Contrat d’Artiste : 27 avril 2017 Cour d’appel de Versailles RG n° 16/01151

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Contrat d’Artiste : 27 avril 2017 Cour d’appel de Versailles RG n° 16/01151
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 20J

2e chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 AVRIL 2017

R.G. N° 16/01151

AFFAIRE :

[C] [N] [N]

C/

[V] [E] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Juillet 2011 par le Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de BOBIGNY

N° Chambre : 2

N° Section : 2

N° RG : 11/2690

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

Me Marie-Anne VIELFAURE

Me Jeanne GAILLARD

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SEPT AVRIL DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d’appel de VERSAILLES saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (1ère Chambre civile) du 04 novembre 2015 cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS le 30 mai 2013 – pôle 3 – Chambre 3 (RG 11/16873) sur l’appel d’un jugement rendu le 13 juillet 2011 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY – Chambre 2 – Section 2 (RG 11/2690)

Monsieur [C] [N] [N]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] (ALGÉRIE)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Marie-Anne VIELFAURE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 319 – N° du dossier 2016002

Représentant : Me Catherine DUMONT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0115

INTIMÉ

****************

DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

Madame [V] [E] [P]

autorisée à s’appeler [P] par décret du 6 septembre 1996

née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 3] (COLOMBIE)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Jeanne GAILLARD de la SCP ACGR, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 748 – N° du dossier 16P0071

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/001348 du 04/04/2016 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue en chambre du conseil le 27 Février 2017, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Agnès TAPIN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Odile BOUVENOT-JACQUOT, Présidente,

Madame Agnès TAPIN, Conseiller,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudette DAULTIER,

FAITS ET PROCEDURE,

Madame [V] [E] [P] et Monsieur [C] [N] se sont mariés le

[Date mariage 1] 1981 à [Localité 5], sans contrat de mariage préalable.

Trois enfants maintenant majeurs sont nés de cette union :

-[T] le [Date naissance 3] 1991, actuellement âgé de 25 ans et demi,

-[Q] le [Date naissance 1] 1992, actuellement âgé de 24 ans,

-[Z] le [Date naissance 4] 1995, actuellement âgée de 22 ans.

Sur requête de Madame [E] [P] du 3 septembre 2007, une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 13 février 2008 par le tribunal de grande instance de BOBIGNY qui a notamment :

-attribué le domicile conjugal et les biens immobiliers du ménage situé[Adresse 1] (Seine Saint Denis), à Monsieur [N] à titre onéreux,

-attribué à l’époux la gestion du studio situé [Adresse 3], à charge pour lui de percevoir les loyers et d’en régler l’ensemble des charges y afférentes (mensualités de remboursement du crédit immobilier, charges de copropriété, taxes foncières) et, ce, à titre d’avance, les droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial étant réservés,

-fixé la pension alimentaire mensuelle due à Madame [E] [P] au titre du devoir de secours à 800 €, avec indexation,

-fixé l’autorité parentale conjointe, la résidence des enfants chez le père, et organisé un droit de visite et d’hébergement classique de la mère.

Le 6 juillet 2010, Madame [E] [P] a assigné Monsieur [N] en divorce sur le fondement des articles 242 et suivants du code civil.

Par jugement du 13 juillet 2011, le juge aux affaires familiales de BOBIGNY a, notamment:

-prononcé le divorce des époux, aux torts partagés,

-ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,

-renvoyé les parties à procéder amiablement aux opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux, et en cas de litige à assigner devant le juge de la liquidation,

-dit que les effets du divorce remonteraient à la date du 13 février 2008,

-débouté Madame [E] [P] de sa demande tendant à la désignation d’un notaire,

-condamné Monsieur [N] à payer une prestation compensatoire à Madame [E] [P] sous forme d’un capital de 76 800 €,

-dit que Monsieur [N] s’acquitterait du règlement de ce capital en 8 ans à raison de 96 mensualités de 800 €,

– dit que ces versements seraient revalorisés selon l’usage à compter du 1er janvier 2012,

– débouté Madame [E] [P] de sa demande de versement de la prestation compensatoire par abandon des parts de Monsieur [N] au titre des deux biens immobiliers acquis par les époux sis [Adresse 3], et [Adresse 1],

– débouté Madame [P] et Monsieur [N] de leurs demande de dommages et intérêts,

– attribué préférentiellement à Monsieur [N] l’immeuble situé [Adresse 1],

– fíxé la résidence l’enfant mineure au domicile du père,

– dit que le droit de visite et d’hébergement de la mère s’exercerait librement et à défaut d’accord:

*les fins de semaines impaires de chaque mois, du vendredi au samedi à la sortie des classes au dimanche 19 h,

*la première moitié des vacances scolaires les années paires, et la seconde moitié les années impaires,

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

laissé à la charge de chaque partie les dépens par elle engagés.

Madame [E] [P] a interjeté appel le 16 septembre 2011.

Par arrêt du 30 mai 2013, la cour d’appel de PARIS a :

-confirmé le jugement du 13 juillet 2011 en toutes ses dispositions,

-constaté qu’en application de l’exécution provisoire ordonnée par le premier juge, Monsieur [N] a versé au titre de la prestation compensatoire la somme de 17600 €,

-débouté les parties de leurs autres demandes,

-dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile

-dit que chacune des parties doit garder à sa charge ses propres dépens.

Madame [E] [P] a formé un pourvoi de cet arrêt.

Par arrêt du 4 novembre 2015, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé,« mais seulement en celles de ses dispositions qui condamnent Monsieur [N] à payer à Madame [E] [P] une prestation compensatoire de 76.800 € sous forme d’un capital en quatre-vingt-seize mensualités de 800 € chacune et en ce qu’il constate, qu’en application de l’exécution provisoire ordonnée par le premier juge, Monsieur [N] a versé au titre de la prestation compensatoire la somme de 17.600 € », l’arrêt rendu le 30 mai 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Paris, a remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, ‘ les a renvoyées devant la cour d’appel de VERSAILLES, ainsi que laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.

Le 15 février 2016, Monsieur [N] a saisi la cour d’appel de VERSAILLES.

