Y… n’avait pas entrepris toutes les recherches que son autorité morale lui imposait en présence d’indices sérieux en faveur d’une authenticité, reconnaissant ainsi l’obligation de M. D… Y… en son principe, la cour d’appel a estimé qu’il n’était pas établi que des diligences supplémentaires auraient certainement permis l’authentification de l’oeuvre ; qu’en statuant ainsi, quand il appartenait à M. D… Y… de démontrer qu’il s’était libéré de son obligation, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 du code civil, devenu 1353 dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016.
3) ALORS subsidiairement QU’engage sa responsabilité l’héritier d’un artiste qui, ayant accepté de se prononcer sur l’authenticité des oeuvres de ce dernier et de délivrer le cas échéant un certificat d’authenticité, rend son avis de mauvaise foi ou avec une légèreté blâmable ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a estimé que la preuve d’une intention délibérée de nuire ou d’une mauvaise foi évidente n’était pas rapportée ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par M. X… qui demandait la confirmation du jugement en ce qu’il avait retenu la responsabilité délictuelle de M. D… Y… à raison d’une négligence blâmable, si ce dernier n’avait pas fait montre d’une légèreté blâmable, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, devenus 1240 et 1241 dans la rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016.
4) ALORS en tout état de cause QUE la faute de la victime, à la supposer établie, ne peut être totalement exonératoire de responsabilité que si elle présente les caractères de la force majeure ; qu’en l’espèce, en écartant toute responsabilité de M. D… Y…, au prétexte que « force est aussi de constater que M. X… lui-même n’avait eu aucune exigence lors de son acquisition du tableau qui s’était faite sans certificat d’authenticité et qu’il lui était parfaitement loisible, au besoin après le courrier du 21 juin 2011 et en faisant appel à un expert, d’apporter à M. D… Y… des éléments supplémentaires accréditant l’authenticité du tableau », sans relever aucun élément permettant de caractériser une faute exclusive de la victime présentant les caractères de la force majeure, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, devenus 1240 et 1241 dans la rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016.