Contrat d’Artiste : 19 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/03140

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Contrat d’Artiste : 19 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/03140
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 19 JANVIER 2023

N° 2023/30

N° RG 22/03140

N° Portalis DBVB-V-B7G-BI6XS

[R] [K]

C/

Mutuelle MATMUT

Organisme CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Karine TOUBOUL-ELBEZ

-SELARL LESCUDIER & ASSOCIES

-SCP BBLM

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 21 Février 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/02774.

APPELANT

Monsieur [R] [K]

Assuré [XXXXXXXXXXX01]

né le [Date naissance 6] 1967 à [Localité 9]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]

représenté et assisté par Me Karine TOUBOUL-ELBEZ, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Fanny LAVAILL, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

INTIMEES

Mutuelle MATMUT,

demeurant [Adresse 8]

représentée et assistée par Me Wilfrid LESCUDIER de la SELARL LESCUDIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

Organisme La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DOME,

Venant aux droits et obligations, depuis le 1er janvier 2020, de la Caisse Locale Déléguée pour la Sécurité Sociale des Travailleurs Indépendants qui, en vertu de l’article 15 de la loi N° 2017-1836 de financement de la Sécurité Sociale pur 2018, agissait au lieu et place des Caisses Régionales du Régime Social des Indépendants (RSI), – et agissant en qualité de pôle national en charge de l’activité de recours contre tiers relatif aux travailleurs indépendants et leurs ayants droit et/ou bénéficiaires affiliés au sein d’une caisse de France métropolitaine ou des départements et régions d’outre-mer, en vertu d’une décision du Directeur Général de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie du 1er janvier 2020, relative à l’organisation en matière d’exercice des recours subrogatoires prévus aux articles L. 376-1 et suivants et L. 454-1 du Code de la Sécurité Sociale, prise en application de l’article L. 221-3-1 du Code de la Sécurité Sociale, et publiée au bulletin officiel santé, protection sociale, solidarité n° 2020/01 du 15 février 2020,

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Gilles MARTHA de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 23 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Le 26/02/2017, M. [R] [K] est tombé dans l’escalier desservant la [Adresse 11] et la [Adresse 10], et a été blessé à l’épaule droite. Il soutient qu’une dame, Mme [V] [S], a trébuché et l’a entraîné dans sa chute. Il produit leurs déclarations de sinistre respectives, ainsi que les attestations d’un commerçant local, M. [J] [N].

Par ordonnance du 26/09/2018, le juge des référés de Marseille a condamné la MATMUT, assureur responsabilité civile de Mme [S], à payer une provision de 2.000,00 € à M. [K] et a commis le docteur [D] aux fins d’expertise médicale.

Par arrêt du 07/11/2019, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé l’instauration de la mesure d’expertise, mais a infirmé l’ordonnance en ce qui concerne la provision, motif tiré de l’existence d’une contestation sérieuse. La cour d’appel a estimé en effet que la sincérité de la déclaration de sinistre de Mme [S] pouvait être prise en défaut en ce qu’elle dissimule le fait qu’elle connaissait M. [K] avant l’accident.

Le docteur [D] a déposé son rapport d’expertise le 26/06/2019.

Par acte d’huissier de justice des 20 et 26/02/2020, M. [K] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille d’une action en réparation de son préjudice corporel dirigée contre la MATMUT, au contradictoire du Régime Social des Indépendants.

Par jugement réputé contradictoire du 21/02/2022, le tribunal judiciaire de Marseille a’:

– débouté M. [K] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la la Sécurité Sociale des Indépendants, de l’ensemble de ses demandes,

– condamné M. [K] aux dépens distraits au profit de la SELARL W. & R Lescudier, avocats,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé en substance que les circonstances de la chute ne sont pas établies, compte notamment :

– de la tardiveté et surtout des contradictions entre les attestations successives de M. [N], qui indique tour à tour que c’est Mme [S], puis que c’est M. [K], qui a chuté en premier, et,

– de ce que Mme [S] a dissimulé à la MATMUT le fait qu’elle connaissait M. [K] avant l’accident.