Dans ses dernières conclusions du 22 décembre 2016 Monsieur [N] demande de :

-infirmer le jugement du 13 juillet 2011 dans ses dispositions relatives à la prestation compensatoire, et statuant à nouveau :

A titre principal,

-débouter Madame [E] [P] de l’ensemble de ses demandes, au titre de la prestation compensatoire,

-condamner Madame [E] [P] à lui verser la somme de 45.000 € au titre de la prestation compensatoire,

A titre subsidiaire,

-débouter Madame [E] [P] de l’ensemble de ses demandes, au titre de la prestation compensatoire ;

En tout état de cause,

-condamner Madame [E] [P] au paiement à Monsieur [N] de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner Madame [E] [P] aux dépens d’appel.

Dans ses dernières conclusions du 16 janvier 2017, Madame [E] [P] demande de :

-infirmer le jugement du 13 juillet 2011 en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire, et statuant à nouveau,

-condamner Monsieur [N] à lui verser une prestation compensatoire sous forme d’un capital de 120.000 €,

-dire que ce capital sera réglé par abandon de la part de Monsieur [N] sur le bien immobilier situé à [Adresse 3] pour un montant de 82.250 €, la décision à intervenir opérant cession formée en faveur de Madame [E] [P] et d’un capital complémentaire de 37.750 €,

-débouter Monsieur [N] de ses plus amples demandes,

-condamner Monsieur [N] à payer à Madame [E] [P] 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner Monsieur [N] aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 31 janvier 2017.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétention des parties, la cour renvoie à leurs écritures, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR LA COUR

Sur la prestation compensatoire :

La Cour de cassation a motivé ainsi sa cassation sur deux moyens :

« Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche, qui est préalable et recevable :

Vu les articles 270 et 271 du code civil,

Attendu que, pour condamner Monsieur [N] à verser une prestation compensatoire à son épouse, l’arrêt relève, tant par motifs propres qu’adoptés, que l’époux perçoit en plus d’un salaire, des allocations familiales ;

Qu’en statuant ainsi, alors que ces prestations, destinées à l’entretien des enfants, ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

« Et sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l’article 1079 du code de procédure civile,

Attendu que, selon ce texte, l’exécution provisoire de la prestation compensatoire ne prend effet qu’au jour où le prononcé du divorce a acquis force de chose jugée ;

Attendu qu’après avoir confirmé le chef du jugement ayant fixé à 76.600 € le montant de la prestation compensatoire, l’arrêt constate qu’en application de l’exécution provisoire ordonnée par le premier juge, Monsieur [N] a versé la somme de 17.600 € ;

Qu’en statuant ainsi, après avoir constaté qu’elle était saisie d’un appel général ce dont il résultait que le prononcé du divorce n’était pas passé en force de chose jugée, la cour d’appel a violé le texte susvisé  ».

Cela étant posé, Monsieur [N] fait valoir après cette cassation, qu’il est depuis plusieurs années dans une situation financière difficile, et plongé dans une profonde dépression depuis 2013, expliquant :

-qu’il a payé une pension alimentaire au titre du devoir de secours à Madame [E] [P] en exécution de l’ordonnance de non-conciliation du 13 février 2008 jusqu’en juillet 2013,

-qu’il vit depuis août 2013 chez sa mère à SAINT NAZAIRE les EYMES a côté de [Localité 6], laissant le domicile conjugal à ses enfants majeurs, tout en continuant d’assumer les charges communes,

– que depuis mai 2014, il est indemnisé par la CPAM environ 1.269 € par mois pour arrêt maladie, puis a été placé en invalidité depuis le 15 avril 2016 avec une pension d’environ 732 € par mois, et que sa mère a décidé de lui verser une aide financière chaque mois,

-que son état de santé ne lui permet pas d’envisager un retour à l’emploi, la durée de sa maladie alors qu’il a 56 ans, amenuisant ses possibilités d’un tel retour à l’emploi,

-et qu’en raison de son absence de validation de tous ses trimestres du régime général, il va subir une importante décote de sa pension de retraite.

Monsieur [N] indique que pendant ce temps Madame [E] [P] qui est en bonne santé, se livre à ses activités artistiques (peinture et photographie) qui sont pour elle une source de gains financiers lui permettant de vivre dans un très appartement du 7 ème arrondissement de PARIS et de faire de nombreux voyages à l’étranger, comme cela ressort de son profil Linkedin et des reportages photographiques. Il dit qu’elle fait abstraction d’un appartement de 340 m² dont elle est propriétaire avec ses deux frères, situé à [Localité 7], que depuis 2008, elle n’a assumé aucune charge concernant tant les enfants que les biens communs, qu’elle a usé pendant plusieurs années de « l’entraide familiale », ne rapportant pas la preuve d’avoir recherché le moindre travail. Pour lui les revenus de 800 € par mois qu’elle revendique, sont sans rapport avec son train de vie, et ne permettent pas de conclure qu’elle aurait vécu, ni qu’elle serait amenée à vivre dans un futur proche dans une quelconque situation de précarité.

Il dit que [Z] qui n’est pas encore stabilisée professionnellement et enchaîne des postes de vendeuse, le sollicite régulièrement pour payer ses factures.

Pour lui sa situation professionnelle est moins florissante que celle de Madame [E] [P] qui n’établit pas qu’il tirerait un revenu d’une quelconque activité, expliquant que la société civile immobilière qu’il a créée en ESPAGNE est destinée à gérer la part qui est la sienne dans la succession de son père décédé en [Date décès 1] 2015, dont notamment la vente d’un appartement situé en ESPAGNE, appartenant en usufruit et pour partie en pleine propriété à sa mère.

Il conteste être « dans une relation de couple durable avec Madame [G] [M] [Y] », indiquant que l’attestation de Madame [Z] [A] n’est pas manuscrite et ne contient pas de date des faits, et que les pièces 13 et 56 de Madame [E] [P] ne sont pas traduites par un traducteur assermenté (cf communiqué du syndicat médical de la région de [Localité 8] et extraits des conversations Facebook de [Q] [E] [P] et de M. [Z]). Il conteste également l’évaluation faite par Madame [E] [P] du studio commun de la [Adresse 3]. Il ajoute que le temps passant le montant de ses droits dans la communauté ira en diminuant au regard de l’indemnité d’occupation dont il est redevable envers celle-ci, contrairement à Madame [E] [P].

Pour Monsieur [N], le divorce a altéré de façon plus profonde sa vie que celle de son ex-épouse.

