Contrat d’Artiste : 25 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/09867

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Contrat d’Artiste : 25 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/09867
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3

ARRÊT SUR RENVOI APRES CASSATION

DU 25 MAI 2023

N° 2023/153

Rôle N° RG 22/09867 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJW4C

SA ALLIANZ IARD

C/

[S] [L]

[T] [L]

[J] [L]

[Y] [L]

[U] [L] épouse [H]

[M] [I]

S.A.S. CAP RIVIERA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Agnès ERMENEUX

Me Jean-Marc SZEPETOWSKI

Me Jean-François JOURDAN

Décision déférée à la Cour :

Sur déclaration de saisine de la Cour à la suite de l’arrêt de la Cour de Cassation en date du 30 Juin 2022 enregistré au répertoire général sous le n° T21-11.669, ayant cassé et annulé l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix en Provence en date du 19 Novembre 2020 lequel avait statué sur appel d’une ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Nice en date du 21 mars 2019.

APPELANTE

Demanderesse à la déclaration de saisine

SA ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2] – [Localité 6]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Alexia FARRUGGIO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Philippe-Gildas BERNARD, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

Défendeurs à la déclaration de saisine

S.A.S. CAP RIVIERA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4] – [Localité 1]

représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laurent LACAZE de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Jean-Philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Hélène AUBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Monsieur [S] [L], demeurant [Adresse 7] – [Localité 1]

représenté par Me Jean-Marc SZEPETOWSKI, avocat au barreau de NICE

Madame [T] [L], demeurant [Adresse 7] – [Localité 1]

représenté par Me Jean-Marc SZEPETOWSKI, avocat au barreau de NICE

Monsieur [J] [L], demeurant [Adresse 7] – [Localité 1]

représenté par Me Jean-Marc SZEPETOWSKI, avocat au barreau de NICE

Monsieur [Y] [L], demeurant [Adresse 7] – [Localité 1]

représenté par Me Jean-Marc SZEPETOWSKI, avocat au barreau de NICE

Madame [U] [L] épouse [H], demeurant [Adresse 7] – [Localité 1]

représenté par Me Jean-Marc SZEPETOWSKI, avocat au barreau de NICE

Madame [M] [I]

Acte de transmission de signification à l’étranger le 16/09/2022 adressé au procureur général de la principauté de Monaco

Acte de transmission de signification à l’étranger à la requête de la SA ALLIANZ IARD le 04/01/2023, demeurant [Adresse 5] – [Localité 8]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 02 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente (rapporteure)

Madame Béatrice MARS, Conseillère

Madame Florence TANGUY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Angéline PLACERES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023 prorogé au 25 Mai 2023.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023 prorogé au 25 Mai 2023,

Signé par Madame Béatrice MARS, Conseillère, pour la Présidente régulièrement empêchée, et Madame Angéline PLACERES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon un bail commercial en date 28 novembre 2016, M. [S] [L] et son épouse, Mme [T] [C], ont donné en location des locaux situés [Adresse 3].

Par acte notarié 20 décembre 2016, la société Cap Riviera a acquis le fonds de commerce de restaurant sous l’enseigne ” Coco Beach ” au prix de 500 000 euros.

Le 16 janvier 2017, la société Cap Riviera a souscrit auprès de la société Allianz, un contrat Profil Pro Multirisque Professionnel n°57415001, à effet au 6 décembre 2016.

Afin d’exploiter le restaurant, elle a entrepris des travaux de rénovation et d’aménagement, entre les mois de décembre 2016 et de juin 2017.

L’ouverture du restaurant a eu lieu le 26 juin 2017.

Le 7 juillet 2017, dans la soirée, un incendie a détruit le fonds de commerce.

La société Cap Riviera a déclaré le sinistre à la société Allianz, laquelle a missionné le cabinet Cunningham Lindsey afin de déterminer les causes et circonstances du sinistre.

Le 24 juillet 2017, les consorts [L] ont résilié le bail consenti à la société Cap Riviera, sur le fondement de l’article 1722 du code civil.

