Contrat d’Artiste : 24 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/10006

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Contrat d’Artiste : 24 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/10006
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 24 MAI 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/10006 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCCQQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 17/09422

APPELANT

M. [Y] [D],

né le 4 aout 1959 à Bruxelles (Belgique),

demeurant:

[Adresse 11]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me François DE LASTELLE de la SELARL DE LASTELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0070

INTIMEE

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE [Adresse 10],

siège social:

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par son syndic en exercice la société [S] ET [F] – [R], exerçant sous l’enseigne [R] Seine Saint Denis, inscrite au RCS de BOBIGNY sous le numéro 552 106 551 et dont le siège social est situé:

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Stéphanie BENHAMOU KNELER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0188

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Nathalie RECOULES, Présidente de chambre

Douglas BERTHE, Conseiller rapporteur

Marie GIROUSSE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Laurène BLANCO

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Nathalie RECOULES, Présidente de chambre et par Madame Laurène BLANCO, Greffier présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Aux termes d’un acte sous seing privé du 23 mai 2002 dénommé « bail commercial non soumis au décret du 30 septembre 1953 en raison du caractère accessoire des locaux loués », le syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] a donné à bail à Monsieur [Y] [D] un local de 50m² environ et un local de 62m² environ « situés dans le [Adresse 9] à gauche » à [Localité 6], pour une durée de deux années à compter du 1er juin 2002 et renouvelable dans certaines conditions.

La destination contractuelle des lieux est « l’usage exclusif de dépôt pour matériel ou marchandises sans pouvoir se livrer à aucun travail de fabrication, transformation et autres opérations analogues, ni aucune opération de vente ou réception de clientèle ».

Le syndicat des copropriétaires a fait délivrer un congé à Monsieur et Madame [D] pour le 31 mai 2014.

Par exploit d’huissier en date du 3 décembre 2015, le syndicat des copropriétaires a fait assigner Monsieur [D] devant la juridiction des référés aux fins de validation du congé et d’expulsion et de condamnation à lui payer différentes sommes.

Par ordonnance du 28 juin 2016, la juridiction des référés a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de validation du congé et a condamné Monsieur [D] à payer au syndicat des copropriétaires, à titre provisionnel, la somme principale de 4.676,95 euros.

Par exploit huissier du 31 mai 2017, le Syndicat des copropriétaires a fait assigner Monsieur [D] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de validation du congé, d’expulsion et de fixation d’une indemnité d’occupation.

Par jugement du 09 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

– déclaré Monsieur [Y] [D] recevable en sa défense ;

– déclaré irrecevable comme étant prescrit Monsieur [Y] [D] en sa demande visant à revendiquer le statut des baux commerciaux et à voir ainsi requalifier le bail civil du 23 mai 2002 en bail commercial ;

– ordonné, à défaut d’exécution volontaire à l’expiration de la période d’un mois à compter de la signification de la décision l’expulsion de Monsieur [Y] [D] et de tous occupants de son chef, et si besoin avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier, des locaux situés et désignés :

«[Localité 7]

Locaux situés dans le [Adresse 9], à gauche et comprenant:

Un premier local d’environ 50m2

Un deuxième local de 62 m2 »

et ce, dans les conditions prévues par les articles L.411-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

– dit que le sort des meubles se trouvant dans les lieux lors de l’expulsion sera réglé conformément aux articles L.433-1 à L.433-3 du code des procédures civiles d’exécution ;

– condamné Monsieur [Y] [D] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] une indemnité d’occupation à compter du 1er juin 2014, payée mensuellement, qui sera égale au montant du loyer mensuel outre les taxes et accessoires et indexation dans les conditions prévues au bail signé le 23 mai 2002, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés ;

– condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] à fournir à Monsieur [Y] [D], dans la limite des cinq dernières années, les comptes de régularisations annuelles des charges locatives ;

– dit qu’il appartiendra au syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] de procéder aux régularisations qui s’imposent ;

– condamné Monsieur [Y] [D] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Monsieur [Y] [D] aux dépens qui incluront les frais de signification du congé du 27 novembre 2013 ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige.

Par déclaration du 20 juillet 2020, M. [Y] [D] a interjeté appel partiel du jugement.

Par conclusions déposées le 14 décembre 2020, le Syndicat des copropriétaires [Adresse 10] a interjeté appel incident partiel du jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 06 janvier 2023, par lesquelles M. [Y] [D], appelant à titre principal et intimé à titre incident, demande à la Cour de :

– juger M. [Y] [D] recevable et bien fondé en son appel et ses écritures,

et y faisant droit.