Par déclaration du 01/03/2022 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [K] a interjeté appel de tous les chefs du dispositif du jugement du tribunal judiciaire de Marseille.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions d’appelant notifiées par RPVA le 02/05/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, M. [K] demande à la cour de’:

– dire son appel recevable et bien fondé,

– réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

– juger que Mme [S] est responsable de la chute du 26/02/2017 de M. [K],

En conséquence,

– condamner la MATMUT à l’indemniser des conséquences dommageables de sa chute du 26/02/2017,

– lui allouer en réparation de son préjudice corporel la somme totale de 112.972,94 € ventilée comme suit :

‘ frais médicaux’: pour mémoire

‘ frais de médecin-conseil’: 540,00 €

‘ assistance par tierce personne temporaire’: 1.300,00 €

‘ perte de gains professionnels actuels’: 59.328,14 €

‘ incidence professionnelle’: 34.444,80 €

‘ déficit fonctionnel temporaire’: 11.520,00 €

‘ souffrances endurées’: 4.000,00 €

‘ déficit fonctionnel permanent’: 9.840,00 €

‘ préjudice d’agrément : 2.000,00 €

– condamner la MATMUT à lui payer en deniers ou quittances ladite somme de 112.972,94 €,

– condamner la MATMUT à lui payer la somme de 3.000,00€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la MATMUT aux entiers dépens de l’instance.

Au soutien de ses demandes, M. [K] développe les moyens suivants :

– aucun crédit ne peut être accordé au rapport de M. [Y], l’enquêteur du cabinet ACIF mandaté par la MATMUT, qui a construit son rapport en fonction d’une localisation de l’accident non conforme à la réalité, en l’espèce les cinq marches d’escalier donnant sur le [Adresse 5], alors que la chute a eu lieu dans le grand escalier situé au [Adresse 3]’; dans ces conditions, l’absence de témoignage utile recueilli n’est guère surprenante’;

– Mme [S] atteste de la réalité de sa chute’et de celle, subséquente, de M. [K] ; par pudeur, elle n’a pas fait état de sa relation avec lui mais cela n’enlève rien à la véracité de son récit concernant les circonstances de sa chute’;

– M. [N], témoin oculaire direct de l’accident, est un commerçant du quartier’; la vitrine de sa boutique donne sur les escaliers menant à la [Adresse 10]’; il a rédigé une première attestation (datée du 04/06/2018) en ce sens’; ce qui n’a pas empêché l’enquêteur du cabinet ACIF de prérédiger une prétendue seconde attestation (datée du 19/06/2018) qu’il lui a fait signer, aux termes de laquelle M. [N] indiquait que la chute de Mme [S] n’aurait pas été la cause mais bien la conséquence de celle de M. [K]’; dans une troisième attestation (datée du 28/06/2018), M. [N] a réaffirmé avec force les termes de sa première attestation en déplorant les méthodes du cabinet ACIF.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 27/02/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, la MATMUT demande à la cour de’:

– débouter M. [K] de son appel,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

En tant que de besoin,

– constater que les circonstances matérielle de la chute survenue le 26/02/2017 ne sont pas démontrées,

– juger que M. [K] ne rapporte pas la preuve de la responsabilité de Mme [S], assurée auprès de la MATMUT, dans la réalisation de sa chute,

– juger que ses demandes sont mal fondées,

En conséquence,

– le débouter de l’ensemble de ses demandes,

– le condamner à lui payer la somme de 2.000,00 € au titre de la restitution de la provision versée,

– refuser de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [K],

– condamner M. [K] à lui payer une somme de 2.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux dépens de première instance et d’appel, distraits au profit de la SELARL Lescudier & Associés, avocat en la cause, qui y a pourvu,

À titre subsidiaire,

– entériner les conclusions du docteur [D],

– évaluer l’entier préjudice de M. [K] en déclarant satisfactoires les offres d’indemnisation de la MATMUT’:

