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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRET DU 21 JUIN 2018
(n°346, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 17/17365
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Septembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/51084
APPELANTES
Madame Sophie X…
[…]
G… prise en la personne de son représentant légal
[…]
Représentées et assistées par Me Antoine Y… H… Antoine Y… Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0096
INTIMEES
Madame Danièle Z…
[…]
Représentée par Me Fédérico F… A…, avocat au barreau de PARIS, toque:A0402
Assistée par Me Cyril B… substituant Me Fédérico F… A…, avocat au barreau de PARIS, toque:A0402
[…]
[…]
Défaillante – assignée à personne habilitée le 13 octobre 2017
L’ETAT FRANÇAIS
3 rue de Valois
[…]
Défaillant – assigné à personne habilitée le 13 octobre 2017
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Mai 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Bernard CHEVALIER, Président, et Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard CHEVALIER, Président
Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère
Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre
Qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU
ARRÊT :
– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Bernard CHEVALIER, Président et par Aymeric PINTIAU, Greffier.
Hélène C… est née à Brinon (Nièvre) en […] et décédée […] à Saint Moré (Yonne), laissant pour lui succéder son neveu Paul C…, lui même décédé sans héritier […].
Mme Sophie X… est commissaire de deux expositions publiques consacrées à ses oeuvres qui doivent se tenir à Sens et Sassetôt en 2018 et 2019. Elle est également présidente de l’association Hélène C…, constituée le 15 juillet 2014 sous le régime de la loi du 1 juillet 1901, qui a pour objet «lapréservation, la restauration, la conservation, la mise en valeur, l’exposition, l’acquisition, la promotion des ‘uvres d’Hélène C… (‘) ainsi que toute action permettant de développer la notoriété de l’artiste et d’honorer sa mémoire(‘) »
Cette association et Mme X… imputent à Mme Z… la détention frauduleuse d”uvres d’Hélène C… ayant pour conséquence l’impossibilité d’organiser ces expositions.
Prétendant qu’un trouble manifestement illicite en résulte pour elles, elles ont assigné devant le président du tribunal de grande instance de Paris Mme Z…, la ville de Sens et l’Etat français pris en la personne du ministre de la culture et de la communication, par acte d’huissier des 9 et 12 décembre 2016, afin d’obtenir, sous astreinte, que ces oeuvres soient remises, à titre conservatoire, à la Ville de Sens et qu’il lui soit fait interdiction d’en retenir copie.
Par ordonnance rendue le7 septembre 2017, cette juridiction a:
– déclaré irrecevables les demandes de l’association C… et de Mme X… ;
– rejeté la demande reconventionnelle de Mme Z… au titre de la procédure abusive ;
– condamné in solidum l’association C… et Mme X… à payer à Mme Z… la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum l’association C… et Mme X… aux dépens.
L’association C… et Mme X…, appelantes de cette ordonnance suivant déclaration du 13 septembre 2017 demandent à la cour par conclusions communiquées par voie électronique le 7 mai 2018 de :
– débouter Mme Z… de ses demandes ;
– infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
à titre conservatoire,
– ordonner sous astreinte de 1.000 euros par jour de re tard dans un délai de huit jours à compter de l’ordonnance à intervenir, la remise par Mme Z… à la ville de Sens, ou à l’Etat, ‘de tout bien ayant appartenu à Hélène C… ou à Alice C…, notamment les 132 ‘uvres inventoriées et les 42 photographies inventoriées par Mme X…’ ;
– ‘interdire à Mme Z… de retenir aucune copie des ‘uvres ou lettres ou effets personnels des consorts C…’ ;
– condamner Mme Z… à leur payer 6 000 euros chacune en remboursement de leurs frais irrépétibles et aux dépens.