Madame [E] [P] réplique que Monsieur [N] a cessé de payer la pension alimentaire au titre du devoir de secours à compter de juin 2013, la laissant depuis lors dans le dénuement le plus total, qu’elle ne travaille pas et ne survit que grâce au RSA, qu’elle est prise en charge pour ses frais de santé par la CMU, et que bien qu’inscrite à Pôle Emploi, elle ne peut pas trouver de travail car âgée de près de 64 ans, sans diplôme ni expérience. Elle explique avoir été hébergée par des amis depuis son départ du domicile conjugal, puis par sa mère à [Localité 9] et enfin à PARIS dans un studio prêté par des amis, et espère intégrer le studio de la [Adresse 3] en février-mars 2017 après le départ de la locataire qui a donné congé. Elle conteste disposer d’un patrimoine propre, et être propriétaire d’un bien immobilier au VENEZUELA. Elle ajoute que la photographie est « une passion » pour elle, mais ne lui rapporte pas d’argent, que les rares expositions auxquelles Monsieur [N] fait référence, ne lui ont pas permis de réaliser la moindre vente à ce jour, que pendant de nombreuses années, elle s’est occupée de leurs trois enfants ce qui l’a empêchée de travailler, et qu’elle ne pourra donc prétendre qu’à une pension de retraite d’un montant extrêmement modeste.

Sur le patrimoine commun, elle explique que le studio de la [Adresse 3] n’a eu aucun travaux depuis 1948, et qu’il peut être estimé à 165.000 € selon des agences immobilières.

Madame [E] [P] dit que Monsieur [N] habite depuis juin 2013 en ESPAGNE à [Localité 8], chez sa compagne Madame [G] [M] [Y] qui est chirurgien dentiste, qu’il se contente d’allers retours mensuels à [Localité 2] pour régler ses affaires et percevoir les indemnités journalières puis la pension d’invalidité, qu’en fait sa mère ne l’aide pas financièrement, mais a aidé son frère ainé [U] [N], et que la dépression qu’il invoque, l’interroge dès lors qu’il voyage beaucoup depuis plusieurs années avec sa compagne, et ne justifie pas d’un traitement complémentaire comme une psychothérapie. Elle ajoute qu’aucun des trois enfants ne réside à [Localité 2], étant indépendants et autonomes, et que Monsieur [N] a vidé en 2008 les plans d’épargne logement de ces derniers à son profit,

Madame [E] [P] estime que Monsieur [N] a créé une situation d’insolvabilité lui permettant d’échapper à la prestation compensatoire accordée par le tribunal et la cour d’appel, qu’il dissimule d’ailleurs les informations concernant son patrimoine propre, et qu’il présente une situation financière des plus déséquilibrée avec des charges qui ne correspondent pas aux revenus qu’il est censé percevoir. Elle dit que le patrimoine commun permet à Monsieur [N] de lui régler la prestation compensatoire en capital, et qu’il est impératif et vital pour elle qu’elle puisse se loger dans le studio de la [Adresse 3] de façon définitive et immédiate.

Suivant l’article 270 du code civil, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives, en fonction de la situation au moment du prononcé du divorce et de l’évolution dans un avenir prévisible.

Il y a lieu de tenir compte, notamment, de la durée du mariage, de l’âge et de l’état de santé des époux, de la qualification et de la situation professionnelles des époux, des conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, de leurs droits existants et prévisibles, et de leur situation respective en matière de pension de retraite.

Selon l’article 274 du code civil, le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital. Celles-ci sont limitativement prévues par la loi.

L’article 275 du code civil précise que lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues à l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous la forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

Le 1° de l ‘article 274 dit que le paiement d’une prestation compensatoire peut s’effectuer par le versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 qui indique qu’indépendamment de l’hypothèque légale ou judiciaire, le juge peut imposer à l’époux débiteur de constituer un gage, de donner caution ou de souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente ou du capital.

Enfin le 2° de l’article 274 prévoit « l’attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier ». Mais « toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété de biens qu’il a reçus par succession ou donation ».

Le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation dans sa décision n° 2011-151 QPC du 13 juillet 2011, aux termes de laquelle l’atteinte au droit de propriété qui résulte de l’attribution forcée prévue par le 2° de l’article 274 du code civil ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d’intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d’exécution de la prestation compensatoire en capital de sorte qu’elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l’espèce, les modalités prévues au 1° n’apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation.

Cela étant posé, Madame [E] [P], âgée actuellement de 63 ans et demi, s’est mariée avec Monsieur [N], âgé de 56 ans, le [Date mariage 1] 1981, soit depuis environ 29 ans et demi au moment du jugement de divorce, 26 ans et demi jusqu’à l’ordonnance de non-conciliation, et 31 ans jusqu’à l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS.

Elle ne fait pas état de problème de santé particulier.

En revanche Monsieur [N], soutient souffrir d’une profonde dépression nerveuse depuis 2013, et produit comme preuve deux certificats médicaux identiques d’un médecin psychiatre de [Localité 2] des 8 juin 2015 et 26 décembre 2016 indiquant « suivre régulièrement Monsieur [N] ‘ au regard d’une dépression réactionnelle, d’intensité sévère, inhérente à un divorce, pour le moins conflictuel et traînant, selon ses dires, au point de l’avoir réellement désorganisé au plan de sa personnalité ». Il explique assurer « son suivi depuis le 16 mai 2013 dans le cadre d’une prise en charge de type psycho-chimiothérapique à laquelle, il demeure compliant, poursuivant le traitement médicamenteux ‘ qui arrive à stabiliser le versant thymique et apaiser le trouble anxieux ».

Les revenus actuels de Madame [E] [P] sont constitués par le RSA qu’elle justifie percevoir depuis décembre 2015 et qui s’est élevé à 471 € nets par mois en

septembre 2016 (cf les relevés de décembre 2015 à septembre 2016).

Ses avis d’impôt 2012 des revenus 2011, 2013 des revenus 2012, et 2014 des revenus 2013 indiquent qu’elle a perçu :

-en 2011, des salaires ou assimilés de 414 € nets,

-en 2012, des salaires de 741 €,

-et rien en 2013.

Aucun avis d’impôt postérieur n’est produit.