‘ dépenses de santé actuelles’: sur justificatifs

‘ perte de gains professionnels actuels : sur justificatifs

‘ frais de médecin-conseil : 540,00 €

‘ assistance par tierce personne temporaire’: 975,00 €

‘ incidence professionnelle’: 5.000,00 €

‘ déficit fonctionnel temporaire’: 1.160,83 €

‘ souffrances endurées’: 4.000,00 €

‘ déficit fonctionnel permanent : 9.000,00 €

‘ préjudice d’agrément’: rejet

– retrancher le recours des tiers-payeurs des postes de préjudice sur lesquels ils doivent s’imputer,

– tenir compte de la provision de 2.000,00 € déjà versée à M. [K],

– le débouter de ses prétentions contraires ou plus amples,

– déclarer commune et opposable à l’organisme social appelé en cause, la décision à intervenir,

Au soutien de ses demandes, la MATMUT développe en particulier les moyens suivants :

– Mme [S] reconnaît par attestation du 25/04/2022 avoir omis de mentionner dans sa déclaration de sinistre qu’elle connaissait M. [K] avant l’accident’;

– la page facebook de Mme [O] indique qu’elle a organisé le 24/11/2016 un vernissage de ses peintures, de concert avec M. [K], et plusieurs coupures de presse font état de leur collaboration” ce dont atteste par ailleurs un procès-verbal de constat d’huissier de justice du 15/02/2018′;

– M. [K] a lui aussi dissimulé à la MATMUT le fait qu’il connaissait Mme [S] avant l’accident, qu’ils avaient organisé un vernissage concernant leurs ‘uvres picturales respectives, et qu’ils avaient entretenu une relation extra-conjugale’; ces liens placent l’assurée dans une situation de conflit d’intérêt qui questionne nécessairement la sincérité de ses déclarations, et qui explique qu’elle ait refusé de répondre aux questions de l’enquêteur du cabinet ACIF’que la MATMUT avait dépêché aux fins de vérifier les dires de son assurée’;

– M. [N] n’est pas en reste puiqu’il connaît lui aussi M. [K] dont le local professionnel (société Web Art [O]) jouxte sa propre boutique (My Mesure), et qu’il a eu l’occasion de croiser tant M. [K] que Mme [O], alors que son attestation mentionne de façon très neutre qu’il a pu voir «’une personne trébucher, et entraînant avec elle la chute de M. [K]’»’; en outre, il a interverti l’ordre des chutes en signant une seconde attestation’; certes, l’attestation a été prérédigée par M. [Y], l’enquêteur du cabinet ACIF, mais en tout état de cause M. [N] l’a signée’;

– M. [Y], l’enquêteur du cabinet ACIF, indique par voie d’attestation que M. [K] a nécessairement relu et compris le sens et la portée de la seconde attestation dans la mesure où il l’a complétée en précisant que sa femme assure la gérance de la boutique My Mesure, qu’il l’a lue et approuvée, et attesté sur l’honneur que ses déclarations sont conformes à la réalité’; M. [Y] atteste en outre que M. [N] lui a déclaré avoir souvent perçu Mme [S] sous le porche de la galerie de M. [K], au [Adresse 2].

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée notifiées par RPVA le 24/06/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la Sécurité Sociale des Indépendants, demande à la cour de’:

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

‘ débouté M. [K] de l’ensemble de ses demandes,

‘ débouté la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme de l’ensemble de ses demandes,

‘ condamné M. [K] aux dépens distrait au profit de la société W&R Lescudier,

Statuant à nouveau, il est demandé à la cour de :

– fixer la créance définitive de la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme, agissant pour le compte de la Sécurité Sociale des Indépendants, à la somme de 3.523,52 €, se décomposant comme suit :

‘ dépenses de santé actuelles’: 621,80 €

‘ perte de gains professionnels actuels’: 2.735,81 €

‘ dépenses de santé futures’: 165,91 €

– condamner la MATMUT à lui verser la somme totale de 3.523,52 € au titre de ses débours avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

– condamner la MATMUT à lui verser la somme de 1.114,00 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue par l’article L.376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale,

– condamner la MATMUT à lui verser la somme de 1.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la MATMUT aux entiers dépens de l’instance.