Par ordonnance du 29 novembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice a rejeté la demande de désignation d’un constatant formée par la société Allianz et a fait droit à la demande d’expertise formée par les consorts [L] et leur assureur. M. [N] a été désigné en qualité d’expert.

Par assignation en date du 26 juillet 2018, la SAS Cap Riviera a fait citer en référé la SA Allianz Iard en paiement, à titre provisionnel, de la somme de 602 697,27 euros correspondant aux travaux d’aménagement réalisés avant sinistre (572 697,27 euros) et au contenu des locaux avant sinistre ( 30 000 euros).

Par acte d’huissier du 6 décembre 2018, la compagnie d’assurances Allianz Iard a assigné en intervention forcée M. [S] [L], Mme [T] [L], la société Locam, loueur d’un terminal de paiement, et Mme [I], artiste, qui ayant mis dans le local trois oeuvres en dépôt-vente qui ont été détruites.

M. [J] [L], M. [Y] [L] et Mme [U] [L] sont intervenus volontairement à l’instance.

Selon acte d’huissier du 26 juin 2019, les consorts [L] ont saisi la juridiction du fond et un sursis à statuer a été ordonné dans l’attente de l’issue de la présente procédure.

*

Vu l’ordonnance en date du 21 mars 2019 par lequel le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice a :

– ordonné la jonction des procédures n°18/1972 et 18/1498 ;

Au principal, renvoyé les parties à se pourvoir comme il leur appartiendra mais d’ores et déjà,

– condamné la SA Allianz Iard à verser à la SAS Cap Riviera la somme de 295.000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice ;

– condamné la SA Allianz Iard à verser à la SAS Cap Riviera la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SA Allianz Iard aux entiers dépens ;

– rejeté le surplus des demandes des parties ;

Vu l’appel relevé le 8 avril 2019 par la Sa Allianz Iard ;

Vu l’arrêt en date du 19 novembre 2020 aux termes duquel la cour d’appel d’Aix-en-Provence a :

– confirmé l’ordonnance du 21 mars 2019 prononcée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice quant au principe du versement d’une indemnité d’assurance à la SAS Cap Riviera mais l’infirme sur le quantum de ladite indemnité ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

– condamné la SA Allianz Iard à payer à la SAS Cap Riviera la somme, à titre provisionnel, de 600 470 euros hors taxes ;

– condamné la SA A11ianz Iard à payer à la SAS Cap Riviera la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté M. et Mme [L] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SA Allianz Iard aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu l’arrêt en date du 30 juin 2022 aux termes duquel la Cour de cassation a :

– cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

– remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée ;

Vu la déclaration de saisine de la cour de renvoi en date du 8 juillet 2022 effectuée par la société Allianz Iard ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 3 janvier 2023, par lesquelles la société Allianz Iard demande à la cour de :

Vu l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile,

Vu l’article 2332, 1° du code civil ;

Vu les articles L121-13 alinéa 4 et L.124-3 du code des assurances ;

– constater l’existence de contestations sérieuses affectant la demande de provision de la société Cap Riviera ;

-infirmer l’ordonnance du 21 mars 2019 en ce qu’elle a condamné Allianz au paiement d’une somme de 295.000 euros à la société Cap Riviera à titre provisionnel ;

– condamner la société Cap Riviera à lui rembourser l’intégralité des sommes perçues ;

En tout état de cause :

– débouter les consorts [L] et la société Cap Riviera de leurs demandes au titre de 1’article 700 du code de procédure civile ;

– condanmer la société Cap Riviera à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure civile ;

– les condamner aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 14 novembre 2022, par lesquelles la société CAP Riviera demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L.122-1 et suivants du code des assurances,

Vu les dispositions de l’article L.121-13 du code des assurances,

Vu les dispositions de l’article 835 du code de procédure civile,

– confirmer l’ordonnance du 21 mars 2019 en ce qu’elle a retenu acquise la garantie due par la compagnie d’assurances Allianz à son profit,

– réformer l’ordonnance en ce qu’elle lui a alloué que le paiement d’une somme provisionnelle de 295.000 euros,