Les pièces du dossier, dont son CV produit par Monsieur [N], établissent la qualification et la situation professionnelle suivantes de Madame [E] [P], pendant le mariage datant de 1981:

-titulaire d’un BTS vénézuélien de secrétariat de direction, elle a travaillé entre 1979 et 1982, dans « diverses activités, interprétariat et relations publiques en ambassades ‘ et nombreux postes d’hôtesse et assistante … »

-entre 1982 et 1989 : secrétaire au service négoce international de BARCLAYS BANK ;

-entre 1989 et 1994 : création de la société ADIC spécialisée sur les pôles achat, vente de matériel informatique, formation et création de services minitel. Elle dit s’être arrêtée de travailler pour « se consacrer à ses trois enfants nés entre 1991 et 1995 ». Cet arrêt s’est produit entre 1994 et 2001 inclus ;

-entre 2002 et 2003 : assistante administrative d’une chorégraphe de « danse théatre musique relations publiques » ;

-entre 2003 et 2004 : réalisation « de plusieurs articles libres entre 15 et 20 pages dans le cadre de PROFILAGE » avec pour thème « la manipulation mentale et le danger sur la jeunesse ».

Madame [E] [P] ajoute sur son CV que de 1991 à 2005, elle a « coaché » ses trois enfants avec 181 prestations pour des premiers rôles pour des photos de mode, de publicité, à la TV, au cinéma et au théatre.

Monsieur [N], pour établir, selon lui, « l’intense activité » artistique de Madame [E] [P] depuis plusieurs années, produit les pièces suivantes :

-plusieurs photographies de paysages diffusées sur le site internet par Madame [E] [P] de voyages effectués par elle :

*en 2013, à [Localité 10], en ITALIE, à [Localité 11], au KOSOVO, à [Localité 12], à [Localité 13],

*en 2015, à [Localité 10], en ITALIE, sur [Localité 14], à [Localité 15], à [Localité 16], en URUGUAY, et à [Localité 17],

-des reportages photographiques sur le site « www.travelexpressmonthly.com » à [Localité 12], au [Établissement 1] à [Localité 11], et à [Localité 17], aux époques indiquées ci-dessus,

-une exposition de tableaux de peinture de Madame [E] [P] en 2014 à [Localité 17],

-l’enregistrement le 8 mars 2016 de Madame [E] [P], à titre individuel, au répertoire SIRENE dans l’activité « création artistique »,

-sur son profil Linkedin, Madame [E] [P] indique être photographe, à [Localité 9] et en ITALIE, être auteur indépendant, depuis 2000,

-un extrait du site internet « uncomedien.com » du 26 avril 2016 où il est indiqué que Madame [E] [P] est photographe,

-une page de présentation de Madame [E] [P] par elle même, non datée, et dans laquelle elle dit être « artiste photographe », avoir exposé en FRANCE, CHINE, ISRAËL, KOSOVO, TURQUIE, GRECE, ITALIE, ESPAGNE, PORTUGAL, et ARGENTINE, et que depuis avril 2016, six de ses oeuvres figurent dans la collection du musée [Établissement 2] de [Localité 9],

-et la copie d’un livre de photographies de Madame [E] [P] et de Monsieur [B] [X], intitulé « Eclats de rire » comportant 16 photographies de « célébritées », destiné à être vendu à titre philanthropique pour l’Institut [Établissement 3]. Il est précisé que tout le prix de vente de l’ouvrage est destiné à celui-ci.

Si certes ces éléments établissent que Madame [E] [P] peint, expose ses oeuvres, et a photographié des paysages de plusieurs pays, et de personnes « connues » pour une vente de charité au profit de l'[Établissement 3] à [Localité 11], il n’est en revanche pas démontré qu’elle perçoit des revenus ou une rémunération particulière de ces productions, lui permettant de vivre corrrectement.

Ses avis d’impôt établissent cette absence de revenus, même si Madame [E] [P] voyage. Elle établit également que sa mère qui habite [Localité 9] l’a hébergée à compter d’avril 2013, que sa mère est propriétaire d’un appartement à [Localité 7] au VENEZUELA dont un de ses frères récupère des loyers d’un montant modeste, et qu’un autre de ses frères habite à [Localité 9].

Il résulte en effet de plusieurs attestations que Madame [E] [P] a été hébergée à titre gratuit depuis au moins courant 2008, année de sa séparation d’avec Monsieur [N]. Ainsi :

-elle a été hébergée par Madame [B] comme «dame de compagnie » pendant trois ans et demi, jusqu’à début avril 2012, mois au cours duquel cette personne a été en maison de retraite. Elle explique que Madame [E] [P] était logée gratuitement à son domicile, nourrie, et ne percevait aucune rémunération, contre sa présence et le fait qu’elle s’occupait d’elle (cf l’attestation du 18 novembre 2010) ;

-la mère de Madame [E] [P] l’a hébergée (cf l’attestation du 17 mai 2012) à [Localité 9], depuis le 3 avril 2012 ;

-Monsieur et Madame [V], propriétaire d’un studio au dernier étage du [Adresse 2], ont attesté le 17 décembre 2015 l’avoir mis à la « disposition de Madame [E] [P] à titre gracieux ». Cette mise à disposition s’est transformée en location fin 2016 comme décrit ci-dessous.

Le relevé de carrière de Madame [E] [P] arrêté en février 2016 indique :

-qu’elle n’a pas travaillé, ou exercé d’emploi salarié entre 1989 et 2002, étant soit au chômage, soit en arrêt pour congé de maternité, ou pour parents au foyer, Monsieur [N] ne contestant pas sérieusement que Madame [E] [P] s’est occupée des trois enfants du couple nés pendant cette période, et qui étaient d’âges rapprochés ;

-qu’elle n’a validé ou travaillé qu’environ un trimestre par année entre 2003 et 2005 ;

-qu’elle a travaillé ensuite plusieurs mois, ou trimestres entre 2005 et 2011, une activité « régime général » étant indiquée ;

-et qu’à compter de décembre 2015, la période n’est pas retenue au titre du régime général.

Enfin, Madame [E] [P], contrairement à ce que prétend Monsieur [N], démontre être inscrite à Pôle Emploi depuis le 16 décembre 2015 et honorer régulièrement ses rendez vous, le dernier datant du 6 janvier 2017.