* * *

La clôture a été prononcée le 08/11/2022.

Le dossier a été plaidé le 23/11/2022 et mis en délibéré au 19/01/2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue’:

L’arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l’article 467 du code de procédure civile.

Sur la garantie due par l’assureur :

La MATMUT refuse sa garantie au motif’que Mme [S], son assurée, a tu l’existence et la nature de la relation qu’elle entretenait avec M. [K] avant sa chute.

Mme [S] a certes admis avoir menti par omission dans sa déclaration de sinistre du 01/03/2017 en n’appelant pas l’attention de son assureur sur le fait que M. [K] entretenait avec elle une lisaison extraconjugale. M. [K] a observé la même discrétion dans sa propre déclaration de sinistre du 18/05/2017.

En se bornant cependant à soutenir que la volonté de son assurée de ne pas divulguer une donnée relevant de sa privée questionne nécessairement la sincérité de ses déclarations, la MATMUT admet implicitement son incapacité à démontrer précisément en quoi cette anecdote invalide le récit de Mme [S] concernant les circonstances de la chute de M. [K].

La MATMUT soutient par ailleurs que la mise en oeuvre de sa garantie implique des éléments de preuve autres que la seule déclaration de son assurée. Elle dénie toute valeur aux attestations successives de M. [N], dont le commerce se situe face à l’escalier dans lequel M. [K] a chuté. La seconde attestation, datée du 19/06/2018, précise en effet que c’est l’homme ‘ identifié par M. [N] comme étant M. [K] ‘ qui a chuté en premier et a fait tomber une jeune fille, et non l’inverse.

L’article 202 alinéa 3 du code de procédure civile exige que l’attestation en justice soit écrite, datée et signée de la main de son auteur. En l’occurrence, M. [N] n’est que le signataire de la seconde attestation, mais non le scripteur, ainsi qu’il l’a précisé dans sa troisième attestation. Le scripteur de la seconde attestation est M. [Y], qui ne prétend pas l’avoir rédigée sous la dictée de M. [N]. Il en est donc l’auteur matériel et intellectuel. Dès lors, la valeur probatoire de cette attestation est sujette à caution puisque M. [N] n’en a pas choisi les termes. La circonstance que M. [N] ait précisé ou fait préciser par M. [Y] que la gérante de la boutique My Mesure est son épouse ne change pas fondamentalement les données du problème.

La seconde attestation litigieuse étant écartée, aucune contradiction n’oppose la première et la troisième attestation. Le récit de M. [N] confirme en tous points les déclarations respectives de Mme [S] et de M. [K]’: la première a trébuché, et a fait tomber le second.

Enquêteur du cabinet ACIF requis par la MATMUT, M. [Y] ne peut témoigner que de ses propres investigations. Son attestation n’a d’autre but que de crédibiliser les termes de la seconde attestation qu’il a rédigée et fait signer par M. [N].

La MATMUT doit garantir Mme [S] des conséquences civiles du dommage corporel advenu à M. [K].

Sur l’étendue du préjudice corporel’:

Données médico-légales’:

Le rapport d’expertise médicale du docteur [D] constitue une base valable d’évaluation des préjudice subis par M. [K].

Ses conclusions médico-légales sont les suivantes’:

– déficit fonctionnel temporaire 33’%’: du 26/02/2017 an 26/06/2017

– déficit fonctionnel temporaire 10’%’: du 27/06/2017 au 26/08/2017

– perte de gains professionnels actuels’: du 26/02/2017 au 26/06/2017

– assistance par tierce personne temporaire’: 5 heures par semaine du 26/02/2017 au 26/05/2017

– consolidation : 26/08/2017

– souffrances endurées : 2,5/7

– préjudice esthétique : 0/7

– déficit fonctionnel permanent’: 6 %

– incidence professionnelle’: petite gêne à l’utilisation du membre supérieur droit en élévation

– préjudice d’agrément : activités sportives et de loisirs déclarées jusqu’à la consolidation (sic).

