Votre panier est actuellement vide !
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 22 NOVEMBRE 2018
N° RG 16/04885 – N° Portalis DBV3-V-B7A-RB32
AFFAIRE :
[F] [J]
C/
SAS THEATRE A LA CARTE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 30 Septembre 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : AD
N° RG : 14/00961
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Monsieur [F] [J]
SELARL DBC,
Le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [F] [J]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (93340)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Mme Pauline TEYSSANDIER (Délégué syndical ouvrier)
APPELANT
****************
SAS THEATRE A LA CARTE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Anne-christine PEREIRA de la SELARL DBC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0180 – N° du dossier ACPB
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Septembre 2018 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Caroline BON, Vice président placée chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
Madame Caroline BON, Vice président placée,
Greffier, lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,
La SAS Théâtre à la Carte (ci-après, TAC), créée le 02 septembre 1992, a pour activité ‘le conseil en communication, la formation, l’organisation de séminaires, la production, l’élaboration, la scénarisation et la diffusion de films vidéos et de cassettes audio relatifs à l’objet social et toutes prestations de services relatives à l’objet de la création et la diffusion de spectacles’.
De 1995 à 2014, la société TAC a fait appel à M. [F] [J] en sa qualité de comédien dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée dits d’usage.
Par courrier en date du 28 mars 2014, le syndicat français des artistes-interprètes, intervenant au soutien des intérêts de M. [F] [J], adressait à la société TAC une mise en demeure l’informant qu’il prenait acte de la rupture de son contrat de travail.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 11 avril 2014, la société TAC a contesté les griefs ainsi exposés.
Le 30 mai 2014, M. [F] [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt qui, par jugement en date du 30 septembre 2016, a :
– dit que la convention collective applicable est la convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant du 3 février 2012 ;
– constaté que la clause de non concurrence était illicite ;
– dit n’y avoir lieu à requalification des contrats à durée déterminée d’usage conclus depuis 1995 entre M. [F] [J] et la société TAC ;
– dit que la rupture du contrat de travail devait s’analyser en une démission ;
– débouté M. [F] [J] de toutes ses demandes ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
– débouté les parties du surplus de leur demandes ou de tout autre demande plus ample ou contraire ;
– condamné M. [F] [J] à payer à la société TAC la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [F] [J] aux dépens
Les 2 et 23 novembre 2016, M. [F] [J] a interjeté appel de cette décision. Par ordonnance en date du 6 avril 2017, les deux procédures étaient jointes.
Les parties ont été convoquées à l’audience de la cour du 24 septembre 2018.
M. [F] [J], reprenant oralement ses écritures, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit applicable la convention collective nationale du secteur privé du spectacle vivant et en ce qu’il a dit illicite la clause de non-concurrence. Pour le surplus, il demande que le jugement entrepris soit réformé et sollicite de la cour qu’elle :
– dise que la relation de travail doit s’analyser en un contrat à durée indéterminée ;
– prononce la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée ;
– condamner la société TAC au paiement de :
– une indemnité de 2 173 euros au titre de la requalification en CDI,
– une indemnité compensatrice de préavis de 4 346 euros,
– une indemnité conventionnelle de licenciement de 11 082, 29 euros,
– une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 46 674 euros et à défaut de 16 342,50 euros,
– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– déboute la société TAC de ses demandes reconventionnelles,
– condamne la société TAC aux entiers dépens.
La société TAC, reprenant à l’oral ses conclusions, sollicite de la cour qu’elle :
– dise et juge qu’elle applique à bon droit la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 ;
– en tout état de cause, dise et juge que le recours aux CDD d’usage était parfaitement licite ;
– en conséquence, déboute M. [F] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamne M. [F] [J] au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le condamne aux dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS
Sur la convention collective applicable
M. [F] [J] revendique l’application de la convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant du 3 février 2012, étendue par arrêté du 29 mai 2013. Il expose que la société TAC est un entrepreneur du spectacle vivant qui, pour réaliser son activité, dispose d’une licence d’entrepreneur du spectacle, produit et diffuse des spectacles vivants et est indépendant de la puissance publique. L’appelant conteste l’application de la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 en ce que la société TAC est une structure qui ne bénéficie pas de subventions publiques, qui ne dispose pas d’un organe de direction nommé par la puissance publique ni d’un représentant de la puissance publique dans ses organes de direction, qui n’a pas de label décerné par l’Etat et qui ne cotise pas au comité d’entreprises mutualisé FNAS.
La société TAC soutient relever de la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984, étendue par arrêté du 4 janvier 1994, qu’elle applique volontairement tel que mentionné sur les bulletins de salaire de M. [F] [J].
Sur ce,
L’article L. 2261-2 du code du travail dispose que
La convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur.
En cas de pluralité d’activités rendant incertaine l’application de ce critère pour le rattachement d’une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l’entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applications.
L’article 1er de la convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant du 3 février 2012 relatif à son ‘champ d’application territorial et professionnel’ prévoit que
La présente convention et ses annexes règlent, sur le territoire national (France métropolitaine et DOM), les rapports, les conditions de travail et de salaire ainsi que les questions qui en découlent entre :
– d’une part, le personnel artistique, technique, administratif, commercial et d’accueil ;
– et, d’autre part, les personnes physiques et morales du secteur privé à vocation artistique et culturelle dont l’activité principale est le spectacle vivant, qui créent, accueillent, produisent, présentant en tournées ou diffusent des spectacles vivants.
On entend par spectacle vivant la représentation en public d’une oeuvre de l’esprit présentée par un artiste au moins, en présence d’un public.
Sont ainsi visés notamment les entrepreneurs de spectacles vivants du secteur privé titulaires d’une ou plusieurs des licences visées à l’article 2 de la loi n°99-198 du 18 mars 1999 portant modification de l’ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, dont l’activité principale est une activité :
– d’exploitants de lieux de spectacles vivants aménagés pour les représentations publiques ;
– et/ou de producteurs de spectacles vivants ou d’entrepreneurs de tournées ;
– et/ou de diffuseurs de spectacles vivants telle que définie par la loi susvisée.
Cette convention collective unique du spectacle vivant privé s’appuie sur le champ défini dans l’accord étendu du 22 mars 2005 qui délimité un secteur privé et un secteur public dans le spectacle vivant.
Il est rappelé que les entreprises du secteur privé sont des entreprises ou des associations de droit privé, indépendantes des pouvoirs publics (Etat et/ou collectivités territoriales) en matière d’orientations artistiques, pédagogiques, sociales (actions vis-à-vis de publics ciblés) territoriales ou culturelles.
Il est rappelé que, aux termes des dispositions actuelles de l’accord interbranches du 22 mars 2005, les entreprises peuvent bénéficier de convention pluriannuelles de financement de la part de l’Etat et/ou des collectivités territoriales, sachant que les entreprises ou les associations bénéficiaires de ces conventions pluriannuelles restent globalement indépendantes des pouvoirs publics dans leur fonctionnement, que ce soit sur le plan économique ou en matière d’orientations artistiques, pédagogiques, sociales, territoriales ou culturelles.
Le champ d’application du secteur public est défini dans l’accord interbranches en document de référence A.
Selon l’article I.1 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 relatif à son champ d’application,
La présente convention et ses annexes règlent sur le territoire national les rapports entre, d’une part, le personnel artistique, technique et administratif, à l’exception du personnel de l’Etat et des collectivités territoriales et, d’autre part, les entreprises du secteur public du spectacle vivant.
