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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 2
ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04514 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSRE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mars 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F21/09273
APPELANT
Monsieur [C] [W]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
INTIMÉES
S.A.S. LOUIS VUITTON MALLETIER
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
S.A.S. LA PAC
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Cécilia ARANDEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Paule ALZEARI, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Olivier FOURMY, Premier Président de chambre
Christine LAGARDE, conseillère
Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Louis Vuitton Mallettier S.A.S. (Ci-après : LVM) est une filiale du groupe LVMH, spécialisée dans la commercialisation d’articles de maroquinerie et d’habillement qu’elle exploite sous la marque Louis Vuitton.
La société LA PAC SAS exerce comme activité principale la production de films publicitaires.
Elle collabore depuis plusieurs années avec la société LVM.
M. [W] est producteur de films publicitaires, activité qu’il exerce par l’intermédiaire de la société Greenlight films dont il est le gérant.
En mai 2021, la société LVM sollicitait la société LA PAC avec laquelle elle collabore depuis plusieurs années en vue de lui confier la gestion de la partie production du film pensé par M. [V], directeur artistique de l’entreprise au moment des faits, visant à présenter le défilé de la saison printemps-été 2022.
Fin mai 2021, la société LA PAC a proposé à M. [W] de postuler pour la réalisation de ce projet, film intitulé Amen Break ainsi qu’une bande-annonce.
L’intervention de M. [W], a été validée par la société LVM via un message whatsapp du 31 mai 2021 adressé à M. [W] par M. [D].
La réalisation du projet par M. [W] a été conclue oralement entre les sociétés LVM et Greenlight films et n’a pas été matérialisée par un document écrit.
Après la réalisation du projet, M. [W] découvre qu’il n’a pas été crédité comme réalisateur et qu’il était crédité en 131e position en tant que « film supervisor ».
Par lettre recommandée en date du 8 juillet 2021, M. [W] mettait en demeure la société LVM, et affirmait que la signature d’aucun contrat de travail ne lui avait été proposée, ni aucune rémunération versée.
Le 18 novembre 2021, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris de demandes tendant à l’exécution et la rupture de son contrat de travail.
Les sociétés LVM et LA PAC ont soulevé in limine litis une exception d’incompétence matérielle au profit du tribunal judiciaire.
Par jugement du 24 mars 2022, le conseil de prud’hommes, statuant exclusivement sur
la compétence de la juridiction pour connaître le litige, s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire.
M. [W] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 14 avril 2022.
Il a été autorisé à assigner à jour fixe par ordonnance du 5 mai 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 11 octobre2022, M. [W] demande à la cour de réformer le jugement du Conseil de prud’hommes en ce qu’il s’est déclaré
incompétent et statuant à nouveau de :
– juger à titre principal que M. [W] bénéficiait de la présomption de
salariat en sa qualité de réalisateur ;
– à titre subsidiaire, juger que M. [W] démontre sa qualité de salarié
des sociétés LA PAC et LVM ;
– en tout état de cause, juger le conseil de prud’hommes de Paris matériellement
compétent pour connaître du litige ;
– renvoyer l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Paris afin qu’il statue sur le
fond du litige ;
– condamner les sociétés LA PAC et LVM à régler chacune la somme de 7 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner les intimées aux dépens dont distraction au profit de Me Stéphane Fertier.
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 21 octobre 2022, la société LVM demande à la cour de débouter M. [C] [W] de son appel, et de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 24 mars 2022 en toutes ses dispositions.
La société LVM demande subsidiairement, si la cour devait recevoir l’appel de M. [W], qu’elle juge que le conseil de prud’hommes de Paris est matériellement incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris pour connaître du litige qui lui est soumis, M. [W] n’ayant été lié par aucun contrat de travail à la société LVM et qu’elle précise qu’à défaut de recours le dossier sera transmis à cette juridiction.
En tout état de cause,
– Débouter M. [W] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. [W] à verser à la société LVM la somme de 7.800 € au titre de l’article 700 CPC, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 19 juillet 2022, la société LA PAC S.A.S. demande à la cour de :
À titre principal :
‘ confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 24 mars 2022 en ce qu’il a jugé le conseil de prud’hommes incompétent pour apprécier le litige au profit du tribunal judiciaire ;
En conséquence,
‘ déclarer le conseil de prud’hommes de Paris matériellement incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris pour connaître du litige qui lui est soumis, Monsieur [W] n’ayant été lié par aucun contrat de travail à la société LA PAC et/ou la société LVM ;
En tout état de cause,
‘ condamner Monsieur [W] à payer à la société LA PAC la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la présomption de salariat
M. [W] soutient qu’il exerce les fonctions de réalisateur et qu’il bénéficie en conséquence de la présomption légale de travailleur salarié édictée au bénéfice des artistes du spectacle par l’article L.7121-3 du code du travail. Il soutient que :
– il est identifié par les parties et sur les documents afférents au film litigieux comme son réalisateur et qu’aucune autre personne n’est mentionnée ou identifiée comme réalisateur sur l’ensemble de la documentation afférente au film et notamment dans les devis, factures et emails.
– il est déclaré comme réalisateur dans le contrat d’assurance du tournage du teaser et du film litigieux en date du 15 juin 2021.
– la saisie-contrefaçon a permis d’établir que LA PAC avait transmis à LVM, le 21 juin 2021, à la demande de cette dernière, un générique qui faisait apparaître M. [W] comme réalisateur.
– par message whatsapp, le directeur artistique, M. [V], a proposé de repositionner le nom de M. [W] et de rétablir sa qualité de réalisateur au générique
– il a effectivement effectué le travail de réalisation tant au stade du choix de décors, de la préparation du tournage, de la mise en scène, des prises de vue et de son, du choix des collaborateurs de création, du découpage technique du film, des travaux de montage.
En outre, M. [W] soutient que la seule exception permettant de renverser cette présomption est la démonstration, au terme de l’article L7121-3 que l’artiste concerné exerce :« l’activité qui fait l’objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. », ainsi le fait que l’artiste soit par ailleurs gérant d’une société est indifférent dans le renversement de la présomption tant qu’il n’est pas démontré l’acceptation d’un risque économique au travers de la participation aux bénéfices et aux pertes.
M. [W] précise qu’il n’a pas participé au financement du film ni pris aucun risque à cet égard.
Il argue également qu’aucun contrat commercial n’a été conclu entre les sociétés LA PAC et LVM et la société Greenlight film, ce dont il résulte que le conseil de prud’hommes ne s’est pas déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce.
En réponse, la société LVM oppose que M. [W] n’a pas mis en ‘uvre sa conception artistique dans le film « Amen Break », et que la présomption de salariat résultant des article L. 7121-2 et L. 7121-3 du code du travail ne s’applique pas.
La société LVM soutient que M. [W] n’a pas effectué les prestations de réalisateur, n’a pas exécuté matériellement sa propre conception artistique et a exercé ses prestations dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. Elle argue que :
– la question de l’apport artistique est déterminante pour instaurer une présomption de salariat pour un réalisateur or, M. [W] soutient lui-même que le film « Amen Break » dépendait de la conception artistique de M. [V].
– M. [W] n’a pas découpé le scénario en plan, ni déterminé les angles de prise de vue puisque le storyboard avait été fourni avant le tournage ce dont il résulte que M. [V] a mis en scène sa propre vision artistique et que M. [W] a ensuite effectué des prestations de technicien afin de l’assister dans la réalisation purement technique du film.
La société LVM fait valoir qu’elle n’a pas donné à M. [W] la qualification de réalisateur, que le film a été produit dans des délais très courts, de sorte que tous les documents
contractuels n’ont pas pu être établis et que le terme de réalisateur a été utilisé uniquement dans un souci de simplicité. Elle soutient à cet égard que le terme de « réalisateur » utilisé notamment dans des échanges de mails n’est pas une reconnaissance des prestations effectivement réalisées par M. [W] mais un terme simplifié afin de faciliter les échanges en interne, le terme de « Conseiller technique à la réalisation cinéma » étant bien plus long.
La société LVM soutient aussi que :
– M. [V] a proposé à M. [W] de se voir créditer du titre de « Film maker » et non pas de « Director » puisqu’il n’était pas en charge de la direction et réalisation artistiques, ce qui est confirmé par plusieurs attestations des membres de l’équipe.
En réponse, la société LA PAC oppose que :
– La présomption de non-salariat est attachée aux personnes physiques dès lors que
ces dernières sont immatriculées au R.C.S, et que la présomption de salariat attachée aux artistes du spectacle ne s’applique pas lorsque l’intéressé exerce son activité dans des conditions impliquant son inscription au R.C.S.
– En présence d’une présomption de non-salariat, c’est à celui qui se prévaut de la qualité de salarié de rapporter la preuve des éléments caractérisant l’existence d’un contrat de travail.
La société LA PAC argue que :
– M. [W] était immatriculé au R.C.S de Nanterre sous le numéro 500 339 551 et qu’il était lié par un contrat de prestation de service au profit de la société LVM qui consistait à assurer une mission d’assistance technique à la réalisation du film réalisé et dirigé par M. [V].
– Il exerçait des missions de conseiller technique à la réalisation ainsi il ne peut revendiquer le bénéfice de la présomption de salariat résultant des articles L. 7121-2 et L. 7121-3 du code du travail, dans la mesure où celle-ci est réservée « aux artistes du spectacle», au titre desquels« le metteur en scène, le réalisateur et le chorégraphe».
La société LA PAC se joint à l’argumentaire de la société LVM qui détaille les éléments matériels permettant de considérer que M. [W] assurait une prestation de conseiller technique à la réalisation, et non de réalisateur.
Aux termes de l’article L7 121-2 10° du code du travail, « sont considérés comme artistes du spectacle, notamment le metteur en scène, le réalisateur et le chorégraphe, pour l’exécution de leur conception artistique. »
Selon l’article L7 121 -3 du code du travail,
« tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. »
En l’espèce, il est expliqué et non contesté que la société LVM organise, au moins deux fois par an, un défilé afin de présenter ses collections de prêts-à-porter et accessoires.
Les défilés sont réalisés sur les instructions du Directeur artistique qui décide des modèles qui seront présentés mais également du lieu, du thème, des décors, de la musique.
Monsieur [X] [V] était le directeur artistique de la ligne pour hommes de Louis Vuitton depuis le mois de mars 2018 jusqu’à son décès le 28 novembre 2021.
En raison de la situation sanitaire, une majeure partie des défilés de la Fashion Week de Paris, collection Homme printemps été 2022 n’ont pu avoir lieu en public et ont dû se tenir de façon’digitalisée’.
Dans ces conditions, le Directeur artistique a réfléchi à un film pour présenter le défilé de la saison printemps été 2022 devant se tenir à la fin du mois de juin 2021.
La société LVM a décidé de confier à la société de production LA PAC la partie production du film. C’est cette société qui a conseillé à LVM de faire appel à Monsieur [W].
Le 28 mai 2021, cette société a adressé à Monsieur [W] le Story board du film afin de lui présenter le projet.
La présomption de salariat édictée pour les artistes de spectacle et notamment le réalisateur, aux termes des dispositions précitées, implique que le réalisateur, pour être considéré comme un artiste de spectacle, ait agi pour l’exécution matérielle de sa conception artistique.
À l’opposé, si le réalisateur ne fait qu’exécuter la volonté du producteur ou du Directeur artistique et non réaliser ou exécuter sa propre conception artistique, il ne peut se prévaloir de la qualité d’artistes du spectacle au sens de l’article L7 121-2.
Il ne peut être pertinemment contesté que le film litigieux a pour origine la conception artistique de Monsieur [X] [V], Directeur artistique au moment des faits.
Il résulte des éléments produits que le Story board adressé à Monsieur [W] le 28 mai 2021 fait bien état de différentes prises de vue. Il prévoit également le type de caméra utilisée.
Le directeur artistique a également décidé des talents et mannequins devant intervenir dans le film.
Ainsi, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a relevé que la ‘conception artistique’du film, telle que prévue dans les dispositions du code du travail, a bien été celle de Monsieur [V] s’agissant du scénario, des lieux de tournage spécifique, des décors, des acteurs, des mannequins et même du montage.
À cet égard, aucune des pièces versées aux débats par l’appelant ne permet de constater qu’il a été reconnu comme réalisateur par le société LVM alors que seul le Directeur artistique et Monsieur [J] ont été identifiés par la société comme réalisateur du film.
À l’opposé, le fait qu’il ait été déclaré comme réalisateur auprès de l’assurance du tournage souscrite par LVM est inopérant, alors que ce document, non contractuel, concerne 17 personnes au total considérées comme indispensables au tournage du film publicitaire.
La responsable de production atteste que Messieurs [V] et [J] était présent sur le tournage.
Elle relate :« sur le lieu du tournage : afin que nous puissions bien voir les pièces de la collection, j’ai demandé à changer de valeur de plan à [X] et [Z] qui ont donc adapté la direction du shoot en conséquence sans que [C] [W] n’intervienne. Je n’ai eu aucun échange avec Monsieur [C] [W] sur quelques sujets de réalisation.
En montage : je confirme que lors de mon arrivée dans la salle de montage (vers 23 heures) [Z] [J] et [X] [V] donnaient leurs instructions directement aux monteurs, sans l’intervention de [C] [W]’. L’étalonnage a été vu et validé par [X] [V] , [Z] [J] et moi-même. [C] [W] n’est pas intervenu dans le montage, il a été conseiller uniquement sur les prises de vue. »
D’autre part, il ne résulte nullement des pièces produites aux débats que Monsieur [W] était décideur dans le choix des décors naturels.
À l’opposé, il est établi que si il a effectué des repérages, la décision finale quant aux décors naturels incombait au Directeur artistique.
La société en charge des décors atteste que Monsieur [W] n’était nullement son interlocuteur alors que les éléments de décor et les matériaux ont été choisis exclusivement par Monsieur [X] [V].
Enfin, outre le Story board adressé le 28 mai 2021, les extraits de conversations WhatsApp versés aux débats ne permettent que de constater que les discussions qui s’en sont suivies avaient pour origine celui-ci lequel constituait la conception artistique de Monsieur [V].
Il résulte donc de l’ensemble de ces éléments que Monsieur [W] ne peut se prévaloir de la présomption de salariat au sens des dispositions de l’article L7121-3 du code du travail.
Il lui appartient donc de démontrer l’existence d’un contrat de travail.
Sur la relation salariale
M. [W] soutient qu’il a été successivement placé sous l’autorité de la société LA PAC et de la société LVM selon les étapes de réalisation du film. Il argue que :
– la société LA PAC a défini un planning auquel il devait se conformer et les conditions logistiques d’exécution de ses fonctions. Elle a par exemple décidé et pris en charge l’ensemble des déplacements et réservation d’hôtels rendus nécessaires pour la réalisation du film ou encore employé l’ensemble des techniciens intervenus sur le tournage et mis à disposition le matériel utilisé.
M. [W] soutient également que lors des trois jours de tournage il a exécuté ses prestations techniques directement sous l’autorité de la société LVM, commanditaire du film. Il argue que l’argument des sociétés qui consiste à le considérer comme un simple « conseiller technique à la réalisation » abonde dans le sens d’une relation salariale, sous les ordres de M. [V].
M. [W] fait aussi valoir que les sociétés LVM et LA PAC ont admis avant la saisine du conseil de prud’hommes que sa rémunération devait revêtir la nature de salaire, outre l’ajout des charges sociales qui confirme la nature salariale.
En réponse, la société LVM soutient que M. [W] exerce son activité dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce puisqu’il exerce son activité au travers de la société Greenlight films SARL. Elle argue qu’il était lié par un contrat de prestation de service avec la société LVM puisque :
– M. [W] choisit sa clientèle et organise librement son activité.
– En application de l’article D. 211-6-1 du Code de l’organisation judiciaire, les tribunaux judiciaires ont compétence exclusive pour connaître des actions en matière de propriété littéraire et artistique ce dont il résulte que le conseil de prud’hommes ne s’est pas déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce.
