Contrat d’Artiste : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01664

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Contrat d’Artiste : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01664
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 25 MAI 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01664 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC7XJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 décembre 2020 – Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 11-19-004507

APPELANT

Monsieur [Y] [U]

né le 2 mai 1973 à [Localité 14] (VIETNAM)

[Adresse 4]

[Localité 10]

représenté et assisté de Me Victor BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1209

INTIMÉS

Monsieur [J] [G]

né le 1er janvier 1961 à [Localité 12] (93)

[Adresse 3]

[Localité 8]

représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

assisté de Me Célia MARQUES VIERA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0434

Monsieur [D] [T]

né le 21 janvier 1947 à [Localité 11] (79)

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté et assisté de Me Bénédicte AMBLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0113

Monsieur [S] [E]

[Adresse 5]

[Localité 2]

DÉFAILLANT

La sociétéTESSIER SARROU & ASSOCIES, SARL représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 7]

représentée et assistée de Me Philippe GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P362

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre chargée du rapport

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRET :

– DÉFAUT

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

En 2012, M. [G] a donné mandat à la société Neret-Minet et Tessier devenue Tessier Sarrou et associés de vendre plusieurs planches de bande dessinée dont une planche de M. [I] [O] intitulée « Spirou et Fantasio » d’un format de 29,5 cm x 38 cm qu’il avait lui-même acquise en avril 1999 auprès de M. [S] [E].

Le catalogue de la vente qui s’est déroulée le 29 septembre 2012 mentionnait une expertise de M. [D] [T] et décrivait la planche comme suit :

« 267. [O] [I]. « Spirou et Fantasio » Encre de Chine pour la planche 27 de l’album « Tora Torapa » publié aux éditions Dupuis en 1973. Format 29,5 x 38 cm. Signée en bas à droite. (Reproduit p. 48) ».

M. [Y] [U] s’est porté adjudicataire de ce lot n° 267 pour un prix de 7 000 euros, outre 1 674,40 euros de frais.

Par acte d’huissiers en date des 20 décembre 2018 et 9 juillet 2019 M. [U] a assigné la société de vente et M. [G] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d’annulation du contrat de vente du 29 septembre 2012 au motif que la planche ne serait pas l’originale, ce qu’il aurait appris le 22 septembre 2017, l’original ayant été donné par l’auteur à un autre dessinateur de ses amis, [X], puis vendue par sa veuve à un collectionneur belge.

M. [G] a alors, par actes des 26 février 2020 et 3 mars 2020, à son tour assigné M. [E], son propre vendeur et M. [T] l’expert de la vente, devant le même tribunal lequel, après avoir joint les procédures, par jugement réputé contradictoire du tribunal judiciaire de Paris rendu le 29 décembre 2020 auquel il convient de se reporter, a :

– déclaré M. [U] recevable en son action,

– débouté M. [U] de l’ensemble de ses demandes,

– rejeté les demandes des autres parties devenues sans objet,

– condamné M. [U] à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile les sommes de 800 euros à la société Tessier Sarrou et associés, et de 800 euros à M. [G],

– condamné M. [U] aux dépens de l’instance,

– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

Après avoir estimé que la demande de nullité de la vente n’était pas prescrite, l’acquéreur M. [U] n’ayant eu connaissance d’un éventuel défaut d’authenticité de la planche que le 22 septembre 2017, le tribunal a principalement retenu que ce dernier ne rapportait pas la preuve de ce qu’il soutenait faute de produire l’attestation du collectionneur belge et les photographies de la planche prétendument détenue par ce collectionneur et que s’il produisait des documents de l’auteur lui-même indiquant que la planche qui lui avait été soumise était un simple fac-similé, il n’était pas possible de déterminer quelle planche lui avait été soumise et s’il s’agissait bien de celle-ci, que M. [U] n’avait jamais accepté de rencontre avec le collectionneur belge pour confronter les planches et que dans aucun de ses écrits, l’auteur n’avait confirmé avoir donné l’original à [X].