Les entreprises du secteur public du spectacle vivant sont des structures de droit privé (quel que soit leur statut) et de droit public qui répondent à l’un ou à plusieurs des caractères suivants :
– entreprises dont la direction est nommée par la puissance publique (Etat et/ou collectivités territoriales) ;
– entreprises dont l’un au moins des organes de décision comporte en son sein un représentant de la puissance publique ;
– entreprises bénéficiant d’un label décerné par l’Etat (compagnies dramatiques conventionnées, compagnies chorégraphiques conventionnées, scènes de musiques actuelles conventionnées et en général toutes structures conventionnées ou missionnées) ;
– entreprises subventionnées directement par l’Etat et/ou les collectivités territoriales dans le cadre de conventions pluriannuelles de financement, ou de conventions d’aides aux projets pour les compagnies dramatiques, chorégraphiques, lyriques, des arts de la piste ou de la rue, les ensembles musicaux…
Sont exclus de ce champ d’application :
– les entreprises du secteur privé du spectacle vivant au sens de l’accord interbranches du spectacle vivant du 22 mars 2005 portant définition des champs d’application des conventions collectives des secteurs privé et public ;
– les théâtres nationaux (Comédie-Française, théâtre de l’Opéra de [Localité 4], Odéon, Chaillot, Théâtre national de [Localité 5], théâtre national de la Colline et Opéra-Comique) ;
– les établissements en régie directe ;
– les organismes de droit privé, sans but lucratif, qui développent à titre principal des activités d’intérêt social dans les domaines culturels, éducatifs, de loisirs et de plein air.
La commission de conciliation paritaire, créée par l’accord interbranches du 22 mars 2005, étendu par arrêté du ministère du travail du 5 juin 2007, instruira les éventuels conflits de délimitation avec les conventions du secteur privé.
Alors que les bulletins de salaire de M. [F] [J] se référaient à la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984, la société TAC ne remplit aucune des conditions lui permettant de répondre à la définition rappelée ci-dessus. C’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la convention collective nationale du secteur privé du spectacle vivant était applicable.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
M. [F] [J] soutient que la société TAC n’a pas respecté le cadre légal de recours aux CDD dits d’usage pendant toute la durée de la relation de travail en ce qu’il a réalisé régulièrement des prestations indispensables à l’activité normale et permanente de l’entreprise qui repose sur des prestations de théâtre en entreprise avec interventions d’artistes dramatiques. Il précise qu’il était notamment affecté chez des clients récurrents et que la société TAC s’était engagée contractuellement auprès de lui à lui fournir un nombre minimum de représentations en contrepartie d’une clause d’exclusivité. Il ajoute qu’il était intégré au fonctionnement de l’entreprise avec un rôle d’encadrement et s’était même vu confier un mandat pour des négociations avec l’employeur au nom des salariés artistes engagés en CDD. M. [F] [J] argue encore de sa présence sur les supports de communication de la société et de la mise à disposition d’outils de travail tels qu’adresse mail structurelle et casier dans l’entreprise. L’appelant critique l’absence de preuve apportée par l’employeur, qui en a la charge, tant de l’usage constant de ne pas recourir au CDI que du caractère temporaire des emplois qu’il a occupés en ce qu’il n’a fourni que des arguments liés à sa situation personnelle et non des arguments objectifs liés à l’activité de la société. Alors qu’il reconnaît avoir eu d’autres employeurs que la SAS TAC et avoir bénéficié du statut d’intermittent pour l’assurance chômage, M. [F] [J] indique que l’argument selon lequel il n’aurait pas réclamé de CDI est inopérant. Il reproche à l’intimée de ne pas avoir respecté l’accord interbranche du 24 juin 2008 en ayant eu recours aux CDD pour pourvoir à l’activité principale de l’entreprise, qui est de vendre ces prestations théâtrales, et en violation des dispositions conventionnelles relatives à la transformation de CDD en CDI au-delà d’un certain seuil puisque l’absence de communication du registre du personnel empêche de procéder aux vérifications utiles. M. [F] [J] évoque, enfin, l’absence de contrats de travail, qu’il conteste avoir refusé de signer, pour les prestations effectuées par lui en janvier et février 2014, leur réception tardive ne permettant pas à l’employeur d’opposer la réalité du caractère temporaire de l’engagement.
La société TAC indique qu’elle relève d’un secteur d’activité dans lequel il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI, conformément aux dispositions légales et conventionnelles applicables. Elle précise aussi que l’emploi de comédien occupé par M. [F] [J] avait une nature temporaire, étant précisé qu’au sein de l’entreprise, aucun salarié n’exerçait des fonctions identiques sous contrat à durée indéterminée. L’employeur soutient que les interventions de l’appelant avaient un caractère ponctuel et occasionnel compte tenu de la spécificité de l’activité, saisonnière et tributaire des besoins de la clientèle, de la société qui proposait à M. [F] [J] d’effectuer des prestations en fonction des demandes des clients. La société TAC rappelle encore que M. [F] [J] exerçait par ailleurs des activités professionnelles multiples, bénéficiait du statut d’intermittent et n’a jamais sollicité le bénéfice d’un CDI. Elle conteste le non-respect de l’accord interbranche excipé par l’appelant en indiquant que sa durée de travail n’a jamais excédé le volume imposant à l’employeur de proposer un CDI au salarié employé en CDD et soutient que chaque contrat était conclu pour une prestation déterminée et un client déterminé. La société TAC argue de la mauvaise foi de M. [F] [J] quant à l’absence de contrat écrit dont il fait état pour les mois de janvier et février 2014 et affirme que ce dernier a subitement et délibérément refusé de signer ses contrats à compter du mois de décembre 2013.
Sur ce,
L’article L. 1242-2 du code du travail dispose que
Sous réserve des dispositions de L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants:
(…)
3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou pas convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (…).
Aux termes de l’article D. 1242-1 du même code,
En application du 3° de l’article L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants :
(…)
6° Les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition phonographique ;
(…)
Selon l’article L. 7121-2 2° du code du travail, ‘sont considérés comme artistes du spectacle, notamment l’artiste dramatique (…)’.
L’article 7.2.1 de la convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant du 3 février 2012 intitulé ‘Mentions obligatoires du CDD dit d’usage’ prévoit expressément le recours aux CDD d’usage.
L’article 3.3.1 de l’accord interbranche du 24 juin 2008 relatif à la politique contractuelle dans le spectacle vivant public et privé prévoit la conclusion de CDD d’usage applicable que pour les contrats conclus dans le cadre de l’article L. 1242-2 alinéa 3 du code du travail.
Même si le secteur d’activité de l’entreprise est mentionné dans l’article D. 1242-1 du code du travail, il appartient au juge de vérifier qu’il existe un usage constant de ne pas recourir à un CDI pour l’emploi occupé par le salarié, c’est-à-dire un usage ancien, bien établi et admis comme tel dans la profession.
Il faut encore que la succession des CDD dans le temps soit justifiée par l’existence d’éléments objectifs concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi. Il est interdit de recourir à un CDD afin de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Le juge doit rechercher l’existence d’éléments objectifs confirmant le caractère temporaire de l’emploi.
En l’espèce, compte tenu de son secteur d’activité, la société TAC pouvait recourir au CDD pour pourvoir l’emploi de comédien exercé par M. [F] [J].
Il ressort de l’ensemble des éléments versés en procédure qu’il existait effectivement un usage constant de la part de la société TAC de ne pas recourir au CDI pour ce type d’emploi.
En effet, dans ses relations avec M. [F] [J], la société TAC a eu recours aux CDD pendant dix-neuf ans, caractérisant ainsi l’ancienneté de cet usage.
En outre, les 882 contrats signés par M. [F] [J] comportaient une clause selon laquelle il reconnaissait, par l’acceptation des conditions générales de son engagement, qu’il bénéficiait d’un CDD d’usage. Le recours au CDD était donc un usage bien établi.
