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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 2 – Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 24 DÉCEMBRE 2015
(n° , 6 pages)
N° du répertoire général : 15/00536
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) – RG n° 15/03460
L’audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 21 Décembre 2015
Décision réputée contradictoire
COMPOSITION
Marie-Paule MORACCHINI, président de chambre à la cour d’appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d’appel de Paris,
assistée de Fabienne LEFRANC, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANTE
Mme [C] [H] (personne faisant l’objet des soins)
née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 1]
actuellement hospitalisée à l’hôpital [Établissement 1]
comparante en personne, assistée de Maître Gloria DELGADO HERNANDEZ avocat au barreau de Paris, avocat commis d’office, toque n° E C1534
INTIMÉ
LE DIRECTEUR DE L’HÔPITAL MAISON BLANCHE AVRON,
demeurant [Adresse 2]
non comparant, non représenté
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Madame de CHOISEUL PRASLIN Laure, Substitut général
Madame [H], alors soignée à la clinique [Établissement 2] à [Localité 2] ( [Localité 3]), a été transférée à l’EPS Maison Blanche et admise en soins psychiatriques sans consentement le 29/7/2015 sous le régime de l’hospitalisation complète, au visa de l’article L3212-1II-2°, dans le cadre de la procédure suivie en cas de péril imminent, à compter du 27 juillet 2015, le médecin ayant constaté une décompensation délirante aigue accompagnée de vociférations violentes de refus de tout traitement, de toute alimentation, d’idées de persécution englobant tous les soignants.
Le certificat de 24 heures établi le 28/7/2015 par un médecin psychiatre du Centre Hospitalier de [Localité 4] mentionne une grande dissociation avec détachement émotionnel, froideur et un discours délirant sur un thème de persécution ( vol des idées, peur d’être tuée) avec deux persécuteurs désignés ( ex beau frère et ex chef de service ).
Le certificat de situation du 29 juillet 2015 fait état de l’arrivée à l’EPS de Maison Blanche et de la nécessité de continuer les soins en hospitalisation complète.
Le certificat de 72 heures établi le 30 juillet 2015 décrit la patiente comme étant calme en apparence légèrement tendue et hypervigile, assez coopérante, probablement angoissée, comme présentant un délire persécutif avec idées de préjudice et déniant ses troubles.
Le 2 août 2015, le directeur de l’EPS de Maison Blanche a décidé de maintenir les soins psychiatriques sans consentement et il a saisi le juge des libertés et de la détention par requête du 3 août 2015 aux fins de poursuite de la mesure.
Par ordonnance du 5 août 2015 le juge des libertés et de la détention a ordonné la poursuite de l’hospitalisation complète dont Madame [H] faisait l’objet .
Le 24 septembre 2015, le directeur de l’établissement a décidé la poursuite des soins psychiatriques sans consentement sous une autre forme que l’hospitalisation complète. La poursuite de la prise en charge s’est faite en ambulatoire avec le programme de soins suivant : séjour en foyer [Établissement 3], traitement oral et médicamenteux, rendez vous avec le médecin référent, le docteur [K]. Le médecin avait constaté que la patiente était de bon contact, souriante, tenait un discours cohérent et adapté, n’exprimait pas d’idée délirante et avait bénéficié de plusieurs permissions durant l’hospitalisation qui s’étaient bien déroulées.
Les 23 octobre 2015 et 20 novembre 2015 le directeur de l’EPS Maison Blanche a maintenu les soins psychiatriques sans consentement, chaque fois, pour une durée d’un mois.
Le 27 novembre 2015 le docteur [K] a constaté que Madame [H] présentait des symptômes de décompensation aigue caractérisée par des délires de persécution, des interprétations délirantes , une agitation psychomotrices et un déni des troubles. Il a décidé que le programme de soins devait être abrogé et que Madame [H] devait réintégrer le service d’hospitalisation. Il a conclu que cet état nécessitait la poursuite des soins sans consentement en hospitalisation complète.
