Votre panier est actuellement vide !
N° RG 20/04035 – N° Portalis DBVM-V-B7E-KU6H
C6
N° Minute :
Copie Exécutoire délivrée
le :
à
Me Virginie ROBILLARD
Me Christine CORBET
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES
ARRET DU MARDI 20 SEPTEMBRE 2022
APPEL
Jugement au fond, origine juge aux affaires familiales de Valence, décision attaquée en date du 2 septembre 2020, enregistrée sous le n° 17/01444 suivant déclaration d’appel du 14 décembre 2020
APPELANT :
M. [H] [L]
né le 21 Novembre 1949 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Adresse 6]
[Localité 2]
représenté par Me Virginie ROBILLARD, avocat au barreau de VALENCE
INTIMEE :
Mme [M], [C] [X]
née le 14 Janvier 1964 à [Localité 5] (SAVOIE) (73)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4])
représentée par Me Christine CORBET, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Mme Anne BARRUOL, Présidente,
Mme Martine RIVIERE, Conseillère,
M. Philippe GREINER, Conseiller honoraire,
DEBATS :
A l’audience publique du 24 mai 2022, M. Philippe Greiner, conseiller, chargé du rapport, assisté de Mme Abla Amari greffier, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile. Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.
M. [L] et Mme [X] se sont mariés sous le régime de la séparation de biens le 18 juin 2004.
Leur contrat de mariage du 26 mai 2004 stipule notamment que :
– chacun des époux contribuera aux charges du mariage en proportion de sa propre faculté, et ne seront tenus à aucun compte entre eux, étant réputés avoir fourni leurs parts respectives au jour le jour ;
– les biens sur lesquels aucun droit de propriété ne peut être établi par l’un ou l’autre des époux sont présumés appartenir indivisément entre eux dans la proportion de moitié, cette présomption s’appliquant en outre notamment aux meubles se trouvant dans l’habitation commune.
Par ordonnance en date du 2 avril 2013, le magistrat conciliateur a entre autres dispositions :
– donné acte aux époux de ce qu’ils déclarent habiter séparément depuis le mois de septembre 2011,
– attribué à Mme [X] la jouissance du domicile conjugal, à titre gratuit jusqu’au 31 mars 2014, à titre onéreux ensuite, à charge pour elle de régler le crédit immobilier (509 euros par mois) avec faculté de créance ultérieure,
– débouté M. [L] de sa demande d’attribution de la jouissance de l’appartement situé au-dessus du domicile conjugal,
– dit que la dette de gaz de 147 euros par mois sera prise en charge par moitié par chacun des époux,
– dit que M. [L] prendra en charge les deux crédits Sofinco et Cofidis.
Par jugement en date du 24 février 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valence a, notamment, prononcé le divorce sur le fondement des dispositions de l’article 237 du code civil et la dissolution du régime matrimonial, désigné en tant que de besoin Madame le Président de la chambre des notaires avec faculté de délégation aux fins de procéder aux opérations de liquidation et de partage et fixé la prestation compensatoire due par M. [L] à Mme [M] [X] à la somme de 7.500 euros.
Maître Cayzac, notaire à [Localité 7], a été désignée pour procéder aux opérations de liquidation et partage.
Suite à un procès-verbal de difficultés des 12 et 19 mai 2016, Mme [X] a assigné M. [L] devant le tribunal judiciaire de Valence par acte du 21 mars 2017, qui a, par jugement du 2 septembre 2020 :
– ordonné l’ouverture des opératons de comptes, liquidation et partage du régime matrimonial de Mme [X] et de M. [L] ;
– fixé la masse active de l’indivision à la somme de 268.956,54 euros ;
– fixé le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 880 euros par mois ;
– fixé la créance de l’indivision sur Mme [X] au titre de l’indemnité d’occupation à la somme de 15.840 euros ;
– fixé la crénce de Mme [X] sur l’indivision à la somme de 12.792,25 euros soit:
* 9.358,50 euros au titre des échéances du prêt immobilier après déduction de l’APL d’avril 2013 à janvier 2014 ;
* 3.024,25 euros au titre des taxes foncières de 2013 à 2015 ;
* 409,50 euros au titre du diagnostic amiante;
– dit que les droits des parties sont de moitié chacun
– dit que pour remplir de ses droits Mme [X], il lui sera alloué la somme de 132.954,40 euros ;
– dit que pour remplir de ses droits M. [L], il lui sera alloué la somme de 136.002,14 euros ;
– commis Maître Ayzac Deloye, notaire, afin de dresser l’acte de partage sur les bases définies par le jugement ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– fait masse des dépens, comprenant le procès-verbal de difficultés, et dit qu’ils seront partagés par moitié et employés en frais privilégiés de partage, dont la moitié sera distraite au profit de Maître Depierre sur son affirmation de droit.
Par déclaration du 14 décembre 2020, M. [L] a interjeté appel partiel de ce jugement.
Par conclusions du 17 mai 2022, il conclut à la réformation de la décision déférée et demande à la cour de :
– dire qu’il bénéficie d’une créance entre époux à l’encontre de Mme [X] pour avoir financé l’acquisition du bien indivis à hauteur du profit subsistant fixé à 35.140 euros et à défaut à hauteur de la dépense faite, à savoir 31.175 euros ;
– à titre subsidiaire, dire qu’il bénéficie d’une créance contre l’indivision pour avoir financé l’acquisition du bien indivis à hauteur du profit subsistant fixé à 70.280 euros et à défaut à hauteur de la dépense faite à savoir 62.750 euros ;
– dire que l’indivision lui est redevable des créances suivantes, d’un montant total de 243.203, 24 euros :
* 5.180,10 euros pour avoir financé seul le prêt travaux du Crédit Foncier de septembre 2011 à avril 2012 ;
* 158.952 euros correspondant aux travaux, achats de matériaux et rémunérations d’artisans effectués par lui et à défaut, 102.377 euros ;
* 41.000 euros correspondant au produit net de sa gestion du bien indivis notamment du fait des travaux effectués sur les bâtiments annexes selon l’article 815-12 du code civil ;
* 24.104 euros au titre des meubles vendus avec la maison ;
* 2.382 euros au titre des factures EDF et Saur pour le compte de Mme [X] ;
* 2.876,50 euros au titre du remboursement de la dette GDF et à titre subsididaire, pour une somme de 1.984,50 euros postérieurement à l’ordonnance après tentative de conciliation ;
* 50 euros au titre de la facture Imac ;
* 4.091,64 euros pour avoir financé la centrale Hygieau ;
* 3.424 € et 1143 € au titre des charges sociales d’ICT ;
– dire qu’il dispose d’une créance contre l’indivision de 60.712 euros en raison de sa collaboration à l’activité d’agent commercial de Mme [X] excédant largement sa contribution aux charges du mariage ;
– à défaut, dire qu’il dispose d’une créance contre Mme [X] de 18.745,55 euros au titre des frais qu’il a engagés pour cette activité et à défaut, dire qu’il s’agit d’une créance de M. [L] contre l’indivision à hauteur de 18.745,55 euros ;
– dire que l’indivision est redevable envers Mme [X] d’une somme de 3.603,06 euros au titre des mensualités qu’elle a réglées pour le prêt indivis et à défaut confirmer le jugement en ce qu’il a fixé la créance de Mme [X] contre l’indivision à 3.024,25 euros ;
– confirmer le jugement concernant les sommes de 409,50 euros au titre des diagnostics, l’indemnité d’occupation de 800 euros par mois et son montant de 15.840 euros ;
– débouter Mme [X] de toute demande plus ample ou contraire ;
– la condamner au paiement de la somme de 4.500 euros au titre des frais visés à l’article 700 du code de procédure civile avec distraction des dépens au profit de Maître Robillard.
Dans ses conclusions d’intimé et d’appel reconventionnel n° 2, Mme [X] conclut à la confirmation du jugement attaqué sauf pour l’indemnité d’occupation et le montant de sa créance sur l’indivision et demande à la cour de :
– fixer l’indemnité d’occupation due par elle-même à 680 euros par mois et dire qu’elle est redevable envers l’indivision de la somme de 12.240 euros à ce titre ;
– dire que l’indivision lui est redevable de la somme de 19.689,65 euros au titre des mensualités du crédit qu’elle a réglées d’avril 2012 à septembre 2015 ;
– dire que l’indivision lui est redevable des taxes foncières de 2012 à 2015, pour 4.090 euros ;
– dire que l’indivision lui est redevable de la somme de 1.322,62 euros au titre des travaux d’entretien ;
– fixer sa créance sur l’indivision à la somme de 24.036,52 euros ;
– dire qu’elle se verra attribuer la somme de 140.376,53 euros ;
– dire que M. [L] se verra attribuer la somme de 128.580,01 euros et le débouter de ses demandes ;
– à titre subsidiaire, confirmer le jugement déféré, débouter M. [L] de ses demandes ;
– à titre infiniment subsidiaire, fixer la créance de M. [L] sur Mme [X] à la somme de 31.375 euros ;
– en tout état de cause, condamner M. [L] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des frais visés à l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.
Pour une meilleure compréhension du présent arrêt, les moyens développés par les parties seront exposés à l’occasion de l’examen de chaque chef de demande.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’indemnité d’occupation
Mme [X] a occupé privativement le domicile familial, consistant en deux maisons sises à [Localité 7] [Adresse 1], tout d’abord à titre gratuit en vertu de l’ordonnance de non-conciliation du 2 avril 2013 jusqu’au 31 mars 2014 puis jusqu’à la vente du bien le 26 septembre 2015. Mme [X] est ainsi débitrice d’une indemnité d’occupation envers l’indivision à compter du 1er avril 2014 jusqu’à cette date, conformément à l’article 815-9 in fine du code civil.
Mme [X] fait valoir qu’elle doit être fixée à 680 euros par mois, considérant que sa valeur locative est réduite du fait qu’elle ne pouvait être occupée que par une personne répondant aux exigences de la commune de [Localité 7] dans le cadre du programme Adhemaris et qu’un abattement de 20% doit être appliqué.
Si les parties ont pu bénéficier de subventions (1.700 euros pour l’installation d’un système solaire et 3.742,50 euros d’aide au ravalement), aucun élément du dossier ne démontre que des contreparties étaient exigées, comme un plafond de ressources, de la part de l’occupant, justifiant un loyer au montant régulé.
Dans ces conditions, c’est exactement que le premier juge a fixé l’indemnité d’occupation à la somme mensuelle de 880 euros, sur la base d’une valeur locative de 1.100 euros avec un abattement de 20%, l’indemnité due par Mme [X] à l’indivision étant en conséquence de 15.840 euros.
La décision déférée sera ainsi confirmée de ce chef, l’intimée étant déboutée de son appel incident.
Sur le financement de l’acquisition des biens immobiliers
Le 3 novembre 2004, M. [L] et Mme [X] ont acquis un immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 7] sans que l’acte d’acquisition précise la répartition des droits des époux. Dès lors, selon le contrat de mariage, chacun des conjoints sera déclaré propriétaire indivis par moitié.
Les 16 et 28/09/2005, ils ont acquis l’immeuble du [Adresse 1], l’acte indiquant que chacun des époux est propriétaire indivis par moitié.
Toutefois, M. [L] revendique une créance sur Mme [X], et à défaut, sur l’indivision, de 70.280 euros, exposant qu’il a réglé sur ses deniers personnels 22.200 euros pour l’achat du premier bien et 40.550 euros pour celui du second et que sa créance doit être revalorisée en fonction du profit subsistant en fonction de l’évolution des prix de l’immobilier, soit 12% entre 2004/2005 et 2015, Mme [X] contestant ces affirmations, faisant valoir qu’en tout état de cause, ces réglements ne sont que la contrepartie d’une contribution aux charges du mariage.
Il résulte du dossier que :
– M. [L] a vendu le 24 septembre 2004 un bien immobilier sis à [Localité 8], l’Echarasson, au prix de 275.000 euros ;
– il a versé au notaire la somme de 22.200 euros à titre d’apport et de règlement des frais d’acte à l’occasion de l’achat de la maison du [Adresse 1] le 3 novembre 2004, suivant relevé de compte du notaire ;
– il a ensuite versé au notaire la somme de 40.550 euros pour l’acquisition de l’immeuble du [Adresse 1] le 16 septembre 2005, suivant relevé de compte du notaire.
L’appelant justifie ainsi avoir réglé l’apport des acquéreurs ainsi que les frais d’acte, pour son compte et celui de Mme [X].
Or, il est de principe que sauf convention matrimoniale contraire, l’apport en capital provenant de la vente de biens personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
M. [X] est donc créancier dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, du réglement de 31.375 euros correspondant à la moitié des sommes qu’il a versées.
Concernant la revalorisation de cette somme, le régime des créances entre époux est régi par l’article 1479 du code civil, par renvoi de l’article 1543, qui dispose qu’elles sont évaluées suivant l’article 1469, leur montant ne pouvant être moindre que le profit subsistant lorsque la valeur empruntée a servi à acquérir ou améliorer un bien, comme c’est le cas en l’occurrence, son évaluation étant faite au jour de la vente du bien, c’est à dire le 29 septembre 2015, au prix net vendeur de 268.956,54 euros. En d’autres termes si le bien a pris de la valeur pour cause d’améliorations postérieures à l’achat, cette circonstance ne peut donner lieu à réévaluation de la somme avancée par un des époux.
En l’espèce, les parties ont acquis deux villas contiguës, qu’elles ont totalement transformées, puisque :
– elles ont été réunies, de façon à créer au rez-de-chaussée une pièce à vivre comprenant un salon avec cuisine et une chambre avec salle d’eau, toilettes et coin bureau ;
– une buanderie a été installée au demi-niveau ;
– deux chambres ont été créées à l’étage ainsi qu’une autre chambre desservie par un escalier indépendant ;
– un jardin a été aménagé, avec une dépendance de 13 m² comprenant un jaccuzi et une douche;
– un atelier d’artiste de 38 m² a été édifié dans le jardin.
Les photos versées aux débats par M. [L] montrent que l’intérieur des maisons a été totalement rénové, avec un réaménagement complet des espaces, l’espace entre les deux maisons étant supprimé et réuni par une extension d’une des villas.
Dès lors, ce sont les travaux effectués postérieurement à l’acquisition des maisons qui ont été à l’origine de la plus-value dégagée lors de leur revente.
Pour ce qui est en effet de l’évolution des prix de l’immobilier, ceux-ci, après une forte augmentation à compter de l’année 2000, sont restés stables de 2005 à 2015. Or, la seconde vente est intervenue en 2005. Quant à la première, elle a eu lieu en fin d’année 2004, alors que l’augmentation des prix avait déjà eu lieu. Les achats immobiliers intervenus fin 2004 et en 2005 n’ont ainsi pu générer un profit subsistant de ce fait.
En conséquence, la créance de M. [L] sera évaluée au seul montant de la dépense, soit 31.375 euros, mais elle portera intérêts au taux légal à compter de la dissolution, soit le 24 février 2015, par application de l’article 1473 du code civil.
Sur les travaux de rénovation des maisons
* l’industrie personnelle de M. [L]
M. [L] déclare qu’il a construit lui-même deux bâtiments annexes de 55 m² au total ainsi que deux tonnelles, qui ont occasionné plus de 450 heures de travail, pour une valeur de 41.000 euros, au titre de la seule main d’oeuvre, cette somme étant réclamée sur le fondement de l’article 815-12 du code civil, Mme [X] répliquant qu’elle a, elle aussi, participé aux travaux et que la demande est en tout état de cause exagérée.
Selon l’article 815-12 du code civil, “l’indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion. Il a droit à la rémunération de son activité dans les conditions fixées à l’amiable ou, à défaut, par décision de justice”.
M. [I] atteste que “courant l’année 2007, lorsque [H] bâtissait seul les annexes de sa maison dans le jardin (..) je suis allé par quatre fois lui donner la main toutes les journées. Je l’ai aidé à poser les poutres et les caissons d’isolation des toitures et à mettre en place les éléments de la grande tonnelle”.
M. [O] écrit quant à lui que “entre 2006 et 2008 nous étions voisins et nous restaurions nos maisons. Nous échangions régulièrement outils et services. M. [L] installant seul son électricité, je veillais à la conformité de l’installation. M. [L] construisant seul les annexes dans le jardin, je l’ai aidé et mon beau-père, architecte, M. [Y], conseillait et validait ses réalisations”.
Ces dires sont corroborés par les photos produites, où l’on voit M. [L] en bleu de travail devant l’atelier en construction et participer au chantier de rénovation des maisons.
La réalité d’une industrie personnelle de M. [L] ayant profité à l’indivision est ainsi démontrée. La demande de rémunération de cette activité est ainsi fondée en son principe.
Compte tenu de l’importance des travaux de construction des annexes et des tonnelles, le temps passé de 450 heures sera retenu par la cour. Pour fixer la rémunération de M. [L], il ne peut être fait référence, ni à la plus-value apportée au fonds ni au prix qu’aurait facturé un professionnel du bâtiment, qui doit supporter des frais généraux, des impôts et des charges, étant observé par ailleurs que M. [L] a toujours continué à exercer un travail salarié durant cette période (travail à l’Entraide Protestante de 2004 à 2006) et que les travaux qu’il a réalisés l’ont été durant ses loisirs.
La cour trouve dans le dossier les éléments suffisants pour fixer ce montant à la somme de 8.000 euros, le travail réalisé étant de qualité et s’étant avéré très positif pour l’indivision, le jugement déféré étant réformé de ce chef.
* les achats de matériaux et règlements des artisans
Aux termes de l’article 815-13 du code civil, “lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation”.
M. [L] expose que les factures réglées s’élèvent à 156.000 euros.
Toutefois :
– de la somme réclamée, il convient de déduire le prêt souscrit de 40.000 euros, les allocations logement versées par la Caisse d’allocations familiales de 16.575 euros, les subventions obtenues, ce qui ramène la réclamation à prendre en considération à 99.425 euros comme indiqué par l’appelant page 19 de ses conclusions ;
– des factures ont été réglées à partir du compte joint des époux et l’origine des fonds ayant permis de les payer n’est pas établie, comme l’a exactement relevé le premier juge ;
Surtout, le paiement de travaux ayant servi à aménager le logement de la famille constitue une charge du mariage au sens de l’article 214 du code civil. Si l’époux qui l’a assumé seul est a priori en droit de réclamer à son conjoint une indemnité pour dépassement de sa part contributive, cela n’est cependant possible qu’en l’absence, dans le contrat de mariage d’une clause posant une présomption de contribution aux charges du mariage, à laquelle la volonté des parties peut conférer un caractère irréfragable.
Tel est bien le cas en l’occurrence, puisque le contrat de mariage stipule que les époux “ne seront tenus à aucun compte entre eux et ne devront retirer à ce sujet aucune quittance l’un de l’autre. Ils seront réputés avoir fourni leurs parts respectives au jour le jour”.
Certes, le montant des sommes réclamées par l’appelant a trait à des factures émises sur une période relativement brève de deux années. Toutefois, s’agissant de l’aménagement de la résidence familiale, il faut considérer ces règlements comme une participation au logement de la famille, qui doit s’apprécier sur la durée du mariage, de neuf années environ. En conséquence, le montant des sommes
réclamées rapporté à la durée du mariage n’apparaît pas comme une sur-contribution aux charges du mariage, étant relevé que les revenus de Mme [X], artiste plasticienne, étaient précaires, d’autant que le premier juge a exactement relevé que M. [L] ne déposait pas l’intégralité de ses revenus sur les comptes joints et qu’il a pu durant le mariage se constituer un patrimoine immobilier personnel.
Enfin, il sera observé que Mme [X] a elle aussi participé aux travaux (peintures, évacuation de gravats, etc..) ce qui constitue aussi de son côté une contribution aux charges du mariage.
M. [L] se verra débouté de ce chef de demande, le jugement attaqué étant confirmé sur ce point.
* les meubles vendus avec la maison
M. [L] expose être propriétaire des meubles meublants, appareils d’électroménager vendus avec la maison et réclame à ce titre à l’indivision la somme de 24.104,48 euros, faisant valoir que le contrat de mariage stipule que chacun des époux “conservera la propriété des meubles et immeubles de toute nature lui appartenant actuellement et de ceux qui deviendront sa propriété durant le mariage”.
Selon la liste des meubles vendus annexée à l’acte de vente, ont été cédés un poêle, une cuisine Aviva, un spa, l’électro-ménager (four, table cuisson, lave vaisselle, sèche linge, lave linge, hotte, réfrigérateur-congélateur) et du matériel en attente de pose (parquet, WC suspendu, douche avec robinetterie, pôele sauna et divers).
M. [L] a produit devant le notaire une liste avec la date des achats, d’une valeur à neuf de 31.227 euros dont il estime la valeur vénale à 25.800 euros.
Toutefois, la comparaison de la liste des achats avec les relevés de compte bancaire ne permet pas de dire que ces meubles ont été réglés par M. [L] seul. Par ailleurs, s’agissant de biens cédés alors que soit ils avaient été utilisés quotidiennement depuis plusieurs années, soit ils devaient être posés par un professionnel, en tout état de cause, une très forte décote doit être effectuée pour leur valorisation. En conséquence, cette valeur s’avèrant très modeste, et inférieure à l’évaluation faite par l’appelant, l’achat des meubles par M. [L], à le supposer démontré, ne relève, comme l’a exactement décidé le premier juge, que de la contribution aux charges du mariage, le jugement déféré étant là encore confirmé sur ce point.
Sur les autres sommes réglées par M. [L] pour le compte de l’indivision
* le prêt travaux du Crédit Foncier de France
M. [L] expose avoir réglé seul les échéances du prêt de septembre 2011 à avril 2012 pour un montant de 5.180,10 euros. Ces paiements sont intervenus avant l’ordonnance de non-conciliation et ils doivent être considérés comme relevant de sa participation aux charges du mariage. La décision déférée sera confirmée sur ce point.
* les factures et charges
Les factures réglées avant l’ordonnance de non-conciliation ont trait à des charges courantes de la famille. Dès lors, elles relèvent de la contribution aux charges du mariage et ne peuvent être considérées comme constituant un enrichissement sans
cause de l’intimée, quand bien même elles sont postérieures à la séparation de fait des époux, de septembre 2011.
En revanche, selon l’ordonnance de non conciliation, la dette de gaz de 7.066 euros devait être prise en charge par moitié par chacun des époux, soit 3533 euros chacun. Or, il n’a réglé que 2876 euros, le surplus ayant été abandonné par le créancier . Il ne justifie donc pas de paiements pour le compte de Mme [X].
Par ailleurs, il conservera à sa charge une facture Imac de 50 euros de reformatage de l’ordinateur, aucun élément ne démontrant que celui-ci aurait été rendu nécessaire en raison d’un acte malveillant de Mme [X] (changement d’un mot de passe).
Enfin, a été installée dans la maison familiale une centrale de filtration d’eau Hygeau pour un prix de 4.091,64 euros, réglée par M. [L] par la souscription d’un prêt auprès de la société Sofinco.
Selon l’ordonnance de non-conciliation, M. [L] s’est vu condamné à supporter la charge de ce prêt. Toutefois, cette disposition est devenue caduque au jour du prononcé du divorce. Cependant, cette dépense relève des charges courantes et a été prise en charge, comme l’a décidé exactement le premier juge, de la contribution aux charges du mariage de M. [L].
Sur l’activité d’agent commercial de M. [L]
Les parties s’accordent sur le fait que c’est Mme [X] qui était inscrite au registre du commerce et des sociétés pour une activité d’agent commercial, exercée en réalité par M. [L], celui-ci ayant revêtu la qualité de conjoint collaborateur non salarié.
Il réclame à ce titre une indemnité de 60.712 euros au titre des commissions perçues par Mme [X] ainsi que les sommes de 3.346 et 1.143 euros au titre des charges sociales afférentes, faisant valoir que la plupart des commissions reçues ont été versées sur le compte personnel de Mme [X] et non sur le compte joint.
Pour autant, il s’est agi pour M. [L] de pouvoir continuer à percevoir des indemnités chômage, alors même qu’il exerçait une activité professionnelle. Il ne peut en outre critiquer le fait que les commissions générées par son activité étaient versées pour leur plus grande partie sur le compte personnel de Mme [X], alors que c’est lui-même qui en décidait ainsi. C’est nécessairement avec son accord que Mme [X] a perçu ces sommes en ses lieu et place. Il est donc mal fondé à en réclamer maintenant le remboursement. Quant aux frais et charges sociales, ils ne sont pas suffisamment justifiés par les pièces produites, les versements opérés sur le compte personnel de M. [L] étant en tout état de cause suffisants pour lui permettre d’y faire face.
La demande de M. [L] sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.
Sur les créances de Mme [X] sur l’indivision
* les mensualités du crédit immobilier d’avril 2012 à septembre 2015
Mme [X] déclare qu’elle a réglé seule ces échéances pour la somme totale de 19.689,65 euros et non 9.358,50 euros comme l’a décidé le premier juge, faisant valoir que ses versements ont été effectués jusqu’à la vente du bien en septembre 2015 et ne se sont pas arrêtés en janvier 2014 comme l’a décidé le tribunal.
Le prêt a été souscrit auprès du Crédit Foncier de France le 5 octobre 2004, pour une durée de 12 ans, avec des mensualités de 509,44 euros, étant relevé que l’APL a été versé directement à l’organisme prêteur, les mensualités réelles étant de 362,93 euros.
Le relevé de compte émanant du Crédit Foncier est arrêté à la date du 21 janvier 2014. Pour autant, à cette date, le prêt n’était pas terminé. Aussi, même si aucun relevé de compte postérieur n’est produit par les parties, parce qu’aucune réclamation de l’établissement financier n’est intervenue, il sera considéré que Mme [X] a bien réglé les échéances d’avril 2012 à septembre 2015, soit 30 mensualités représentant 10.887,90 euros.
* les taxes foncières
Mme [X] justifie avoir réglé les taxes foncières de 2012 à 2015 (cette année là, au prorata) pour un montant de 4.090 euros, somme qu’elle réclame à l’indivision.
Mais c’est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le premier juge a considéré que la créance de Mme [X] ne courait qu’à compter du 2 avril 2013, date de l’ordonnance de non-conciliation, soit 773,25 euros en 2013, 1153 euros en 2014 et 1.098 euros en 2015.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
* les factures d’entretien
Mme [X] produit les factures suivantes :
– 103,20 euros (société Ayme) du 07/07/2015 au titre de la réparation d’une fuite d’eau,
– 386,27 euros (société CPC) du 20/11/2012 pour le remplacement du ventilateur de chaudière,
– 418,55 euros (société CPC) du 18/03/2015 pour le remplacement d’une pièce de chaudière,
– 409,50 euros au titre des diagnostics pour la vente,
soit un total de 1.322,62 euros.
Mme [X] justifie ainsi d’une créance sur l’indivision, l’article 815-3 du code civil disposant qu’il doit être tenu compte à l’indivisaire qui a effectué des dépenses sur ses deniers personnels pour la conservation des biens indivis, ce qui est le cas en l’espèce, le jugement étant infirmé sur ce point.
Sur les frais irrépétibles
Compte tenu du sort partagé du litige, il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile concernant les frais irrépétibles exposés par les parties.
Enfin, les dépens seront mis en masse pour être partagés par moitié et seront employés en frais privilégiés de partage.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :
– ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage du régime matrimonial de Mme [X] et de M. [L] ;
– fixé la masse active de l’indivision à la somme de 268.956, 54 euros ;
– fixé le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 880 euros par mois ;
– fixé la créance de l’indivision sur Mme [X] au titre de l’indemnité d’occupation à la somme de 15.840 euros ;
– fixé la créance de Mme [X] sur l’indivision à 3.024,25 euros au titre des taxes foncières de 2013 à 2015 ;
– rejeté les demandes de M. [L] au titre des travaux, de l’activité d’agent commercial et des factures dont le paiement était réclamé et au titre des échéances du prêt du Crédit Foncier de France ;
Le réforme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que M. [L] a une créance sur Mme [X] de 31.375 euros outre intérêts au taux légal à compter de la dissolution, soit le 24 février 2015 au titre de son apport personnel pour l’acquisition des deux biens immobiliers des [Adresse 1] à [Localité 7] ;
Dit que la créance sur l’indivision de M. [L] est fixée à 8.000 euros au titre de son industrie personnelle ;
Dit que les créances sur l’indivision de Mme [X] sont fixées à :
– 10.887,90 euros au titre des échéances du prêt du Crédit Foncier de France ;
– 1.322,62 euros au titre de l’entretien du bien indivis ;
Déboute les parties du surplus de leur demande ;
Commet Maître Ayzac Deloye, notaire, afin de dresser l’acte de partage sur les bases définies par le présent arrêt ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Fait masse des dépens, comprenant le procès-verbal de difficultés, et dit qu’ils seront partagés par moitié et employés en frais privilégiés de partage ;
Autorise les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement les dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision ;
PRONONCÉ par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile .
SIGNÉ par la présidente, Anne Barruol, et par la greffière, Abla Amari, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La Présidente