Les revenus actuels de Monsieur [N] sont constitués facialement par la pension d’invalidité que lui verse la CRAMIF depuis le 15 avril 2016, de la catégorie 2, d’un montant de 733 € nets par mois (cf la décision du directeur du 27 avril 2016), après avoir été indemnisé d’arrêts maladie sucessifs depuis le 18 avril 2013 jusqu’au 15 avril 2016, alors qu’il travaillait au temps de l’ordonnance de non-conciliation du 13 février 2008 en qualité d’ingénieur pour la société DATAVANCE INFORMATIQUE pour un salaire net mensuel d’environ 3.400 €.

Alors que Monsieur [N] est marié depuis 1981, il ne produit que deux avis d’impôt sur ses revenus, dont un est tronqué, et aucun bulletin de paie.

II ressort de ces deux seuls documents qu’il a perçu :

-en 2008, des revenus fonciers nets de 2.369 € correspondant à la location du studio commun situé [Adresse 3], seul l’avis de prélèvements sociaux étant produit,

-en 2014, des revenus de 37.715 €, comprenant 34.423 € de salaires nets imposables et assimilés, 16 € de revenus de capitaux mobiliers, et 3.276 € de revenus nets fonciers, qui représentent ainsi en moyenne 3.143 € par mois.

Ensuite la cour ne dispose que d’informations éparses sur les revenus perçus par Monsieur [N]. Il a été vu ci dessus le montant de sa pension d’invalidité. Il a perçu entre le 18 avril 2013 et le 31 décembre 2013, des indemnités journalières de 10.186 € nets, et entre le 1er janvier 2014 et le 7 janvier 2016, des indemnités journalières de 29.097 € nets qui représentent environ 1.200 € nets par mois.

A ces sommes sont ajoutées les revenus fonciers procurés par la location du studio de la [Adresse 3]. Mais aucune déclaration de revenus, ni avis d’impôt n’est produit pour les années 2012, 2013, et 2015.

Monsieur [N] soutient et déclare sur l’honneur le 5 mai 2016 que sa mère lui a versé une aide financière de 3.408 € qui interroge la cour sur sa véracité dès lors que l’avis d’impôt 2015 sur les revenus 2014 de sa mère mentionne certes le paiement d’une pension alimentaire pour un enfant majeur de 3.403 € en 2014, mais d’une part sans préciser le nom du destinataire, et d’autre part la cour relève que l’avis d’impôt 2015 sur les revenus 2014 (donc la même année) de Monsieur [N] ne mentionne aucun versement d’une pension alimentaire à son profit par sa mère.

Enfin, il est établi par plusieurs attestations, sans utiliser celle de Madame [Z] REYER qui n’est pas manuscrite, des pages des comptes Facebook et Twitter de Monsieur [N] et de Madame [G] [M] [Y], depuis 2007 jusqu’à mi 2016, que ces deux derniers vivent ensemble en ESPAGNE à [Localité 8] où elle travaille et est installée en qualité de chirurgien dentiste, et pendant leurs nombreux voyages à l’étranger depuis 2007, leurs photographies produites étant éloquentes sur leur proximité et leurs relations suivies, et que Monsieur [N] a créé le 14 avril 2016 à [Localité 8] une société civile immobilière dénommée « [Site Web 1] » (cette dénomination étant la contraction des prénoms de Monsieur [N] et de sa compagne), au capital social de 3000 €, et dont il est l’administrateur unique.

Il soutient que cette société est destinée à gérer les immeubles dont sa mère est propriétaire. Mais il ne produit aucune pièce en ce sens, ni les statuts de la société, ni un premier bilan au bout de six mois d’activité, ni la liste des immeubles dont cette société est propriétaire, ni le montant de son éventuel rémunération s’il en perçoit une.

Les pièces du dossier, dont le CV rédigé par Monsieur [N] et diffusé sur Linkedin, établissent la qualification et la situation professionnelle suivantes de Monsieur [N].

Monsieur [N] qui est diplômé d’une école de commerce, de l’école des cadres, et en gestion des entreprises, a été successivement :

-en 2002, directeur de projet SI télécom pour la Banque Finance,

-d’octobre 2007 à janvier 2009, responsable de projet technique chez BNP Paribas,

-de janvier 2009 à mars 2009, responsable de projet technique chez NATIXIS,

-d’avril 2009 à juin 2010, coordinateur international aux Laboratoires Servier,

-de mars 2011 à juin 2012, chef de projet intégration chez SFR,

-de juillet 2012 à janvier 2013, directeur de projet intégration à la Mutuelle Générale,

-à compter de février 2013, directeur de projet MOA-Crédit du Nord.

Monsieur [N] a été en arrêt de travail peu de temps après son intégration au Crédit du Nord puisque la date de départ de ces arrêts maladie est le 18 avril 2013.

Son relevé de carrière du 10 mars 2015 qui n’entre pas dans le détail du CV, mais corrobore les grandes lignes de celui-ci, indique que Monsieur [N] a toujours exercé un emploi salarié « dans le privé » et a été au chômage :

-non indemnisé de septembre 1984 à mai 1988,

-indemnisé de novembre 1988 à décembre 1990,

-indemnisé de février 2000 à mai 2002.

Les droits à retraite de Madame [E] [P] sont, suivant le relevé de la CNAV du 8 février 2016, de 473 € bruts de pension mensuelle à compter du 1er mars 2016. Madame [E] [P] totalise à cette date 118 trimestres au régime général.

Il ressort d’informations communiquées par INFORETRAITE du 1er octobre 2009 que si Madame [E] [P] prenait sa retraite le 1er juillet 2017, elle percevrait une pension totale versée par la CNAV, l’ARRCO et l’AGIRC de 529 € bruts, et que si elle la prenait le 1er juillet 2018, elle serait de 573 € bruts par mois.

Les droits à retraite de Monsieur [N] sont, suivant « info retraite », le 10 novembre 2015 de :

*102 trimestres à la CNAV,

*2.969 points ARCCO,

*7.022 points AGIRC.

En 2023, il pourrait prétendre à une pension de retraite de 970 € nets, en 2015, de 1.180 € nets, et en 2028, de 1.500 € nets.