Données chronologiques :

Date de naissance’: 23/05/1967

Date du fait générateur : 26/02/2017

Date de la consolidation’: 26/08/2017

Date de la liquidation’: 19/01/2023

Date du départ en retraite’: 22/05/2032

Durée en années de la période avant consolidation : 0,496

Durée en années de la période consolidation / liquidation’: 5,399

Age’lors du fait générateur : 49

Age’lors de la consolidation : 50

Age’lors de la liquidation : 55

Sur l’indemnisation du préjudice corporel’:

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit, sans qu’il n’en résulte pour elle ni perte ni profit.

L’évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime au moment de l’accident (49 ans), de la consolidation (50 ans), de la présente décision (55 ans) et de son activité (artiste peintre), afin d’assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 05/07/1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

L’évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de M. [K] doit être évalué comme suit.

I. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Dépenses de santé actuelles (DSA)’: 0,00 € / 621,80 €

Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par la caisse primaire d’assurance-maladie, soit 621,80 €, la victime n’invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.

Frais divers (FD)’: 540,00 €

M. [K] justifie par la production d’une facture du docteur [I] de 540,00 € avoir engagé ses deniers personnels pour bénéficier de l’assistance d’un médecin conseil dans le cadre du déroulement des opérations d’expertise médicale. Il ne lui revient pas de prouver qu’il ne bénéficie d’aucune prise en charge de son assurance protection juridique.

Assistance par tierce personne temporaire'(ATPT) : 1.170,00 €

Il s’agit de l’aide périodique nécessaire pour que la victime puisse accomplir les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité et sa dignité, suppléer sa perte d’autonomie. Ces dépenses trouvent leur cause dans l’accident et procèdent d’un besoin de sorte que, quelles que soient les modalités choisies par la victime, l’enveloppe allouée ne peut ni être réduite au regard du recours à l’aide familiale, ni conditionnée par la production des justificatifs des dépenses effectuées.

En l’occurrence, la nécessité de la présence d’une tierce personne n’est contestée ni dans son principe ni dans son étendue mais reste discutée dans son coût. Eu égard à la nature de l’aide requise et du handicap qu’elle est destinée à compenser, des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire moyen de 18,00 €.

L’indemnité de tierce personne se chiffre comme suit’: 13 semaines x 5 heures x 18,00 € = 1.170,00 €.

Perte de gains professionnels actuels (PGPA)’: 0,00 € / 2.735,81 €

Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d’une perte effective de revenus. La durée et l’importance, généralement décroissante, de l’indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu’à la date de la consolidation.

Il convient de déduire des revenus dont la victime a été privée pendant cette indisponibilité professionnelle temporaire, le montant des indemnités journalières versées par son organisme de sécurité sociale comme celui du salaire maintenu par son employeur.

Le docteur [D] retient une période d’arrêt temporaire des activités professionnelles de quatre mois courant du 26/02 au 26/06/2017.

M. [K] invoque un bénéfice net comptable de 2.916,50 € par mois et des charges fixes mensuelles de 10.634,58 €. Il projette ces montants sur une durée de 4,58 mois censée correspondre à la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles, et en déduit une perte de gains professionnels actuels de 62.063,95 € avant imputation des 2.735,81 € d’indemnités journalières versées par le RSI.

La MATMUT objecte à juste titre que le salaire de référence servant de mesure à l’appréciation de la perte de gains professionnels s’entend nécessairement du salaire versé antérieurement à l’accident, sauf à prendre en compte la période triennale avant l’accident, lorsque la victime n’a pas la qualité de salarié ou de fonctionnaire. Aucune perte de gains professionnels actuels n’est donc caractérisée.

b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

Dépenses de santé futures (DSF)’: 0,00 € / 165,91 €

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l’installation de prothèses soit à la pose d’appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

La caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône produit des débours de 165,91 €.