En réponse, la société LA PAC soutient que :
– le contrat oral qui liait la société LVM à M. [W] avait pour objet l’accompagnement de la société LVM dans la réalisation du film du défilé pour la collection hommes printemps – été 2022 et s’analyse en un contrat de prestation de service.
– le tarif d’intervention de M. [W] a été fixé globalement et forfaitairement pour l’ensemble de ses prestations, indépendamment du temps et des moyens consacrés par M. [W].
– le terme « Réal » est utilisé dans les échanges de mails par souci de simplicité.
– la société LVM n’a en effet jamais imposé à M. [W] une obligation d’exclusivité ou de non-concurrence.
– M. [W] n’apporte pas d’éléments selon lesquels les sociétés lui auraient imposé des horaires, lui auraient donné des instructions précises à travers des ordres ou des directives, lui auraient fixé des objectifs à atteindre ou un prévisionnel de son activité, lui auraient fait des reproches sur la qualité de son travail et lui auraient adressé une décision pouvant s’analyser en une sanction disciplinaire.
La société LA PAC soutient également que la présomption de non-salariat n’est pas renversée par M. [W] qui ne rapporte pas d’éléments propres au contrat de travail, et notamment le lien de subordination qui n’est pas démontré.
Il y a contrat de travail quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre personne, moyennant rémunération.
De cette définition jurisprudentielle découlent trois éléments permettant de caractériser le
contrat de travail. La relation salariée suppose en effet la fourniture d’un travail en contrepartie du versement d’une rémunération , ainsi que l’existence d’un lien de subordination entre l’employeur et le salarié.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les
parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions
de fait dans lesquelles est exercée l’activité.
Au cas d’espèce, il est constant qu’aucun contrat écrit n’a été conclu entre les parties.
La somme de 40’000 euros versée à Monsieur [W] par la société LVM, qualifiée de rémunération, peut constituer à la fois la contrepartie d’un travail mais également la rémunération due dans le cadre d’un contrat de prestation de services.
Surtout, il doit être relevé que Monsieur [W], ne peut, sans se contredire, soutenir qu’il a assumé la plus grande partie des décisions s’agissant de la réalisation du film tout en affirmant qu’il a suivi les instructions de LVM dans le cadre de cette réalisation.
Il doit également être souligné qu’à titre subsidiaire, Monsieur [W] demande à bénéficier de la qualité de salarié tant à l’égard de la société LVM que de la société LA PAC.
Sur ce point, les éléments invoqués et les pièces produites ne permettent pas de caractériser l’existence d’un co emploi.
Surtout, le fait que des dates de tournage, de production, de livraison, le lieu de tournage mais également les conditions d’accès et de sécurité du plateau aient été imposés par la société LVM ne saurait caractériser un lien de subordination en tant que tel alors que ces éléments imposés sont nécessairement induits par la commande d’une prestation de services.
D’autre part, la société LVM observe pertinemment que tout au long des relations, Monsieur [W] a utilisé comme seule adresse e-mail celle de sa société dont il est le gérant.
En outre, aucune des pièces versées aux débats ne permet de constater que ce dernier a reçu des ordres de la part de la société LVM.
De même, il n’est nullement justifié ni même argué que la société LVM disposait d’un pouvoir de sanction à l’encontre de Monsieur [W].
Dans ces conditions, le jugement déféré doit être confirmé sauf à ce qu’il soit précisé que le litige relève de la compétence du tribunal judiciaire de Paris.
M.[W], qui succombe, doit être condamné aux dépens et débouté en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
À l’opposé, il sera fait application de cet article au profit des intimées qui en ont fait la demande.
PAR CES MOTIFS,
Contradictoire, dernier ressort, publiquement
Confirme le jugement déféré sauf à préciser que le conseil de prud’hommes est incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris,
Rappelle que le dossier de l’affaire doit être transmis à cette juridiction,
Condamne Monsieur [C] [W] aux dépens d’appel et le déboute en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [C] [W] à payer à la société LVM et à la société LA PAC chacune la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,