Le patrimoine commun des époux mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts est constitué principalement des deux biens immobiliers suivants, aucune information précise n’étant communiquée sur les biens mobiliers comprenant des comptes communs ou des valeurs mobilières communes :

-un appartement de 4 pièces principales, avec un parking et un gardien de l’immeuble, situé [Adresse 1]. Selon l’ordonnance de non-conciliation, sa jouissance a été attribuée à titre onéreux à Monsieur [N]. Etonnament, alors qu’il justifie payer les charges telles que appels de fonds de copropriété, taxes d’habitation et foncières, électricité, gaz, et assurance habitation, il indique vivre chez sa mère près de [Localité 6], depuis août 2013 qui l’atteste le 24 février 2016.

Le fait qu'[T] et [Z] ont reçu des courriers administratifs entre février et mars 2016 à cet appartement, n’établit pas qu’ils y vivent de manière permanente, l’appartement de plus de quatre pièces principales sur environ 100 m² pouvant en tout état de cause les accueillir quand Monsieur [N] y vit.

Dans sa déclaration sur l’honneur du 5 mai 2016, Monsieur [N] évalue l’appartement à 220.000 €. Il s’appuie sur « trois exemples » de ventes d’appartements, sans date, de 4/5 pièces entre 90 m² et 100 m² habitables, se situant entre 286.000 € et 185.000 €, ainsi que sur une page du site « chambre des notaires de Paris » indiquant qu’au 4ème trimestre 2015 les ventes immobilières se situaient dans cette ville à 2.620 € le m².

Madame [E] [P], dans sa déclaration sur l’honneur du 14 octobre 2016, évalue l’appartement à 220.000 € comme Monsieur [N]. Elle produit une estimation d’une agence immobilière du 10 septembre 2011 à 245.000 €.

La cour retient la valeur de 220.000 € conformément aux propositions concordantes des parties, vu la situation géographique de l’immeuble, sa superficie, et son état puisqu’il n’a pas été refait depuis plusieurs années.

-un studio de 23,52 m², situé en rez de chaussée sur cour, [Adresse 3], et loué suivant un contrat de bail, à compter du 1er juillet 2000 environ 1.541 francs par mois indexés, devenus 398,13 € par mois entre novembre 2011 et décembre 2015, et perçus par Monsieur [N] en exécution de l’ordonnance de non-conciliation du 13 février 2008.

Dans sa déclaration sur l’honneur du 5 mai 2016, Monsieur [N] évalue le studio à 260.000 €. Il s’appuie sur « trois exemples » de ventes d’appartements d’une pièce, d’une superficie entre 24 m² et 26 m², faites dans le [Localité 5], se situant entre 270.000 € et 336.000 €, ainsi que sur une page du site « chambre des notaires de Paris » indiquant qu’au 4ème trimestre 2015 les ventes immobilières se situaient dans cet arrondissement à 11.320 € le m².

Madame [E] [P], dans sa déclaration sur l’honneur du 14 octobre 2016, évalue le studio à 161.000 €. Elle s’appuie sur l’estimation de quatre agences immobilières depuis 2011 : tout d’abord une indique un prix de 5.250 € le m², ensuite le 11 septembre 2011, une autre propose un prix se situant entre 6.900 € le m² et 7.000 € le m², et enfin la troisième le 8 septembre 2011 et le quatrième le 31 août 2016, indique un prix de 7.000 € le m².

Ce studio loué depuis 2000, a été libéré par la locataire le 1er février 2017, suivant des courriers de sa part de résiliation du contrat de bail des 2 août et 30 décembre 2016. Madame [E] [P] avait demandé par courrier RAR du 26 juillet 2016, adressé à Monsieur [N], de pouvoir intégrer ce studio pour y vivre.

Ainsi, au vu de la situation de ce studio dans un quartier recherché de PARIS, mais en rez de chaussée, de sa superficie, et de son état délabré que ne conteste nullement Monsieur [N], puisqu’il n’a pas été refait depuis 1948, la cour l’évalue à 165.000 €.

Monsieur [N] déclare que l’actif brut de la communauté s’élève à 668.560 € et le passif à 84317 € dans lequel il compte toutes les récompenses qui lui sont dues selon lui, concernant ses paiements des différentes charges des deux immeubles communs, ce qui conduit à un actif net de 584.243 € partagé en deux entre les parties, soit 292.122 € pour chacun. Ce dernier chiffre est à affiner dès lors que Monsieur [N] doit des indemnités d’occupation de l’appartement de [Localité 2] depuis 2009, et doit partager les revenus fonciers provenant de la location du studio de la [Adresse 3], tandis que Madame [E] [P] doit participer au paiement des charges des deux immeubles.

Madame [E] [P] déclare sur l’honneur le 14 octobre 2016 n’être propriétaire d’aucun patrimoine propre immobilier, ni mobilier, et être hébergée gracieusement depuis 2008.

Monsieur [N] soutient que Madame [E] [P] a utilisé 50.000 € de fonds communs pour acheter avec son frère [D] un appartement à [Localité 7] au VENEZUELA, sans rapporter présentement le moindre commencement de preuve. Les deux documents produits en pièces 34 et 60 rédigés en espagnol ne sont pas traduits, et donc inexploitables par la cour.

Il n’est pas démontré que Madame [E] [P] a des droits sur cet appartement qui appartient à sa mère qui déclare d’ailleurs dans son attestation précitée du 17 mai 2012 que « son fils s’occupe de la location de l’appartement et qu’elle ne peut pas toucher les loyers vivant à [Localité 9] en raison du contrôle des changes au VENEZUELA ». La location qui est de 100 € par mois selon les déclarations du frère de Madame [E] [P] chargé de la location, est difficile eu égard à la situation politique du pays depuis plusieurs années, comme elle le démontre par la production de plusieurs articles de presse.

Monsieur [N] déclare sur l’honneur le 5 mai 2016 n’avoir aucun patrimoine propre immobilier, ni mobilier, alors que Madame [E] [P] soutient qu’il a hérité de son père décédé en [Date décès 1] 2015 au moins d’une partie d’une maison située à [Localité 6], d’une « hacienda » en ESPAGNE et d’un appartement à [Localité 18] en ESPAGNE, après avoir bénéficié d’une donation d’un appartement situé à [Localité 19], vendu ensuite en 2013.