Par une déclaration en date du 23 janvier 2021, M. [U] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 18 juillet 2022, l’appelant demande à la cour :

– d’infirmer le jugement,

– de prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 29 septembre 2012,

– de condamner in solidum M. [G] et la société Tessier Sarrou et associés à lui restituer la somme de 8 674,40 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 7 novembre 2018,

– de condamner in solidum M. [G] et la société Tessier Sarrou et associés à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’appelant soutient que la planche acquise lors de la vente est un fac-similé et que l”uvre originale n’a pas pu être mise en vente à cette date car elle était en la possession de tiers de manière continue depuis 1973 à savoir le dessinateur [X], puis la veuve de ce dernier et enfin le collectionneur belge, ce qu’il affirme démontrer. Il se prévaut des dispositions des articles 1109 et 1110 dans leur version applicable au contrat et de l’article 3 du décret n° 81-255 de mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d”uvres d’art et d’objets de collection, et fait valoir que la planche qu’il a acquise était présentée comme étant la planche originale et que dès lors que tel n’est pas le cas, la vente doit être annulée et que le prix payé doit être restitué.

Aux termes de conclusions n° 3 remises le 13 février 2023, M. [G], intimé, demande à la cour :

– à titre principal, de réformer le jugement en ce qu’il a déclaré M. [U] recevable en son action,

– statuant à nouveau, de déclarer M. [U] irrecevable en raison de la prescription de son action formée à l’encontre de M. [G],

– de rejeter les demandes, fins et conclusions de la société Tessier Sarrou et associés et de M. [T],

– de condamner M. [U] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

– subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [U] de l’ensemble de ses demandes,

– de rejeter les demandes, fins et conclusions de M. [U], de la société Tessier Sarrou et associés et de M. [T],

– de condamner M. [U] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

– à titre infiniment subsidiaire, de condamner in solidum MM. [E] et [T] à le garantir du montant des condamnations, intérêts et frais qui pourraient être prononcés à son encontre,

– d’ordonner la nullité de la vente intervenue en avril 1999 entre M. [E] et lui-même et de condamner M. [E] à lui verser la somme de 381,12 euros à titre de remboursement du prix de vente,

– de condamner in solidum MM. [E] et [T] ainsi que la société Tessier Sarrou et associés à lui payer la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral,

– de condamner in solidum MM. [E] et [T] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’intimé soutient aux visas des articles 2224 du code civil et L. 321-17 alinéa 3 du code de commerce que l’action de l’acquéreur est prescrite depuis le 30 septembre 2017, le délai commençant à courir au jour de la vente. À titre subsidiaire, il fait valoir que l’acquéreur ne prouve pas que [X] et son épouse auraient été en possession de la planche originale de 1973 à 2017, qu’aucune photographie de la planche en possession du collectionneur belge n’est produite et que l’inauthenticité de la planche objet du contrat de vente n’est donc pas démontrée. Il s’appuie sur l’expertise sans réserve de M. [T] lors de son propre achat, souligne que la planche qu’il a achetée n’était pas annotée au dos et à titre très subsidiaire demande l’annulation de la vente d’avril 1999 et appelle en garantie de toute condamnation M. [T] sur le fondement de l’article 1240 du code civil, M. [E] son vendeur et la société Tessier Sarrou et associés pour avoir commis une faute en ne procédant pas à toutes les vérifications nécessaires.

Aux termes de conclusions n° 2 remises le 13 février 2022, M. [T] demande à la cour :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’action engagée à son encontre et débouté M. [U] et toute autre partie de leurs demandes à son égard,

– à titre subsidiaire, de déclarer irrecevable comme prescrit l’appel en garantie formé à titre subsidiaire par M. [G] à son encontre, en tout état de cause de l’en débouter,

– de déclarer irrecevable comme prescrite la demande de dommages et intérêts formée par M. [G] pour un prétendu préjudice moral à son encontre, en tout état de cause de l’en débouter,

– en tout état de cause, d’infirmer le jugement en ce qu’il a omis de lui allouer des sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamnant tout succombant à lui régler la somme de 2 500 euros au titre de ses frais exposés en première instance, rejetant toute demandes à ce titre à l’encontre de M. [T], y ajoutant la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 en cause d’appel, et de condamner tout succombant aux entiers dépens.