Par décision du 27 novembre 2015, le directeur du centre hospitalier Maison Blanche a prononcé, sur le fondement des dispositions de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique, la réadmission en soins psychiatriques sous la forme de l’hospitalisation complète de Madame [C] [H].
Saisi le 3 décembre 2015 par le directeur de l’établissement aux fins de contrôle de la mesure, en application de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention de Paris a ordonné la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète par décision du 7 décembre 2015, après avoir rejeté les irrégularités soulevées par Madame [H].
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 décembre 2015, Madame [C] [H]a interjeté appel de la dite ordonnance.
Son avocat a fait parvenir à la cour le 17 décembre 2015 une déclaration d’appel aux termes de laquelle il précise que Madame [H], qui sollicite l’infirmation de l’ordonnance déférée et la mainlevée de l’hospitalisation complète dont elle fait l’objet, entend en outre se prévaloir des irrégularités qui ont été invoquées devant le premier juge (défaut de notification de la décision de réadmission, absence de certificat médical faisant état de l’examen somatique complet pendant la période d’observation qui a suivi la décision d’admission initiale du 29 juillet 2015, date du certificat médical de 24 heures et du certificat médical de 72 heures) et qu’elle ne souhaite pas être transférée en Belgique.
Les parties, ainsi que le directeur de l’établissement ont été convoqués à l’audience.
L’audience s’est tenue le 21 décembre 2015, au siège de la juridiction, en audience publique conformément à la demande de l’intéressée.
Ont été entendus :
– Madame [H] qui poursuit l’infirmation de la décision et demande que la mainlevée de la mesure soit ordonnée ; qu’elle déclare qu’il y a des irrégularités de procédure ; qu’il se passe des choses pas normales dans les hopitaux ; qu’elle veut parler des viols ; qu’elle indique que lorsqu’on se plaint on répond qu’on ne pense qu’au sexe alors que c’est le violeur qui ne pense qu’au sexe et pas la victime ; que les violeurs sont le docteur [I] (phonétique) et un infirmier ; qu’elle a un appartement ; qu’elle fait de l’art, de la mosaïque, du dessin, de la danse ; qu’elle a peut-être besoin de médicaments mais qu’elle n’est pas sûre qu’on la soigne bien ; qu’en réalité elle n’est pas malade mais artiste ;
– son avocat qui a développé oralement les conclusions qui ont été déposées à l’audience et dans lesquelles il nous demande d’infirmer l’ordonance déférée, de constater les irrégularités de la procédure d’admission aux soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’hospitalisation complète dont Madame [H] fait actuellement l’objet, d’ordonner la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète éventuellement avec effets différés pour permettre la mise en place d’un programme de soins hors hospitalisation complète. Il soutient d’abord que la décision de réintégration est irrégulière comme suite à une décision d’admission en soins psychiatriques irrégulière, compte tenu de l’absence de tout examen somatique exigé par l’article L3211-2-2 deuxième alinéa du Code de la santé publique, de la date du certificat de 24 heures (28 juillet ) qui est antérieure à la décision d’admission alors qu’il doit être postérieur, de celle du certificat de 72 heures qui a été pris le lendemain de la décision d’admission, et comme n’ayant pas été notifiée à Madame [H] ; ensuite que la procédure d’appel est elle-même entachée d’irrégularités dès lors que le certificat de situation est censé avoir été établi par le docteur [X] que Madame [H] ne connait pas, le 18 décembre 2015 à 11 h27 alors que Madame [H] bénéficiait d’une permission de sortie ce jour là, dès la fin de la matinée, de sorte que la mainlevée de la mesure doit être ordonnée, les irrégularités invoquées portant forcément atteinte à ses droits et libertés individuelles ; enfin, sur le fond, que Madame [H] ne souhaite pas être transférée en Belgique, ses seules attaches se trouvant à [Localité 5].
– l’avocate générale qui prétend que la procédure est régulière et requiert la confirmation de l’ordonnance.