Il résulte de quelques pages d’un acte notarié de donation « entre vifs en avancement d’hoirie » du 27 décembre 2004, que les parents de Monsieur [N] lui ont donné ainsi qu’a ses deux frères et à sa soeur, un appartement de ¿ pièces, sur 74 m² habitables, situé [Adresse 4] qu’ils avaient acheté le 30 juillet 1999. Aucune évaluation n’est indiquée. Monsieur [N] ne conteste pas que cette maison a finalement été vendue au prix de 180.000 €, selon un document partiel produit par Madame [E] [P], et qu’il a reçu une partie des fonds dont il n’indique pas le montant, ni l’emploi et/ou le placement.

Ses parents étaient également propriétaires ensemble d’une maison située à [Adresse 5], suivant un autre document produit par Monsieur [N].

Mais force est de constater que, bien qu’il ne conteste nullement le décès de son père en 2015, il ne produit aucune déclaration de succession complète, établie par le notaire nécessairement dès lors qu’elle est constituée en partie de biens immobiliers.

Il ne s’explique pas plus sur le placement des fonds d’un montant total de 4.437 € qu’il a virés en totalité sur un compte ouvert à son nom le 8 août 2008, et provenant des PEL ouverts au nom de chacun de ses trois enfants à la Caisse d’Epargne Ile de France. Ce fait est établi par les relevés des comptes PEL des enfants et du compte courant ouvert au seul nom de Monsieur [N].

Les charges fixes justifiées de Madame [E] [P] comprennent outre ses dépenses courantes d’entretien, de nourriture et d’habillement, le loyer de 750 € TCC par mois depuis le 1er janvier 2017 du studio situé [Adresse 2], suivant les courriers de

5 juillet 2016 de Monsieur [V] indiquant souhaiter récupérer le studio pour le vendre, et du 1er décembre 2016 le proposant à la location pour le loyer précité, et enfin de la quittance de loyer de janvier 2017.

Madame [E] [P] ne paie aucun impôt sur ses revenus, bénéficie de la couverture CMU depuis le 2 mars 2016, et de l’aide juridictionnelle totale dans la présente instance.

Les deux frères de Madame [E] [P], [D] et [I], attestent les 2 et 21 septembre 2016 qu’elle vit de l’aide de leur famille qui lui a prêté 10.000 €, et qu’elle ne perçoit aucun revenu.

Les charges fixes justifiées de Monsieur [N] comprennent outre les charges habituelles d’assurance automobile, de gaz, et d’électricité, et d’assurances habitation résidence principale pour l’appartement de [Localité 2] en 2015, et 2016, d’assurance propriétaire non occupant pour le studio de la [Adresse 3], et d’assurance multirisques accident de la vie, ainsi que ses dépenses courantes d’entretien, de nourriture et d’habillement :

-les prélèvements sociaux à défaut d’impôt sur ses revenus, pour l’année 2014, de 504 €,

-le solde d’un crédit automobile qui était de 9.853 € le 4 février 2016, accordé par la MATMUT, étant précisé qu’il a résilié le 10 juillet 2016 le contrat d’assurance d’une BMW 630 CIA Pack Luxe mise en circulation le 22 juin 2007,

-la taxe d’habitation et la contribution à l’audiovisuel public 2014 de l’appartement de [Localité 2] de 736 €,

-les taxes foncières 2015 de cet appartement de 1.305 €,

-les charges de copropriété de l’appartement d’environ 821 € par trimestre selon l’appel de fonds du 2 ème trimestre 2016,

-les taxes foncières 2015 du studio de la [Adresse 3] de 351 €,

-et les charges de copropriété du studio d’environ 163 € par trimestre selon l’appel de fonds du 2 ème trimestre 2016.

Monsieur [N] justifie avoir effectué des virements réguliers aux enfants dont la résidence a été fixée chez lui depuis l’ordonnance de non-conciliation, entre août 2011 et décembre 2015, comme il justifie également avoir viré 2.000 € à [Q] le 2 décembre 2016, 5.000 € en deux fois à [T] les 2 et 29 août 2016, et 3.750 € le 8 novembre 2016 à [Z].

La cour s’interroge, outre sur la possibilité pour Monsieur [N] d’effectuer de tels versements alors qu’il ne perçoit depuis plusieurs mois qu’une pension d’invalidité d’environ 733 € par mois, sur la réalité de la dépendance des enfants vis à vis de leurs parents dès lors que Madame [E] [P] justifie avec les CV de ses enfants, de leurs bulletins de paie, et de contrats de bail que :

-[T], titulaire d’un master « in market finance » de [Établissement 4] en 2013, et d’un diplôme de l'[Établissement 5] 2014/2015 en finances et négoce international Trading, travaille depuis 2013 de manière continue sans interruption, tout d’abord comme Trader investissement chez Rivage Investissement à [Localité 11], puis comme sales assistant à la Citi Global Markets Paris, et enfin en qualité de trader/sales assistant pour Goldmans Sachs entre [Localité 20] et [Localité 11] ;

-[Q] est serveur en restaurant depuis juin 2010, d’abord en qualité d’extra jusqu’en septembre 2012, puis en CDD et CDI successivement chez Elnos Speckeasy à [Localité 21], Le Berkeley, et chez Roméo à [Localité 21] entre novembre 2015 et fin février 2016, et actuellement depuis le 15 mars 2016 chez Cobe Le Coq à [Localité 21] pour un salaire moyen mensuel de 1.675 € nets imposables ;

-[Z] qui est titulaire d’une licence d’administration et échanges internationaux obtenue en 2014, et d’un diplôme d’études de linguistiques à l’université de [Établissement 6] entre 2014/2015, a travaillé depuis 1995, pendant ses études, jusqu’en mars 2008 comme actrice, mannequin, vendeuse, hôtesse de caisse, a travaillé également en CDI d’octobre 2013 à juillet 2015 comme responsable polyvalente chez DARTY, puis effectue actuellement des missions d’hôtesse à [Localité 11]. Elle a vécu en foyer du 1er juin au 31 décembre 2015, puis a loué en juillet 2016 un appartement d’une pièce meublée à [Localité 22] pour un loyer mensuel TCC de 529 €.

Il ressort de ces éléments que même si les parents peuvent tout à fait aider encore financièrement leurs enfants, ceux ci sont autonomes, et indépendants, depuis plusieurs années pour les deux jeunes hommes, contrairement à ce que prétend Monsieur [N].