Incidence professionnelle (IP)’: 20.000,00 €

Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou de l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap, de la perte des droits à retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, ou de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

En prenant appui sur les critères précités de la nomenclature, le juge doit fonder sa décision sur des éléments concrets à partir des critères expressément évoqués dans la nomenclature, sur les perspectives d’avenir professionnel et la situation de la victime. La nécessité d’une appréciation in concreto s’oppose à ce que le juge aliène sa liberté d’appréciation de chaque situation par référence à une formule de calcul fondée sur le niveau de salaire, l’état séquellaire et ‘ en cas d’utilisation de l’euro de rente ‘ le sexe et l’âge de la victime.

En l’occurrence, le docteur [D] retient une incidence professionnelle du fait d’une petite gêne à l’utilisation du membre supérieur droit en élévation. L’expert ajoute que l’état séquellaire comporte une limitation fonctionnelle et douloureuse de l’épaule droite dans le mouvement main-dos et dans les mouvements de rotation de l’épaule.

La MATMUT relativise cependant ce poste de préjudice et observe que le docteur [D] n’a évoqué qu’une petite gêne.

Artiste peintre, M. [K] expose quant à lui qu’il est droitier et que son bras, mobilisé en permanence par le geste artistique, est fréquemment positionné vers le haut. Il ajoute que sa profession l’astreint également à devoir accrocher / décrocher des tableaux et les livrer à ses clients. Il ajoute que le revenu de référence, le taux de déficit fonctionnel permanent et l’euro de rente viagère doivent servir de mesure à l’évaluation de l’incidence professionnelle et sollicite la somme de 34.444,80 €.

S’agissant du principe de l’incidence professionnelle, il peut être admis que ‘ quel que soit le niveau de bénéfice qu’il retire de la vente de ses tableaux ‘ la créativité artistique de M. [K] soit altérée par des restrictions médicalement constatées affectant l’usage du membre supérieur avec lequel M. [K], âgé de 50 ans à la consolidation, manie le pinceau.

Pour autant, sa méthode de chiffrage qu’il propose emporte d’autant moins la conviction qu’elle se fonde sur un revenu de référence postérieur à la date de l’accident. Au vu des éléments d’appréciation sus-mentionnés, ce poste sera évalué à la somme de 20.000,00 €.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)’: 1.242,81 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence ainsi que le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel pendant l’incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d’environ 810,00 € par mois de déficit fonctionnel temporaire total, soit 27,00 € par jour, sauf à proratiser en fonction du taux de déficit fonctionnel temporaire partiel, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie.

L’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire sera évaluée à la somme de 1.242,81 €, ventilée comme suit’:

– déficit fonctionnel temporaire 33 % x 121 jours x 27,00 € = 1.078,11 €

– déficit fonctionnel temporaire 10’% x 61 jours x 27,00 € = 164,70 €

Souffrances endurées (SE)’: 3.300,00 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime. Évalué à 2,5/7 par l’expert, il justifie l’octroi d’une indemnité de 3.300,00 €.

b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent (DFP)’: 9.840,00 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence personnelle, familiale et sociale.

Les séquelles conservées, le taux d’incapacité et l’âge de la victime déterminent le quantum de l’évaluation du poste déficit fonctionnel permanent.

En l’occurrence, le docteur [D] retient un taux de déficit fonctionnel permanent de 6’% pour un homme âgé de 50 ans à la consolidation. Ce poste sera évalué à la somme de 9.840,00 €.

Préjudice d’agrément (PA)’: rejet

Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir.

Le préjudice d’agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d’une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l’accident et dont elle a été privée des suites de celui-ci.

Il est constant que le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs dans les mêmes conditions. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.

L’expert n’admet de préjudice dans l’exercice des activités sportives, ce qui inclut la pratique du jogging, que jusqu’à la consolidation. La MATMUT relève à juste titre que ce préjudice est réparé au titre du déficit fonctionnel temporaire. Aucune somme ne sera donc allouée au titre du préjudice d’agrément.

* * *

Le préjudice corporel global subi par M. [K] s’établit ainsi à la somme de 39.616,33 €. Soit, après imputation des débours définitifs de la caisse primaire d’assurance-maladie, et de la somme de 2.000,00 € déjà réglée à titre provisionnel, une somme de 34.092,81 € ventilée comme suit’:

– assistance par tierce personne temporaire’: 1.170,00 €

– frais divers’: 540,00 €

– perte de gains professionnels actuels’: rejet

– incidence professionnelle’: 20.000,00 €

– déficit fonctionnel temporaire’: 1.242,81 €

– souffrances endurées’: 3.300,00 €

– déficit fonctionnel permanent’: 9.840,00 €

– préjudice d’agrément’: rejet

Sur les demandes de la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la Sécurité Sociale des Indépendants’:

Conformément aux dispositions de l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme est fondée à exercer son recours subrogatoire au titre des prestations qu’elle a servies à M. [K], et à demander paiement au garant du responsable d’une indemnité forfaitaire de gestion fixée par arrêté à la somme de 1.114,00 €.

La MATMUT sera condamnée à payer à la caisse la somme de 3.523,52 €, ventilée comme suit’:

– dépenses de santé actuelles’: 621,80 €

– perte de gains professionnels actuels’: 2.735,81 €

– dépenses de santé futures’: 165,91 €

La MATMUT sera également condamnée à lui verser la somme de 1.114,00 € au titre de l’indemnité forfaitaire précitée, laquelle se distingue de l’article 700 du code de procédure civile, tant par sa finalité que par ses modalités d’application.

Sur les demandes annexes’:

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la MATMUT sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

La MATMUT qui succombe partiellement dans ses prétentions supportera la charge des entiers dépens d’appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande d’allouer à M. [K] et à caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme agissant pour le compte de la Sécurité Sociale des Indépendants une indemnité d’un montant respectif de 2.500,00 € et de 1.000,00 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne la MATMUT à payer à M. [K] les sommes suivantes’:

– assistance par tierce personne temporaire’: 1.170,00 € (mille cent soixante dix euros)

– frais divers’: 540,00 € (cinq cent quarante euros)

– incidence professionnelle’: 20.000,00 € (vingt mille euros)

– déficit fonctionnel temporaire’: 1.242,81 € (mille deux cent quarante deux euros et quatre vingt un cents)

– souffrances endurées’: 3.300,00 € (trois mille trois cents euros)

– déficit fonctionnel permanent’: 9.840,00 € (neuf mille huit cent quarante euros).

Déboute M. [K] de ses demandes indemnitaires au titre de la perte de gains professionnels actuels et du préjudice d’agrément.

Condamne la MATMUT à payer à M. [K] la somme de 2.500,00 € (deux mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles qu’il a exposés en première instance et en cause d’appel.

Condamne la MATMUT à payer à la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme agissant pour le compte de la Sécurité Sociale des Indépendants les sommes suivantes, au titre des prestations servies à M. [K]’:

– dépenses de santé actuelles’: 621,80 € (six cent vingt et un euros et quatre vingts cents)

– perte de gains professionnels actuels’: 2.735,81 € (deux mille sept cent trente cinq euros et quatre vingt un cents)

– dépenses de santé futures’: 165,91 € (cent soixante cinq euros et quatre vingt onze cents).

Condamne la MATMUT à payer à la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme agissant pour le compte de la Sécurité Sociale des Indépendants la somme de 1.114,00 € (mille cent quatorze euros) au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion instituée par l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale.

Condamne la MATMUT à payer à la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme agissant pour le compte de la Sécurité Sociale des Indépendants la somme de 1.000,00 € (mille euros) au titre des frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel.

Condamne la MATMUT aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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