– condamner la compagnie d’assurance Allianz Iard, dont l’obligation n’est pas sérieusement contestable, à lui payer la somme provisionnelle de 602.697,27 euros HT, en principal, correspondant aux indemnités dues dans le cadre du sinistre incendie survenu le 7 juillet 2017 et correspondant à hauteur de la somme de 572.697,27 euros HT aux travaux d’aménagement réalisés avant sinistre et à hauteur de la somme de 30.000 euros au contenu des locaux avant sinistre en l’état du plafond de garantie au titre du contenu par la compagnie d’assurances Allianz Iard,

– confirmer l’ordonnance des référés prononcée le 21 mars 2019 en ce qu’elle a condamné la compagnie d’assurances Allianz Iard à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant en cause d’appel,

– condamner la compagnie d’assurances Allianz Iard à lui payer la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les frais et dépens ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 23 novembre 2022, par lesquelles M. [S] [L], Mme [T] [L], M. [J] [L], M. [Y] [L], Mme [U] [L] épouse [H] demandent à la cour de :

Vu l’article 835 du code de procédure civile,

Vu l’article L.121-13 du code des assurances,

Réformer l’ordonnance en date du 21 mars 2019 en ce qu’elle a condamné la Cie Allianz au paiement d’une provision au profit de son assuré Cap Riviera en l’état d’une contestation sérieuse relative à l’opposition formée par les consorts [L] ;

Statuant à nouveau :

– rejeter la demande de condamnation provisionnelle formulée par Cap Riviera à l’encontre d’Allianz,

– condamner la SA Allianz Iard, au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens, distraits ;

Vu les actes de transmission aux fins de signification de la déclaration de saisine de la cour de renvoi et des conclusions d’appelante à Mme [I] en date des 20 septembre 2022 et 4 janvier 2023 ;

SUR CE, LA COUR

La haute cour indique dans son arrêt :

Vu l’article 809, alinéa 2, devenu 835, alinéa 2, du code de procédure civile :

11. Aux termes de ce texte, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

12. Pour condamner la société Allianz à payer à la société Cap Riviera une certaine somme à titre provisionnel, l’arrêt, constatant que la société Cap Riviera fonde sa demande d’indemnisation sur l’application d’une clause du contrat d’assurance garantissant ” les pertes financières correspondant aux frais que vous avez engagés (si vous êtes locataire ou occupant des locaux) pour réaliser des installations ou aménagements immobiliers qui seront devenus la propriété du bailleur par le fait du bail ou de la loi, ou que le propriétaire se refuse à reconstituer tels qu’ils existaient au moment du sinistre en cas de continuation du bail ou de l’occupation “, retient qu’il est constant que l’opposabilité du droit propre du bailleur au paiement de l’indemnité d’assurance au locataire, institué par l’article L. 121-13 du code des assurances au profit des créanciers privilégiés ou hypothécaires, ne peut porter que sur l’indemnité d’assurance due au titre des risques locatifs garantissant la responsabilité du locataire envers le bailleur, qui ne dispose d’aucun droit de préférence sur les indemnités d’assurances dues au seul locataire, car relevant de son bénéfice exclusif, de sorte qu’il n’est pas sérieusement contestable que la société Cap Riviera puisse prétendre à l’indemnité qu’elle sollicite, qui relève de l’assurance de choses garantissant, à son bénéfice seul, les agencements commerciaux réalisés par elle ainsi que ses marchandises, et non de l’assurance du risque locatif.

13. En statuant ainsi, alors que la question de savoir si l’opposition à ce que soit versée à la société Cap Riviera une indemnité provisionnelle pour réparer son préjudice financier résultant de l’engagement de frais d’aménagement du local devenus la propriété des bailleurs et de la perte des meubles qu’il contenait, faite, en application de l’article L. 121-13, alinéa 1er, du code des assurances, auprès de la société Allianz par M. et Mme [L] en tant qu’ils se prévalaient du privilège spécial de bailleur fondé sur l’article 2332, 1°, du code civil, constituait une contestation sérieuse, la cour d’appel, qui l’a tranchée, a violé le texte susvisé.