– infirmer le jugement rendu le 09 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :

« – déclaré irrecevable comme étant prescrit Monsieur [Y] [D] en sa demande visant à revendiquer le statut des baux commerciaux et à voir ainsi requalifier le bail civil du 23 mai 2002 en bail commercial ;

– ordonné, à défaut d’exécution volontaire à l’expiration de la période d’un mois à compter de la signification de la décision l’expulsion de Monsieur [Y] [D] et de tous occupants de son chef, et si besoin avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier, des locaux situés et désignés :

«[Localité 7]

Locaux situés dans le [Adresse 9], à gauche et comprenant :

Un premier local d’environ 50m2

Un deuxième local de 62 m2 »

et ce, dans les conditions prévues par les articles L.411-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

– dit que le sort des meubles se trouvant dans les lieux lors de l’expulsion sera réglé conformément aux articles L.433-1 à L.433-3 du code des procédures civiles d’exécution ;

– condamné Monsieur [Y] [D] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] une indemnité d’occupation à compter du 1er juin 2014, payée mensuellement, qui sera égale au montant du loyer mensuel outre les taxes et accessoires et indexation dans les conditions prévues au bail signé le 23 mai 2002, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés ;

– dit qu’il appartiendra au syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] de procéder aux régularisations qui s’imposent ;

– condamné Monsieur [Y] [D] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Monsieur [Y] [D] aux dépens qui incluront les frais de signification du congé du 27 novembre 2013 ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige ; »

– juger que Monsieur [Y] [D] remplit les conditions prévues par l’article L145-2 du code de commerce pour bénéficier d’un bail commercial régi par le statut de la propriété commerciale définie aux articles L145-1 à L145-60 du code de commerce ;

– juger que le congé dont il est demandé au tribunal la validation ne remplit aucune des conditions de formes et de délais prévues par l’article L145-9 du code de commerce et le déclarer nul et de nul effet ;

En conséquence,

– condamner le Syndicat des Copropriétaires, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à régulariser un bail commercial en vertu des dispositions des articles L145 et suivants, et en particulier l’article L145-2 du code de commerce, ledit bail à effet au 1er juin 2004 ;

– juger que la somme de 4 676.95 euros portée au débit du compte de Monsieur [D] n’est pas justifiée outre l’ensemble des provisions appelées à Monsieur [Y] [D] ;

– condamner le Syndicat des Copropriétaires à fournir à Monsieur [D], dans la limite des cinq dernières années, les comptes de régularisations annuelles des charges locatives, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

– juger que Monsieur [D] pourra revenir devant la juridiction de céans afin de faire liquider ladite astreinte et le cas échéant en voir fixer une nouvelle ;

– condamner le Syndicat des Copropriétaires demandeur au paiement d’une indemnité de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1719 du code civil ;

– condamner le Syndicat des Copropriétaires demandeur au paiement d’une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu les conclusions déposées le 04 janvier 2023, par lesquelles le Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10], intimé à titre principal et appelant à titre incident, demande à la Cour de :

confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 9 juillet 2020 en ce qu’il a :

– déclaré irrecevable comme étant prescrit Monsieur [Y] [D] en sa demande visant à revendiquer le statut des baux commerciaux et à voir ainsi requalifier le bail civil du 23 mai 2002 en bail commercial ;

– ordonné, à défaut d’exécution volontaire à l’expiration de la période d’un mois à compter de la signification de la décision l’expulsion de Monsieur [Y] [D] et de tous occupants de son chef, et si besoin avec l’assistance de la force publique et d’un

serrurier, des locaux litigieux ;

– dit que le sort des meubles se trouvant dans les lieux lors de l’expulsion sera réglé conformément aux articles L.433-1 à L.433-3 du code des procédures civiles d’exécution ;

– condamné Monsieur [Y] [D] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] une indemnité d’occupation à compter du 1er juin 2014, payée mensuellement, qui sera égale au montant du loyer mensuel outre les taxes et accessoires et indexation dans les conditions prévues au bail signé le 23 mai 2002, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés ;

– condamné Monsieur [Y] [D] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui incluront les frais de signification du congé du 27 novembre 2013 ;

– condamné le syndicat des copropriétaires à fournir à M. [D], dans la limite des cinq dernières années, les comptes de régularisation annuelles des charges locatives ;

– infirmer la décision des premiers juges en ce qu’elle a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de dommages et intérêts et y rejugeant, condamner Monsieur [Y] [D] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2 000 euros au visa des dispositions de l’article 1240 du code civil ;

– débouter Monsieur [Y] [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant :

En tant que de besoin, valider le congé délivré par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] à Monsieur [Y] [D] les 25 et 27 novembre 2013 ;

– condamner Monsieur [Y] [D] à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10] la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Monsieur [Y] [D] à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10] les dépens d’appel et d’exécution.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera succinctement résumée.