L’intimé soutient au visa de l’article L. 321-17 alinéa 3 du code de commerce que les demandes formées à son encontre sont prescrites depuis le 30 septembre 2017, le délai commençant à courir au jour de la vente et rappelle que les dispositions dérogatoires de cet article s’appliquent et font échec au droit commun. À titre subsidiaire, il considère que M. [U] ne rapporte pas la preuve de ses affirmations et soutient que les attestations sont invérifiables, imprécises et tardives et souligne que M. [U] a toujours refusé la comparaison proposée avec l”uvre qui serait détenue en Belgique. Il ajoute qu’il est impossible de savoir quelles planches auraient été présentées par M. [U] pour obtenir les attestations fondant sa demande. Il fait enfin valoir qu’il a dû faire face à des frais de justice pour sa défense alors que toutes les actions et demandes à son encontre étaient prescrites.

Aux termes de conclusions n° 3 remises le 10 février 2023, la société Tessier Sarrou et associés demande à la cour :

– de déclarer M. [U] irrecevable en ses demandes formées à tort son encontre alors qu’elle n’a pas qualité ni intérêt à en répondre en l’absence de lien contractuel au titre du contrat de vente et en sa demande nouvelle formée in solidum en restitution du prix à son encontre,

– de déclarer M. [U] irrecevable comme prescrit et comme demande nouvelle en toute action en responsabilité formée à son encontre, l’adjudication en cause étant intervenue le 29 septembre 2012 soit au-delà du délai dérogatoire de cinq ans fixé à l’article L. 321-17 du code de commerce et à tout le moins de le déclarer mal fondé,

– de déclarer M. [G] irrecevable en sa demande subsidiaire de dommages et intérêts formée à son égard au titre d’un prétendu préjudice moral par application de l’article L. 321-17 du code de commerce et à tout le moins de le déclarer mal fondé,

– de débouter MM. [U] et [G] et tout concluant de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre, en ce compris celles formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,

– de condamner M. [U] aux dépens de l’instance et à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Après avoir rappelé qu’elle n’est que le mandataire du vendeur et qu’elle n’est donc pas partie au contrat de vente, elle conteste la recevabilité de toute demande de condamnation in solidum à son encontre et se prévaut des articles 31 et 32 du code de procédure civile. Elle souligne qu’elle a été assignée le 20 décembre 2018 et que cette assignation ne visait que l’annulation de la vente et non une action en responsabilité, que seule celle-ci aurait pu être intentée à son encontre mais qu’elle est irrecevable comme prescrite en application de l’article L. 321-17 du code de commerce mais aussi comme nouvelle en appel par application de l’article 564 du code de procédure civile. À titre subsidiaire elle fait valoir que l’acquéreur n’apporte pas la preuve du défaut d’authenticité de la planche vendue, que la condamnation à restitution résultant pour un cocontractant de la mise à néant d’un contrat ne constitue pas un préjudice indemnisable et que le préjudice moral allégué n’est pas démontré.

La déclaration d’appel a été signifiée suivant acte d’huissier remis le 24 mars 2021 conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile à M. [E] qui n’a pas constitué avocat. Les conclusions de l’appelant lui ont été signifiées en leur premier état suivant acte d’huissier remis le 6 mai 2021 en personne. Celles de M. [G] lui ont été signifiées suivant acte d’huissier remis le 23 juillet 2021 à étude.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience le 22 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’annulation de la vente du 29 septembre 2012 présentée par M. [U] à l’encontre de M. [G]

1- Sur la recevabilité de cette demande au regard de la prescription

En ce qu’elle est dirigée contre M. [G], vendeur, cette demande ne relève pas des dispositions de l’article L. 321-17 du code du commerce qui ne vise que les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, les officiers publics ou ministériels compétents pour procéder aux ventes judiciaires et volontaires ainsi que les experts qui les assistent dans la description, mais de celles de l’article 2224 du code civil qui prévoient que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En outre il résulte de l’article 1304 du code civil dans sa version applicable au litige que dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans et que ce temps ne court dans le cas d’erreur ou de dol que du jour où ils ont été découverts.

L’article 3 du décret n° 81-255 de mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d”uvres d’art et d’objets de collection dispose qu’« A moins qu’elle ne soit accompagnée d’une réserve expresse sur l’authenticité, l’indication qu’une ‘uvre ou un objet porte la signature ou l’estampille d’un artiste entraîne la garantie que l’artiste mentionné en est effectivement l’auteur. Le même effet s’attache à l’emploi du terme « par » ou « de » suivie de la désignation de l’auteur. Il en va de même lorsque le nom de l’artiste est immédiatement suivi de la désignation ou du titre de l”uvre ».