L’appelante sollicite l’infirmation de l’ordonnance en date du 21 mars 2019, dès lors que l’octroi d’une indemnité provisionnelle se heurte à des contestations sérieuses, compte tenu des oppositions sur les indemnités d’assurance, lesquelles sont attribuées aux créanciers privilégiés ou hypothécaires. Elle fait valoir que l’opposition réalisée par le mandataire des consorts [L] est parfaitement valable et, au visa de l’article 2332 1° du code civil, que les droits de bailleur ne se limitent pas aux loyers et au mobilier garnissant les lieux. Elle indique qu’est considéré de mauvaise foi l’assureur qui, malgré l’opposition d’un créancier privilégié, paie l’indemnité à son assuré. Elle ajoute que les consorts [L] ont réclamé la somme de 745 856 euros, qui est supérieure au montant de la provision sollicitée par la société Cap Riviera. Elle argue des dispositions de l’article L 124-3 du code des assurances, relative au tiers lésé, s’agissant de l’opposition de Mme [I].

La SAS Cap Riviera rappelle qu’elle s’est trouvée défaillante devant la Cour de cassation et soutient qu’elle n’avait pas reçu la déclaration pourvoi et le mémoire notifié par l’assureur. Elle se prévaut du contrat d’assurance qui garantit les pertes pécuniaires et frais complémentaires en cas d’incendie et précise, qu’en vertu de la clause d’accession figurant au bail, l’ensemble des aménagements réalisés par le preneur devient la propriété du bailleur en fin de bail. Elle estime que l’obligation à garantie de la société Allianz n’est pas sérieusement contestable à hauteur de la somme de 602 697,27 euros et développe ses différents préjudices. Elle conteste la régularité de l’opposition réalisée par la société Laurent Expertises et son contenu en tant que demande en paiement. Elle observe que les époux [L] ont été indemnisés par leur assureur à hauteur de 924 416 euros. Elle prétend que le privilège du bailleur ne porte que sur les indemnités d’assurance dues au titre du risque locatif, et non sur l’indemnité due au titre d’une assurance de choses. Elle souligne que Mme [I] n’est pas créancier privilégié ou hypothécaire et conteste l’existence d’une créance certaine liquide et exigible à son égard.

Les consorts [L] indiquent avoir saisi la juridiction au fond, suivant exploit du 26 juin 2019, aux fins d’indemnisation des préjudices subis par la destruction de leur bien. Ils soutiennent que des contestations sérieuses font échec à la demande de provision. Ils rappellent avoir formé opposition entre les mains de l’assureur du preneur et invoquent la validité de cette opposition. Ils font valoir que l’application de l’article L 121-13 du code des assurances nécessite que soit tranché un débat relevant de la compétence exclusive du juge du fond. Ils soulignent qu’ils ont la qualité de propriétaire du bien loué et qu’ils n’ont pas été désintéressés des conséquences du sinistre.

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

ll appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision, tant en son principe qu’en son montant, et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés, sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance.

Aux termes de l’article L. 121-13 du code des assurances : Les indemnités dues par suite d’assurance contre l’incendie, contre la grêle, contre la mortalité du bétail, ou les autres risques, sont attribuées sans qu’il y ait besoin de délégation expresse, aux créanciers privilégiés ou hypothécaires, suivant leur rang.

Néanmoins, les paiements faits de bonne foi avant opposition sont valables. Il en est de même des indemnités dues en cas de sinistre par le locataire ou par le voisin, par application des articles 1733 et 1240 du code civil.

En cas d’assurance du risque locatif ou du recours du voisin, l’assureur ne peut payer à un autre que le propriétaire de l’objet loué, le voisin ou le tiers subrogé à leurs droits, tout ou partie de la somme due, tant que lesdits propriétaire, voisin ou tiers subrogé n’ont pas été désintéressés des conséquences du sinistre, jusqu’à concurrence de ladite somme’.

Ainsi, les droits du créancier muni d’une sûreté sont protégés lorsque ses intérêts sont atteints du fait de la destruction du bien qui constituait l’assiette de sa sûreté.