Enfin, il n’est aucunement démontré qu’un comédien ait été engagé par la société TAC en CDI. Au contraire, les supports de communication de la société reflètent une distinction faite entre les collaborateurs (équipe commerciale-conseil, équipe communication-marketing, direction artistique et pédagogique avec scénaristes et concepteurs de formation et service administratif) engagés en CDI et les partenaires (animateurs, comédiens et formateurs) engagés en CDD. Cette pratique générale atteste du fait que l’usage du CDD pour l’emploi des comédiens était admis dans la profession.
S’agissant du caractère par nature temporaire de l’emploi de M. [F] [J] au sein de la société TAC, il résulte de la lecture même des contrats signés par l’appelant qui mentionnaient sa participation à une mission précisément référencée par son titre et dont les dates étaient spécifiées. Il intervenait ainsi à la journée, et en tout cas, sur de courtes périodes auprès d’entreprises clientes de la société. Que M. [F] [J] ait pu intervenir à plusieurs reprises pendant plusieurs années auprès des mêmes clients, tel que cela est établi par des attestations, n’est pas incompatible avec le fait que ces interventions restaient ponctuelles, en fonction des demandes des clients auprès desquels la société TAC était légitime à proposer le même intervenant dans un souci de fidélisation, et en toute hypothèses imprévisibles et aléatoires pour la société. De plus, M. [F] [J] était un artiste aux employeurs multiples. Il est d’ailleurs établi qu’il a pu refuser des contrats qui lui étaient proposés par la société TAC en raison de ses autres activités.
La cour relève qu’au fil des années, la proportion de revenus de M. [F] [J] issus de son activité auprès de la société TAC a augmenté. Une demande de requalification de cette relation de travail en CDI ne peut toutefois pas être opportunément sollicitée par l’artiste qui a vu ses autres ressources diminuer alors qu’il a, dans le même temps, bénéficié du statut d’intermittent du spectacle pour l’assurance-chômage. En outre, la cour constate que préalablement à sa prise d’acte de la rupture au motif que la société TAC ne lui aurait plus fourni suffisamment de contrats, M. [F] [J] n’a jamais réclamé le bénéfice d’un CDI. Au contraire, il a refusé un tel contrat lorsque celui-ci lui a été proposé par la société TAC en réponse aux griefs invoquées dans sa lettre de prise d’acte.
Enfin, alors que pendant dix-neuf ans la société TAC a fait signer à M. [F] [J] un contrat pour chacune de ses interventions, un contentieux est né au sujet des contrats de janvier et février 2014 qui lui auraient été remis tardivement par l’employeur. Or, M. [F] [J], qui a refusé de signer ces contrats, ne peut invoquer une situation qu’il a lui même créée pour en tirer avantage.
Dès lors, c’est à bon droit que le conseil a considéré qu’il n’y avait pas lieu de requalifier les CDD d’usage en CDI.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la rupture du contrat de travail
En l’absence de requalification, la cour n’a pas à examiner les circonstances de la rupture de l’éventuel CDI requalifié. En effet, la relation de contractuelle entre M. [F] [J] et la société TAC s’est achevée au terme du dernier CDD et aucun contrat n’existait à la date de la prise d’acte de la rupture par l’appelant. La cour constate que l’ensemble des demandes de M. [F] [J] à ce titre, dont la demande relative à la clause de non-concurrence, sont sans objet.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [F] [J] succombant en ses demandes, il convient de le débouter de sa demande en paiement sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de le condamner à verser à la société TAC la somme de 1 000 sur ce même fondement.
M. [F] [J] sera en outre condamné aux dépens d’appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 30 septembre 2016, sauf en ce qu’il a dit illicite la clause de non-concurrence ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare sans objet les demandes de M. [F] [J] au titre de la rupture du contrat de travail;
Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;
Déboute M. [F] [J] de sa demande en paiement sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [F] [J] à verser à la société Théatre à la carte SAS la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [F] [J] aux dépens d’appel ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,