Lors de la vente aux enchères du 29 septembre 2012, la planche litigieuse a été présentée comme signée et donc comme étant une planche originale. Aucun des intimés ne conteste ce point et ils soutiennent d’ailleurs tous devant la cour comme devant les premiers juges qu’il s’agit bien d’un original. M. [U] n’avait donc aucune raison d’en douter avant que le 22 septembre 2017, un ami lui ait fait connaître qu’il connaissait un collectionneur qui était en possession de l’original et que sa planche ne serait donc pas authentique. Dès lors le délai de prescription n’a couru, en ce qui concerne l’action en nullité du contrat intentée par M. [U] contre M. [G], qu’à compter de cette date. L’action en nullité de la vente ayant été introduite à l’encontre de M. [G] par acte du 20 décembre 2018, elle n’est pas prescrite et apparaît recevable.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. [U] recevable en son action à l’encontre de M. [G].

2- Sur le bien-fondé de la demande de nullité de la vente du 29 septembre 2012

Il résulte de l’article 1110 du code civil dans sa version applicable au litige que l’erreur qui porte sur la qualité substantielle de la chose vendue est une cause de nullité et il est constant que l’authenticité d’une ‘uvre est une qualité substantielle. Il résulte de ce qui précède que M. [G] a vendu à M. [U] le 29 septembre 2012 par adjudication le lot n° 267 comme étant l”uvre originale dessinée par [I] [O] de la planche n°27 de l’album « Tora Torapa » publié aux éditions Dupuis en 1973. Nul ne conteste que le fait d’acquérir une ‘uvre originale dessinée par l’auteur était un élément déterminant de l’acquisition et du consentement de M. [U].

En revanche les intimés contestent qu’il s’agisse d’un faux.

Pour démontrer qu’il ne peut pas avoir acquis l”uvre originale, M. [U] produit devant la cour les pièces qu’il avait produites en première instance à savoir :

– l’attestation de son ami M. [A] [R] expert-comptable du 27 septembre 2018 lequel affirme l’avoir informé le 22 septembre 2017 de ce qu’un collectionneur belge lui a signalé par téléphone qu’il venait lui-même d’acheter la planche litigieuse auprès de la veuve de [X] auteur de bandes dessinées qui l’avait reçue en son temps du dessinateur [O] lui-même, qu’il s’est lui-même rendu au domicile de ce collectionneur pour prendre en photo ladite planche et lui a adressé les photos ;

– une lettre de M. [I] [O] en date du 30 mai 2018 adressée à M. [Z] [K] « galerie [Z] [K] » ainsi libellée :

« Mon cher [Z],

Tu as soumis à mon expertise la planche 27 de mon Aventure de Spirou TORA TORAPA.

Hélas pour le propriétaire de ce document, et je suis catégorique :

IL NE S’AGIT PAS DE L’ORIGINAL.

C’est un fac-similé et je l’ai tout de suite repéré ne serait-ce que par le papier. Je n’ai JAMAIS utilisé ce type de papier sur lequel il aurait été quasiment impossible de travailler à la plume.

De plus, le côté un peu « buvard » de ce papier n’aurait pas permis un travail en finesse, l’encre risquant de « fuser ».

Enfin le papier de ce document est très léger: je travaille en général avec un papier entre 250 et 300g.

A l’appui de mon affirmation, je joins un échantillon découpé dans la marge d’une autre planche de TORA TORAPA.

Je suis désolé pour le propriétaire de ce fac-similé.

Reçois toutes mes amitiés.

[I] [O] ».

– la planche n° 27 de l’album dont il soutient qu’il s’agit de celle qu’il a acquise à la vente aux enchères organisée le 29 septembre 2012 par l’intermédiaire de la société Neret-Minet et Tessier devenue Tessier Sarrou et associés au dos de laquelle figure la mention manuscrite :

«’Je soussigné [I] [O] AUTEUR de la bande dessinée TORA TORAPA dont est extraite cette planche, déclare qu’il ne s’agit pas là de l’original’»

– une attestation de M. [I] [O] du 05 octobre 2010, régulière en la forme qui est ainsi rédigée :

«’L’écriture du texte manuscrit figurant au dos de la planche 27 de mon album TORA TORAPA est bien mon écriture. La planche présentée comme originale ne l’est absolument pas. Je suis catégorique ».