Enfin, Monsieur [N] partage ses charges avec sa compagne Madame [Y] avec laquelle, malgré ses modestes revenus mensuels, il a voyagé, selon leurs comptes Facebook : en 2007 à [Localité 23], fin 2008 dans une station de ski, en 2009 à [Localité 18], en 2010 au [Localité 24] au MAROC, en 2011 à [Localité 25] en FRANCE, en 2015 à [Localité 26], en janvier 2016 en ESPAGNE puis en CHINE.

En conclusion, il résulte de l’ensemble de ces éléments que les choix professionnels effectués par Monsieur [N] pour poursuivre sa carrière professionnelle dans la gestion des entreprises, et le secteur d’établissement de projets a conduit Madame [E] [P], en accord avec Monsieur [N], de ne pas travailler pendant treize années pour s’occuper de leurs trois enfants d’âges rapprochés.

Monsieur [N] ne démontre aucun sacrifice dans sa carrière professionnelle, ascendante et lui permettant de percevoir des revenus élevés pour prétendre lui même à une prestation compensatoire.

Bien plus, eu égard à la longue durée du mariage des époux, de leurs âges respectifs Madame [E] [P] étant plus âgée que Monsieur [N], sans espoir de reprendre un travail salarié, de leur état de santé respectif, des conséquences des choix professionnels faits par Madame [E] [P] pendant la vie commune pour l’éducation des trois enfants et en accord entre les époux, du patrimoine prévisible de ceux-ci en capital après la liquidation du régime matrimonial, de leurs patrimoines propres, celui de Monsieur [N] étant plus élevé que celui de Madame [E] [P], et de leurs droits prévisibles et de leur situation respective en matière de pension de retraite qui sont nettement en défaveur de Madame [E] [P], qui a peu travaillé, ou alors pour des rémunérations inférieures à celles de son époux, est établie la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, disparité qui s’effectue au détriment de Madame [E] [P], et non de Monsieur [N].

Le paiement d’une prestation compensatoire en capital au bénéfice de Madame [E] [P] lui permettra de compenser sa situation financière avec celle de Monsieur [N]. Il convient dans ces conditions de la fixer à 100.000 €, en infirmant le jugement du

13 juillet 2011 de ce chef.

La demande de Madame [E] [P] du règlement de partie de cette prestation compensatoire par « l’abandon de la part de Monsieur [N] sur le bien immobilier situé à [Adresse 3] pour un montant de 82.250 € » s’analyse nécessairement en une demande « d’attribution de ce bien immobilier en propriété ‘ le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier », prévue au 2° de l’article 274 du code civil, de la part du débiteur sur un bien commun situé [Adresse 3], évalué ci dessus à 165.000 € par la cour.

Cette demande de Madame [E] [P] doit être satisfaite comme étant une modalité subsidiaire d’exécution de la prestation compensatoire en capital dès lors que Monsieur [N] a soutenu, et soutient encore, tout au long de la présente instance qu’il ne dispose pas de liquidités permettant de payer la prestation compensatoire, et que la cour a relevé ci-dessus qu’il ne produit que très peu de documents sur son patrimoine immobilier qui existe pourtant, et son patrimoine mobilier, ne communiquant aucun relevé de ses comptes, alors qu’il a un train de vie nettement plus élevé que ne lui permet sa pension d’invalidité perçue depuis un an, vivant entre la FRANCE et l’ESPAGNE, et effectuant de nombreux voyages vers des destinations lointaines depuis plusieurs années jusqu’à fin 2016.

Au vu de ces éléments, les modalités prévues au 1° de l’article 274 du code civil, c’est à dire paiement d’une prestation compensatoire par le versement d’une somme d’argent, et la constitution des garanties prévues à l’article 277 que Madame [E] [P] ne réclame pas, et que Monsieur [N] n’offre pas, n’apparaissent par suffisantes pour garantir le versement de cette prestation compensatoire.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de Madame [E] [P] d’attribution du studio situé [Adresse 3], dans les conditions précisées au présent dispositif, et de dire que la différence entre le prix de cette attribution et le montant de la prestation compensatoire de 100.000 € doit être payée par Monsieur [N], sans délai.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable de condamner Monsieur [N] à verser 2.000 € à l’avocat de Madame [E] [P], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens que cette dernière aurait exposés si elle n’avait pas eu cette aide, cette somme venant en déduction de la part contributive de l’Etat, par application des articles 700 du code de procédure civile, et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Enfin, Monsieur [N] qui succombe, est condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort, après débats en chambre du conseil,

Vu l’arrêt rendu le 4 novembre 2015 par la première chambre civile de la Cour de cassation qui a cassé et annulé l’arrêt rendu le 30 mai 2013 par la cour d’appel de PARIS, « mais seulement en celles de ses dispositions qui condamnent Monsieur [N] à payer à Madame [E] [P] une prestation compensatoire de 76.800 € sous forme d’un capital en quatre-vingt-seize mensualités de 800 € chacune et en ce qu’il constate, qu’en application de l’exécution provisoire ordonnée par le premier juge, Monsieur [N] a versé au titre de la prestation compensatoire la somme de 17.600 € », a remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, les a renvoyées devant la cour d’appel de VERSAILLES, ainsi que laissé à chacune des parties la charge de ses dépens;

INFIRMANT partiellement le jugement du 13 juillet 2011,

FIXE à la somme de 100.000 € la prestation compensatoire en capital due par Monsieur [C] [N] à Madame [V] [E] [P],

ATTRIBUE en propriété à Madame [V] [E] [P] le studio situé en rez de chaussée sur cour, [Adresse 3], évalué présentement à 165.000 €,

DIT que le présent arrêt opère cession forcée de ce studio en faveur de Madame [V] [E] [P],

DIT que la différence entre le montant fixé ci dessus de la prestation compensatoire et de la part de la valeur du studio revenant à chacun des époux soit 82.500 €, doit être payée en capital par Monsieur [C] [N] à Madame [V] [E] [P], soit 17.500 €,

CONDAMNE Monsieur [C] [N] à payer à Maître Jeanne GAILLARD, avocat de Madame [V] [E] [P] la somme de 2.000 € par application des articles 700 du code de procédure civile, et de 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt,

CONDAMNE Monsieur [C] [N] aux dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Odile BOUVENOT-JACQUOT, Présidente, et par Madame Claudette DAULTIER, Greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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