Sur la prescription de l’action en requalification du contrat de bail,

M.[Y] [D], appelant, expose que le contrat de bail signé le 23 mai 2002, à effet au 1er juin 2002, a été conclu pour une durée de deux années, qu’il s’agissait d’un bail dérogatoire au sens de L.145-5 du code de commerce qui stipule que si le preneur reste et est laissé en possession, comme c’est la cas en l’espèce, il s’opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux, qu’en effet le bailleur n’a pas délivré congé pour le 1er juin 2004 et le preneur s’est maintenu dans les lieux, qu’ainsi le concluant n’a jamais demandé au premier juge la requalification judiciaire du nouveau contrat de bail à effet au 1er juin 2004 mais de seulement constater que ledit contrat de bail constituait un contrat de bail commercial soumis aux dispositions du code de commerce par le seul effet de la loi, que la location n’a pas de caractère saisonnier ce qui permet l’application de l’article L.145-5 du code de commerce ; qu’il est rappelée au bail qu’il est artiste sculpteur admis à cotiser à la caisse de sécurité sociale de la mutuelle des artistes, qualité relevant du statut de la propriété commerciale par l’effet de l’article L145-2 du Code de commerce.

Le Syndicat des Copropriétaires de la [Adresse 10], intimé, expose que le bail dérogatoire au sens du code de commerce se définit comme un contrat de location de locaux utilisés pour l’exploitation d’un fonds de commerce ou artisanal alors qu’en l’espèce les locaux litigieux n’ont aucune destination professionnelle rendant cette qualification possible, que les parties au contrat n’ont jamais exprimé clairement leur volonté de placer la relation contractuelle sous l’emprise des dispositions de l’article L145-5 du code de commerce, que le bail litigieux doit donc être qualifié de bail civil car la cour de cassation estime que « la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d’une convention en bail commercial court à compter de la date de la conclusion du contrat » (Cass, 3ème civ., 14 sept. 2017 ‘ n° de pourvoi : 16-23590).

Sur la validité du congé délivré les 25 et 27 novembre 2013,

L’appelant expose que le bail litigieux est soumis aux dispositions du code de commerce ce qui implique le respect des dispositions des articles L.145-1 à L.145-60 du même code en cas de délivrance d’un congé, que ces dispositions n’ont pas été respectés, que dès lors que le bailleur s’est contenté de délivrer un congé simple et non un congé avec offre ou refus de renouvellement.

L’intimé expose que le bail est soumis aux dispositions du code civil dès lors que les parties ont entendu exclure l’application du statut des baux d’habitation ou des baux commerciaux, qu’à cet égard la clause relative à la destination des lieux stipule : « en conséquence, le présent bail ne se trouve pas compris dans le champ d’application du décret du 30 septembre 1953 et n’est donc pas susceptible de conférer au preneur aucun statut légal privilégié tel que droit à indemnité en cas de non- renouvellement ou au maintien dans les lieux (page 2) », que le statut des baux commerciaux ne peut être appliqué dès lors que les locaux ne sont pas affectés à un usage professionnel en ce qu’il ne sont loués que pour permettre le « dépôt de matériel ou de marchandises », que la clause de destination prévoit que « le preneur ne pourra utiliser les lieux présentement loués qu’à usage exclusif de dépôt pour matériel ou marchandises sans pouvoir se livrer à aucun travail de fabrication, transformation ou autres opérations analogues, ni à aucune opération de vente ou réception de clientèle », que le preneur n’est pas autorisé à exercer son activité d’artiste dans les locaux et ne prétend d’ailleurs pas le faire, que les locaux litigieux ne se trouve pas dans une relation de complémentarité avec un local principal, que le congé a été délivré conformément aux stipulations du bail.

Sur l’expulsion et l’indemnité d’occupation,

L’appelant expose que l’expulsion n’est pas justifiée dès lors que le congé est nul et qu’il se trouve occupant des lieux sis [Adresse 2] en vertu d’un bail commercial à effet au 1er juin 2004.

L’intimé expose que le congé est valide, que dès lors Monsieur [D] se trouve occupant sans droit ni titre à compter du 1er juin 2014 et que l’indemnité d’occupation et son expulsion s’imposent donc.

Sur les charges locatives,

L’appelant expose que le bailleur s’appuie sur un compte établi par le Cabinet [H] en date du 5 octobre 2015, que les provisions sur charges intitulées « charges forfaitaire » n’ont pas été régularisées comme l’exige le bail, qu’il appartient au contraire syndicat des Copropriétaires de fournir, dans la limite des cinq dernières années, les comptes de régularisations annuelles des charges locatives.