Il produit en sus les pièces suivantes qui n’étaient pas produites devant les premiers juges :

– une attestation de M. [C] [M] « expert en salle de vente » demeurant à Uccle en Belgique datée du 25 janvier 2021, qui est le collectionneur belge dont parlait l’ami de M. [U], régulière en la forme et ainsi rédigée :

« J’ai reçu de Madame [H], [X], la planche de l’album Spirou et Fantasio intitulé « TORA TORAPA » planche n° 27. Elle l’avait reçue de l’artiste à l’époque de la sortie. Monsieur [A] [R] a montré cette même planche sur un site de collectionneur. Nous sommes entrés en contact afin de confronter les 2 planches. Sur la planche de monsieur [A] [R] de nombreux éléments sont incorrects par rapport à une même planche de la même histoire. Il ne peut s’agir que d’une contrefaçon : Papier, encrage, bords, gouache’

Aucun élément ne correspond donc à une véritable planche originale (dans la collection de monsieur [A] [R]) de cet album de [O]. Pour moi aucun doute la planche montrée par monsieur [A] [R] est fausse.

Voici la description de la vraie planche n° 27 :

« dimensions 135×45 cm

espace de 1 cm sur la partie supérieure

espace de 4 cm de blanc en dessous de la partie inférieure

traces de papier collant’: 4 sur la gauche et 4 sur la droite

mentions de l’artiste (manuscrite) « 27 Tora Torapa en majuscule en bas à droite 63y ».

– une attestation de M. [I] [O] en date du 28 février 2021, régulière en la forme ainsi rédigée :

« Je soussigné [I] [O], scénariste dessinateur de l’aventure de Spirou et Fantasio « Tora Torapa » publiée en 1973, certifie avoir offert la planche originale n° 27 de cette ‘uvre à mon ami [X] [H] dans le passé ».

Il est ainsi démontré, ce qui n’était pas le cas devant les premiers juges, que le dessinateur [I] [O] a offert l”uvre originale de la planche litigieuse à son ami le dessinateur [X], puis que la veuve de [X] l’a vendue à M. [M], collectionneur belge et que celui-ci la possédait au moment de la vente sur adjudication de la planche en la possession de M. [G]. Dès lors, la planche propriété de M. [G] vendue sur adjudication à M. [U] le 29 septembre 2012 ne peut pas être l”uvre originale et que lorsqu’elle a été présentée au dessinateur lui-même, celui-ci a attesté qu’il ne s’agissait pas de l’original et pour preuve, a lui-même annoté le dos de la planche qui lui était présentée. Il importe donc peu que lors de la vente du 29 septembre 2012 cette planche n’ait présenté aucune annotation au dos puisque les circonstances de l’apparition ultérieure de cette mention sont claires.

Il est ainsi suffisamment démontré que la planche acquise par M. [U] n’était pas un original alors qu’elle était vendue comme telle et que cette erreur portant sur une qualité substantielle doit entraîner l’annulation de la vente et partant les restitutions réciproques de la planche acquise et du prix de vente soit 8 674,40 euros, ce dernier avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 9 juillet 2019 délivrée à M. [G], la mise en demeure du 7 novembre 2018 ne lui étant pas adressée.

Il y a donc lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande d’annulation de la vente du 29 septembre 2012, de prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 29 septembre 2012 entre M. [U] et M. [G] par l’intermédiaire de la société la société Neret-Minet et Tessier devenue Tessier Sarrou et associés portant sur la planche n° 27 de l’album Tora Torapa prétendument attribuée à [O] et en conséquence de condamner M. [G] à payer à M. [U] la somme de 8 674,40 euros en restitution du prix et des frais augmenté des intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2019 contre la restitution qui devra lui être faite par M. [U] de ladite planche désormais annotée au dos par le dessinateur lui-même de la mention manuscrite « Je soussigné [I] [O] AUTEUR de la bande dessinée TORA TORAPA dont est extraite cette planche, déclare qu’il ne s’agit pas là de l’original ».