Elles font valoir en substance les éléments suivants :
– il n’y a pas de dispositions testamentaires mais Hélène C… a expressément manifesté sa volonté de transmettre ses ‘uvres au public. La possession frauduleuse par Mme Z… du fonds C… a pour conséquence de soustraire à la collectivité publique et à la connaissance du public les ‘uvres et les documents relatifs à cette artiste, contre la volonté clairement exprimée par celle-ci,
– Mme Z… a soustrait frauduleusement les effets personnels et les ‘uvres d’Hélène C…, non divulguées en 1995 et elle ne peut abuser du droit moral de cette artiste, imprescriptible, inaliénable et perpétuel,
– la possession de Mme Z… n’est ni continue, ni non interrompue, ni publique ni non équivoque et elle ne semble pas plus être celle d’un propriétaire mais bien plutôt celle d’un dépositaire,
– les attestations produites par Mme Z…, qui n’émanent que de ses collègues au CNRS ou amis adhérant à l’association Cora ne démontrent en aucun cas une donation, invraisemblable. Si un tel don avait existé, Mme Z… devait le déclarer à l’administration fiscale et verser les droits afférents, estimés à 180 000 euros ce dont elle ne justifie pas.
– Mme Z… a confié une seule fois en 2010 son fonds pour une exposition au musée de l’avallonnais, intitulée « Hélène et Alice C…, Gaston D… ‘ professeures méconnues, élève illustre » dont la plaquette d’exposition indique que Paul C… en a fait don à l’association Cora peu de temps avant sa mort, ce qui contredit sa possession prétendument légitime des oeuvres d’Hélène C….
Mme Z…, intimée, demande à la cour par conclusions transmises par voie électronique le 11 mai 2018 de confirmer l’ordonnance entreprise sauf à ce qu’il soit statué à nouveau sur une éventuelle amende civile, procéder à divers constat, débouter l’association C… et Mme X… de leurs demandes et les condamner solidairement à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral et celle de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Elle expose en résumé ce qui suit :
– La création d’une personne morale ne peut se substituer aux droits d’un auteur décédé puisque le droit moral est attaché à la personne de l’auteur et reste transmissible à cause de mort aux héritiers,
– les appelantes ne démontrent en rien la possession frauduleuse alléguée,
– elle avait toujours laissé libre accès aux oeuvres qu’elle détient qu’elle avait fait connaître à Mme X…,
– son préjudice moral résulte de ce qu’elle s’est trouvée menacée et traitée de voleuse,
– elle est propriétaire, au vu et au su de tous, des documents qui lui ont été donnés par Paul C…, son ami de très longue date qui lui a remis deux cartons de dessins ainsi que le démontrent les attestations produites,
– au demeurant, le juge des référé ne peut connaître d’une incrimination pénale,
– l’exposition de 2010 à Avallon a été mise au nom de l’association Cora pour une meilleure promotion, cette association étant bien connue dans la région tandis qu’elle-même, peintre amateur, ne l’est pas,
– il n’y avait pas lieu à déclarer aux impôts ces dons qui, à l’époque, n’avait aucune valeur marchande et cette obligation est désormais prescrite,
– la demande de l’association C… et de Mme X… est prescrite au regard des dispositions du code civil relatives à la possession.
La ville de Sens et à l’Etat français, intimés, n’ont pas constitué avocat bien que l’association C… et Mme X… leur aient signifié la déclaration d’appel et le calendrier de procédure par acte remis à personne habilitée le 13 octobre 2017.
La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
Vu les articles 31, 32 et 809-1 du code de procédure civile ,
Le juge des référés a retenu que l’association C… et Mme X… ne sont pas titulaires du droit de divulgation des oeuvres d’Hélène C… qui fonde leurs demandes et que Mme Z… n’est pas un des représentants de l’auteur au sens de son article L121-3. Il en déduit exactement qu’elles n’ont aucune qualité pour agir en défense du droit moral de cet auteur, seul droit qui demeure puisqu’il est constant que ses droits patrimoniaux sont éteints depuis le premier janvier 2008, date à laquelle son oeuvre est entrée dans le domaine public.
L’association C… et Mme X… ne contestent pas qu’elles ne sont pas ayant droit de Paul C… au sens de l’article L121-2 du code de la propriété intellectuelle.