L’intimé expose que le syndicat bailleur avait confié la gestion de ses biens au cabinet [H] lequel n’a jamais procédé à la régularisation des charges telle que prévue contractuellement et ce, partant du principe que les charges devaient être appelées « forfaitairement », qu’il a toujours cru que le paiement des charges locatives étaient forfaitaires et s’engage à procéder aux régularisations et qu’il est inutile de l’y contraindre par une astreinte.

Sur la réparation du préjudice de jouissance allégué par le preneur,

L’appelant expose que les procédures successives diligentées par le Syndicat troublent sa jouissance paisible, au sens de l’article 1719-3° du code civil, qui est victime d’un « véritable acharnement » de la part du syndicat ; qu’il fait l’objet d’une « hostilité affichée » qui perturbe son activité artistique, que le syndicat a attendu le 31 mai 2017 pour l’assigner, qu’il a vécu dans un « climat délétère et d’anxiété » à l’idée de devoir quitter les lieux.

L’intimé expose que le litige ne porte que sur la restitution de deux remises et non sur celle d’un fonds de commerce ou d’une habitation, que dès lors les allégations du preneur sont fantaisistes, démesurées et ne reposent sur aucun élément de preuve.

Sur les dommages et intérêts,

L’intimé expose que depuis de nombreuses années, l’appelant refuse de libérer les deux remises lui appartenant et ce de manière abusive.

Motifs de l’arrêt :

Sur l’irrecevabilité résultant de la prescription :

Il résulte de l’article L.145-60 du code de commerce que toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans.

L’article L 145-5 du code de commerce disposait dans sa rédaction applicable au litige que les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux statut des baux commerciaux à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux ans. Si, à l’expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre. Il en est de même en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d’un nouveau bail pour le même local.

L’article L.145-1 du code de commerce dispose que le statut des baux commerciaux s’applique aux baux de locaux ou d’immeubles accessoires à l’exploitation d’un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l’exploitation du fonds et qu’en cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires doivent avoir été loués au vu et au su du bailleur en vue de l’utilisation jointe.

L’article L 145-2 6° du code de commerce dispose enfin que le statut de la propriété commerciale s’applique aux baux des locaux consentis à des artistes admis à cotiser à la caisse de sécurité sociale de la maison des artistes et reconnus auteurs d”uvres graphiques et plastiques, tels que définis par l’article 98 A de l’annexe III du code général des impôts.

Enfin, selon l’article 1188 code civil, le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties.

En l’espèce, M. [Y] [D] justifie cotiser à la caisse de sécurité sociale de la maison des artistes et avoir déclaré une activité entrepreneuriale d’artiste sculpteur en septembre 1997. Le bail se définit comme commercial et non « compris dans le champ d’application du décret du 30 septembre 1953 » applicable aux baux commerciaux statutaire. Il a été consenti pour la durée de deux ans prévue par l’article L 145-5 du code de commerce. La rédaction du contrat et de son économie indique donc clairement que les parties ont entendu de façon non équivoque déroger aux statut des baux commerciaux dans les conditions et au sens de l’article L 145-5 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l’époque. Il résulte en outre du bail et de sa déclaration d’activité que M. [D] disposait bien à la date de rédaction du contrat d’un établissement principal qui se situait à proximité immédiate des locaux objets du présent litige, soit au [Adresse 1], cet établissement étant dès lors connu du bailleur qui lui a fait délivrer le congé notamment à cette adresse. Le bail précise en outre expressément qu’il concerne des locaux accessoires. La destination au stockage de ces locaux prévue par le bail caractérise effectivement leur caractère accessoire à un établissement principal et implique dès lors l’application du statut. Il en résulte par conséquent qu’à l’expiration du bail et du fait que le preneur est resté et a été laissé en possession des locaux, il s’est nécessairement opéré par l’effet de la loi un nouveau bail commercial statutaire qui n’a été contesté par le bailleur qu’à l’occasion de la présente instance qu’il a introduite devant le tribunal judiciaire le 31 mai 2017. Il convient en outre de constater que le preneur n’a pour sa part pas demandé ni au tribunal ni à la cour la requalification du bail mais sollicite la nullité du congé à raison du non-respect des dispositions statutaires et que cette prétention ne peut s’analyser sans la dénaturer comme une demande de requalification d’un prétendu bail civil en bail commercial. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur la validité des congés délivrés les 25 et 27 novembre 2013 :

Il résulte de l’article L145-4 et L. 145-9 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la date du congé que le preneur a la faculté de donner congé par acte extrajudiciaire à l’expiration d’une période triennale et six mois à l’avance, que le congé doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné donné.