Sur la recevabilité des demandes de M. [U] à l’encontre de la société Tessier Sarrou et associés

Il résulte de l’article L. 321-17 du code du commerce que les actions en responsabilité civile engagées à l’occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques se prescrivent par cinq ans à compter de l’adjudication ou de la prisée. Or la vente a eu lieu le 29 septembre 2012 si bien que l’action intentée par M. [U] par acte du 20 décembre 2018 à l’encontre de la société Neret-Minet et Tessier devenue Tessier Sarrou et associés est irrecevable comme prescrite.

Sur les demandes infiniment subsidiaires de M. [G]

La vente entre M. [G] et M. [U] ayant été annulée, il convient d’examiner les demandes présentées à titre infiniment subsidiaire par M. [G] qui sollicite en ce cas :

– la nullité de la vente intervenue en avril 1999 entre M. [E] et lui-même et la condamnation de M. [E] à lui verser la somme de 381,12 euros à titre de remboursement du prix de vente,

– la condamnation in solidum de MM. [E] et [T] à le garantir du montant des condamnations, intérêts et frais qui pourraient être prononcés à son encontre,

– la condamnation in solidum de MM. [E] et [T] et de la société Tessier Sarrou et associés à lui payer la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral,

– la condamnation in solidum de MM. [E] et [T] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

1- Sur la demande d’annulation de la vente consentie par M. [E] à M. [G]

M. [G] soutient avoir lui-même acquis cette planche comme étant une ‘uvre originale auprès de M. [E] en 1999 au prix de 381,12 euros.

Il résulte du mail de M. [E] du 5 mars 2020 que celui-ci reconnaît avoir vendu à M. [G] en 1999 la planche au prix de 382 euros, qu’il pensait qu’il s’agissait d’un original, n’avait jamais fait de certificat d’authenticité, et qu’il a du mal à croire qu’elle était fausse car il l’avait achetée à « un libraire Dupuis [Adresse 13] » et qu’il s’interrogeait sur « qui aurait pu faire un faux de [O] à ce prix en 1999 ».

Il est ainsi suffisamment établi que M. [G] a acquis cette planche de M. [E] en pensant acquérir un original, que cette erreur était excusable compte tenu des circonstances de son acquisition et de la propre croyance du vendeur, qu’il s’agissait pour lui en sa qualité de collectionneur d’une qualité substantielle et que dès lors cette première vente faite en 1999 doit être également annulée. M. [E] doit donc être condamné à payer à M. [G] la somme de 381,12 euros en restitution du prix augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2020 date de l’assignation qui lui a été délivrée et ce contre la restitution qui devra lui être faite par M. [G] de ladite planche désormais annotée au dos par le dessinateur lui-même de la mention manuscrite « Je soussigné [I] [O] AUTEUR de la bande dessinée TORA TORAPA dont est extraite cette planche, déclare qu’il ne s’agit pas là de l’original ».

2- Sur la demande en garantie présentée par M. [G] à l’encontre de M. [E]

Celle-ci n’est pas fondée en droit. Le seul fait que M. [G] ait par erreur, cru que cette planche qui n’était accompagnée d’aucun certificat d’authenticité, ait été une ‘uvre originale, si elle permet d’annuler la vente, ne permet pas d’engager la garantie de son propre vendeur quant aux conséquences de l’annulation de la vente par lui consentie en 2012 à M. [U]. En effet, M. [E] n’est en rien intervenu dans le fait que la planche qu’il avait vendue ait pu atteindre plus de 20 fois son prix de départ en étant de nouveau cédée par le biais d’une vente aux enchères chez Drouot grâce à l’expertise de M. [T]. Si la planche a pu être vendue par M. [G] comme une ‘uvre originale et avec un gain considérable, ce n’était pas en raison d’un quelconque document établi par M. [E] ou de la prétendue notoriété de ce vendeur, ni même en raison de la propre croyance de M. [G] lui-même mais bien parce que la vente était faite en salle des ventes et avec une authentification par un expert. En outre la condamnation à restitution résultant pour un cocontractant de la mise à néant d’un contrat ne constitue pas un préjudice indemnisable.

M. [G] doit donc être débouté de sa demande en garantie contre M. [E].

3- Sur la demande de dommages et intérêts de M. [G] contre M. [E]

M. [G] doit également être débouté de toute demande de dommages et intérêts à l’encontre de M. [E], faute de justifier de ce que le comportement de celui-ci ait été à l’origine d’un préjudice moral dont la teneur n’est en rien explicitée dans ses écritures.

4- Sur les demandes présentées par M. [G] contre M. [T] et la société Neret-Minet et Tessier devenue Tessier Sarrou et associés

L’article L. 321-17 du code du commerce dispose que :

« les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques mentionnés à l’article L. 321-4 et les officiers publics ou ministériels compétents pour procéder aux ventes judiciaires et volontaires ainsi que les experts qui les assistent dans la description, la présentation et l’estimation des biens engagent leur responsabilité au cours ou à l’occasion des prisées et des ventes de meubles aux enchères publiques, conformément aux règles applicables à ces ventes.

Les clauses qui visent à écarter ou à limiter leur responsabilité sont interdites et réputées non écrites.

Les actions en responsabilité civile engagées à l’occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meuble aux enchères publiques se prescrivent par cinq ans à compter de l’adjudication ou de la prisée. Mention de ce délai de prescription doit être rappelée dans la publicité prévue à l’article L. 321-11 ».

Cette prescription est parfaitement opposable à M. [G] qui invoque vainement les dispositions de l’article 2224 du code civil et soutient que l’action lui était ouverte pendant cinq ans à compter de sa propre assignation alors que le texte spécial de l’article L. 321-17 du code de commerce propre aux ventes volontaires déroge nécessairement au texte général de la prescription de l’article 2224 du code civil. Dès lors qu’il a présenté ses demandes plus de 5 ans après la vente, elles sont irrecevables.

Ses demandes à l’encontre de M. [T] et de la société Neret-Minet et Tessier devenue Tessier Sarrou et associés ne sont donc pas recevables.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [G] qui succombe doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel hormis les frais d’assignation et de signification à M. [E] qui devra en supporter le coût.

Il apparaît en outre équitable de faire supporter à M. [G] qui succombe les frais irrépétibles de M. [U] à hauteur d’une somme de 2 000 euros et à M. [E] les frais irrépétibles de M. [G] à hauteur de 500 euros.

Il apparaît équitable de laisser aux autres parties la charge de leurs propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’action en nullité de la vente du 29 septembre 2012’et a rejeté la demande de M. [T] au titre de ses frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 29 septembre 2012 entre M. [Y] [U] et M. [J] [G] par l’intermédiaire de la société Neret-Minet et Tessier devenue Tessier Sarrou et associés portant sur la planche n° 27 de l’album Tora Torapa prétendument attribuée à [O] ;

En conséquence condamne’M. [J] [G] à payer à M. [Y] [U] la somme de 8 674,40 euros en restitution du prix et des frais augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2019 contre la restitution qui devra lui être faite par M. [Y] [U] de ladite planche désormais annotée au dos par le dessinateur lui-même de la mention manuscrite « Je soussigné [I] [O] AUTEUR de la bande dessinée TORA TORAPA dont est extraite cette planche, déclare qu’il ne s’agit pas là de l’original » ;

Prononce l’annulation du contrat de vente conclu en 1999 entre M. [J] [G] et M. [S] [E] portant sur la planche n° 27 de l’album Tora Torapa prétendument attribuée à [O] ;

En conséquence, condamne M. [S] [E] à payer à M. [J] [G] la somme de 371,89 euros en restitution du prix augmenté des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2020 contre la restitution qui devra lui être faite par M. [J] [G] de ladite planche désormais annotée au dos par le dessinateur lui-même de la mention manuscrite « Je soussigné [I] [O] AUTEUR de la bande dessinée TORA TORAPA dont est extraite cette planche, déclare qu’il ne s’agit pas là de l’original » ;

Déboute M. [J] [G] de sa demande en garantie et en dommages et intérêts contre M. [S] [E] ;

Déclare irrecevables comme prescrites les demandes dirigées contre M. [D] [T] et contre la société Tessier Sarrou et associés ;

Condamne M. [J] [G] aux dépens de première instance et d’appel hormis les frais d’assignation et de signification à M. [S] [E] et condamne M. [S] [E] aux dépens comprenant tous les frais d’assignation et de signification à son égard ;

Condamne M. [J] [G] à payer à M. [Y] [U] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [S] [E] à payer à M. [J] [G] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente

 


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