Madame [H] a eu la parole en dernier.
MOTIFS
– sur les irrégularités :
Ainsi que l’a exactement retenu le premier juge, la décision du juge des libertés et de la détention en date du 5 août 2015, qui a ordonné la poursuite de l’hospitalisation complète dont faisait l’objet Madame [H], a purgé toutes les irrégularités qui étaient susceptibles d’entacher la décision prise en juillet 2015.
Il s’ensuit que les moyens tirés de l’absence à la procédure du certificat d’examen somatique, et de la date des certificats de 24 heures et de 72 heures sont inopérants ; qu’ils ne peuvent être soulevés à l’occasion de la décision de réadmission en hospitalisation complète mais devaient l’être impérativement dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à l’ordonnance précitée du 5 août 2015.
L’ordonnance doit être sur ce point confirmée.
En ce qui concerne la notification de la décision portant réadmission en hospitalisation complète, Madame [H] soutient que ce n’est pas sa signature qui figure sur le volet du document consacré à la notification et qu’ainsi la réalité de la notification ne peut être déduite de la procédure.
L’examen des différentes pièces du dossier établit que ce n’est pas Madame [H] qui a signé à l’emplacement ‘ signature de la patiente’ sur l’imprimé de notification de la décision prise par le directeur de l’établissement hospitalier.
Cependant il ressort de l’examen du document litigeux que la case ‘ la patiente a pu être informée de la décision mais se trouve dans l’impossibilité matérielle de signer’ a été cochée, de sorte que la signature incriminée n’est pas censée être celle de Madame [H] et peut tout aussi bien être attibuée à la personne qui a notifié la décision.
En outre, il résulte des termes du certificat médical du 27 novembre 2015, qui a précédé la décision du directeur de l’établissement hospitalier, que Madame [H] a été informée, par le médecin, de la décision de maintien de la mesure de soins sans consentement et de modification de la forme de prise en charge en hospitalisation complète et qu’elle a été mise à même de faire valoir ses observations, de sorte que l’irrégularité alléguée n’a pas porté atteinte aux droits de Madame [H].
Surtout il y a lieu de retenir, qu’à le supposer établi, le défaut d’accomplissement de l’obligation de notification de la décision du directeur de l’établissement hospitalier, qui se rapporte à l’exécution de la mesure, est sans influence sur sa régularité et sa validité.
En ce qui concerne le certificat de situation, Madame [H] soutient qu’il émane d’un médecin qu’elle ne connait pas et qu’elle n’a pas vu le 18 décembre à l’heure dite, compte tenu du fait qu’elle avait rendez vous chez son dentiste à 11h45, qu’ensuite elle a déjeuné avec un ami et s’est rendue au cabinet de son avocat à 14 heures.
Le certificat de situation versé à la procédure est ainsi rédigé : ‘à Paris le 18 décembre 2015 à 11h27 je soussigné docteur [X] psychiatre de l’EPS Maison Blanche certifie que Madame [H] [C] née le [Date naissance 1]1969 à [Localité 1] domiciliée [Adresse 1] hospitalisée depuis le 29/7/2015 présente les troubles suivants : psychotique chronique connu du 28 ème secteur, hospitalisée suite à une décompensation anxio délirante de la symptomatologie. Madame [H] est calme sur le plan comportemental. Neanmoins elle reste délirante et véhémente par moment. Conscience ponctuelle des troubles. L’état clinique actuel est compatible avec une audience devant le juge des libertés et de la détention. La patiente a été informée de manière adaptée à son état du projet de décision de maintien de la mesure de soins sans consentement et a été mise à même de faire valoir ses observations’.
La circonstance que Madame [H] se soit rendue à un rendez vous dentaire en fin de matinée, fait qui est attesté par un règlement par carte bancaire effectué le 18 décembre 2015 à 12 heures 08, n’est pas susceptible de qualifier de faux le certificat médical produit. L’heure indiquée sur celui-ci étant celle de son établissement sous forme dactylographiée et non pas celle de l’examen de Madame [H].