Par actes des 25 et 27 novembre 2013, Maitre [K], Huissier de Justice à Paris, à la demande du syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] à Paris 13e, a signifié à Monsieur [D] un congé simple portant sur les lieux loués à effet au 31 mai 2014. Il en résulte que ces congés n’obéissent pas aux dispositions suscitées et il y aura donc lieu de les déclarer nul et de nul effet et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point. Dès lors, il n’y a pas lieu à confirmer les dispositions entreprises sur l’expulsion, le sort des meubles et le paiement d’une indemnité d’occupation.

Sur la demande de condamnation sous astreinte du Syndicat des Copropriétaires à « régulariser » un bail commercial :

Il résulte de l’article L 145-9 du code de commerce qu’à défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat et de l’article 1102 code civil que chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi.

Il résulte de ces dispositions que le bail se trouve tacitement prolongé par l’effet de la loi et que la cour ne peut contraindre le bailleur à formaliser un acte instrumentaire. Dès lors, le dispositif du jugement entrepris rejetant cette prétention sera confirmé par substitution de motifs.

Sur les comptes entre les parties :

Le bail stipule, en ce qui concerne les charges, que le preneur devra acquitter en même temps que le loyer, avec la même périodicité, une provision sur charges qui sera fonction du bilan de l’année écoulée et, le cas échéant, du budget prévisionnel de l’année à venir (sauf cas de charges réelles), qu’une régularisation de charges en plus ou en moins interviendra chaque année à la clôture de l’exercice et qu’au jour de la prise d’effet du bail, la provision sur charges est fixée à 61 € par mois pour les deux locaux.

Le syndicat des copropriétaires sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné à fournir à monsieur [D], dans la limite des cinq dernières années, les comptes de régularisation annuelles des charges locatives en ce qu’il avait confié la gestion de ses biens au cabinet [H] qui n’a jamais procédé à la régularisation des charges telle que prévue contractuellement et s’engage dès lors à procéder auxdites régularisations.

Il y a lieu en conséquence de confirmer la condamnation du bailleur à fournir à Monsieur [D], dans la limite des cinq dernières années, les comptes de régularisations annuelles des charges locatives et à l’instar du tribunal, la cour considère qu’il n’est pas justifié de circonstances de nature à compromettre la bonne exécution de cette obligation, de sorte qu’il n’y a pas lieu de prononcer une astreinte.

Sur la demande de condamnation du bailleur à de dommages et intérêts pour défaut de jouissance paisible :

M. [Y] [D] échoue à démontrer que les procédures successives diligentées par son bailleur sont de nature à troubler sa jouissance paisible des locaux ou caractériseraient un acharnement hostile, à savoir une intention de nuire de ce dernier. Il est rappelé que l’accès au juge est garanti aux parties et que le bailleur a usé de voies de droit de manière non abusive. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande de condamnation de M.[Y] [D] sur le fondement de l’article 1240 du code civil :

Le preneur ‘ qui disposait d’un bail dérogatoire puis dispose dorénavant d’un bail statutaire ‘ était fondé à se maintenir dans les lieux loués et il n’y a donc pas lieu de retenir un abus de sa part de s’y maintenir. La décision du premier juge sera donc confirmée sur ce point par substitution de motifs.

Sur les demandes de « juger » :

Par application de l’article 954 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « juger » qui ne constituent pas des prétentions mais ne sont en réalité que le rappel de moyens invoqués.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le bailleur succombant largement en cause d’appel, le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles. Il y a donc lieu de condamner le syndicat des copropriétaires aux dépens de première instance et d’appel par application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. En outre, il apparaît équitable de condamner ce dernier à payer à M. [Y] [D] la somme de 6 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME le jugement du 9 juillet 2020 du tribunal judiciaire de Paris sauf en ce qu’il a :

– déclaré Monsieur [Y] [D] recevable en sa défense ;

– condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] à fournir à M. [Y] [D], dans la limite des cinq dernières années, les comptes de régularisations annuelles des charges locatives ;

– dit qu’il appartiendra au syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] de procéder aux régularisations qui s’imposent ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige ;

Statuant à nouveau,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10] au titre d’une prescription ;

DÉCLARE nul et de nul effet les congés délivrés par syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] les 25 et 27 novembre 2013,

CONDAMNE la syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] aux dépens de la première instance et de l’appel ;

CONDAMNE la syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] à payer à M. [Y] [D] la somme de 6.000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel,

REJETTE les autres demandes.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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