Lorsque le bien grevé de la sûreté réelle a été détruit à la suite d’un sinistre couvert par un assureur, le droit réel conféré par la sûreté se reporte sur l’indemnité d’assurance due par ce dernier, l’indemnité ayant vocation à compenser la perte du bien.

Si le créancier privilégié ou hypothécaire, qui bénéficie d’une créance est certaine, liquide et exigible, dispose d’un droit propre et direct contre l’assureur dès la survenance du sinistre, son droit ne sera opposable à ce dernier qu’à la condition qu’il ait fait opposition au paiement de l’indemnité à l’assuré.

En l’espèce, les oppositions suivantes ont été effectuées auprès de la société Allianz:

– le 23 août 2017 par le cabinet Laurent Expertises, intervenant pour le compte des époux [L], concernant l’intégralité du coût de la reconstruction et des préjudices consécutifs, en raison du privilège du bailleur ;

– le 28 mars 2018 par la société Locam pour la somme de 18.590,40 euros, concernant un terminal de point de vente loué à la société Cap Riviera ; mainlevée de cette opposition a été donnée devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice ;

– le 16 mai 2018 par Mme [I] pour la somme de 90.324 euros, au titre des objets d’art placés en dépôt vente dans le restaurant de la société Cap Riviera.

Le juge des référés, juge de l’évidence, ne saurait, sans excéder ses pouvoirs, statuer sur la régularité formelle et la recevabilité de l’opposition formée par les bailleurs. De plus, les consorts [L] confirment l’existence du mandat donné à leur expert, le cabinet Laurent Expertises, qui précise intervenir pour le compte de M. et Mme [L]. Par ailleurs, la société Cap Riviera oppose vainement, dans le cadre de la présente instance, l’absence d’évaluation contenue dans l’opposition alors que celle-ci indique ” votre assuré doit au bailleur l’intégralité du coût de reconstruction et des préjudices consécutifs “. De même, la question de l’assiette du privilège du bailleur relève de la compétence du juge du fond et la société Allianz relève dès à présent, à juste titre, le préjudice spécial institué par l’article 2332 1° du code civil et la clause, insérée au bail, concernant les travaux d’aménagement des lieux loués qui feront accession au bailleur dès leur achèvement.

Un accord est certes intervenu entre M. [L] et son assureur, la société Axa, pour la somme de 1 129 925 euros, mais cette dernière est désormais subrogée dans les droits et actions de son assuré ainsi que le mentionne la quittance en date du 15 juin 2020. La possibilité d’un recours subrogatoire à l’encontre de la société Allianz ne peut être exclu.

En outre, il résulte des écritures en date du 28 janvier 2022 prises par les consorts [L] devant le juge du fond que ceux-ci sollicitent la condamnation de la société Cap Riviera et de la compagnie Allianz à leur payer la somme de 517 017 euros, avec intérêts, au titre des préjudices subis et non indemnisés par leur assureur.

En conséquence des développements qui précèdent, la demande de provision se heurte à des contestations sérieuses, de sorte qu’il y a lieu d’infirmer l’ordonnance déférée et dire n’y avoir lieu à référé.

Il sera alloué à l’appelante et aux consorts [L] une indemnité au titre de leurs frais irrépétibles.

La présente décision constitue le titre exécutoire qui permet à la société Allianz d’obtenir la restitution des sommes versées à la SAS Cap Riviera.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt de défaut mis à disposition au greffe,

Infirme l’ordonnance du 21 mars 2019 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Dit n’y avoir lieu à référé concernant la demande de provision formée par la société Cap Riviera ;

Condamne la SAS Cap Riviera à verser, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, d’une part, à la société Allianz Iard somme de 3 000 euros, d’autre part, à M. [S] [L], Mme [T] [L], M. [J] [L], M. [Y] [L], Mme [U] [L] épouse [H], ensemble, la somme de 3 000 euros ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la SAS cap Riviera aux dépens du référé et d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRESIDENTE REGULIEMERENT EMPÊCHÉE, LA CONSEILLERE

 


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