Par ailleurs, les dénégations de Madame [H] sont insuffisantes pour accréditer l’idée selon laquelle le docteur [X] ne l’a pas examinée et ne s’est pas entretenu avec elle, étant à préciser qu’il ne peut être sérieusement contesté que le docteur [X] exerce en qualité de psychiatre à l’hopital [Établissement 1] et qu’il a établi un certificat médical concernant Madame [H] le 29 juillet 2015, un autre le 28 août 2015, et deux autres le 24 septembre 2015.
L’ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté les irrégularités soulevées et Madame [H] sera déboutée de toutes ses demandes tendant à nous faire constater et sanctionner les irrégularités de la procédure d’admission aux soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’hospitalisation complète dont elle fait l’objet.
– sur le fond :
Aux termes de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1.
Aux termes de l’article L 3211-12-1 du même code, l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l’établissement, n’ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l’établissement a prononcé son admission ou modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète ; que cette saisine est accompagnée d’un avis motivé rendu par le psychiatre de l’établissement ;
En cas d’appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.
Il résulte du dossier de la procédure que Madame [H], suite à un épisode de décompensation délirante aigue avec refus de traitement a été transférée à l’EPS Maison Blanche et admise en soins psychiatriques sans consentement le 29 juillet 2015 sous le régime de l’hospitalisation complète ; que près de deux mois plus tard, le 24 septembre 2015, le directeur de l’établissement a décidé la poursuite des soins psychiatriques sans consentement sous une autre forme que l’hospitalisation complète ; que, le 27 novembre 2015 le docteur [K] a constaté que Madame [H] présentait des symptomes de décompensation aigue caractérisée par des délires de persécution, des interprétations délirantes, une agitation psychomotrices et un déni des troubles.
Le 3 décembre 2015 le psychiatre de l’établissement a constaté que la patiente ‘ refusait la main tendue’ et se montrait toujours méfiante malgré un contact relativement correct, qu’elle restait délirante avec une certaine réticence à étaler ses convictions délirantes, qu’elle était ambivalente au projet proposé, que les soins étaient reçus passivement.
Les termes du certificat de situation établi le 18 décembre 2015 doivent être rappelés : Madame [H] est une ‘psychotique chronique connu du 28ème secteur( qui a été) hospitalisée suite à une décompensation anxio délirante de la symptomatologie, ( qui est ) calme sur le plan comportemental, ( mais qui ) néanmoins reste délirante et véhémente par moment ( et a ) une conscience ponctuelle des troubles’.
Aucun élément de la procédure ne fait référence à un transfert en Belgique.
Il résulte de ces certificats médicaux et de l’audition de Madame [H] que le déni des troubles, qui persistent, est total, que Madame [H] nie que son état nécessite des soins médicaux, qu’elle vit le traitement qui lui est prescrit comme un moyen de la réduire au silence, dans un milieu hostile et dangereux qu’elle veut dénoncer ; que les troubles rendent nécessaire une surveillance médicale constante et le maintien des soins en hospitalisation complète, dans l’intérêt même de la patiente ; que la mise en place d’un traitement en ambulatoire est prématurée ;
L ‘ordonnance déférée sera dès lors confirmée.
PAR CES MOTIFS
Le délégué du premier président de la cour d’appel, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire,
Confirme l’ordonnance déférée,
Rejette toutes autres demandes de Madame [H],
Laisse les dépens à la charge de l’État.
Ordonnance rendue le 24 DECEMBRE 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été avisée dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conformée notifiée le 24 décembre 2015 par fax à :
‘ patient à l’hôpital
ou/et ‘ par LRAR à son domicile
‘ avocat du patient
‘ directeur de l’hôpital
‘ tiers par LRAR
‘ préfet de police
‘ avocat du préfet
‘ tuteur / curateur par LRAR
‘ Parquet près la cour d’appel de Paris