Elles invoquent néanmoins, pour étayer la recevabilité de leurs demandes, le ‘vol’ de Mme Z… qui aurait ‘soustrait frauduleusement au public’ des oeuvres et des droits qui ne lui auraient pas été dévolus. Elles soutiennent que le juge des référés a ignoré cette fraude alors pourtant qu’elle constituerait un trouble manifestement illicite dont elles auraient qualité à demander la cessation en tant que membre du public à qui auraient dû échoir, à défaut d’héritier, les oeuvres d’Hélène C… qui aurait expressément manifesté sa volonté de les lui transmettre .
Toutefois les pièces 22 et 31, qu’elles produisent au soutien de ces allégations se bornent à établir le souhait exprimé en ces termes par Hélène C… le 25 février 1929 dans une lettre adressée à Roger E…: ‘je veux vivre encore dans mon oeuvre’ ‘je la confie à ceux qui viennent après moi’ ‘le nom qu’importe, aurais-je un nom dans la terre”.
Ces pièces ne suffisent pas à établir la volonté prétendument expressément manifestée par l’artiste de transmettre ses oeuvres au public, que Mme Z… conteste, faisant justement valoir, notamment, l’absence de disposition testamentaire en ce sens.
La recevabilité des demandes de l’association C… et Mme X…, n’est donc pas établie non plus, dès lors qu’elle suppose rapportée préalablement la preuve de cette volonté, peu important dès lors que ces demandes soient formées conformément à l’objet de l’association C… et à l’objectif que poursuivent les expositions dont Mme X… est commissaire, tendant à développer la notoriété de l’artiste .
Ce d’autant que l’association C…, ayant été constituée en 2014, poursuit la promotion de cette créatrice et de son oeuvre depuis relativement peu de temps.
Au surplus, l’association C… et Mme X… ne précisent pas en quoi l’article 10 de la CEDH et les articles 1 et 2 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 qu’elles se bornent à invoquer sans y consacrer aucun développement, imposeraient de recevoir leurs demandes en cet état, ce que la circonstance que la création artistique et sa diffusion sont libres ne suffit pas à expliquer.
Enfin, ni la Ville de Sens ni le ministère de la culture n’ont constitué avocat pour solliciter la reconnaissance d’un droit quelconque.
Par suite, les demandes de l’association C… et de Mme X… doivent être déclarées irrecevables.
Les allégations de ‘vol’ et ‘soustraction frauduleuse’ imputées par l’association C… et Mme X… à Mme Z… tout au long de leurs conclusions sans aucun élément de preuve sérieux, caractérisent une procédure particulièrement téméraire et malveillante qui, au visa des l’article 559 du code de procédure civile et 1241 du code civil, justifie à hauteur de 3.000 euros la demande en paiement de dommages-intérêts présentée à ce titre. Ce d’autant que cette procédure a été précédée de mises en demeure de leur conseil datées des 25 octobre et 8 novembre 2016 d’avoir, ‘ au regard du détournement que vous avez opéré des oeuvres et des droits d’Hélène C…’ ,’à céder purement et simplement le fonds que vous détenez à la Ville de Sens’,après avoir pourtant indiqué ‘ je note avec satisfaction que vous avez acceptez de coopérer aux expositions publiques des oeuvres de Hélène C… et je vous en remercie’,
Le premier juge a fait une application fondée de l’article 696 du code de procédure civile et équitable de l’article 700 du même code.
L’ordonnance entreprise doit donc être confirmée en toutes ses dispositions.
En appel, l’association C… et Mme X… dont le recours échoue doivent supporter les dépens sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure.
Et l’équité commande de les condamner à ce dernier titre dans les termes du dispositif de la présente décision.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME l’ordonnance entreprise sauf du chef rejetant la demande reconventionnelle de Mme Z…;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE in solidum l’association C… et Mme X… à payer à Mme Z… la somme de 3.000 euros ;
CONDAMNE in solidum l’association C… et Mme X… aux dépens d’appel;
CONDAMNE in solidum l’association C… et Mme X… à payer à Mme Z… une indemnité de procédure de 3.000 euros et REJETTE toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT